1963 à 1965

 

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Début janvier 1963:

Dans leurs rapports sur le moral pour 1962, les Commandants de Corps d'armée jugent négatives leurs capacités d'intervention (2T 98 /3). Le général de Belenet estime que le Corps d'armée d'Oran n'est apte à remplir que des opérations de portée limitée, et le général Kergaravat déplore à Constantine "la présence inutile de l'armée, qui ne peut enrayer l'exode ni s'opposer aux exactions" ; son aptitude à l'intervention est nulle dans le bled. Le rapport le plus pessimiste, et le plus lucide, est celui du général Le Masson à Alger, dont les grandes lignes sont les suivantes:

- impossibilité de remplir la mission de protection des personnes et des biens dans le cadre des directives de prudence données,

- inquiétude et sentiment de culpabilité s'agissant du sort des européens et plus encore des harkis livrés sans défense à la vengeance d'Algériens fanatiques. Beaucoup ne comprennent pas les mesures de prudence qui leur interdisent pratiquement d'aller leur porter secours, et estiment que la présence de l'armée est inutile,

- le militaire du rang partage avec ses cadres les sentiments d'indignation, voire d'écoeurement devant le sort réservé aux anciens harkis et aux européens,

- aptitude du Corps d'armée à remplir une mission dans un cadre limité, de caractère théorique:

................ - mission d'apaisement dans un espace réduit autour des axes et des cantonnements,

................ - mission de protection illusoire, l'intervention ne pouvant être faite préventivement, elle se réduit au recueil des personnes menacées" (2T 98/3).

Le Commandant supérieur s'efforce de nuancer cette sévère franchise. Dans une lettre au ministre qui lui demande confirmation de cette incapacité d'intervention, il nie le 15 octobre que les unités soient étroitement limitées dans leurs déplacements; les chefs de corps ont en effet toute initiative pour conduire leurs activités d'instruction. Mais il reconnaît que "le moral des cadres est affecté par les crimes commis contre nos ressortissants et les harkis" .. Le 21 juin 1963, il justifie l'action des forces françaises face aux problèmes de protection des musulmans menacés. Il note qu'en juillet 1962, "certaines unités ont tenté d'aller chercher les ex-supplétifs, et de les transporter". Mais il fait remarquer qu'après le "déchaînement de la population en novembre et décembre 1962, les exactions ont diminué en janvier" (IH 2402/3).

Repris sur Faivre "les combattants musulmans de la guerre d'algérie" ISBN 2-7384-3741-9

 

15 janvier 1963 :

 Création de la cour de sûreté de l'état énième juridiction d'exception, destinée spécialement aux auteurs de l'attentat du petit Clamart (qui ne fit que peur). Leur procés commence le 28.

 

18 janvier 1963:

Frey se rend en Espagne il échange la lutte anti OAS contre la lutte anti anti franquiste, synthése:

Fin juin 1962, la plupart des chefs de l'OAS, les commandos Delta, la majorité des colonels ... ont rallié les côtes espagnoles en utilisant toutes sortes d'embarcations, voire en se glissant dans les navires affrétés par le gouvernement espagnol pour évacuer d'Oran plus de 4000 de ses ressortissants. Jo Torroja raconte ainsi que le capitaine du Virgen-de-Africa et les autorités consulaires ont refusé que la police française monte à bord pour opérer un contrôle d'identité. Au débarquement, les autorités franquistes ont fermé les yeux sur les passagers en situation irrégulière.

Un mouvement massif de milliers de Pieds-Noirs liés à la péninsule par la nationalité ou l'ascendance, de réfugiés désemparés et remplis d'amertume vis-à-vis de la métropole, se produisait depuis le printemps. Fondé sur les proximités historiques et géographiques entre les deux rives, en particulier le Levant et l'Oranie, cet exode était entretenu par l'absence de restriction policière ou douanière, par l'accueil chaleureux, par les facilités d'installation, par la modestie du coût de la vie et la possibilité de faire fructifier un modeste capital. Tous les récits font état de la chaîne de solidarité humaine qui entoura les arrivants. "Les autorités alicantines ont fait merveille... Boissons, sandwiches, aide pécuniaire... Mille attentions ... Inoubliable réception qui mit du baume au coeur". A Alicante, le gouverneur civil Felipe Arche Hermosa et son secrétaire Felipe Choclan ont coordonné l'accueil avec le maire Agatengelo Soler et la Croix-Rouge, procurant des logements, des secours matériels et financiers grâce a des dons et des souscriptions. Antoine Cerdan raconte qu'un des adjoints municipaux, José Cartagena Sampere, le mena lui-même à son hôtel.

Plusieurs dizaines de milliers de réfugiés ont débarqué dans ce port, souvent en transit, d'autres sont venus s'établir après un détour dans une région plus industrialisée de la péninsule ou une tentative infructueuse en métropole. Un flux important s'est aussi dirigé vers Madrid et Saint Sébastien, un millier de personnes se répartissant enfin entre Bilbao, Séville et Palma de Majorque. Il n'en reste pas moins que le mouvement de migration vers Alicante et sa province a été exceptionnel par son ampleur et sa concentration spatiale, créant une communauté durable dont la quantification n'est pas chose aisée. Des chiffres élevés ont été avancés -15000 pour la ville d'Alicante, 30000 pour la province et 50000 pour l'Espagne - et sont devenus des références. Selon les renseignements fournis confidentiellement à la représentation diplomatique française par les services provinciaux de la Sûreté espagnole ,en 1967, 29000 personnes sont arrivées d'Algérie dans la région d'Alicante entre 1958 et fin 1965: 11 000 Espagnols, 13 000 étrangers - français à 90% soit près de 11700 - et 4900 doubles nationaux; si l'on tient compte, à la hausse, des divergences de conception en matière de nationalité, celles des jeunes nés en Algérie de parents espagnols, par exemple, français conformément à la loi de 1889 mais pas au regard des autorités franquistes et, à la baisse, du nombre de ceux qui, de nationalité espagnole, étaient de langue et de formation françaises et considérés comme tels par la colonie, le nombre de résidants Français d'Algérie dans la région alicantine peut être estimé entre 15 000 et 20 000 pour les années 1960. Les registres consulaires ne comptabilisaient que 6 000 immatriculés en 1970: il s'agit d'un repère minimal, le décalage avec la réalité, longtemps très important, commençant seulement à se réduire.

Cette colonie avait un niveau socio-économique modeste de petite classe moyenne à l'image de la société coloniale; le petit commerce a été favorisé par les banques pour combler la carence des activités tertiaires dans la péninsule. Les plus dynamiques ont trouvé dans le décollage économique de l'Espagne des années 1960 un terrain favorable à leur tempérament de pionnier: Alicante leur doit sa première discothèque, sa première teinturerie industrielle, son premier supermarché ... , en bref sa physionomie moderne. Cette "nouvelle Algérie en terre d'Espagne" - dont la sociabilité se cristallisa autour de la Nouvelle école française créée dès la rentrée 1962, du journal Le Courrier du soleil publié de décembre 1965 à mars 1967, de la messe célébrée à l'église des Augustines par un prêtre pied-noir d'expression espagnole ... - a toujours éprouvé une vive reconnaissance envers les autorités, notamment municipales. Celle-ci s'est exprimée ouvertement lorsque, le 23 décembre 1970, une délégation française comprenant plusieurs responsables d'associations prit la tête d'un défilé pro franquiste, munie de drapeaux et de banderoles proclamant "les Français d'Espagne avec Franco"; cet épisode révèle également les liens étroits entretenus par certains d'entre eux avec les responsables régionaux du Movimiento.

De même le réseau de soutien phalangiste s'était-il à nouveau mobilisé pour d'anciens combattants de l'OAS réfugiés dans la péninsule, mais seuls des témoignages épars l'attestent de manière allusive. Marcel Ronda vécut les six mois suivant son arrivée avec les papiers d'un phalangiste. Jean Claude Pérez bénéficia du soutien de Narciso Perales - dont il dissimule le nom sous un pseudonyme transparent dans ses souvenirs Debout dans ma mémoire. L'historien Stanley Payne signale que Perales était l'animateur de la mouvance phalangiste révolutionnaire, à l'origine de plusieurs groupuscules semi-clandestins d'opposition. Le colonel Gardes était en revanche lié à José Solis, ministre du parti unique, ainsi qu'à plusieurs militaires de haut rang connus au Maroc, et il fut chargé lors d'une réunion de coordination à Barcelone du contact avec les autorités franquistes. Les exilés de l'OAS formaient en effet un "milieu marqué par la politique" et divisé en factions rivales, bien que le général Gardy eût été nommé vice-président du CNR en novembre 1962 pour représenter "les Espagnols". La présence de ce dernier, du colonel Dufour et de Jean Claude Pérez à Saint-Sébastien lui donnait une "allure de capitale de l'OAS-Algérie-Sahara en exil", pour reprendre la formule de Jean Curutchet. Le colonel Broizat vivait à Madrid, Joseph Ortiz, le docteur Kovacs, Jacques Achard et Jean-René Souètre à Palma de Majorque, Athanase Georgeopoulos, Robert Tabarot, Michel de la Bigne et Camille Vignau dans la région d'Alicante ... Pour occuper leurs troupes, des centres d'entraînement furent créés à Arenys-de-Mar et Reus en Catalogne, à Saint-Sébastien et à Alicante. Puis on installa des écoles conjuguant formation politique, entraînement physique et préparation militaire - sur le modèle des organisations d'exilés cubains - à Villfogona de Riucop, près de Tarragone, et à San Vicente près d'Alicante. A Salou, dans les environs de Tarragone, Nicolas Géli créa une entreprise de travaux publics pour faire vivre d'anciens membres de l'OAS et maintenir leur esprit combatif, ce qui n'est pas sans évoquer les firmes qui regroupaient d'anciens guérilleros communistes et constituaient l'ossature de l'organisation paramilitaire du PCE dans le sud ouest de l'hexagone après 1945. Mais ce militantisme direct s'est assez vite assoupi, faute de moyens d'action et de perspectives politiques.

La collaboration policière franco espagnole y contribua. Chargé du dossier espagnol aux Renseignements généraux, le commissaire principal Michel Baroin l'amorça dès l'été 1962 en établissant le contact entre son directeur Jules Plettner et le colonel Blanco. Soucieuses de neutraliser les activistes, les autorités franquistes acceptèrent en octobre de refouler les unités combattantes de Saint-Sébastien vers Alicante, puis leur proposèrent de s'engager dans la Légion. Par des contrôles policiers, des tracasseries administratives, elles instaurèrent un climat d'insécurité, mais exigèrent des contreparties pour agir plus directement. Sans doute des assurances en ce sens furent-elles obtenues par le colonel Blanco lorsque, à Noël, il vint à Paris rencontrer le ministre de l'Intérieur Roger Frey puisque le pouvoir franquiste fit l'ouverture politique décisive le 18 janvier 1963.

Accompagné des directeurs techniques compétents, Roger Frey se rendit en Espagne dès la fin du mois: le 29, il signa avec son homologue Camilo Alonso Vega un accord lui garantissant une contribution active à "la répression des complots activistes"; de nouvelles mesures de réciprocité furent prises à l'encontre de l'anti franquisme communiste et anarchiste réfugié dans l'hexagone ... Des expulsions furent décidées - Jean Claude Pérez immédiatement, mais il revint trois mois après vivre semi clandestinement en Espagne, Jean Gardes en mars - des assignations demandées. Il est vrai que ces "meneurs irréductibles" constituaient une charge encombrante pour le régime espagnol qui, avec la venue d'un ministre "politique", obtint de la France gaullienne une indéniable satisfaction d'ordre international. Une fois isolés les éléments les plus dangereux, celle-ci souhaitait aussi réintégrer dans la communauté nationale les militants de base de l'OAS sous le coup d'une procédure judiciaire. Les difficultés consécutives à l'exode avaient en effet détourné la grande majorité d'une lutte politique qui avait par ailleurs perdu son sens avec l'indépendance de l'Algérie. En situation irrégulière, ils ne pouvaient obtenir un emploi et vivaient dans le dénuement.

Aussi l'opération Réconciliation engagée en août 1963 fut-elle synonymes de régularisation civile et judiciaire. A son terme, deux ans plus tard, elle avait concerné 250 personnes, dont plusieurs criminels de sang, qui furent dotées d'attestations destinées aux autorités franquistes ainsi que de passeports valables en Espagne et hors d'Europe, et purent ainsi s'insérer. Ce succès provoqua la désagrégation des commandos et la colère des plus durs, comme Jean-Claude Pérez qui dénonce un "travail de désunion au sein des réfugiés de l'OAS en Espagne". La loi d'amnistie du 24 juillet 1968 constitua l'aboutissement de la stratégie française qui a tendu à faire rentrer dans le giron national, par le rapatriement ou la légalisation de l'expatriation, une population en désarroi afin d'éviter toute dérive activiste. Synonyme de régularisation collective, elle a été le prélude à de nombreux retours, parfois différés de quelques années en raison d'une implantation professionnelle réussie. D'autres, comme André Achiary, Josué Giner, dit Jésus de Bab-el-Oued, et Pierre Vignau, se sont définitivement fixés en Espagne.

Anne Dulphy L'algérie française et l'Espagne franquiste in l'Algérianiste, numéro 121 mars 2008.

 

  24 Janvier 1.963 : 

Ben bella raconte les harkis, dans une interviouwe, voici la déclaration de M. Ben Bella au correspondant d'Europe N° 1, le 24 janvier 1963 :

 "Le problème des harkis ne saurait être résolu par leur envoi en métropole, chacun d'entre eux ayant au moins cinq ou six personnes à charge. Ils iraient grossir en France le lot des travailleurs algériens, aggravant les difficultés de ceux-ci. De toute façon, ils restent des citoyens algériens malgré eux, malgré ce qu'ils ont pu faire ces dernières années. Je reconnais que les harkis qui se trouvent dans leur douar d'origine sont en butte à ceux qu'ils ont combattu et doivent être protégés. C'est pourquoi certains ont été mis dans des camps. Ce qu'il faut, c'est absolument éviter que les DÉPASSEMENTS qui ont pu se PRODUIRE se perpétuent... "

 Tout le monde est d'accord, sauf les harkis.

 

29 Janvier 1963 :

 Un charnier d'une trentaine de cadavres, européens enlevés, est découvert à Ben Amri, près de Maison Blanche.

Pas une seule média ne relève le fait.

 

30 Janvier 1963:

Signature entre Amar Ouzzegane et J. de Broglie, ministre français en charge de l'algérie, un accord réglant le sort des propriétés françaises.

"Nous voudrions, déclare le ministre algérien. de l'Agriculture - sans aucune démagogie - que les colons français qui sont restés en Algérie y demeurent jusqu'à l'expiration de la réforme agraire et même après, parce que nous voudrions disposer de leurs qualités techniques d'organisation et profiter de leur riche expérience ... Certains d'entre eux ont parfois mieux assimilé la révolution algérienne que certains grands propriétaires fonciers arabes."

Au début de mars, le nouvel ambassadeur Georges Gorse croit pouvoir dire aux Français: "Ce que vous avez fait sur cette terre n'est pas perdu."

 

2 février 1963:

Le colonel Jean Bastien Thirry, au début de son interrogatoire lors de son procés lit une déclaration qui constitue la justification de son action. On peut la lire ICI http://www.bastien-thiry.com/

Le cercle créé par sa femme, depuis animé par ses filles, diffuse aussi un émouvant enregistrement pirate de cette déclaration.

Outre maître Tixier Vignancourt, chargé de présenter l'action de De gaulle en algérie comme justificatif de la révolte des membres du commando, et maître Le Coroller chargé de demontrer que la cour de circonstance était illégale, chaque accusé (9 présents) a "droit" à un avocat. Dans une demarche curieuse (pour avoir accès au dossier?), les francs maçons ont demandé que les deux grandes obédiences aient un representant. Il s'agira de maître Engrand pour le grand orient et de maître Dupuy pour la grande loge.

