Décembre 1957

 

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1 décembre 1.957 :

Rien.

 

2 décembre 1.957 :

Grenade dans la rue à Oran, deux blessés une jeune femme et son bébé de 21 mois.

 

3 décembre 1.957 :

Rien.

 

4 décembre 1.957 :

Sabotage sur la voie ferrée Philippeville - Constantine, le train déraille, 4 militaires du wagon de protection tués, 2 blessés.

Il y a toute une bataille qui se livre autour des voies ferrées: Un convoi ferroviaire circule encore en 1957 et jusqu'au début de 1958 entre l'Algérie et la Tunisie. Ainsi, quittant Souk-Ahras, assurons nous l'ouverture devant le train jusqu'à Ghardimaou, à dix kilomètres à l'intérieur de la Tunisie. Il est escorté lui-même par un groupe de combat embarqué dans le wagon de queue de ce train. Soixante kilomètres nous éloignent de notre base arrière, avec laquelle nous sommes en liaison permanente par radio télégraphie, le long de la rivière Medjerda, en pleine zone interdite. Toute la population a quitté la région qui reste donc déserte d'habitants.

Tir à priori sur tout ce qui bouge. Au-dessus de nos têtes, nous accompagnant, un avion T6. À la moindre alerte, dans l'instant, sur demande ou à vue, il fait arriver de Bône, un groupe de bombardiers B 26. Qui a dit qu'ici, ce n'était que du maintien de l'ordre et non la guerre? Après le poste de Sidi- Bader, nous arrivons à celui de Sidi El Hémessi, forteresse française située à la frontière, dans le "Bec de canard", avancée algérienne ainsi nommée en terre tunisienne. Nous dominant, le poste de Bordj M'Raou. Tous ces points forts sont tenus par le 153e Régiment d'Infanterie, célèbre unité constituée presque exclusivement de recrues alsaciennes. Du solide tout comme le 152e et le 151e, les 3/15 qui bénéficient du même recrutement et qui verrouillent eux aussi la frontière au nord et au sud.

Sidi El Hémessi: Encore six kilomètres et nous allons franchir un ponceau, limite de l'Algérie. Désormais, nous sommes en Tunisie. Les consignes précisent qu'à partir de là, nous devons avoir nos armes approvisionnées mais non armées, afin d'éviter autant que possible tout incident. Dix kilomètres encore et nous pénétrons en gare de Ghardimaou. Dans cette station, deux gendarmes tunisiens sont sur le quai, nous interdisant d'aller plus loin. Nous manœuvrons nos engins immédiatement, en attendant le train qui nous suit, tandis qu'un cantonnement de l'armée tunisienne pointe ses mitrailleuses en notre direction, dès notre arrivée. Nous ne sommes pas certains d' ailleurs que derrière ces armes automatiques, les servants ne soient pas des algériens, des fellaghas tout bonnement.

L'avion T6 nous survole haut dans le ciel. Écoute permanente avec adrénaline au zénith ... Les incidents sont multiples, continuels, non le fait des Tunisiens en général, mais des fellaghas qui viennent nous narguer. Ils recherchent la confrontation. Ils approchent des engins, regardent ostensiblement ce qu'il y a dedans, nous insultent. Causez toujours les amis d'Alger, nous vous donnons rendez-vous à dix kilomètres d'ici! Les Tunisiens subissent la présence de ces intrus. Ils essaient bien mollement cependant de faire tampon. Ce sont leurs frères de religion.

En effet, tant à Sakhiet, à quarante kilomètres au sud, qu'ici à Ghardimaou en terre conquise, des dizaines de milliers de fellaghas sont à l'entraînement. Les cheminots, dès l'arrivée du convoi qui nous suit, se mettent sous notre protection en attendant le signal du retour. Un jour, nous assistons à la scène suivante: Le conducteur du train est un Européen, un Pieds Noirs originaire de Souk-Ahras. Arrivent deux ou trois djounouds de l'Armée de Libération algérienne. Lun d'eux arbore deux étoiles sur sa tenue. C'est un lieutenant. Notre conducteur Pieds Noirs blêmit, car il l'a identifié. Arrogant, bien que non-armé, le jeune officier engage le dialogue:

- Tu me reconnais, Leroy? Ahmed, je suis Ahmed le facteur de la gare de Laverdure entre Souk-Ahras et Bône. Tu vois, je suis officier de l'ALN. Les voies ferrées dans la région, c'est mon affaire. La dernière attaque près de Laverdure, il y a quelques jours contre les draisines françaises, c'est moi qui la commandait ...

Oh ça oui, nous nous en souvenons: Mon ami, le sergent Louis Sarreo, originaire de Philipppeville, a été pris à partie dans une embuscade de premier ordre. Une roquette antichar lui a arraché à moitié le bras. Il est à l'hôpital dans un sale état. Gardera-t-il son membre droit?

Ainsi, sommes-nous les seuls soldats de l'armée française à approcher légalement les rebelles tous les jours. À peu de distance d'ici, en Algérie, nous nous fusillons joyeusement tandis que de ce côté, des conventions internationales interdisent toutes velléités agressives entre nous. Des incidents multiples émaillent cependant nos sorties.

Par exemple un jour, le sergent-chef Loichot, chef de mission, descend seul des engins, traverse les quais pour aller consulter le chef de gare qui, lui, ne s'abaisserait pas à sortir de sa tanière et venir jusqu'à nous. Trop dangereux, le secteur, où des armes tunisiennes sont braquées sur d'autres, les nôtres qui lui font face, où les servants ont le doigt sur la queue de détente.

Loichot est abordé par les pandores tunisiens. Les conventions passées avec leur État mentionnent que nous ne devons pas quitter nos véhicules en portant nos armes. De même, les fellaghas qui traînent la savate par-là, sont-ils en tenue militaire mais généralement sans arme apparente. Loichot, prudent, a glissé son colt 45 sous sa veste. Comme cette arme est relativement volumineuse, elle n'a pas échappé à la vue des "poulets" tunisiens, qui aussitôt, pistolets-mitrailleurs braqués, embarquent sans ménagement notre homme récalcitrant dans les locaux de la station.

Son adjoint est le caporal-chef Ribes, un niçois, ancien du Bataillon de Corée, qui a combattu au sein de ce glorieux corps et s'est illustré contre les nord-coréens et chinois, au côté des Américains en 1953. Pas très grand, il est animé d'une témérité à toute épreuve. Ceci compense cela! Aussitôt, prise de contact avec le chasseur T6. Il décrit des cercles très hauts dans le ciel. Sage précaution, car en terre tunisienne, où simplement à l'approche de la frontière, l'avion se voit dans l'obligation de prendre de l'altitude pour éviter d'être abattu. Maintes fois, lorsqu'il nous survole, il essuie le tir des mitrailleuses rebelles en passant au-dessus de Ghardimaou ou Sakhiet Sidi Youssef, plus au sud.

Manœuvre des engins. Alors que la mitrailleuse de 30 ne quitte pas le cantonnement tunisien de l'autre côté des voies, celle lourde de 50 est en batterie sur le bureau du chef de gare. Ribes s'en rend maître, et hurle:

- Chef de gare, je compte jusqu'à dix. Si à dix le chef Loichot n'est pas libéré, la ville de Ghardimaou sera bombardée, mise à feu et à sang, détruite. Tu as compris? Je compte. Un, deux ...

Habitué à faire la ligne, Ribes est connu par ici. Ses antécédents militaires ne sont pas ignorés. Sa réputation de solide baroudeur fait qu'il mérite d'être pris en considération. On pense donc que les bombardiers B26 risquent effectivement d'apparaître dans le ciel de Tunisie. Plusieurs fois déjà, après des incidents semblables, ils sont intervenus et leur vue a fait cesser toute velléité. Ribes continue, inexorablement, lentement, d'égrener:

- Trois, quatre, cinq ...

Loichot ne sort toujours pas. Alors, Ribes lâche une rafale de la 50 sur l'édifice de la gare, pan, pan, pan. On entend la cadence inimitable de la mitrailleuse lourde, saccadée, lente, à l'impact profond. Ça fait mal. Les vitres volent en éclats. Et il reprend son compte posément, laissant le temps aux tunisiens de s'exécuter.

- Six, sept ...