 

8 Février 1963 :

 L'ambassade de france, renseignée par ce qui reste de troupes françaises en algérie, remet aux membres de la mission de la croix rouge internationale une liste de 25 camps de concentration où se trouvent des harkis, et une liste nominative des harkis qui s'y trouvent.

 Ceci ne servira à peu près à rien, seuls quelques centaines seront libérés.

 Le comité des affaires algériennes du 8 février "prend les mesures nécessaires pour que les fonctionnaires en poste en algérie soient payés régulièrement à partir du premier Mars ".

En bon français le gouvernement prend en charge ces traitements, devant l'incapacité (ou la mauvais volonté) du gouvernement algérien de les assurer.

 

15 février 1963:

La police annonce un nouveau triomphe, un complot destiné à assassiner De gaulle au fusil à lunette lors d'une visite à l'école militaire est déjoué. Si cette tentative a bien été montée par Wattin ("la boiteuse") un des rares activistes encore actif, elle a été dénoncée dès l'origine par un des comploteurs, et n'a jamais eu la moindre chance d'aboutir. Elle servira néammoins à "justifier" la mise à mort de Bastien Thiry, l'enlevement d'Argoud, l'acharnement contre Bidault et Soustelle.

Le commandant Robert Casati meurt dans la prison de fresnes, faute de soins. Des années plus tard un "dédommagement" sera accordé à son épouse.

 

22 Février 1963 :

 A Orleansville, une mère dont les deux fils avaient été enlevés, vivait jour après jour depuis plus de trois mois le calvaire des parents qui voient s'amoindrir chaque minute l'espoir de retrouver leurs enfants mais attendent un miracle et pensent que partir serait tuer une seconde fois les victimes en acceptant d'entériner leur mort. Elle apprit que des délégués de la Croix Rouge chargés d'enquêter sur les enlèvements venaient d'arriver à Orleansville. Elle se rendit à leur bureau.

On lui répondit que les délégués étaient à la piscine. Elle y courut. On lui répondit: " Mais tournez la page, madame. Ils sont tous morts! " Et comme la malheureuse mère se refusait à "tourner la page", selon l'odieuse expression des baigneurs, comme elle osait insister, questionner, les délégués lui dirent qu'ils ne tenaient pas à être enlevés à leur tour au cours d'éventuelles enquêtes dans les "djebels". Ils accomplissaient un voyage d'agrément sur les terres de soleil endeuillées.

 

23 février 1963:

Le 21 février 1963, une réunion a lieu à l'Ambassade de France à Alger concernant les disparus.

Le 2éme bureau de l'Etat -Major interarmées y assiste. Cela n'est pas nouveau: depuis l'indépendance de l'Algérie, l'Ambassadeur réunit régulièrement ses collaborateurs pour saisir l'évolution des enlèvements et disparitions des Européens!.

Cependant, pour la première fois, on a un chiffrage officiel des " Disparus ". D'après l'ensemble des renseignements possédés par l'Ambassade, "il y aurait en tout 1 850 Européens disparus" imputables au FLN" entre le 19 mars 1962 et le 31 décembre 1962 dont:

- 823 disparitions entre le 19 mars et le 1 juillet 1962

- 975 disparitions entre le 1 juillet et le 31 décembre 1962 "

L'Ambassade reconnaît donc qu'il y a eu davantage d'enlèvements et de disparitions sous l'Algérie indépendante que pendant la période dite de l'Exécutif provisoire. Au cours de cette réunion, il est également décidé que la Croix-Rouge, qui vient d'obtenir l'autorisation du gouvernement algérien pour mener des recherches sur les disparus européens, "porterait ses efforts sur les disparus d'après l'indépendance espérant retrouver la trace d'environ 200 d'entre eux". Cependant, deux décisions, en apparence contradictoires, vont être prises. D'un côté, les services de l'Ambassade s'engagent à établir un suivi chiffré des disparus mois par mois mais d'un autre côté, l'idée maîtresse de l'Ambassade est "de faire disparaître le mythe des survivants" auprès des personnes qui recherchent leurs proches et auprès des associations de rapatriés qui ne cessent d'interpeller le pouvoir politique.

"Faire disparaître le mythe des survivants" n'empêche toutefois pas l'Ambassade de tenir un décompte extrêmement précis des exactions commises contre les personnes civiles européennes et cela tous les deux mois de février 1963 à janvier 1964.

Jean-Jacques Jordi "Un silence d'état" ISBN 978-2-9163-8556-3

On trouvera ces chiffres ICI

 

 

 25 février 1963 :

 Les services spéciaux français enlèvent le colonel Argoud à Munich et le livrent à la préfecture de police de Paris, non sans l'avoir menacé de mort et de torture en cours de route. La bonne presse (le monde, l'huma...) raconte qu'il s'agit là du résultat de dissentions au sein de l'OAS entre facistes et royalistes.

Citons la déclaration de Georges Bidault: J'ai la conviction que le Colonel Argoud a eu la vie sauve au fait que toutes les rivières étaient gelées et qu'on ne pouvait pas, à la sauvette, faire un trou dans la glace au bord de la route. "Autrement dit, cet enlèvement aurait fort bien pu se muer en assassinat comme ce fût le cas pour tant d'autres. En décembre 1963, la -Cour de Sûreté de l'Etat", aussi servile que dévouée, condamna le Colonel Argoud à la détention criminelle à perpétuité. Il resta 7 ans en prison et n'en sortit que grâce à la "grande peur" de mai 1968 qui engendra l'amnistie .

 

 

4 mars 1963:

Au procés dit du "petit clamart" l'avocat général a demandé 9 peines de mort pour les neuf accusés, y compris ceux qui faisaient le guet dans un attentat qui n'a tué personne. Malgré d'exceptionnelles plaidoiries et l'étalage du desastre de ce que fut la politique gaulliste en algérie, la cour condamne 3 des accusés, Bastien Thiry, Bougrenet de la Tocnaye et Prévost à mort. Le Monde et toutes les grandes consciences s'en rejouissent publiquement. La cour en question "cour militaire de justice" avait été déclarée illégale par le conseil d'état le 19 0ctobre 1962, en particulier parce que son reglement ne prevoyait aucune possibilité de recours. De gaulle a fait voter une loi spéciale le 20 février 1963, prévoyant qu'elle "sera provisoirement maintenue en fonction pour le jugement de toute affaire faisant l'objet de débats en cours(...)" Le sénat n'avait pas accepté de voter la loi, l'assemblée l'a fait, De gaulle, le premier ministre Pompidou, le garde des sceaux Jean Foyer, Frey, Messmer, Giscard la signent.

Il s'assoit ainsi sur le conseil d'état.

 

 11 Mars 1963 :

 Jean-Marie Bastien-Thiry, colonel des fabrications d'armement, polytechnicien, qui a revendiqué son rôle de chef du commando du petit Clamart (lequel a loupé De gaulle et n'a tué personne) est passé par les armes. Service rapide.

Il n'a pas déposé de demande de grâce, son père l'a fait, De gaulle l'a rejetée et l'a fait exécuter, il est vrai qu'il a eu peur et que quelques débris de verre lui ont écorché la peau.

Les anti peine de mort et les grandes consciences de l'époque en particulier Sartre, Malraux, Mauriac, Michelet, ainsi que les futurs leaders de cette grande cause, tel Badinter, approuvent la mort pour l'iconoclaste qui n'a tué personne. Ils auraient pourtant pu souligner que pour cette execution, De gaulle a été obligé de faire une loi speciale prolongeant la durée de vie de la cour militaire de justice que le conseil d'état avait declaré illégale, cette juriduction n'ayant pas de voie de recours.

Le soir de l'exécution, De gaulle la fête en banquetant à l'Elysée avec les membres des différents tribunaux militaires qu'il a monté dans ce but.

Chaque année une cérémonie se tient en sa mémoire au cimetière des condamnés à mort. Hors programme officiel, pour l'année de l'algérie 2003, outre la cérémonie habituelle une pièce de théâtre a été jouée. L'association qui maintient son souvenir diffuse l'émouvante plaidoirie qu'il prononça lui-même lors de son procès et qui commence par "il n'y a pas de vent de l'histoire, il n'y a pas de grand vent de l'histoire, il n'y a que la volonté des hommes."

 

 19 Mars 1963 :

Bombe atomique dans le Sahara, les ricains l'annoncent au monde ébahi, le peuple algérien n'en saura rien pendant plus de trente ans. Mais Ben Bella en profite popur tester les resistances françaises, il nationalise les salles de cinéma et les coiffeurs.

La france bouge pas, il peut continuer.

 

20 mars 1963:

Au Caire, le colonel Boumediene, après avoir rappelé à la presse que les signataires des accords d'Evian: Belkacem Krim, Ben Tobbal, Saad Dahlab, M'Hamed Yazid, Boula-Hrouf, Ben Yaya, Reda Malek, le docteur Mostefaï, le colonel Ben Aouda Ben Mostephaï, sont chassés du pouvoir par la révolution socialiste, dans une péroraison qui a le mérite de la franchise: "Qu'a fait la France quand elle a été victorieuse? Elle a fait payer les vaincus, occupé leur territoire. Pourquoi la France serait-elle surprise? Elle a perdu la guerre, il est normal qu'elle paie. C'est la loi imposée aux vaincus."

 

29 Mars 1.963 :

Première vague de nationalisation, Ben Bella annonce 500.000 hectares nationalisés, les pieds noirs sont toujours là mais dit-il "il y a insuffisance d'exploitation ". Avec le million d'hectare declaré "biens vacants" en Octobre 62, cela fait 1,5 millions d'hectares nationalisés et confiés à l'autogestion.

Parmi les domaines nationalisés celui de Averseng, dans la Mitidja, dont le propriétaire a eu deux heures pour faire ses valises, qui employait 700 ouvriers ce jour de nationalisation, et qui recevra ensuite, dès juin, des délégations étrangères conviées à admirer la ferme modèle algérienne.

Dans la foulée sont nationalisés les "entreprises à caractére industriel, commercial, artisanal et minier , toutes les exploitations agricoles et sylvicoles, tous les locaux, immeubles ou portion d'immeubles qui, à la date du 22 mars 1963 ont fait l'objet d'une constatation de vacance".

Un proprietaire d'appartement ne pouvant habiter plusieurs d'entre eux se voit réduit à son habitation pincipale. Un industriel parti passer des vacances avec sa famille en métropole apprend à son retour qu'il a été declaré "bien vacant" etc... On se reporterra à mon excellent livre "pieds noirs en algérie après l'indpendance", à l'Harmattan. pour plus d'anecdotes des survivants. Bien entendu pour l'indemnisation, on attend toujours

 

 30 Mars 1963 :

Henri Borgeaud, ex sénateur français, propriétaire du domaine de "La trappe" près d'Alger, symbole pour les communistes et leurs amis du gros colon, est expulsé d'algérie et son domaine nationalisé. Aucune réaction coté français, farouche défenseurs des déclarations d'intention d'évian, qui interdisent sans indemnisation préalable une telle action, sinon une sourde approbation. Il a encore eu de la chance car le reste des colons, gros ou petits seront à leur tour expulsés et nationalisés en octobre alors qu'ils auront, eux, engagés les frais de campagne de l'année, ce que n'a pas eu le temps de faire Borgeaud. Borgeaud reste persuadé qu'un article de jean Cau dans l'Express, où il soulignait que si les petits colons étaient partis, les gros étaient resté a precipité les choses. 

 

5 Avril 1963 :

Le comité des affaires algériennes de ce jour avertit (secrètement) le gouvernement algérien que "toute nouvelle spoliation de propriété française aura ses répercussions sur le montant de l'aide économique de la france". Dans l'immédiat, l'aide est bloquée pour un montant égal aux montants des frais culturaux engagés par les ressortissants français en algérie, et que le gouvernement algérien s'était engagé à rembourser, un engagement de plus non tenu.

 A son tour Bidault ancien président du Comité National de la Résistance pendant la guerre, où il a succédé à Jean Moulin, ancien chef d'état, ancien premier ministre, ministre des affaires étrangères d'innombrables fois, qui a créé pour défendre l'algérie française un nouveau CNR, est expulsé d'Allemagne (où il avait essayé en vain de faire jouer l'amitié qui le liait à Adenauer) vers le Brésil. Il ne reviendra en France qu'après l'amnistie de 68, il ne verra jamais ce qu'il annonçait comme imminent :"nous verrons bientôt De gaulle jugé pour haute trahison."

 

11 Avril 1963:

Le ministre des affaires étrangéres, Mohamed Khemisti est assassiné, par un "fou" retrouvé pendu dans sa cellule fin 66. Le jeune et fringant Bouteflika est promu à ce poste.

 

17 Avril 1963: 

 Khider qui était responsable du parti unique (le FLN) en profond desacord avec Ben Bella, en particulier à cause du desastre que constitue l'autogestion, démissionne et se réfugie en suisse. Ben Bella ajoute son job (secrétaire général du F.L.N.) à tous ceux qu'il a déjà. (chef de l'état, premier ministre, ministre de l'intérieur, ministre des finances).

 

18 Avril 1963 :

Sous Lieutenant de parachutiste, membre de l'O.A.S. métropole, poéte, écrivain, Jean de Brem est cerné dans un appartement où il se réfugiait. Sur renseignement, la police entoure jean de Brem et Serge Bernier, dans la rue de l'Estrapade, au petit matin. Jean de Brem essaye de se sauver, la police le couche d'une balle dans la jambe puis l'égorge. Des passants attirés par le coup de feu sauvent la vie de Bernier, au moment où il allait subir le même sort.

Les journaux annoncent: "Un voleur de voiture tué par les policiers qu'il menaçait. Son complice est arrêté."

Sartre approuve ainsi que toutes les grandes consciences morales de france.

 

21 Avril 1963:

Pierre Lafrfont, ancien député, ancien directeur de l'écho d'oran, raconte ses desillusions: (extrait de son livre, "l'expiation")

C'est l'époque des grands meetings où le frère Ben Bella, pendant des heures, essaie d'imiter son modèle. Fidel Castro.

L'enthousiasme est la panacée: avec lui, tout est possible.

Prenons un exemple, la replantation: le président algérien décide un jour que son pays pâtit du déboisement et qu'il convient d'y porter remède. C'est un excellent exemple de ce qu'une idée, bonne au départ, peut déboucher sur un résultat ridicule quand l'incompétence se conjugue avec la précipitation. Au temps des Romains, on pouvait aller des Colonnes d'Hercule à Carthage sans sortir de la forêt. Aujourd'hui, la terre pelée souffre d'une érosion grandissante. La disparition de la forêt est probablement due, avant tout, à des modifications climatiques. Mais aussi à la présence de l'homme qui a besoin de bois pour chauffer ses aliments et, plus encore, à celle de la chèvre qui arrache les jeunes plants au lieu de couper les branches. Depuis quelques années la France avait entrepris, par la D.R.S. (Défense et restauration des sols), une œuvre admirable mais limitée par les moyens mis à la disposition du service. On découpait les montagnes arides en courbes de niveau parallèles et, sur ces banquettes, on plantait les arbres adaptés à l'exposition et à la nature du sol. Les effets de cette entreprise commençaient à se faire sentir.