La porte de la gare s'est violemment ouverte, Loichot est expédié sur le quai, projeté plus que jeté. On a dû lui donner de l'élan à l'intérieur. En courant, tête baissée, il enjambe les voies, rejoint ses équipages. Sans attendre, tous cap à l'ouest, vers l'Algérie. Pendant que draisine et scout quittent la gare, les mitrailleuses de 30 et le fusil-mitrailleur 24/29 arrosent copieusement la gare afin de laisser un petit souvenir. Nos amis tunisiens ne perdent rien pour attendre. Encore quelques semaines et la ville de Sakhiet sera bombardée sur ordre du général Salan, commandant supérieur en Algérie.

Guy Chabot, "le plus sale boulot" ISBN 2-915461-92-9

 

5 décembre 1.957 :

 Rien.

 

 6 décembre 1.957 :

Rien.

 

7 décembre 1.957 :

Verdict dans le procès de Guerroudj, instituteur communiste au cœur du réseau de poseur de bombes d'Alger, (beau-père de Mine, la tueuse de l'otomatic, actuellement professeur à la fac de Montpellier après avoir été répudiée par son F.L.N. de mari) : la mort pour lui et sa compagne, tous deux seront graciés et amnistiés, doivent couler des jours heureux en france.

Le 3ème RPC finit par retrouver, près de Ouine Labbés, dans le grand erg, les restes de la compagnie de méhariste révoltée le 20 octobre, et dont une partie avait été accrochée et liquidée fin novembre. Au total 97 rebelles auront été tués, 16 paras aussi, le Sahara retrouve une tranquillité qu'il ne perdra qu'à l'indépendance.

 

8 décembre 1.957 :

Rien.

 

9 décembre 1.957 :

L'officier S.A.S. de El-Ma-El-Abiod, à 25 kilomètres au sud de Tebessa, communique un renseignement extrêmement urgent qu'il présente comme sérieux: du monde dans le Bou-Djellal. Le Bou-Djellal est un massif sans grande consistance un peu à l'ouest de chez lui. Un dos de chameau posé sur le plateau avec des ravinements, quelques pins et des touffes buissonneuses. Du monde au Bou-Djellal ? L'O.R. (Officier de Renseignement) est sceptique. On n'en a jamais vu dans ce coin sans eau ni abri. A vérifier quand même par conscience professionnelle.

A pied d'oeuvre vers 9 heures, les compagnies du 2e R.E.P. entament une progression qui ressemble un peu à une promenade matinale, l'arme à la bretelle. Le massif a été investi par les deux extrêmes. Deux fronts convergent en ligne l'un vers l'autre. Blindés du 6e R.S.M. et Jeeps de la compagnie portée patrouillent sur les flancs au cas, bien improbable, où des fuyards tenteraient de s'esquiver par la plaine.

10 heures. Plus d'une heure de marche à bonne allure. Rien! Des fells au Bou-Djellal ! Ce n'est pas sérieux! Alors autant en finir pour rentrer déjeuner chaud. Brutalement des rafales crépitent. Elles résonnent de partout, coupées par le bruit sourd de l'explosion des grenades défensives. Les radios, jusqu'alors silencieuses, se réveillent.

"Du monde devant moi! Ils décampent!" "Ils foutent le camp! On fonce!"

On les sent oppressés, ces porteurs de S.C.R. 300. Ils courent avec leurs vingt kilos dans le dos derrière leurs patrons, lesquels courent pour suivre leurs voltigeurs qui, fidèles à leurs habitudes, vont sus à l'ennemi. Tout le Bou-Djellal s'est embrasé. Les rafales de P .M. succèdent aux rafales de P .M. A peine distingue-t-on la cadence plus rythmée des fusils-mitrailleurs. Leurs servants n'ont guère le temps de se mettre en batterie. Tout se passe très vite à la poursuite de cet adversaire qui se dérobe. Chaque ombre est immédiatement mitraillée. Des formes en djellaba ou treillis tombent. Au hasard de son avance, un légionnaire armé d'un fusil lance-grenades, qui progresse avec son engin au bout du canon, voit devant lui une ombre se dresser. Il tire d'instinct, presque à bout portant. Le rebelle frappé en pleine poitrine s'effondre. Le tireur écope des éclats de son projectile. Ses mains et son visage sont ensanglantés.

Les rafales claquent toujours, mais côté légion, en connaisseur, on s'interroge: "Ça ne répond pas beaucoup en face!"

Effectivement, les coups de feu adverses ne sont pas très nourris. Juste ce qu'il faut pour créer une ambiance et obliger à se baisser un peu. Il n'y a pratiquement pas de casse. Au P .C., les choses vont tellement vite que la manœuvre a perdu un sens. On sait seulement que deux vagues filent l'une vers l'autre, bousculant tout ce qu'elles rencontrent. Mettre un peu d'ordre ? Un seul moyen! Stopper l'un des flots, le situer. . Heureusement, sur le terrain, les commandants de compagnie pensent de même. Ils ont beaucoup couru et à cette vitesse les amis ne doivent pas être loin. Les balles qui sifflent maintenant prennent un petit air connu. Attention aux méprises! Déjà des bérets verts se profilent sur les crêtes d'en face. Le feu se calme. On s'aperçoit. On s'interpelle.

Demi-tour. Avec calme et méthode maintenant, les compagnies rebroussent chemin pour ratisser le terrain parcouru et faire le bilan de cette course folle. A midi, le décompte tombe : 119 rebelles tués,7 prisonniers,27 armes récupérées. Les légionnaires sont déçus. Où sont les armes ? L'interrogatoire des rescapés fournit la clé de l'affaire.

Ils marchaient depuis trente-deux jours. Encadrés par une section de l'A.L.N., jeunes recrues, ils partaient s'instruire et s'armer dans la base de l'Est, en Tunisie. 32 nuits de marche depuis la région de Médéa, dans le Sud Algérois, dont ils sont originaires. La fatigue et le jour les ont cloués sur cette croupe semi-pelée du Bou-Djellal où ils se sont fait repérer. Encore une nuit et ils étaient sauvés. Au 2e R.E.P. , évoquant le Bou-Djellal, on parlera du "massacre des innocents". L'expression demeurera.

(…) En un mois ils ont sillonné la moitié de l'Algérie. Sur leur passage, ils ont réclamé dans les gourbis gîte et couvert. Ils se sont présentés comme les soldats de l'Algérie indépendante. Eux et tous les autres qui n'ont pas été interceptés ont ainsi répandu et développé dans la population les sentiments d'un lien national à travers les djebels et les vallées. Progressivement, par ces luttes et ces morts, l'Algérie se soude en ces années de guerre.

Montagnon, la guerre d'algérie, éditions Pygmalion, 1984, ISBN 2-85-704-171-1

 

10 décembre 1.957 :

 Un assassinat à Mascara.

Grenade dans un bar de Blida, 9 blessés, 5 européens, 4 musulmans.

Un des bleus les plus fidèles de Leger assiste à un conseil de la wilaya III, comme chef de ce qui reste de la zone autonome d'Alger; il en revient avec de nombreux renseignements, mais une consigne précise, faire exploser une bombe au moins à Alger pour Noël.

 

11 décembre 1.957 :

Ben Saddok, tueur d'Ali Chekkal à la sortie de la finale de la coupe de france au stade de colombes, condamné par un jury populaire aux travaux forcés à perpétuité. Amnistié.

 

12 décembre 1.957 :

Affrontements entre F.L.N. et MNA à Paris, bataille rangée, 7 morts, 18 blessés.

Le pasteur luthérien Mathiot, de Belfort, est arrêté pour avoir héberger un terroriste du F.L.N. et l'avoir conduit en suisse dans sa voiture.

 

13 décembre 1.957 :

Publication du rapport de la commission "de sauvegarde des droits et des libertés en algérie" . La commission constate la réalités des sévices (depuis appelés torture) et l'illégalités de mesures d'internement.

Un pharmacien poignardé à Bône.

Un agriculteur assassiné à la hache à Philippeville.

Un autre à Taher.

 

14 décembre 1.957 :

Rien.

 

15 décembre 1.957 :

 Le premier document que nous ayons retrouvé concernant les enlèvements date du 15 décembre 1957. Il émane de l'Etat-major mixte du Ministère de l'Algérie et sera remis par le colonel Magny à B6 (sic!) le 24 décembre "de la main à la main" est-il précisé. Cette "Note au sujet des personnes enlevées par les rebelles algériens" indique clairement que la population musulmane est la plus durement affectée par ces enlèvements, soit près de 3 500 personnes en plus des 246 militaires musulmans et des 454 membres des GMPR et des harkas. Les mobiles des enlèvements sont variés mais leur but général est d'affermir par la terreur l'emprise du FLN. Que sont devenus ces disparus? "Certains ont, est-il écrit, été embrigadés dans les bandes du FLN mais les plus nombreux ont été purement et simplement liquidés".