A Oran (21 avril 1963) Ben Bella déclare: "Le gouvernement français avait mis autrefois sur pied un programme de reboisement destiné à endiguer ce fléau (érosion) et qui s'étendait sur une période de vingt ans. "Aujourd'hui, avec l'union du peuple, de l'armée, des organisations nationales, nous devons prouver au monde que nous sommes capables de le réaliser en deux ou trois ans." Et de convier, dans toutes les communes du pays. les habitants à une "Journée de l'Arbre". Chacun est tenu de planter au moins un arbuste. Dans l'allégresse, les villes et villages se rendent au lieu désigné et plantent au jour fixé par Alger. Inutile de dire que ces arbres plantés sans tenir compte de l'époque de l'année, des conditions locales, et privés de soins, ne survécurent qu'à de très rares occasions. Aujourd'hui, la seule ombre produite est celle des bâtons auxquels ils étaient attachés. Six mois plus tard, on ne parle plus des arbres .

 

o.o LA PROHIBITION .oo

Vint aussi la période de la prohibition ... Depuis l'Indépendance, la consommation de l'alcool avait fortement augmenté, et le gouvernement, sous l'influence du ministre des Habous (biens du culte musulman), prend la décision islamique et sage d'interdire la consommation de l'alcool. Les Musulmans ne sont pas contents et disent que du temps des Français ils étaient libres de faire ce qu'ils voulaient. Car on assiste à ce spectacle amusant que, pour avoir droit à l'anisette sacrée, certains doivent montrer ... leur carte d'identité.

Il y eut aussi l'opération "cireurs". On décide que cette trace honteuse du colonialisme doit disparaître: l'homme doit cesser d'être à genoux devant l'homme. Un matin, la police rassemble tous les cireurs pour les envoyer à l'école. Mais le cireur n'est pas seulement le produit du colonialisme, il est aussi celui de la misère. Et celle-ci a-t-elle disparu parce qu'on supprime les petits métiers?

 

ooo ET LE VOILE

J'ai dit combien les femmes attendaient que la Révolution leur apportât une libération que la France n'avait pas voulu tenter. Pendant l'été 1962 on vit, en effet, un grand nombre de jeunes filles et de femmes circuler sans voile. Puis, commencent les premiers incidents: les femmes dévoilées sont injuriées par les hommes et poursuivies. Des articles demandent le retour aux traditions. La vieille jalousie de l'Oriental ne s'est pas laissé surprendre. Mais les femmes sont tenaces et, en 1967, elles tentent de sortir, dévoilées ... dans les grandes villes. Pour avoir participé à une émission de la Télévision française, trois jeunes femmes algériennes, qui protestaient contre le sort tragique réservé à la femme par Boumediene, ont été emprisonnées et privées de leur emploi!

 

L'ORIENT S'INSTALLE

Les services publics se réorganisent lentement, mais, bien souvent, la bonne volonté ne peut suffire à remplacer la compétence. La physionomie des villes se transforme peu à peu. Les magasins élégants, spécialement les magasins d'articles féminins, ferment: il n'y a plus de clientes. Ils sont remplacés par des produits orientaux, des marchands de beignets, des palissades. Les métiers traditionnels font leur réapparition au coin des rues: marchands de pastèques, de "calentica" de fruits installés sans ordre, à la fantaisie du propriétaire du "fonds". Les grands immeubles modernes sont à peu près vides: peu à peu de pauvres hères s'y installent, y apportant leur mode de vie primitive. Comme les factures sont impayées il n'y a plus ni gaz ni électricité. On installe des "kanouns" ou fourneaux à charbon de bois. Par jeu, les enfants montent dans les ascenseurs qui, bientôt, refusent de fonctionner.

Après la disparition de Ben Bella, on lira dans le journal la République, qui a pris la place du nôtre, des descriptions dantesques de ces immeubles où les commodités se trouvent sur les paliers. L'ordre revenant, on essaie de faire payer ces nouveaux locataires. Comment le pourraient-ils? Ils n'ont rien. Alors on les expulse et on clôt les portes des cités. Ainsi, en plein centre des villes, de grands ensembles vides montent-ils, la nuit, la garde, immenses silhouettes que n'éclaire plus aucune lumière.

Le peuple ne comprend plus. On lui avait dit que les Français partis, qui prélevaient toute la substance de leur pays, ils vivraient comme eux. Ils ont pris les voitures, les appartements. C'était facile. Mais les Français, en partant, ont emporté le premier des biens, le travail.

 

ULTIME INTERVIEW

Je suis très curieux de rencontrer celui qui dirige le pays où je vis. Soyer, dont j'ai parlé, a ses entrées chez Ben Bella. Il demande pour moi un entretien.

Nous dînons à l'hôtel Saint-Georges à Alger, le soir même de notre arrivée, lorsqu'on vient nous prévenir que Ben Bella se trouve dans un des salons de l'hôtel. Très intrigué qu'un chef de gouvernement se déplace pour me voir (peut-être était-ce dans une intention de discrétion), je me rends aussitôt près de lui. Assis sur un canapé louis-philippard, le chef de l'Algérie nouvelle se lève pour m'accueillir. Il ne porte pas encore le treillis verdâtre, type Castro, qu'il adoptera plus tard, mais un petit costume gris de confection et une chemise blanche sans cravate. De taille moyenne, un peu gras, l'homme a ce charme oriental si apprécié de certaines femmes. De beaux yeux de velours noir éclairent une figure où le poil sombre affleure sous la peau fine. Il a l'air très las. Parlant lentement, mais dans un français correct, Ben Bella répond pendant une heure à toutes mes questions sans chercher à les esquiver.

"Si les Français étaient restés 800 000, c'était un problème politique. Ils ne sont plus aujourd'hui que 150 000, et c'est une chance que notre pays ne laissera pas échapper. Je sais que nous avons besoin de cadres. Les Français qui sont restés ont fait la preuve qu'ils étaient des Algériens et des Algériens courageux. Ils connaissent les problèmes locaux, ils seront pour nous le levain de la pâte."

Sur la réforme agraire il est encore plus net: "La réforme agraire ne peut être différée. Mais les terres abandonnées par ceux qui sont partis représentent plus d'un million d'hectares. C'est plus que suffisant pour nous permettre de la faire. Il y aura donc deux secteurs: l'un public, l'autre privé, et ce dernier nous permettra de contrôler le rendement du premier."

Le bruit court qu'on va procéder à l'arrachage obligatoire de la vigne. Il me répond: "La vigne est une culture riche qui emploie quatre fois plus d'hommes que le blé. Or, c'est de travail que nous avons le plus besoin."

L'homme manque de structures intellectuelles de base mais il y supplée par un grand bon sens. Il a certainement beaucoup lu pendant son incarcération. Je retire de cet entretien l'impression qu'il sait que les problèmes économiques priment les politiques et qu'il en fera une règle de son action.

A-t-il, en me recevant (l'exemple venant de plus haut), tenu un langage adapté à son interlocuteur, c'est probable. Je crois encore, malgré tout, qu'il n'était pas totalement insincère.

S'il fit, par la suite, et très exactement, le contraire de ce qu'il m'avait dit, il y a à cela des raisons de circonstances, mais bien plus encore d'influence.

 

L'AUTOGESTION

Les problèmes économiques demandent des solutions urgentes. La plupart des usines sont arrêtées, les trois quarts des domaines agricoles n'ont plus de gérants. Malgré la disparition d'une partie de la demande, les prix ne cessent de monter, l'offre étant de plus en plus rare. Le nouveau chef de l'Etat algérien se penche d'abord sur le problème agricole. Il lance, dans tout le pays, une vaste campagne des labours et promet une réforme agraire progressive.

Les premiers comités de gestion voient le jour. Leur rendement est en fonction de leur chef, mais les fonds manquent partout. Les fellahs sont déçus: pour eux, la révolution c'était le partage des terres. Demeurer employés par un comité ne les satisfait nullement, d'autant plus que les salaires, déjà diminués, sont irrégulièrement payés. Le travail s'en ressent. Un ancien ouvrier agricole qui me demandait de lui trouver du travail en France me dit: "Quand il y avait le patron, je touchais 1 050 francs par jour. Aujourd'hui, j'en ai 350. Alors, tu comprends, j'en fais pour 200."

On reconnaissait à l'agriculture algérienne un haut degré d'industrialisation. Elle avait besoin de spécialistes et de techniciens. Les spécialistes sont partis. Le matériel, mal entretenu, se détériore rapidement. Aucune statistique n'étant plus publiée, il est difficile de savoir où en est aujourd'hui la production. D'après le rapport du Groupe Algérie du patronat français:

" Sur 350 000 hectares de vignes, 200000 environ ont plus de vingt-cinq ans, car rien, évidemment, n'a été remplacé depuis 1960.

" 50 000 hectares de vignes jeunes sont tellement mal traitées qu'elles ne produisent pas et sont en cours d'arrachage. II reste environ 100000 hectares de vignes en production, ce qui laisse mal augurer des prochaines récoltes d'Algérie. D'ailleurs, la récolte a été de 5 millions cette année contre 13 à 17 millions d'hectolitres avant l'Indépendance. En 1 966, le trafic général de l'Algérie par le port de Marseille est redevenu ce qu'il était en 1913 (le Monde, 3 février 1967).

"L'arrachage va donc amener de nouvelles cultures beaucoup plus simples, telles que la betterave et d'autres produits. Quand on pense qu'un hectare de vigne représente quelque 90 jours de travail par an, contre quinze jours environ pour les cultures de remplacement, on se fait une rapide idée de la perte de salaires agricoles qui va en résulter (près de onze milliards).

"La situation est aussi grave dans les agrumes où pour 39000 hectares en plein rapport avant 1962, la moitié ont déjà plus de quinze ans, et il n'existe aucune pépinière dans toute l'Algérie. La production baisse sans cesse, elle est déjà au tiers de celle de 1961, alors que celle du Maroc, à l'inverse, ne cesse de progresser."

Les problèmes de la commercialisation sont encore plus difficiles à résoudre et augmentent le déficit. Le 12 novembre 1966, Boumediene déclarera à Berrouaghia (dépêche A.F.P.): "Le manque d'organisation et la mauvaise gestion ont fait que notre pays - qui était hier au rang des pays exportateurs - s'est trouvé dans l'obligation d'importer du blé de l'étranger."

Pour fonctionner, le socialisme doit s'appuyer soit sur un sens civique exceptionnel, soit sur un régime policier intraitable. Les peuples méditerranéens, par essence in individualistes, ne sont pas prédisposés à admettre sans une longue préparation la primauté de l'intérêt de l'Etat sur celui des particuliers.

Reste le régime policier. Mais ce n'est pas le cas. Ou, tout au moins, le régime policier qui petit à petit s'installe est uniquement politique et se soucie fort peu de productivité.

 

MÉDECINS BULGARES

Revenons en 1962. Un effort louable de remise en ordre est alors tenté: c'est la période des grands discours de Ben Bella, la période des grands enthousiasmes.

L'Algérie libérée du joug colonial va connaître un effort sans précédent. Les pays de l'Est et les pays frères (arabes) vont remplacer la France, et leur aide matérielle et technique sera, elle, complètement gratuite!

On voit, en effet, arriver des instituteurs égyptiens, des médecins bulgares et koweitiens! On s'aperçoit alors que la langue est un obstacle imprévu. Pour les Egyptiens, ce n'est qu'une difficulté, l'arabe qu'ils parlent n'étant pas identique à celui d'Algérie. Mais comment expliquer à un médecin bulgare la maladie dont on souffre?

D'après les déclarations du ministre de la Santé, il y avait en Algérie, avant l'Indépendance, 2 600 médecins civils et 650 médecins militaires. Pour soigner 12 milllions d'habitants, il en reste 200: un médecin pour 60 000 habitants.

La France n'a pas à en être fière, c'est la preuve du nombre ridicule de médecins musulmans que nous avions formés.

Aussi l'arrivée des médecins des pays de l'Est est-elle accueillie avec joie. A Oran, avant l'Indépendance, vivait un gynécologue détesté pour ses opinions politiques (communiste) et unanimement apprécié pour ses qualités professionnelles et humaines: le docteur Larribère. Contraint par l'O.A.S. de quitter Oran, sa clinique incendiée, il revient après l'Indépendance et est nommé médecin-chef de l'hôpital. Comme ses fonctions le lui imposent, il assiste à quelques opérations faites par des chirurgiens bulgares. Horrifié, il fait un rapport au ministre de la Santé publique. Par retour, il reçoit... sa révocation et repart pour la France. Il y a quelques mois, un articulet de France-Soir apprenait à ses lecteurs indifférents qu'un petit docteur (sic) s'était tué en nettoyant les vitres de son appartement de la banlieue parisienne: c'était ce docteur Larribère. A Oran, sa mort eût été un événement, à Paris, c'est à peine un fait divers.

 

L'ENSEIGNEMENT ET SES PROBLÈMES

Un des plus importants efforts de l'Algérie nouvelle et l'un des plus honorables est consacré à l'enseignement. Les déclarations se succèdent annonçant qu'en peu de temps tous les enfants seront scolarisés. Mais, là comme ailleurs, les difficultés de la tâche sont accrues par les conditions mêmes de l'Indépendance.

Les instituteurs et les professeurs français sont en partie remplacés par des coopérants. Ceux-ci, convaincus par la mystique d'extrême gauche et sur les instructions formelles du "Parti", viennent faire œuvre humaine ... et politique, les hauts salaires n'étant qu'un des éléments secondaires de leur décision.

Très vite, ils doivent se rendre à l'évidence: l'Algérie est ravie de les voir arriver, mais elle entend limiter leur action à leurs fonctions professionnelles. L'Algérie n'a pas besoin de leurs conseils qu'ils soient politiques ou même éducatifs. Quant aux salaires, étant donné la désorganisation administrative et le dénuement financier, ils ne sont pas, ou sont très irrégulièrement payés. Il faut un accord avec le gouvernement français, qui se substitue au gouvernement algérien, pour que tout rentre dans l'ordre. Aujourd'hui, les difficultés de recrutement du personnel de la coopération sont de plus en plus grandes. Girod de l'Ain, dans le Monde du 18 mai 1967, écrit:

"On a supprimé les cadres du pays pour les remplacer par des coopérants venus au début par prosélytisme de gauche, puis attirés par les hauts salaires. Aujourd'hui, ce sont surtout les militaires qui passent ainsi leur service plus agréablement que dans une caserne. Le pays y a-t-il gagné?"

II faut donc que la relève soit faite par des enseignants arabes. Mais comment l'improviser? II est facile de donner le titre de professeur: c'est insuffisant pour en acquérir la compétence. Aujourd'hui, l'éducation primaire est, avant tout, l'œuvre de simples "moniteurs". On s'imagine la qualité de l'enseignement et la valeur des élèves. Dans l'enseignement secondaire et supérieur le même problème existe. En 1967, une grève des élèves de la faculté d'Alger n'a pas d'autre but que de se plaindre du trop bas niveau de la qualité des études.

Boumedienne leur répondra que deux cents médecins algériens, trouvant les salaires de leur pays trop bas, exercent leur précieuse profession ... dans la banlieue parisienne.

A la pénurie de maîtres et de professeurs français va s'ajouter la tentation d'un retour à l'Islam. On peut comprendre cette recherche d'une "personnalité évanouie ou tout au moins tenue en lisière depuis plus de 132 ans". Mais que signifie, sur le plan de l'éducation, le retour à l'enseignement traditionnel de l'Ecole coranique? N'ayant pas évolué depuis des siècles, celle-ci ne développe que la mémoire par la répétition des textes sacrés, c'est-à-dire qu'elle se refuse à la culture moderne, toute faite de curiosité, de doutes, de remise sans cesse en cause du dogme, quel qu'il soit. L'Islam tourne en rond. Comment croire que les prochaines promotions issues de ces écoles puissent être à même de se battre avec les problèmes d'une économie moderne? Comment croire qu'un enseignement fondé sur le respect de la lettre puisse préparer les esprits à une culture scientifique faite d'interrogations?