Pour les civils européens, la note précise que 85 d'entre eux sur les 170 enlevés depuis le 1er novembre 1954 et jusqu'à cette date de décembre 1957 n'ont jamais été retrouvés. Les autres, à de très rares exceptions près, ont été retrouvés assassinés après avoir été torturés. Parmi les forces de l'ordre, 130 militaires de tous grades ont disparu et leur sort est à ce jour inconnu. Cependant, reconnaît le rapport, même si les corps ne sont pas retrouvés, les autorités pensent que "les militaires peuvent être encore vivants entre les mains des rebelles mais que la plupart des civils ont été assassinés". Ainsi, le 3 mai 1956, les jeunes Jean-Paul Morio (15 ans), Jean Almeras (14 ans) et Gilbert Bouquet (15 ans) sont enlevés alors qu'ils font du vélo. Leurs cadavres seront retrouvés quelques jours plus tard dans un puits. L'enquête permet cependant d'arrêter le responsable de ces crimes, Lakhdar Fizi, responsable FLN du douar Oulmen. Il reste toutefois que quelques rares enquêtes permettent de suivre un disparu: ainsi, le 2 août 1956, Jacques Pierre, représentant de la Maison Suchard est enlevé sur la route de Jemmapes à El Arrouch (Constantinois). Or, il est vu vivant, 8 jours après, au sein d'une bande de la région qui l'a enlevé pour le livrer au chef de secteur FLN Ali Mendjeli. La suite de l'enquête ne donnera plus aucun élément d'information sur cette personne. En 1962, Jacques Pierre est toujours un disparu.

Pour l'ensemble de notre période (ler novembre 1954 - 18 mars 1962), c'est l'année 1957 qui reste celle où les enlèvements sont les plus importants et où les disparus le sont également (79 personnes à ce jour dont nous ignorons le sort). Les années qui suivent montrent un réel affaiblissement du nombre des enlèvements-disparitions d'Européens, 54 en 1958, 35 en 1959, 18 en 1960 et 39 en 1961, alors que celui des Musulmans est en constante progression selon les sources militaires. Cela tient essentiellement à l'affaiblissement de l'ALN minée par les actions de l'armée française et au repli des Européens vers les villes plus sûres. De fait, si les enlèvements se font plus rares, ils sont davantage suivis par les autorités militaires qui mettent tout en oeuvre pour retrouver les personnes enlevées. Les renseignements trouvés dans les archives du Service historique de la Défense sont alors plus explicites y compris lorsqu'il s'agit de personnes disparues. Le 3 septembre 1958, Etienne Nartey, ingénieur des ponts et chaussées est enlevé par une bande de l'ALN. L'enquête menée par l'armée permet l'arrestation du commissaire politique de la Wilaya 6 et la saisie de plusieurs documents. Dans l'un d'entre eux, il est indiqué que Nartey Etienne a été exécuté le 7 septembre pour avoir refusé de marcher et que son corps a été jeté dans le lit d'un oued. L'armée dépêche une escouade sur les lieux de l'exécution mais le corps d'Etienne Nartey ne sera pas retrouvé. De la même manière, Danielle Baussac, de nationalité belge, est enlevée le 13 mars 1960 dans les gorges de la Chiffa par des éléments de la zone II de la Wilaya 4. D'après des renseignements privés recueillis par le Consul général de Belgique en mai 1960, son cadavre reposerait dans le lit desséché de l'oued Bou Abbou oued voisin de la Chiffa. Le commandant du secteur de Médéa fait alors procéder à de nombreuses recherches en juillet 1960 sur un périmètre de 4 km mais les militaires ne trouvent pas le corps. Enfin, un document rebelle récupéré le 27 mars 1961 par le secteur de Tizi Ouzou fait état de l'enlèvement de Jacques Huet et de Georges Colbrand sur la RN 30 le 19 novembre 1960. Ils sont aperçus le 10 décembre à Taila (à 27 km au sud ouest de Tizi-Ouzou) prisonniers du groupe de Si Ouakli qui se dirige vers Yakouren. Apparemment, ils sont bien traités. Le groupe venait du massif du Kouriet où il a séjourné pendant plusieurs jours. Ce même document cependant précise que ces deux personnes ont été abattues dans la première quinzaine de janvier 1961. La recherche de leur corps, plus de deux mois après leur exécution, ne donne aucun résultat.