 

LE GASPILLAGE

Beaucoup de rapatriés se réjouissent ouvertement des malheurs qui accablent l'Algérie indépendante. J'ai trop aimé ce pays pour ne pas être saisi par une intense colère devant l'accumulation de tant de fautes: françaises et algériennes. Elles n'ont donné qu'un résultat: le gaspillage de l'Algérie.

Pierre Laffont, l'expiation Plon 1968

 

  30 avril 1963 :

Pour une raison administrative quelconque, l'administration française arrête ses statistiques à cette date.

 Du 19 mars 62 au 30 avril 63, il y eut d'après les statistiques officielles 3093 disparus. 306 tués. 969 retrouvés vivants. 1818 dont on est sans nouvelles parmi les européens d'algérie.

Ce chiffre ne comprend pas les attentats vieux style, c'est à dire dont les corps sont immédiatement retrouvés, un bon millier.

Les harkis et autres musulmans ne sont pas comptabilisés par les statistiques gaullistes.

Les chiffres des pieds noirs sont sensiblement supérieurs. (30.000 morts ou disparus depuis le 19 Mars).

Jordi: De nombreuses familles de disparus alertent qui leur député, qui leur sénateur, qui leur maire afin de faire pression au moins sur le gouvernement français à défaut d'intervenir sur le gouvernement algérien. Une des premières démarches à l'Assemblée nationale sera celle, conjointe en janvier 1963, du député socialiste du Vaucluse, Henri Duffaut, de celui du Maine-et-Loire, Hauret (UNR) et celui du Morbihan, Christian Bonnet (Centre démocratique). Ces trois députés interpellent M. de Broglie sur les "disparus en Algérie" et sur le cas des prisonniers militaires français détenus en Algérie et qui, affirment-ils, subissent des sévices.

Le secrétaire d'Etat aux Affaires algériennes leur répond (J.O. du 1er février) "qu'il est certain que nos compatriotes ont été sérieusement maltraités pendant les premières semaines de leur détention alors qu'ils étaient victimes d'une arrestation arbitraire ... Aussi le gouvernement français a t-il élevé une protestation énergique auprès du gouvernement algérien en demandant que les responsables soient identifiés et châtiés. Cependant, ajoute t-il, à Oran se trouveraient encore quelques Français, ne comprenant ni femmes, ni enfants ... au total il y aurait environ une soixantaine de Français détenus dans les prisons algériennes ... Il est extrêmement improbable que d'autres Français soient détenus en Algérie à l'insu de nos représentants".

Pourtant, quelques mois plus tard, le 7 mai 1963, ce même secrétaire d'Etat, en réponse à une question de René Pleven, indiquait devant les députés que 3080 personnes (européennes) avaient disparu en Algérie de 1955 à 1962 avant de se rétracter devant le Sénat cette fois affirmant le 5 novembre que "1800 personnes avaient disparu mais pas davantage". C'est au Sénat que les dernières passes d'armes ont lieu entre quelques sénateurs et gouvernement concernant plus généralement les accords d'Evian. Puis ce fut le silence officiel et on ne relèvera qu'une douzaine d'interpellations du gouvernement par les parlementaires entre 1963 et 1973.

Le 24 novembre 1964, de Broglie intervient pour la dernière fois devant le Sénat affirmant qu'il n'y avait que 1 773 personnes disparues dont une quasi certitude de décès pour 1 165 d'entre elles. On ne sait pas sur quels éléments le Secrétaire d'Etat se base alors pour avancer de tels chiffres mais cela ne correspond aucun des rapports que nous avons consultés datant de cette période! En revanche, en septembre 1963, le sénateur du Haut-Rhin, Paul-Jacques Kal (Union pour la Nouvelle République) avait directement saisi Pierre Messmer ministre des Armées, lui demandant non seulement des informations sur les militaires disparus en Algérie mais aussi sur les civils disparus. Messmer répondit qu' "à la fin du conflit algérien, 239 militaires français étaient encore portés disparus ... Des dossiers complets ont été remis [précise t-il au sénateur Kalb] à la Croix-Rouge lors des enquêtes qu'elle a menées en Algérie. Il faut reconnaître malheureusement que ces enquêtes n'ont abouti à aucun résultat concret". En ce qui concerne les disparus civils, c'est justement Jean de Broglie qui répond par lettre au sénateur Kalb le 16 novembre 1963: ... "Comme je l'ai indiqué récemment, nous avons recensé 1 800 disparus. A ce jour, la Croix-Rouge a effectué une enquête sur 1 185 cas sur lesquels nous avons établi 308 décès et 444 présomptions de décès, ce qui porte à 752 le nombre des disparus que nous n'avons probablement aucune chance de retrouver en vie. 96 personnes ont été retrouvées et il y a 8 désertions reconnues. Je fais poursuivre 327 compléments d'enquête. Il reste donc 615 personnes dont nous sommes absolument sans nouvelles".

Or, le 5 novembre 1963, le nouvel ambassadeur de France en Algérie, Georges Gorse, avait écrit à Jean de Broglie: "Compte tenu des vérifications systématiques effectuées par les services de l'ambassade et des conclusions relevées dans certains rapports des délégués du ClCR, le bilan des atteintes aux personnes relevées en Algérie depuis la date du cessez-le-feu se traduit aujourd'hui par les chiffres suivants:

- période du 19 mars au 30 juin 1962, sur 852 disparus, il y a 272 tués, 205 retrouvés vivants et 375 dont le sort n'est pas précisé.

- période du 1 er juillet au 31 décembre 1962, sur 1 543 disparus signalés, il y a 279 tués, 752 retrouvés vivants, 6 en détention et 506 dont le sort n'est pas précisé".

Bien que possédant tous ces renseignements, Jean de Broglie préfère minimiser aux yeux de l'opinion publique le problème posé par les enlèvements et les disparitions de civils français en Algérie.

Le but avoué du gouvernement français était de faire table rase du problème des disparus afin de développer une plus forte coopération avec l'Algérie indépendante. Les interpellations officielles du gouvernement français concernant les disparus civils sont rarissimes et elles viennent du Vatican! Le 26 avril 1965, alerté par Mgr Duval, le pape Paul VI se met en rapport avec René Brouillet, Ambassadeur de France près le Saint Siège pour avoir des réponses quant aux Français disparus ou arrêtés en Algérie, au sort des harkis et à la répression des faits de subversion dans la période qui a précédé et suivi l'accession de l'Algérie à l'indépendance. Quatre notes sont rédigées, empruntant très largement aux lettres de Jean de Broglie, et envoyées au Vatican. On n'en sait pas davantage.

D'un autre côté, par les multiples ordonnances, instructions ministérielles et articles de loi pris en faveur des conjoints de disparus par exemple, et cela dès septembre 1962, le gouvernement de l'époque se penchait non sur le sort des disparus mais sur celui des familles de disparus. Enfin, le raccourcissement du délai habituel pour une déclaration judiciaire de décès appliqué aux "rapatriés d'Algérie" ancrait dans les mémoires non une disparition mais un décès. Force est de constater que quelques familles de disparus n'ont pas complètement adhéré à la volonté du gouvernement français puisque des associations devaient à l'aube du 3ème millénaire ré-interpeller le gouvernement.

Jean-Jacques Jordi "Un silence d'état" ISBN 978-2-9163-8556-3

 

19 Mai 1.963 :

Par hasard un élément de l'armée découvre dans une ferme de l'Oranais, entre Tenès et Mostaganem, un charnier avec 20 cadavres d'européens enlevés en 1962, rares sont les enlevés dont le sort a pu être fixé de façon certaine.

 

21 Mai 1963 :

Témoignage de Jean-Pierre Vicente et Nicole Vilallon

Jean Vicente, né le 20 mai 1919, conducteur de train CFA entre Saïda et Mécheria.

Mon père était conducteur de train au CFA et il a sauté 7 fois sur les mines entre 1959 et 1962 vers Bou-Rached-Krafa11ah-Mosba-le Kreider- Bouktoub et avant Mecheria. Décoré de la médaille militaire avec étoile à titre civil par le général Gambiez.

Il est mort à 44 ans, le 21 Mai 1963, des suites des blessures.

 

30 Mai 1963 :

Le comité des affaires algériennes de ce jour met fin "immédiatement à l'aide occulte que le trésor apporte par des moyens indirects au budget de fonctionnement de l'Algérie, et qui se monte depuis le premier Novembre 1962 à environ 500 millions (...) A défaut d'accord, les paiements français en algérie seront effectués par voie postale".

Si on comprend bien, des mécanismes du temps où l'algérie était française et qui compensaient automatiquement les déficits budegétaire ont continué pendant un an sans que le gouvernement ne s'en rende compte, 500 millions!

Tout le reste du comité s'occupe des dettes de l'algérie vis à vis de la france. Pas un mot que les massacres qui continuent.

 

 3 Juin 1963 :

Déclaration de Ben Bella : " nous avons pardonné aux harkis, leurs assassins seront arrêtés et exécutés ". Les consciences morales sont satisfaites. Bien entendu, paroles verbales.

Bentoumi explique en effet la volonté de vengeance contre "des criminels impunis…Ceux qui sont en prison sont presque tous des opposants au régime…il faut d'abord les désintoxiquer…nous ne voulons pas les remettre à la France, parce que nous ne pouvons pas accepter une saignée de 500 à 600.000 personnes."

Tout le Monde approuve.

Cette déclaration montre bien que le chiffre habituel de 150.000 personnes assassinés pour faits de collaboration avec la france est tout à fait dans les ordres de grandeur.

 

19 Juin 1963 :

Un charnier d'une trentaine de corps est découvert prés de Boghari, musulmans fidèles à la France et pieds noirs fraternellement mêlés. Le FLN explique qu'il s'agit des pro FLN assassinés par les français; tout le Monde le croit.

 

  25 juin 1963 :

 Ben Bella arrête Boudiaf (un des historiques, son co- détenu d'Aulnoy) pour complot contre l'autorité de l'état, on raconte qu'ils auraient entre eux des affaires de femmes.

 

22.07.1963:

André Aussignac est arreté par la gendarmerie, accusé de desertion. Il a été enlevé le 21 juillet 1962, à Maison Carré. Avec une soixantaine d'autres prisonniers (pour la plupart pieds noirs) il est transporté à la mine de Miliana, où il doit travailler muni d'outils rudimentaires, dans des conditions abominables. Il est blessé lors d'une premiére tentative d'évasion, torturé, et finit par arriver malgré ses blessures mal soignées à s'echapper de nouveau. Recuperé par des pieds noirs, il est conduit à Alger et évacué en chalutier sur la france. Son unité l'avait declaré "deserteur" ce fut le sort à cette période assez systematiquement des enlevés pieds noirs, suspects d'avoir rejoint l'OAS... Aussignac est acquitté le 4 septembre. (repris sur "les prisonniers des djounouds" de Yves Sudry.)

 

13 Août 1963:

Ben Bella est agacé par les socialo communistes qui sont venus "aider" la révolution algérienne, il les tance:: "Certains Français nous ont aidés pendant la guerre de libération. Mais, maintenant, certains de ces Français, heureusement pas tous, cherchent à se substituer à nous. Cela nous ne l'accepterons jamais"

 

14 Août 1963 :

Ferrât Abbas, ancien président du GPRA, démissionne de son poste de président de l'assemblée constituante algérienne : "Le parti FLN est une fiction…J'ai attendu que le gouvernement oppose une fin de non recevoir catégorique à la demande de réunion d'un congrès qui était promise, pour protester contre ce coup d'état constitutionnel".

 

27 Août 1963:

A Marengo, 2 patrouilles de soldats français, qui se portent au secours d'un fermier européen, attaqué par l'ALN ont 6 tués et 15 blessés à leur arrivée sur les lieux.

 

8 Septembre 1.963:

Référendum pour soutenir Ben Bella, 99 % de votants et de soutien, un triomphe acclamé comme il se doit par tous les progressistes, le prétexte était d'approuver la constitution

Cette constitution, toujours en vigueur donne tous les pouvoirs au parti représenté par le "bureau politique".

 

11 Septembre 1963 :

Au procès de Vanuxem, monsieur Ziano, pied noir, témoigne des tortures qui lui ont été infligées par Debrosse, général de gendarmerie, ainsi qu'à bien d'autres, dont quelques femmes, au nom de la lutte contre l'O.A.S.

Tout le monde s'en fout, en particulier les spécialistes de la lutte contre la torture, (Vidal Naquet, Badinter et autres spécialistes) celle-là est une necessité de la lutte anti-faciste..

 

15 septembre 1963:

Ben Bella est élu avec un score fabuleux président de la république, dans le cadre de la nouvelle constitution. De gaulle lui transmet ce message affectueux: "A l'occasion de votre élection à la présidence de la République algérienne, je vous adresse mes félicitations. Cette indépendance algérienne, nous l'avons voulue et aidée"

 

17 septembre 1963 :

 Le budget d'aide à l'algérie pour 1964 et fixé à un milliard, dont 200 millions pour payer les coopérants, lesquels sont munis d'une prime qui, si elle n'est pas qualifiée de "risque" ne s'en approche pas moins.

Pierre Laffont raconte la fin de l'écho d'oran dans son livre l'"expiation":

Je suis sans illusions sur le sort qui attend les entreprises de presse: un pays socialiste ne peut avoir qu'une presse officielle.

Il y a pourtant encore un moyen de les sauver: les rattacher à la coopération, transformer les imprimeries en entreprises publiques, changer les titres et faire gérer l'ensemble par l'Etat français (la S.N.E.P.). La France conservait une voix en Algérie tant que durait la coopération. Je développe ce plan à notre ministre de Broglie, lequel s'indigne que je puisse croire les Algériens capables d'une telle initiative et refuse d'y souscrire.

Le 17 septembre 1963, je reviens une nouvelle fois tenter de le convaincre. Agacé, il me répond: "Nous avons eu ce matin un Comité des affaires algériennes. Il n'est pas question d'une nationalisation des journaux. Vous êtes un masochiste." Tel est l'homme.

Je sors de son bureau à 19 heures. A 19 h 30, coup de téléphone d'Oran: l'Echo d'Oran, encerclé par la troupe, est vidé de son personnel et mis sous l'autorité de l'Etat. A Alger, la Dépêche d'Algérie, à Constantine, la Dépêche de Constantine, subissent le même sort: immeubles, machines, collections, et même les livres comptables, sont raflés au bénéfice (si l'on peut dire) de nouveaux quotidiens, algériens ceux-là. Leur tirage est squelettique et la publicité inexistante.

Les Français employés dans ces entreprises regagnent la France; les Musulmans sont repris, mais quelques mois plus tard ils seront éliminés sans pitié pour avoir "collaboré avec l'ennemi". La presse française, toujours si prompte à la défense d'un confrère victime d'une saisie de vingt-quatre heures, reste indifférente comme si l'événement était prévu de longue date.

Certains vont plus loin et se félicitent ouvertement de la mesure. Franc-Tireur (qui disparaîtra quelques mois plus tard) estime que des journaux qui se sont réjouis des ratonnades n'ont que ce qu'ils méritent. Pour l'Echo d'Oran, doyen des journaux français, qui a tenté, malgré les événements, de demeurer honnête, quelle affreuse épitaphe!

La Télévision m'ayant demandé, au titre de président du Syndicat des quotidiens algériens, une déclaration, je me garde d'attaquer le gouvernement français, ou le ministre de l'Algérie, et me contente d'un exposé juridique de notre position. A la demande de M. de Broglie, l'enregistrement ne sera jamais diffusé. Même cela, on ne peut le dire aux Français.

Quelques mois plus tard, en octobre 1964, toutes les terres, grandes ou petites, encore entre les mains des non-Arabes, sont nationalisées. Les propriétaires et leurs employés viendront en France rejoindre les premiers rapatriés dans des conditions encore plus difficiles.