Il y a cependant quelques libérations de prisonniers: ainsi, le 15 mai 1959, M. Bourgue, sujet suisse, est relâché à proximité du poste de Yakouren et le 18 mai, 15 Français civils et militaires sont à leur tour libérés. Très logiquement, ces personnes étaient entendues par les services de la Sécurité du territoire et par la Sécurité militaire. Il ressort que les prisonniers changeaient souvent de lieux de détention et que les déplacements étaient quasi quotidiens. Ils doivent enfin leur libération à la pression du GPRA sur le FLN et l'ALN.

D'après Jordi "Un silence d'état" ISBN 978-2-9163-8556-3

 

 16 décembre 1.957 :

RAS

 

17 décembre 1.957 :

Les premiers 450 kilomètres du barrage tunisien sont mis en service. Il n'a pas pour but d'empecher lui-même le passage mais de les signaler: Il s'agit d'un réseau de barbelés électrifiés, longé par une route où peuvent circuler les blindés, et surveillé en avant par des radars doplers qui détectent les mouvements. Des troupes en alerte permanente foncent à chaque alerte. Pour des raisons géographiques (la région est montagneuse), le réseau n'est pas le long de la frontière mais laisse une part appréciable du territoire algérien du même coté que la Tunisie. Dans la mesure où les gouvernements successifs (même les plus belliqueux) se refusaient à aller attaquer le FLN dans ses bases de Tunisie et du Maroc, ce réseau, agrandi , étalé en profondeur, sophistiqué au fil du temps et des crédits, développé plus tard coté marocain, puis tout le long de la frontière tunisienne sera l'élément majeur de la victoire militaire des troupes françaises. Non seulement il empêcha l'entrée de troupes sur le territoire algérien, mais il libéra les troupes de choc (para et légion) pour passer à l'offensive.

Cependant, cette protection était coûteuse en hommes et en crédit, et le refus d'aller liquider les rebelles dans leurs bases portait en germe l'abandon de l'algérie et l'interdiction de la partition.

 

18 décembre 1.957 :

RAS

 

19 décembre 1.957 :

Une première offensive du FLN sur le nouveau barrage est repoussée avec de lourdes pertes chez nous, mais l'anéantissement des rebelles.

 

20 décembre 1.957 :

 Le FLN mitraille dans les rues d'Oran, scènes de panique, 3 morts (dont un épicier musulman courageusement sorti de sa boutique pour accueillir les passants qui se sauvaient dont deux jeunes filles de 14 et 24 ans), une dizaine de blessés.

Une bombe est découverte dans la caravelle Oran- Paris.

 Debré a fondé lui-même un journal, le "Courrier de la Colère" pour y déverser le surplus de sa prose et de sa bile. Voici ce qu'il y écrivait le 20 décembre 1957 : "Que les Algériens sachent surtout que l'abandon de la souveraineté française en Algérie est un acte illégitime, c'est-à-dire qu'il met ceux qui le commettent et qui l'accomplissent hors la loi, et ceux qui s'y opposent, quel que soit le moyen employé, en état de légitime défense."

 Bidault, ancien chef de l'état, ancien premier ministre, ministre des affaires étrangères presque permanent du temps où se créait l'Europe, commente : "Ce texte mémorable donne raison à tous les insurgés pour l'Algérie française. Je fus amené un jour à le citer par écrit, et, lors de l'affaire des Barricades à Alger, il fut lu publiquement. Quand il y eut procès, le fameux procès des Barricades, ce texte me fut attribué à moi, en cinq actes successifs de l'accusation. Je n'ai pas obtenu d'excuses du ministère public. Celui-ci n'est même pas allé jusqu'à faire l'aveu qu'en effet le texte était de M. Michel Debré et qu'il donnait raison aux accusés. Car M. Michel Debré était Premier Ministre et il poursuivait comme auteurs de sédition des gens qui obéissaient à ses consignes. Il avait déjà beaucoup appris de son maître. La morale très pragmatique de cette affaire, et de beaucoup d'autres qui la suivirent, se résume dans un aphorisme très simple: "Ce que je dis est bien quand c'est moi qui le dis, mais si d'autres le répètent et que j'aie changé d'avis, c'est très mal ".

Bidault, d'une résistance à l'autre, Les presses du siècle, 1965.

 

21 décembre 1.957 :

RAS

 

22 décembre 1.957 :

RAS

 

23 décembre 1.957 :

La police parisienne arrête 445 personnes, soupçonnées d'être membre ou d'aider le FLN.

Comme le police utilise les moyens traditionnels (confrontations, documents etc...) et que la justice traite les terroristes et leurs complices comme on traite les meurtriers passionnels, ces efforts sont souvent vains. C'est seulement en 2001 -trop tard- que ces combats seront (enfin) qualifiés de guerre.

 

24 décembre 1.957 :

RAS

 

25 Décembre 1.957:

rien.

 

26 Décembre 1.957:

Grenade dans un bar à Oran, un mort, 6 blessés.

 

27 Décembre 1.957:

A Alger, assassinat d'un commis de ferme.

La saisie de comptes du FLN met en évidence que l'essentiel de ses dépenses de propagande sont dirigées vers les Etats Unis.

 

Règlement de compte entre membres du FLN au Maroc, Boussouf, chef incontesté de ce territoire fait assassiner Abane Ramdane.

Krim Belkacem raconte dans ses mémoires que Boussouf avait coutume d'exécuter les gens que le FLN de Tunis lui envoyait; et que quand lui, Krim, accompagna Ramdane non pas pour l'exécuter comme cela se faisait habituellement, mais pour le mettre en prison aux bons soins de Boussouf, (croyez le si vous voulez) ce dernier, n'ayant rien compris, fit exécuter Ramdane sorti de table pour un besoin naturel. Un superbe couscous était servi le soir de leur arrivée. Boussouf présenta fidèlement la tête de Ramdane à Krim Belkacem encore à table. Il raconte dans ses mémoires qu'il en eut la digestion perturbée. Belkacem écrit "une tragique méprise, Boussouf a cru bien faire". En effet, normalement, tout responsable confié à Boussouf devait trépasser, une méprise? Dure est la vie des chefs terroristes.

Abane Ramdane, kabyle, était la tête politique du F.L.N. , il y a fédéré les oulémas, les centralistes, l'UDMA. Il est l'âme de la réunion de la Soumam et l'inspirateur de la plate-forme. Il est opposé, en bon kabyle, à tout islamisme, assimilé à l'arabisme. Après l'échec de la bataille d'Alger, à laquelle il participe, il rejoint l'extérieur où il est accusé de berbérisme parce qu'il défend la primauté de l'intérieur sur l'extérieur et qu'il souhaite un règlement politique, et s'oppose aux extrémistes qui bénissent et organisent les attentats les plus sauvages. Il en sera une victime de plus.

 

28 Décembre 1.957:

Rien.

 

29 Décembre 1.957:

Rien.

 

30 Décembre 1.957:

Fusillade entre FLN et MNA à Aix en Provence, trois morts, deux blessés.

Une grenade lancée dans un stand de foire de la bastille fait dix blessés.

 

31 Décembre 1.957:

 2653 tués, 9158 blessés chez nous, 16513 tués, 6020 rebelles prisonniers.

390 condamnations à mort, 91 exécutions (soit d'après les calculs du faux témoin Ighilariz, ( 2 par jour).)

Lacoste est content, de 4000 en 1956 les attentats du F.L.N. (contre les personnes ET les biens) sont tombés à 1400 en 1957. La bataille d'Alger est gagnée, les barrages sont en place, 200.000 musulmans servent dans nos armées.

En métropole la lutte entre FLN et MNA a fait 360 morts et 637 blessés. Le FLN est le grand gagnant de la bagarre, il est sans pitié et sans scrupules. Il n'hésite pas à dennoncer ses concurrents à la police.

Sur le plan politique, sa loi cadre ne passe pas. Elle est pourtant intelligente (l'algérie est divisée en cinq régions qui recoupent les ethnies - Kabylie, Algérois, Oranais, Aurès, Sud, dotées d'une assemblée avec de grands pouvoirs, collège unique, la france ne conservant que la monnaie, la défense, les relations extérieures). Elle est jugée, en particulier par les gaullistes, trop compliquée.