Il n'y a plus en 1968, en Algérie,que quarante mille Français nés dans le pays. Ce sont, le plus souvent, des gens âgés qui n'y attendent que la mort.

Après 132 ans, la présence physique de la France est effacée. L'imprévoyance, la passion, la politique du tout ou rien, la fausse grandeur, puis le verbalisme révolutionnaire et l'incompétence, ont pour longtemps ruiné les chances de ce pays.

Comme le proclame le président de la République à Montbéliard le 20 juin 1962: "L'Histoire dira que c'est une grande réussite française et algérienne."

Pierre Laffont

 

23 septembre 1963:

Histoire d'un pied vert: N'ayant jamais habité l'Algérie et ayant reçu chez moi des réfugiés algériens que j'ai hébergés pendant les hostilités, je me suis rendu à Alger sur leurs conseils et leurs demandes, exerçant une profession para-médicale, je me suis installé à Alger, 4, rue Arago, au cinquième étage, où j'avais un appartement confortable.

Mon arrivée en Algérie se situe donc à la date du 1er janvier 1963; pas question de colonisation de ma part, ni d'indépendance, pour ou contre, je n'ai jamais abordé ces questions.

A la date du 23 septembre 1963, à 19 heures, je reçus la visite de deux inspecteurs de police, qui me présentèrent un papier indiquant que j'étais purement et simplement expulsé. Je donnnais mon accord et m'inquiétais avec eux comment j'allais régler mon déménagement dans les quarante-huit heures à venir! Pas question, il fallait partir dans les dix minutes et n'emporter (surtout) qu'une valise avec le minimum de choses! Leur joie était grande de voir tout ce que je devrais abandonner, ils évaluaient déjà du regard la razzia qu'ils allaient pouvoir s'offrir.

Je crus bon d'indiquer que j'avais un enfant de trois ans et demi, qui était absent, il était parti en promenade avec sa gouvernante, cet enfant n'ayant pas sa mère, et que, n'étant pas rentré, il fallait que je voie la gouvernante pour lui indiquer que j'étais expulsé et de faire pour le mieux! Impossible, il fallait partir, et je croisais au bas de l'escalier mon enfant qui rentrait alors que je prenais place dans la trop fameuse Peugeot bleu commerciale, qui sert, de nuit, à ramasser quelques victimes et les incarcérer illégalement et sans motif autre que la vengeance, dans les cellules de la police judiciaire de Bouzaréa, à Alger.

J'arrivais à Bouzaréa et fus mis en cellule immédiatement, alors que, je le répète, il n'y avait aucun motif contre moi, même pas de détail d'expulsion.

Mon fils, celui de trois ans et demi, arrivait le lendemain matin, conduit par sa gouvernante (allemande) de vingt-huit ans. Il fut incarcéré avec moi et dormit cinq jours sur les paillasses pourries des cellules, mangeant de la soupe de tripes comme nous, mais vomissant toute la journée une pareille nourriture. Je passais mon temps dans la journée à parler très fort avec lui pour qu'il n'entende pas les hurlements des détenus martyrisés à longueur de journée à côté de nous. Les cellules étaient pleines. Deux Anglais, le père et le fils, âgé de vingt ans, étaient incarcérés là depuis deux mois, frappés toutes les quarante-huit heures, et comme ils me le disaient: "Si nous savions au moins pourquoi! Ils ne nous reprochent rien! Mais ils doivent piller notre magasin de pièces détachées de voitures à Alger (c'est peut-être là le seul motif!)".

A côté, dans l'autre cellule, il y avait aussi un Anglais travaillant à Alger à la B.P., Société de Pétrole, il était là aussi depuis longtemps et frappé aussi à longueur de journée. Ni sa famille, ni son consulat ne savaient où il se trouvait puisque, je le répète, il s'agit d'une prison clandestine, non déclarée, où les inspecteurs se paient des extras! et pillent les appartements pendant que les gens sont enfermés!

Je pris l'avion huit jours plus tard pour la Suisse où un ami de vieille date m'offrit l'hospitalité. J'ai donc laissé à Alger même nos souvenirs de famille et, bien que j'aie été déporté et victime de la Gestapo, je n'ai jamais subi pareil traitement.

Un des voyous qui nous gardaient, crut bien faire de mettre son revolver sur la temps de mon fils âgé de trois ans et demi et maintenant mon fils se réveille la nuit avec des cauchemars et me dit: "Il y a là le vilain monsieur qui veut faire rentrer son morceau de fer froid dans ma tête!" J'ai toutes les peines du monde à lui faire oublier ce geste de tueur professionnel.

Le lendemain matin où je fus incarcéré sous le seul motif d'expulsion, mon fils aîné, habitant Oran, et me rendant visite à Alger, fut tout étonné de trouver la porte de mon domicile ouverte et moi absent! Il y rencontra les deux voyous qui remplissaient leurs poches et qui l'arrêtèrent et le conduisirent aussi en cellule. Motif: est venu d'Oran à Alger pour voler son père en son absence!

Mon fils fut déshabillé, roué de coups et frappé de coups de pied dans le bas-ventre. Il devait repasser une deuxième fois le lendemain, mais une amie à nous ayant des relations en haut lieu, avertit qui de droit et un petit billet arrivait à la police judiciaire de Bouzaréa juste au moment où mon fils allait passer une deuxième fois à la torture. Il fut libéré immédiatement, les voyous qui l'avaient arrêté lui prirent tout son argent, son portefeuille, sa trousse de toilette, son linge, sa trousse d'outils de voiture et le jetèrent dehors en lui disant: Ce qui s'est passé ici, cela doit rester entre hommes! Vous avez compris?

A noter que mon fils, arrêté et torturé, ne faisait l'objet d'aucun mandat d'expulsion ou d'arrestation, mais que c'est seulement sur leur initiative personnelle et parce qu'il était gênant pour leur razzia, qu'il fut incarcéré. Rentrant à Oran, il déménageait rapidement et rentrait en France alors qu'il pouvait encore le faire.

Ma gouvernante, ou plutôt celle de mon petit, Allemande, âgée de vingt-huit ans, fut frappée, incarcérée, violée, griffée au visage et ressortit quatre jours plus tard avec un œil tuméfié. Elle n'était pas non plus expulsée, mais seulement témoin gênant de la razzia.

Ces voyous me prirent ma voiture, les papiers de celle-ci, les clefs, et la déposèrent dans la cour de la police judiciaire de Bouuzaréa, pour qu'on ne la vole pas! (Matricule 705 L.S. Citroën bleue I.D.)

Les scellés furent, paraît-il, mis sur les portes de mon appartement, au bout de combien de jours, je n'en sais rien! Que reste-t-il ? Nul ne le sait! Cette question étant difficile à poser.

Je pense que les huit jours que nous sommes restés, mon fils et moi, avant de prendre l'avion auraient plus que suffi pour que nous déménagions tout notre mobilier et nos affaires et quitter ce pays en pensant qu'ils étaient encore des hommes et non des bandits.

J'ai écrit à plusieurs reprises à Ben Bella, à l'ambassade de France, c'est le grand silence sur ces choses-là, on ne veut pas entendre parler de cela.

Une seule lettre reçue m'indique qu'aucune loi ou décret ne prévoit actuellement le remboursement de pillage de ce genre. Je ne suis pas le seul dans ce cas-là.

A sa sortie, mon fils est allé remercier la personnalité qui lui avait sauvé la vie en le faisant libérer. Celui-ci lui indiqua que tout cela n'était pas légal, mais que ces voyous se payaient des extras et qu'il leur était difficile d'aller contre!

J'ai vu un détenu voisin partir à l'interrogatoire debout, il revenait porté par quatre voyous, le ventre gonflé par les coups de pied reçus. Je pense qu'il est mort dans la nuit et que sa photo devait paraître dans la presse du jour au titre: Disparitions. Une question se pose, que font-ils des morts? De ceux qui ne peuvent supporter pareil interrogatoire et cela pendant des mois! Est-ce la même équipe qui les jette à la mer?

Je pense que les Arabes algériens doivent bien rire lorsqu'ils lisent des discours et comptes rendus de Coopération Franco Algérienne, ils en font une drôle de coopération dans les caves de Bouzaréa, c'est regrettable que M. de Broglie ne soit pas allé faire un tour là-bas, il aurait vu de belles choses à condition qu'il en soit ressorti!

Quelle bonté nous avons à l'égard de ces fils ou parents d'assassins qui viennent travailler en France et manger notre pain, qu'ils doivent bien rire en sachant ce qui se passe en Algérie, choses que beaucoup connaissent, mais font semblant de ne pas savoir.

De toute façon, j'ai alerté la Croix-Rouge internationale, le consul de Grande-Bretagne et d'autres personnes et journaux de manière que la vérité soit connue, même si elle n'est pas agréable pour certains.

H. R ... (Extraits du dossier de l'Association de Défense des Français d'Algérie repris par le bachaga Boualem dans son livre L'ALGÉRIE SANS LA FRANCE

 

29 septembre 1.963:

Le FFS d'Aït Ahmed (un historique) lance la révolte en Kabylie. Il a le support de Boudiaf, autre historique, de Mohand ou El Hadj, le dernier patron de la willaya kabyle, d'Oussedik l'ancien communiste.. Il obtient un certain nombre de désertions de l'A.L.N.

Ben Bella n'hésite pas à accuser le Maroc d'avoir monté cette rébellion.

Boumedienne destitue Mohand, puis lance les troupes de l'ALN qui pilleront, violeront, tueront et réduiront la révolte en quelques mois. Aït Ahmed arreté le 17 octobre 1964, condamné à mort, gracié, s'évade le 1 mai 1966 et se réfugie à Genève, où le trésor de guerre du F.L.N. n'a pas été entièrement viré à Alger. Il y est resté (Aït Ahmed, pas le trésor) jusqu'en 2001.

Pour cristalliser le sentiment national (et aussi pour en finir avec le scandale de la comparaison des terres cultivées par les européens avec celles du secteur auto géré) Ben Bella nationalise ce qui reste de terres appartenant aux pieds noirs, pour bien montrer son amour des pauvres. 500.000 nouveaux hectares sont ainsi ajoutés au "secteur socialiste". porté ainsi à deux millions d'hectares. On voit aussi que nombreux étaient les paysans européens qui avaient essayé des rester an algérie, ceux qui s'étaient ainsi accroché n'étant certes pas les plus gros propriétaires, mais bien au contraire ceux qui n'avaient que leur terre pour vivre.

Grand pelerinage à Chartres, organisé par le grand resistant et écrivain Remy, groupant plus de 30.000 pelerins. Le pelerinage est destiné à demander l'amnistie pour les partisans de l'algerie française, Il est présidé par madame Peguy, veuve de l'écrivain, et les veuves des marechaux de De gaulle, Leclerc, de Lattre, Juin. Il a le soutien d'éveques, d'officiers, de la mosquée de Paris, du gtand rabin, de la federation protestante, des orthodoxes. le bachaga Boualem, pourtant musulman fervent, participe au pelerinage. Prudents seul un quarteron d'hommes politiques apporte son soutien, Pinay, Naegelen, Bénouville, Dronne. (Bidault et Soustelle sont toujours "en fuite"). De gaulle reste de marbre, jean Foyer, garde des sceaux aussi. Frey fait saisir les affiches et perquisitionner chez Remy, Mesmer interdit aux militaires d'y participer.

 

1 octobre 1963:

Une note du "comité national pour les musulmans français" fait le point des camps destinés aux harkis. On y lit qu'il y a 7029 personnes à Rivesaltes, 1656 à Saint Maurice l'Ardoise, 503 à Le Ris et 1114 à Bias. Bias, y lit-on est "consacré aux réfugiés irrécupérables ou difficiles à reclasser (mutilés de guerre en particulier) et à leurs familles. On en reclassera un certain nombre après prothèse ou rééducation fonctionnelle et formation professionnelle. Les enfants seront scolarisés. Ce résidu ne disparaîtra que par extinction. Ce camp va passer au 1.1.1964 au ministère de la santé et de la population qui le fera gérer par un établissement public ou une association privée (l'un ou l'autre à créer)." La vie au camp de Bias est longuement racontée par Boussad Azni dans son livre "Harkis crime d'état", ISBN 2-290-32158-3. Extraits ICI

C'est dans un de ses inombrables discours, repris dans Alger Républicain, que Ben Bella officialise la rumeur de l'assassinat d'Abane Ramdane. "On a dit qu'Abane avait été tué au cours d'une bataille. Savez vous comment il a été tué? Il a été étranglé par les mains de ces criminels. Abane est mort étranglé par les mains des criminels du G.P.R.A." Voir ICI 27.12.1957 les conditions de cet assassinat.

 

 

 2 octobre 1963:

Cherchant un dérivatif aux problèmes de l'algérie, Ben Bella lance son armée contre le Maroc accusé de saboter sa révolution. Après des milliers de morts sans résultat décisif la paix est signée, mais l'algérie entretient sous le nom de polisario une agitation terroriste endémique dans les confins algero- marocains.

Dans un petit entrefilet, le Monde raconte que, sur les ports algériens, un cadre de déménagement qui reste plus de quatre jours en attente d'un bateau est confisqué par le F.L.N. Le Monde ne commente pas, il a déjà oublié les déclarations d'intention d'évian.

 

8 Octobre 1963:

La france remet officiellement la base de Bizerte aux tunisiens.

Les troupes FLN entre au Maroc pour effacer les "pretentions frontaliéres du régime féodal de Rabat". Le président des étudiants algériens, Ouari Moufok en tenue léopard veut "effacer la honte des frontiéres de Lyautey et la trahison des Kabyles". Tinjoub un petit bordj est occupé.

 

10 Octobre 1963:

Discours prononcé par Ben Bella le 1.10.1963, rapporté par Alger Républicain ; reproduit par la "France Catholique " du 1l octobre 1963.: "Des gens, ici, connaissent le camp de Khemisset en Tunisie. Quelqu'un qui s'appelle Boussouf y a tué des milliers de personnes. Il y a aussi des gens, ici, qui savent que notre gouvernement à Tunis a rempli des cimetières entiers des meilleurs cadres de l'Algérie. Ils ont été tués parce qu'ils n'étaient pas d'accord avec lui."

 

13 Octobre 1963:

Le colonel marocain Habibi arrive avec mille hommes dans la région contestée. Il verifie que la garnison du poste d'Hassi Beida a été masacrée après s'être rendue, et que les effectifs algériens sont importants.

 

15 Octobre 1.963 :

 Le roi du Maroc est arrivé à federer tous les marocains dans la lutte contre l'algérie, il a rallié les fidéles du Glaoui et les "spiritualistes" de Moulay ben Arafa. Il decréte la mobilisation générale.

Ben Bella mobilise le pays contre la soit disante offensive des marocains. Il arrive à obtenir des chefs militaires kabyles qu'ils se portent sur la frontière marocaine plutôt que de continuer à soutenir la rébellion kabyle, qui en sera très affaiblie et totalement éradiquée.

 

entre le 16 et le 25 Octobre:

Les marocains reprennent Hassi Beida et Tinjoub. Les Algériens contre attaquent plus au Nord et prend Figuig.

La propagande F.L.N. se dechaîne Hassan II et traité de faciste, on raconte qu'il a livré l'avion de Ben Bella aux français, qu'il est venu aux neo-colonialistes. On compte 100.000 volontaires à Constantine, 45000 à Sétif. Mohand ou el Hadj en àprofite pour négocier un accord qui donne une grande autonomie à la kabylie. Bien entendu, cet accord ne sera pas respecté par Ben Bella.

L'A.L.N. occupe triophalement Ich, prsenté comme une immense victoire. Le chef de poste marocain raconte:" "Je m'appelle Ahmed Akheld, de la tribu des Beni-Ouirain, j'ai 26 ans, je suis le chef des moghaznis. J'ai la charge du poste d'Ich avec vingt-deux supplétifs. Nous n'avons pas d'armements, nous ne disposons que de nos poignards et de quelques sibas (fusils artisanaux) Je suis chargé du bon fonctionnement de ce point d'eau pour le ravitaillement des tribus et des nomades. Jeudi soir, vers 20 heures, un berger m'a prévenu qu'un millier d'Algériens s'apprêtaient à s'emparer de mon poste. Il était même porteur d'un message du haut commandement militaire algérien m'offrant la reddition. Je fis refus. Le tir commença aussitôt. Nos vingt fusils ripostèrent. Je ne pouvais pas prendre contact avec Figuig, car nous n'avions même pas de téléphone. A 9 h 40, Ich était attaqué aux mortiers, survolé par l'aviation. Au huitième coup de mortier, nous arrêtions, ayant épuisé nos munitions. Nous glissions dans l'oued, laissant deux morts sur le terrain."

La radio algérienne diffuse sur toutes les ondes un communiqué émanant du haut état-major de l'Armée Nationale Populaire: "La glorieuse armée nationale populaire algérienne, sous la conduite de son glorieux chef, le colonel Boumediene, vient d'occuper, après de violents combats, la cuvette d'Ich, que l'ennemi a abandonnée sous la pression de nos chars et de notre aviation." M. Mir, directeur de la radiotélévision algérienne, évoque à cette occasion les batailles de Stalingrad et de Dien Bien Phu, et annonce que "le colonel" (sic) Akheld est en fuite, que les volontaires du peuple qui affluent à Colomb-Béchar sont dirigés vers la "cuvette" d'Ich, pendant que les troupes constituées en formations homogènes, prennent position sur les crêtes de Tinjoub, repoussant les assauts des chars et de l'aviation. Le peuple algérien est invité à se porter en masse à l'aérodrome de Maison-Blanche où l'empereur d'Ethiopie vient assurer le peuple algérien de sa sollicitude.

En réalité, le roi des rois arrive à Alger en médiateur car, maintenant, Ben Bella cherche un moyen de sortir de l'impasse.

A Maison-Blanche, un incident sérieux vient d'éclater entre les autorités algériennes et les officiers pilotes des Compagnies Air France et Air Algérie. Le directeur d'Air Algérie entend contraindre les cent vingt pilotes et les membres des équipages à transporter des soldats en armes dans les avions réguliers. (…) Ces faits sont graves et la France n'a pas protesté contre cette nouvelle violation des accords d'Evian qui pouvait nous mettre en état de belligérance avec le Maroc. D'ailleurs, le roi du Maroc a saisi le gouvernement français d'une protestation énergique contre l'utilisation par l'A.N.P. de la base algérienne de Colomb-Béchar "concédée" pour cinq ans à la France.

A Aïn Chouatal, à 120 km au nord-ouest de Colomb Béchar, la population marocaine a mis fin avec ses fusils à l'équipée aérienne d'un hélicoptère soviétique d'où sont descendus neuf civils dont trois étaient des officiers égyptiens. L'Agence Tass répond par un communiqué très violent: "Des centaines d'officiers et techniciens militaires français servent dans l'armée marocaine... En Algérie même, les techniciens et militaires français font de leur mieux pour gêner les opérations de l'Armée de Libération Algérienne. Pour la France, c'est la guerre du minerai, car c'est précisément sur la frontière algérienne, riche en gisements, que portent les revendications marocaines. Si ce territoire revenait au Maroc, la compagnie Rothschild trouverait très pratique d'acheminer depuis là des matières pour ses usines en France."

L'allusion déplaît souverainement à Paris et le Négus, en visite à l'Elysée, se voit invité à hâter ses démarches en faveur d'un armistice entre l'Algérie et le Maroc. Le général De gaulle précise à son invité royal qu'il ne laissera pas "mettre en cause la sécurité des installations de Reggane".

Attaques et contre-attaques se succèdent avec une certaine violence à Tinjoub. Pour dissiper l'équivoque des communiqués de victoire de Boumediene, le général chérifien Driss Ben Aomar convoque la presse internationale à Hassi-Beida. Ainsi l'échec algérien est démontré. Les pertes de Boumediene sont très importantes à la suite d'une manœuvre désastreuse du "Chinois", plus expert en stratégie politique qu'en stratégie militaire, les Marocains ayant réussi à s'assurer et à conserver le contrôle des points d'eau, le manque d'eau devient une véritable catastrophe pour les renforts algériens qui ne cessent d'affluer et qui sont soumis à des tirs de harcèlement meurtriers. Boumediene avertit le gouvernement algérien de la nécessité d'obtenir rapidement un arrangement diplomatique et surtout le ralliement définitif des Kabyles avant que le colonel Mohand ne soit avisé de la véritable situation militaire à la frontière algéro-marocaine.

 

25 octobre 1963:

Ben Bella annonce triomphalement la décision du chef kabyle de rejoindre le front marocain, c'est "l'union sacrée". La réconciliation historique est accompagnée de promesses de libération des chefs politiques et de facilités à l'opposition. Le ralliement kabyle assuré, le peuple algérien mobilisé par le choc psychologique favorable à Ben Bella, rien ne s'oppose plus à l'ouverture de négociations sur le tracé des frontières algéro-marocaines. Si le stratège politique et militaire de l'Algérie combattante a pris les risques d'une position difficile, à six cents kilomètres de sa base la plus proche, face à une armée qui n'est éloignée que de cinquante kilomètres de ses arrières, si le spectacle de ces troupes et de ces renforts algériens assoiffés, impuissants à prendre l'offensive, est interdit à la presse, c'est que Boumediene vient d'essuyer un véritable revers militaire. (…)

 

30 octobre 1963:

A Bamako, réunion de l'Organisation de l'Unité Africaine, Ben Bella, conciliant, diplomate, s'incline devant le roi des rois, qui accueille en même temps le roi du Maroc. A côté de la djellaba de prières et de paix de Hassan II, le treillis militaire, à la Chou En Laï, de Ben Bella. L'empereur d'Ethiopie connaît à fond le dossier de la querelle algéro-marocaine, il s'est informé à son dernier passage à Paris de la position de la France qui admet que "les deux postes sont dans la mouvance marocaine".

La presse F.L.N. accuse le Négus de faire partie d'une internationale arabe et africaine des rois. Bien sûr, l'empereur d'Ethiopie s'en défend, mais il est trop fin politique pour ne pas comprendre que cette Algérie socialiste, que les monarchies africaines et arabes ont aidée à naître, risque de devenir fatale pour tous les régimes d'ordre et de traditions. Alors, la négociation au sommet africain de Bamako ne peut que réussir et le télégramme que Ben Bella adresse à Boumediene: "Cessez-le-feu immédiat", ramène la sérénité à Colomb-Béchar.

La guerre-éclair n'a fait que repousser les réalités quotidiennes qui réapparaissent plus aiguës encore après la démobilisation des volontaires. Square Bresson, les chômeurs dorment, enveloppés dans ,des sacs. A Belcour, au Ruisseau, les djounouds démobilisés se réunissent en groupes d'anciens combattants et manifestent. Le parti est obligé d'organiser des distributions de vivres et collecte, par l'intermédiaire des femmes, du matériel de couchage, des bijoux, de l'argent.

Plus question de fusiller le "Vieux" Mohand. C'est l'aman. Boudiaf est libéré avec quelques opposants.

Ben Bella adresse un message au pays: "Il n'y a plus qu'une seule Algérie, dont tous les citoyens sont unis, dressés comme un seul homme devant ce danger fomenté par la réaction et la féodalité qui se précise à notre frontière, et qui voudrait menacer les acquis de notre révolution socialiste. A la suite de contacts pris, notamment avec le frère Mohand Ou El Hadj, le patriotisme a triomphé une fois de plus. Dès demain, ceux sur lesquels l'action des forces obscures de la réaction étrangère avaient spéculé seront présents sur le champ de bataille, à Hassi-Beida et Tinjoub, aux côtés de leurs autres frères de l'A.N.P. et des militants qui s'y trouvent déjà. Désormais un seul problème existe: celui du juste combat que nous menons. Les problèmes, s'il en existe, seront résolus dans le seul cadre que le peuple s'est choisi : la grande famille du F.L.N. et notamment dans un congrès qui se tiendra, je le réaffirme, au plus tard dans cinq mois. Une commission de préparation de ce congrès doit d'ailleurs commencer ses travaux d'ici deux semaines. Les travaux préparatoires ont déjà eu lieu à ce sujet. Ce congrès, conformément aux règles révolutionnaires qui nous régissent, conformément au programme de Tripoli, sera organisé démocratiquement. Une fois de plus, le peuple algérien marque une nouvelle victoire et prouve qu'il recèle en lui des ressources inépuisables qui n'ont pas fini d'étonner le monde." (Dépêche A.F.P.)

Certains pretendent que cette palinodie a permis à un certain nombre de harkis de se faire pardonner leur passé, en faisant preuve des qualités militaires acquises auprès des officiers français. Je n'ai pu avoir confirmation, ni même un seul nom. Si cela s'est passé, ce doit être très marginal.

Le Maghreb sort éprouvé de cette affrontement fraternel voulu par le clan "chinois". Damas, Bagdad, Le Caire ont joué Ben Bella, mais le Liban, la Jordanie, l'Arabie séoudite, le Soudan et la Lybie, se sont rapprochés de la monarchie marocaine.

Ce même 30 octobre, échauffés par la radio et les journaux une troupe embarque sur le cargo "Hassibal" dans le port de nemours, un armement monegasque mais qui battait pavillon marocain. Les 14 hommes d'équipage, pour la plupart français sont arretés, torturés, le chef mecanicien arrive à se suicider en se jetant par la fenêtre, ils sont finalement liberés fin 1963. Ils racontent avoir croisés dans les prisons et les centres de torture de nombreuses victimes françaises.

 

Courant octobre 1963

D'avril à fin août 1962, le commandant Le Boulicault est le chef des représentants français de la Commission mixte de cessez-le-Feu pour l'ensemble du Grand-Alger. Dans une note qu'il adresse au Ministre des Armées en octobre 1963 au sujet de la disparition de Camille Jordan le 12 juin 1962, il dresse un constat en forme d'aveu d'impuissance des commissions mixtes. "Dans la Commission Mixte de Cessez-le-Feu du Grand-Alger, j'entretenais de fréquents rapports avec les représentants algériens de cette commission, le "capitaine" Abderrahmane et le "lieutenant" Mustapha Kermia. j'étais notamment chargé du problème des disparitions d'Européens et de leur recherche en raison de l'impossibilité où se trouvaient nos services diplomatiques, trop récemment installés à Alger et normalement habilités à traiter de ce problème d'y procéder eux-mêmes. Les enlèvements d'Européens avaient pris, sur l'ensemble du territoire du Grand-Alger, un caractère extrêmement grave. Les premiers avaient eu lieu vers la mi-mai et, début septembre, époque où je quittai Alger, leur nombre s'élevait à plus de mille. J'ai appris par la suite que plus des deux-tiers d'entre eux n'avaient jamais été retrouvés. L'efficacité de nos démarches était liée à leur rapidité. La recherche d'une personne dont la disparition remontait à quelques jours seulement était vouée pratiquement à l'échec. Les attitudes embarrassées et fuyantes de mes interlocuteurs étaient l'aveu même de leur impuissance dans de nombreux cas ... Pour chaque cas, j'insistai personnellement à diverses reprises auprès du "capitaine" Abderrahmane. Concernant Monsieur Camille Jordan, je lui transmis même l'offre d'une forte récompense faite par Monsieur Jordan Père. Toutes les recherches furent infructueuses! ... "

Devant l'augmentation des enlèvements et des exactions y compris à l'indépendance (et par la suite), la plupart des commissions mixtes ont perduré jusqu'en août 1962. Pour autant, le constat restait le même. Les commissions mixtes n'ont donné aucun résultat tangible à cause de la volontaire non implication du FLN.

L'accession de l'Algérie à l'indépendance ne change rien à la situation. Bien au contraire, elle s'aggrave. Le nouveau pays se trouve aux prises avec une situation anarchique provoquée par les dissensions politiques internes du FLN et par l'affrontement entre dirigeants du FLN et ceux de l'ALN. L'Algérie est livrée durant quasiment tout l'été 1962 à l'arbitraire des chefs des wilayas et des nombreux groupuscules plus ou moins sous contrôle. Dans ce cadre, les violations des accords d'Evian se sont succédé dans toutes les régions.

Jordi "Un silence d'état" ISBN 978-2-9163-8556-3

 

 

  1 Novembre 1.963:

 Ben Bella dans un grand discours (qui frappe peu l'opinion, plus intéressée par les batailles entre les armées marocaines et algériennes) annonce la nationalisation de toutes les terres encore propriété des européens (ceux qui sont restés), contraignant ces derniers à l'exil. Ils attendent toujours l'indemnisation prévue aux accords d'évian. Il suit les conseils de Michel Raptis, trotskiste sectaire, qui veut mettre en place une auto gestion à la Yougoslave.

Malgré la guerre avec le Maroc (ou à cause ?) l'armée algérienne défile en grand pavois à Alger, 20 .000 hommes, supérieurement équipés de neuf,

 

16 Novembre 1.963:

Grâce à ses gesticulations vis à vis des marocains et à la liquidation de ce qui reste de présence française en algérie, Ben Bella a réussi (provisoirement) à faire taire son opposition, en particulier kabyle.

 

  5 décembre 1963 :

 Le Maroc (qui a gagné militairement) et l'algérie signent un accord de paix qui entérine le statu quo, et remet à plus tard le règlement du problème des frontières entre les deux pays.

  A Sao Paulo Georges Bidault, successeur de jean Moulin à la tête du conseil national de la résistance, ancien premier ministre déclare : "il n'y aurait pas eu d'O.A.S. si les promesses de De gaulle avaient été tenues".

Deux cafés tenus par des musulmans mitraillés à Lyon, 3 morts, 3 blessés

 

17 décembre 1963:

Boudiaf choisit la liberté, il s'exile , d'abord à Paris.

L'administration fait imprimer le document suivant:

 

RÈGLEMENT DU HAMEAU FORESTIER

Les habitants des hameaux forestiers ont largement bénéficié de la sollicitude du gouvernement.

Ils bénéficient non seulement des ressources que procure un travail régulier et assuré mais encore d'un logement gratuit que beaucoup de mal-logés souhaiteraient posséder.

Par ailleurs, un personnel qualifié leur distribue les soins nécessaires, facilite leurs démarches et leur apporte un appui constant.

Ces avantages ont pour contrepartie un certain nombre d'obligations et d'interdictions dont voici les principales:

Obligations

 

- De se soumettre aux règles d'hygiène prescrites par l'autorité médicale.

- De tenir les logements et leurs dépendances dans un état de propreté parfait. .

- D'assurer régulièrement et normalement son service sur les chantiers forestiers.

- De se conformer aux instructions des responsables du hameau.

- De n'héberger que les seules personnes prévues par les listes d'affectation (des dérogations peuvent être accordées pour une période de 15 jours aux membres de la famille).

- D'effectuer pendant les périodes d'intempéries tous les travaux nécessaires à l'aménagement du camp.

- De vider immédiatement et intégralement les locaux quand le chef de famille renonce à travailler sur le chantier.

 

Interdictions

- De gêner ses voisins par l'usage d'appareils bruyants.

- De causer habituellement du scandale (ivresse ou violence).

- De jouer aux jeux d'argent.

L'inobservation d'une des règles énoncées ci-dessus entraînera l'éviction immédiatement du contrevenant. Le logement rendu disponible sera mis à la disposition d'un autre rapatrié et de sa famille.

 

  31 Décembre 1963 :

 La marine fête la fin des travaux effectués à Mers el Kebir, tout est net et clair.

 

  1 Janvier 1964 :

 Les statistiques de l'économie algérienne montent par rapport à 61, qui ne fût pas une année excellente, une baisse de 25 % de la consommation d'électricité, de 60 % des transports et de 50 % de la production de vins.

C'est sans doute autour du premier janvier que le C.I.C.R. remet aux deux gouvernements français et algerien son rapport sur les disparus, une enquête réalisée par la Croix Rouge de Mars à Septembre 1963. Ce rapport est demeuré secret jusqu'en 2004, où le gouvernement français l'a enfin rendu public. On peut le lire ICI. Il ne fait que confirmer que tous les juifs et chrétiens enlevés ont été assassinés, y compris 50 soldats français, et que des milliers de harkis étaient encore en prison.

Dans son rapport, le C.I.C.R. indique à plusieurs reprises qu'il lui a été interdit de visiter les camps militaires où se trouvaient ces derniers, contrairement à une promesse (une de plus) du gouvernement algérien.

 

  10 janvier 1.964 :

L'algérie, avec l'appui des américains, crée une compagnie d'exploitation des gazoducs, et en prend le contrôle effectif.

La france signe, pas question de mettre en évidence publiquement l'échec total des déclarations d'intention d'évian. 

A Oran Genevieve de ternant reçoit la visite de fantômes, cliquez ICI

 

  29 Février 1964 :

 Soustelle toujours en exil, est expulsé de suisse vers l'Autriche.

 

 1 Mars 1964 :

 Lettre de madame Tillon au Monde, elle y raconte son entrevue avec Yacef Saadi le 4 juillet 1957 et souligne que Saadi lui avait promis qu'il n'y aurait plus d'attentat à Alger et qu'il a tenu sa promesse. Madame Tillon ignore volontairement les bombes du 18 et du 27 juillet et que Saadi, arrêté le 24 septembre n'avait plus de troupes dès le début Août.

 

4 Mars 1964 :

Dans un dépôt de confection "abandonné" par ses propriétaires, et que les nouveaux "propriétaires" réaménagent place de Chartres, en basse Casbah d'Alger on découvre un charnier de 32 cadavres d'européens, hommes, femmes et enfants. Ils ont été passés à la chaux vive, la plupart ne seront pas identifiés. Il s'agit certainement d'un résidu des réjouissances qui ont suivi le 19 Mars dans le cadre des accords d'Evian, ou après l'indépendance. Bien entendu les grandes consciences du Monde et de Libération reprennent les mensonges du F.L.N. (ils ont l'habitude) et accusent l'armée française.

 

31 Mars 1964 :

 Jugeant que la menace OAS est éradiquée (tous les prisonniers ont été jugés), le gouvernement met fin à l'état d'urgence.

 

début avril 1964:

En avril 1964, Mgr Duval commente aux militants de l'Action Catholique, l'impossibilité dans laquelle Caritas (ex Secours catholique) s'était trouvé de distribuer des boîtes de lait à des enfants. La police algérienne avait arrêté le camion et n'acceptait de le laisser repartir qu'à la condition que le lait ne fût pas distribué à un groupe d'enfants de Harkis massacrés par le F.L.N. Mgr Duval regretta l'intransigeance de la Police algérienne en affirmant: "Après tout, ces enfants auraient eu droit au lait. Leurs pères ont payé!"

On ne peut étaler plus crûment un manque de charité et de patriotisme aussi total. Dans le coeur du prélat, les pauvres Harkis, coupables d'avoir servi la France, méritaient donc à ce titre les châtiments qui leur avaient été infligés!

Repris dans L'Eglise et l'Algérie (Ed. Etudes et Recherches historiques, Paris),

 

2 avri 1964:

Alain Mouzon: Il nait à Majunga en 1939. Assassiné par la police parisienne le 2 avril 1964 dans un hôtel de la rue de Trévise.

"Quand on croit à quelque chose, quand on a un idéal, on doit s'engager à fond, se lancer dans la lutte, même si elle est perdue d'avance, même si on doit y crever. Malheur aux indifférents, aux châtrés, aux attentis-tes ! Peut-être suis-je engagé dans une cause perdue, une cause qui ne vaincra jamais. Qu'importe ! Je vis en elle". Alain Mouzon (à un proche quelques jours avant sa mort...).

Lettre d'un inconnu publiée dans l'Esprit Public N52 de mai 1964 :

"Sans doute avez-vous appris l'exécution, par les inspecteurs de police du groupe Jobart d'Alain Mouzon, combattant et dernier martyr en date de l'Algérie Française. Cette lettre veut être le témoignage d'un ami en faveur de celui qui fut son chef et qui sacrifia tout pour que vive la France. Alain Mouzon... Ce nom n'évoque peut-être pas chez nos amis beaucoup de souvenirs. Et pourtant Alain fut membre de l'Etat-Major de l'OAS Mission III. Placé sous les ordres directs du "Monocle Noir" et plus particulièrement chargé des finances. Né à Majunga en 1939, fils d'un haut administrateur colonial, Alain devait acquérir très tôt l'amour de la Mère-Patrie. A 17 ans, il passait avec succès sa deuxième partie du baccalauréat ; Alain devenait ensuite instituteur de Belleville. Vint mai 1958, l'immense fraternité d'Alger et ce drapeau tricolore ruisselant de soleil en travers de la Méditerranée. Alors, à 19 ans, à jamais, Alain choisit l'Algérie française... Il s'engage comme volontaire civil dans les SAS et y restera jusqu'en 1959 ; dire ce que furent ces contacts ? De retour à Paris, nommé instituteur à Neuilly, il passe ses heures libres à donner des cours du soir à des Français, ses amis musulmans du quartier de Belleville. Le dessein gaulliste se précise pourtant : Alain milite alors dans les rangs de mouvements, le Front National pour l'Algérie Française, pour le Front National Combattant qui seront tour à tour dissous - vox dei... Restent la clandestinité et le combat dans l'ombre... Alain n'hésite pas : Challe vient de rater le putsch d'Alger, Alain se lance dans la bagarre : la police vient l'arrêter en octobre 1961 mais il réussit à s' échapper.

Sa vie à la tête de Mission III commence alors. 9 mois d'une vie de passion et de fièvre où il montrera qu'il est de la race des chefs. A ses côtés pendant ce temps, je peux témoigner de son immense courage, de sa grande probité - au jeu qu'il menait, un certain nombre de personnes se brûlèrent les mains - et de la pureté de son idéal. Arrêté en juin 1962 -il avait su, lui, ne pas parler. Alain devait être libéré en juillet 1963. Je le revis à cette époque : son masque n'avait pas changé ; le visage émacié, "tête de loup" qu'affectionnait Bigeard, il me dit son intention de continuer la lutte : animé d'un mépris total pour l'homme qui a le pouvoir de fait, il affirmait ne rien pouvoir oublier... Je ne revis plus jamais Alain Mouzon. Je recevais cependant de ses nouvelles et je puis affirmer qu'Alain n'avait pas changé : La presse devait m'apprendre le samedi 3 avril qu'un gangster nommé Alain Mouzon, né à Majunga et ancien instituteur, avait été abattu la veille dans un hôtel de la rue de Trévise. Madame la concierge a dû respirer : "La police nous protège !". Lazareff - Brisson et Cie font bien les choses. Mais les lecteurs de l'Esprit Public doivent savoir qu'avec Alain disparaît l'un des meilleurs parmi les leurs. C'était un martyr de plus au Calvaire de l'Algérie Française : il est vrai que nous en avons l'habitude... POST SCRIPTUM : Au nom d'Alain, au nom de tous ceux qui ont souffert à ses côtés, au nom de notre fidélité à l'Algérie Française et au nom de la vérité, je vous demande instamment de bien vouloir publier cette lettre dans votre prochain numéro. Si certains termes ou phrases vous gênent, je vous autorise à les supprimer ou à les changer. Mais, de tout mon cœur, faites quelque chose pour la mémoire d'Alain ; il était trop beau, sa pureté trop grande pour qu'on le laissât mourir ainsi... Merci

 

 21 Avril 1964 :

Fin du premier congrès FLN. Ce congrès marque la totale domination de Ben Bella, qui change ses ministres, élimine ses anciens compagnons, nomme des nouveaux membres. Parmi les redacteurs des divers textes, très proches de Ben Bella figure outre Hervé Bourges Mohamed Harbi, depuis reconverti en historien impartial vivant et travaillant en france. Le comité central 17 membres comporte deux ralliés, Mohand ou el Hadj et Katib Youssef, et un nombre égal de partisans de Ben Bella et de Boumedienne.

Il est heureux, il ne se rend pas compte que les petits jeunes préfèrent l'islamisme de Boumedienne à son programme marxisto-arabe. Son programme "la charte d'Alger" soulève l'enthousiasme du monde progressiste surtout français, mais pas seulement (Tito, Castro…)

 

  30 Avril 1964 :

 Grande Camerone à Tulle, où presque tous les internés sont de la légion, (13 sur 17) ceux qui n'en sont pas - Salan, Challe, Jouhaud, Guillaume- sont nommés soldats d'honneur et peuvent participer à la fête.

 

 13 Mai 1964 :

 Prenant exemple sur Ben Bella, Bourguiba nationalise les terres des français.

De gaulle lui coupe les vivres.

Stupéfaction de Bourguiba, qui ne comprend pas pourquoi deux poids deux mesures. Mais le trouble ne durera pas plus que l'émotion.

 

  10 Juin 1964 :

 A Beauvais De gaulle défend sa politique algérienne : "Le problème algérien a été résolu conformément au passé de la france et à son intérêt." et le plus beau : "un million de français ont été, sans heurt, sans drame, sans douleur, intégrés dans notre activité nationale. Cela ne s'était jamais vu."

Les médias sont d'accord.

Les pieds noirs aussi mais seulement sur la dernière phrase, "cela ne s'était jamais vu."

 

  15 juin 1964 :

 Un officier français, Santini est enlevé en Algérie comme à la plus riche période de 62.

 

 6 juillet 1.964:

Aït Ahmed et Boudiaf, deux des chefs historiques, désespérés de la dérive en faveur du pouvoir personnel de Ben Bella, et de l'évolution économique de l'algérie, se mettent dans la clandestinité (en Europe) Ils créent le conseil national de défense de la révolution, et lancent des maquis qui n'auront de réalité qu'en Kabylie, et (très peu) en Ouarsenis et dans le Constantinois. Khider apporte l'argent du FLN, toujours en Suisse.

Une voiture conduite par un jeune homme de 20 ans, avec à ses cotés une jeune fille de 19 s'écrase contre un arbre sur la route entre Puget sur Argens et Frèjus. Les deux jeunes gens rentraient de Genève. Ses parents ont lutté quinze ans pour faire reconnaître qu'il s'agit d'un assassinat , ils ont en effet recueilli le témoignage d'un passant, qui a vu une voiture militaire foncer volontairement sur la voiture, qui fit alors l'embardée mortelle. Ils pensent que les militaires ciblaient un avocat algérois, membre l'O.A.S. venu de suisse et qu'ils se sont trompés de voiture- ou d'homme. Les parents du jeune homme les Saint Aubin ont mené jusqu'à leur mort récente une épuisante bataille judiciaire marquée par neuf procédures et autant de non lieu. Ils ont cependant réussi à montrer en 1981, grâce à Badinter, qu'un camion de l'armée était bien sur la route à cette date, et que le témoignage du passant qui le racontait n'était pas du à l'imprégnation alcoolique ou à l'influence des extra terrestres comme la justice gaulliste le sous entendait. La justice socialiste a alors admis un accident "involontaire" et versé 500.000 francs pour les faire taire.

Ils ne se sont pas tus, ils ont produit trois ordres de mission destinés à un capitaine en poste à Fréjus et demandant de neutraliser l'homme de l'O.A.S. en question, dont la voiture était la même que celle de leur fils. Peine perdue, ils sont mort sans que la vérité soit reconnue.

Ils ne sont pas les seuls dans ce cas.

 

13 juillet 1964 :

Démission de Medegrhi, puis de Kaïd. L'un ministre de l'intérieur parce que Ben Bella a ajouté à ses pouvoirs personnels la gestion du corps préfectoral, l'autre par solidarité.

L'affrontement entre Ben Bella, accusé de "pouvoir personnel " et de "culte de la personnalité " et Boumedienne se dessine, maintenant qu'ils ne restent plus que tous les deux au pouvoir.

 

  14 juillet 1964 :

 L'O.A.S. a placé une bombe sous la tribune présidentielle, mais cette année la tribune présidentielle n'est pas à l'endroit usuel.

 

30 juillet 1964 :

Le patron de la willaya 6 (Sahara) arrêté par les aviateurs soviétiques aux commandes des Migs, alors qu'il fonçait avec ses blindés pour liquider Ben Bella et Boumedienne. Chaabani est arrêté, il sera exécuté le 8 septembre.

Pendant ce temps, l'ALN ratisse la Kabylie, avec une vigueur bien supérieure à celle de l'armée française.

Abbas, Ben Khedda, Farès, sont arrêtés par le gouvernement FLN.

 

  31 juillet 1964 :

 La responsabilité de l'aide aux musulmans partisans de la France en algérie est transférée à l'amiral commandant la base de Mers-el-Kébir, elle disparaîtra avec lui.

C'est l'occasion pour l'armée de faire un bilan, 10.000 musulmans pro français ont été ramenés en 62, 15.000 en 63, 5.000 en 64. (dont environ 1.300 libérés des prisons algériennes à la demande du gouvernement français) 3200 engagés dans l'armée régulière ont été démobilisés à Sissone, soit 10000 avec leurs familles, environ 50.000 sans aide officielle, au total environ 90.000 personnes. Alors que plus de 220.000 hommes adultes avaient marqué leur engagement vis à vis de la France, sans doute un million et demi de personnes avec les familles, 6 % ont été mis à l'abri.

 Les responsabilités de l'abandon (Faivre).: Les archives des négociations, de Melun à Evian, illustrent de façon tragique l'évolution de la politique française concernant l'avenir des Français musulmans. La contradiction est flagrante entre les déclarations successives du chef de l'Etat, de 1959 à 1962. Les hécatombes annoncées en octobre 1959 ne sont plus redoutées le 21 juin 1962, lorsque le Comité des Affaires algériennes interdit de secourir les personnes menacées. Certains voient dans ce revirement une adaptation pragmatique à l'évolution de la situation, l'expression d'une politique qui colle à l'événement; la conclusion des accords d'Evian laisse en effet augurer le rétablissement de la paix, garanti par les déclarations de confiance optimistes des négociateurs français et algériens. Mais on peut y voir aussi la méconnaissance des réalités: l'opposition irréductible entre les communautés, la lutte pour le pouvoir et les richesses engagée depuis des mois au sein du FLN, le désir de vengeance des combattants humiliés, la volonté de rachat des populations attentistes.

Les négociateurs fronçais adoptent au départ des positions honorables et généreuses, mais peu réalistes, en ce qui concerne l'avenir des "amis de la France". Trois dispositions principales sont envisagées:

- l/ la promesse solennelle de non- représailles exigée du FLN,

- 2/ le maintien des musulmans fidèles dans la nationalité française, assorti de garanties comparables à celles des européens (Cour des garanties et Association de Sauvegarde),

- 3/ la possibilité d'installation en France.

En décembre 1961, on estime encore au Ministère d'Etat chargé des Affaires algériennes que "la France faillirait à son honneur si elle ne tentait pas tout en leur faveur".

La promesse de non- représailles est accordée sans difficulté par le FLN en novembre 1961. Mais une fois cette promesse acquise, l'on abandonne la proposition de nationalité, et l'on admet que la nationalité algérienne s'imposera de droit à tous les musulmans. Le maintien de la nationalité, exprimant un point de vue de juriste, était d'ailleurs totalement irréaliste: comment imaginer que le harki, rentré dans son village au milieu de populations hostiles, sera protégé par la possession d'une carte d'identité française ?

 Les propositions du général Crépin en janvier 1961 étaient-elles plus réalistes? Car lui aussi recommandait le maintien de la nationalité française pour les supplétifs. Mais il l'assortissait de conditions militaires rigoureuses, à savoir le regroupement des harkis en armes pendant un an après le cessez-le-feu. Et surtout, il se situait comme le général Challe dans la perspective d'une victoire militaire, et d'une négociation avec les seules willayas, rendue possible si les contacts avec Si Salah avaient été pris au sérieux par le gouvernement. Les préfets d'Algérie, sondés en novembre 1961, ne se font pas d'illusion, ils estiment que la seule protection efficace serait le transfert des Musulmans fidèles en métropole. Cette 3ème proposition apparaît comme la seule garantie réaliste pour les Français musulmans. Or la politique de rapatriement a évolué au fil des mois. Le conseiller de l'Elysée Manière y est favorable en mars 1961, ainsi que M.Roland-Cadet des Affaires algériennes, qui reporte cependant le choix après l'autodétermination. En décembre, cette option ne s'applique qu'à "certains" musulmans fidèles: le P.V. de réunion à Matignon du 17 février 1962, le communiqué Messmer du 8 mars, la lettre Joxe du 7 Avril, et le message de l'EMI du 13 mai limitent les transferts aux seules personnes menacées. Le recueil et le transfert seront-ils encore possibles après l'indépendance? "La garantie des garanties", selon les préfets, serait la présence de l'armée en zone rurale pendant 2 à 5 ans, pour "apaiser les tensions et les rancunes". Cette nécessité a été reconnue par P. Racine dès 1960, et par le général de Gaulle en mars 1961. Mais après Evian, elle est abandonnée, la période transitoire est réduite à trois mois, l'armée est regroupée et abandonne le bled au FLN. Enfin, les interventions de l'armée sont interdites.

 Le verbatim des pourparlers d'Evian contient l'importante déclaration finale de Krim Belkacem, le 18 mars 1962. Il se félicite de la bonne foi des négociateurs, qui a permis de "réaliser les aspirations nationales des Algériens. Une ère nouvelle de coopération entre la France et l'Algérie s'ouvre. La délégation algérienne, mandatée par le CNRA et au nom du gouvernement, s'engage à respecter ces accords politiques et militaires, et à veiller à leur application ". A cette lecture, la bonne foi de Krim paraît manifeste. Il vient de signer l'accord de cessez-le-feu, et de parapher les 93 feuillets du texte, y compris les déclarations unilatérales du gouvernement français.

Mais dans le même temps, le GPRA exprime des réserves sur une déclaration "qui ne saurait être opposable au futur Etat algérien". Aussitôt après, sous l'incitation probable de l'Etat- Major de Boumedienne, les willayas font aux supplétifs des promesses mensongères (les willayas adoptent alors un traitement différencié vis-à-vis des musulmans en service dans l'armée française: incitation à la désertion, des unités de la Force locale (appelés et GMS), promesse de pardon aux supplétifs et aux engagés, en attendant leur jugement qui violent ouvertement le seul accord réellement reconnu, celui qui interdit tout recours aux actes de violence. Il est prescrit en effet, de "se montrer conciliant envers les harkis afin de ne pas provoquer leur départ en métropole, qui leur permettrait d'échapper à la justice de l'Algérie indépendante".)

Deux mois plus tard à Tripoli, le CNRA désavoue le GPRA responsable des accords. L'indécision française et l'information trop tardive sur les rapatriements ont incité les supplétifs à regagner leurs villages, où ils ont été immédiatement pris en mains par le FLN. La responsabilité de la France dans ce retard est donc entière.

Quant à la duplicité du FLN, et à sa responsabilité dans les massacres, elles ne sont pas niables. On peut admettre que les négociateurs français ont été abusés par la bonne foi de Krim. Fallait-il faire confiance à la signature du FLN ? Aujourd'hui M. Messmer en doute (P. Messmer. Après tant de batailles. p. 261.) .Cette erreur de jugement est aggravée par l'absence de décision et d'information, par les lenteurs du rapatriement, et par l'interdiction des initiatives de secours, qui peut être assimilée à une non-assistance à personnes en danger, d'autant plus qu'à cette date le gouvernement était informé de la prise de position du CNRA.

 Maurice Faivre, Les archives inédites de la politique algérienne, l'harmattan, ISBN 2-7384-9117-0

 

  15 Août 1964 :

 Lors de l'inauguration du mémorial du débarquement de Provence, au mont Faron, une bombe doit exploser (25 kilos de cheddite, trois pains de TNT, allumage par radio) elle est plantée sous une plante verte. Les personnes qui doivent appuyer sur le bouton ne sont pas autorisées à monter jusqu'au mémorial, la bombe n'explose pas ce jour là. Quelques semaines plus tard une sorte de pétard explosera "naturellement". En fait il semble bien que les services secrets qui ont largement pénétré l'O.A.S., dont seuls quelques obstinés continuent à agir, savaient tout de l'affaire, avaient désamorcé le truc et ensuite mis à la place le pétard. C'st le légionnaire Samuel Lehman qui a averti le SDECE, il s'en ventera plus tard.

De toute façon, une autre mesure de sécurité, celle là imparable, avait été prise: si personne autre qu'officiels n'était autorisé à cette cérémonie, trois classes d'enfants des écoles étaient là, entourant De gaulle, boucliers humains non volontaires.

Cet attentat avait été monté par Susini, avec l'accord de Soustelle et l'appui de Rossfelder qui avait confectionné les télécommandes des bombes. L'éxecutant était Buscia. Il s'agit là de la derniére action repertoriée de l'OAS.

 

  27 Août 1.964:

 Le ministre de Broglie et les autorités algériennes signent dans la clandestinité un accord par lequel la France s'engage à laisser à l'algérie la possibilité de détenir à son gré et de disposer de toute les façons des citoyens français sur le sol algérien.

C'est accepter a posteriori le sort des harkis, des pieds noirs et des soldats que le FLN a martyrisé depuis le 19 mars 1962,les déclarations d'intention d'évian, et mettre fin aux dispositions contraires des mêmes déclarations, selon lesquels la France est autorisée à défendre ses citoyens sur le sol algérien, déclarations qui n'ont jamais été mises en pratique.

Des fuites ayant eu lieu, le ministre dément de façon embarrassé, mais les accords sont publiés au journal Officiel du 17 Août 1965.

 

3 Septembre 1964 :

Le pouvoir algérien fait fusiller Chaabani, ancien chef de la willaya 6, pour rébellion.

A ce jour les assassinats d'opposants étaient effectués par des hommes de main ("incontrôlés"), c'est la première exécution officielle, la société algérienne tétanisée dans le mythe de la révolution unie est profondément secouée.

Ben Bella annonce dans la foulée la création de milices populaires, qui ne dépendront pas des militaires. Boumedienne, dont Ben Bella affirme qu'il ne l'a pas consulté avant l'exécution et que cette exécution est de son entière responsabilité comprend le message 5 sur 5.

 

19 septembre 1.964 :

Dissolution par Ben Bella de la première assemblée Algérienne, élue fin 62 dans un cadre -sommairement- conforme aux déclarations d'intention d'évian, puisque une représentation des pieds noirs (en fait des pieds verts, mais bon, vu de paris) y figuraient.

Cette dissolution fait suite au vote de la loi sur la nationalité, où il est indiqué que la nationalité ne peut être accordée qu'à des personnes musulmanes, et qu'elles doivent se choisir un prénom également musulman.

L'abbé Berenguer, élu député au nom de son action en faveur du FLN, (il a été condamné par contumace- il était délégué du croissant algérien en Amérique latine où il récoltait des fonds pour acheter des munitions et des bombes- à dix ans de prison par le tribunal militaire de Tlemcen) proteste avec fracas, se fait traiter de raciste par Duval, évêque d'Alger qui a choisi le prénom de Mohamed, démissionne et rentre en France.

 

18 Octobre 1.964:

Accord entre la france et l'algérie, la france importera 7 millions d'hectolitre de vins chaque année.(malgré la nationalisation d'octobre 63 de toutes les terres propriétés de non musulmans).

 

  12 Novembre 1.964:

En 1964, des mesures furent prises contre la communauté des européens d'algérie résiduelle. Des tentatives d'intimidation, des arrestations plus ou moins arbitraires, découragèrent de rester ceux qui, contre vents et marées, avaient voulu demeurer sur leur terre natale. Parmi eux, J. M. Tiné, l'ami de Blachette et de Jacques Chevallier, un "Libéral" pur et dur, un de ceux qui avait cru à l'entente avec les nationalistes

Que des mesures aussi graves aient pu être prises à l'encontre de gens qui, peu ou prou, avaient joué le jeu du FLN, montre que ce dernier ne voulait pas tolérer la moindre survivance de la communauté des pieds-noirs, considérée comme un vestige du colonialisme. Les mesures prises par les Algériens motivèrent des protestations de la presse française dont un article du Figaro, daté du 12 novembre 1964 donne une idée.

Sous le titre "Les Français en Algérie manquent des garanties les plus élémentaires", on pouvait lire ceci: "Un homme de 72 ans, Monsieur Tiné est interné, depuis le début de l'été à la Maison d'arrêt de Berrouaghia. Aucune inculpation ne lui a été signifiée et il n'a même pas été présenté à un juge d'instruction. Cinq enseignantes françaises ont été arrêtées au début de septembre en Kabylie. Trois d'entre elles sont encore détenues sans qu'aucune précision n'ait été fournie sur leur sort. Un Père Blanc arrêté par la Sécurité Militaire a disparu depuis deux mois.

Monsieur Jean-Marie Tiné, l'un des hommes les plus en vue de la colonie française à Alger a été gardé 17 jours au secret par la Sécurité Militaire, avant que l'ambassade de France - au prix de quelles concessions ? - n'obtienne qu'il soit examiné par des médecins. Six ressortissants français ont été libérés la semaine dernière d'un pénitencier. Ils ont pris le lendemain l'avion pour la France. Ils n'avaient jamais été entendus par un juge d'instruction" (Yves Cuau).

 

2 décembre 1964 :

Ben Bella remanie son gouvernement, il nomme Boumedienne au placard doré de vice-président, et ajoute à ses fonctions de président, de premier ministre, et de ministre de l'intérieur les postes de ministre des finances, du plan, et de l'information.

 

10 Décembre 1964

 

La cour de sureté de l'état condamne Susini à mort par contumace pour son rôle à la tête de l'O.A.S.

 

28 Décembre 1964 :

Le congrès de l'autogestion a lieu du 25 au 28 et met en évidence l'échec de la politique agricole. Les fellahs dénoncent les inégalités de salaire, les technocrates incompétents, et regrettent à mi voix le temps de l'algérie française. Fort heureusement, le congré comporte 50 % de membres apparatchiks, les résolutions sont toutes bonnes.

 

  4 Janvier 1965 :

Le polémiste André Figueras, grand résistant, esprit libre, est condamné à une peine de prison ferme et à une amende (forte) pour son livre "Guide d'anti cinquième" publié en 1963 qui, dit le jugement, offense le chef de l'état et fait l'apologie des meurtres de l'O.A.S. Ce guide doit encore être disponible.

 

  22 Février 1965 :

 Monseigneur Duval, savoyard, qui a rejoint Alger en 1954, est nommé cardinal par Paul VI. La même année, il sera autorisé (" pour services rendus ") par les autorités algériennes à prendre cette nationalité sans abjurer sa foi chrétienne, alors que normalement la nationalité algérienne n'est donnée qu'aux musulmans. Il devra cependant choisir un nom "conforme à la spécificité du pays" et choisira glorieusement Mohamed, en souvenir peut-être de son surnom.

Il est mort à Alger en 1996.

 

15 Mars 1965 :

Dernier comité des affaires algériennes, Pompidou tire un constat d'échec total:

" On peut traiter, on ne pourra pas collaborer avec l'algérie. (… pétrole) On a cherché à se rouler mutuellement.

Mettre un terme au passé, et chiffrer ce que nous voulons faire. Ils ont tout pris, mais ils n'ont plus rien à prendre ".

 

  31 Mars 65 :

 De gaulle gracie pour pâques Gouraud et Forhan.

 

7 Avril 1965 :

Aït Ahmed, leader historique du F.L.N., qui avait tenté de créer des maquis en Kabylie, condamné à mort, est gracié par Ben Bella qui souhaite, pour contrer Boumedienne, gagner le soutien de tous ceux qu'il a écarté pour constituer son pouvoir personnel.

Ben Bella fera libérer début juin Ferhat Abbas et Farés, dans la même optique.

Ca ne suffira pas pour lui conserver le pouvoir.

 

9 Avril 1965 :

Le Journal Officiel de la république algérienne publie un texte affirmant que "le gouvernement de la république algérienne est le seul juge pour décider de la libération des Français détenus pour faits de guerre en algérie ".

La république française approuve silencieusement.

.

  19 juin 1.965:

 Ben Bella est mis en prison et remplacé par Boumedienne, officiel président du conseil national de la révolution (Ben Bella nageait dans le bonheur, il avait cumulé tous les pouvoirs, il se faisait encenser par la foule à chaque sortie, il est encensé comme un leader maximo dans toutes les capitales du socialisme, Mendés France venait de déposer à ses pieds l'hommage de la France.)

Le 22 devait s'ouvrir au club des pins une conférence afro-asiatique (rejeton des non alignés) qui devait porter sa gloire au niveau universel. D'après Holleindre qui prétend avoir des documents, De gaulle devait triomphalement se faire reconnaître comme le chef des non-alignés lors de cette conference. Ce serait pour éviter cela que la C.I.A. et les services russes, unis pour conserver le monde sous leur duopole, auraient donné le feu vert à Boumediene.

Pour se détendre il avait invité le footballeur brésilien Pellé, le fait jouer à Alger (joue avec lui) puis l'accompagne pour un autre match à Oran. Boumedienne l'accompagne, Bouteflika met au point les derniers détails du putsch, quand Ben Bella descend de l'avion qui le ramène à Alger il est arrêté.

Le peuple algérien qui l'acclamait la veille ne bouge pas.

Il est vrai que la situation économique est un désastre malgré les aides massives de la France (5 milliards 364 millions depuis l'indépendance, le premier poste) et de l'Amérique (l'Amérique nourrit un algérien sur deux écrit-on dans "croissances des jeunes nations").

Le secteur non public a diminué de moitié, un million d'algérien ont fui leur pays depuis l'indépendance, surtout pour la France, dont 280.000 qui ont une formation professionnelle et viennent l'exercer chez nous.

 

3 Juillet 1965 :

Trois ans après l'indépendance de l'algérie, il est mis un point final à la possibilité de prendre la nationalité algérienne pour les pieds noirs (entendez les non musulmans nés en algérie, y compris donc les juifs).

Moins de 800 l'ont fait dont 60 prêtres, 200 religieuses, 304 épouses de musulmans et le pittoresque Mohamed Bourges. Il est vrai aussi que les demandes "normales" ont en général été refusées, contrairement (une fois de plus) aux déclarations d'intention d'Evian, le FLN demandait des preuves de l'aide apportée au FLN pendant la guerre.

 

  13 juillet 1965 :

 L'Algérie et la France signent un accord "de gouvernement à gouvernement" qui légalise la nationalisation (deuxiéme épisode) du pétrole algérien.

 

 25 Décembre 1965 :

A la prison de Tulle, Bigot, Nicot et Saint Marc sont graciés.