La willaya 3 menaçant de descendre dans le sud libérer Boudiaf les armes à la main, Boumedienne le libère.
Témoignage harki B. .. Ahmed ben Slimane, harki pendant trois ans au 37e B.G., 21e compagnie, Guelma: " Le chef F.L.N., ZEMMOURI Salah, accompagné de quatre hommes, tous en tenue, s'est présenté chez moi dans la nuit (le 1er août). Ils m'ont emmené ainsi que ma femme. Nous avons été attachés et battus. Ils m'ont pris toutes mes économies. Ma femme a subi les pires violences. Sous mes yeux elle a été violée par quatre hommes. Ma femme a vingt-neuf ans. J'ai eu mon oncle paternel et deux cousins harkis égorgés par les rebelles le jour même de mon évasion. Nous avons réussi ma femme et moi à nous sauver et nous nous sommes mis sous la protection de l'armée… "
Récit fait par A ... Mohamed ben Salah, harki depuis 1955 au 15/1 R.I. de Guelma:
" ABBADLIA Amhed ben Ferhat, harki à la 2e compagnie du 15/1 a été égorgé au cours du mois de juillet.
LAICHI Salah, sergent à la C.C.A.S. du 15/1 a été tué à coups de bâtons et dépecé.
Soixante-quatorze autres harkis au total de la région de Guelma ont été assassinés vers le 15 juillet.
BOVITI Tahar ayant eu quatre fils harkis au 15/1 a été supplicié (deux jambes et deux bras coupés vers le 12 juillet).
Le colonel du bordj de Guelma avait interdiction de sortir troupes et véhicules pour aller sauver les familles menacées.
2 Août 1962 :
Un accord est trouvé entre le clan de Tlemcen et le GPRA, tous effrayés par les ambitions de Boumedienne.
Suivant cet accord, Ben Bella s'installe à Alger, le GPRA organise des élections à l'assemblée constituante, le CNRA se réunit une semaine après cette élection et choisit le nouveau bureau politique qui est donc accepté comme un nouvel organe du F.L.N.
Témoignage C... Abdelkader, harki durant six ans à Sidi-bel-Abbès: "Des rebelles en armes, d'autres en civil, sont venus m'arrêter dans la nuit du 2 août 1962. "Pourquoi n'as-tu pas déserté avec armes selon le mot d'ordre rebelle?" J'ai été attaché et laissé nu, et blessé par courant électrique dans plusieurs parties du corps. Au bout de deux jours j'ai réussi à me libérer et me sauver. Je me suis mis sous la protection de l'armée. J'ai laissé ma femme et mes deux enfants prisonniers du F.L.N. Je ne sais pas ce qu'ils sont devenus."
Le 2 août 1962, vingt harkis de la S.A.S. de Maginot (Médéa) ont été enlevés par l'A.L.N. Aucune nouvelle n'en a été donnée
BOUDEDJA Amara,. 1re classe au 1er R.C.A, capturé le 02-08-1962 à Yakouren, prisonnier du F.L.N. en Algérie. Il s'évade plus de cinq ans après l'indépendance le 10-10-1967. Avait la carte verte de prisonnier.
SKAKNI Bousad, Au 1/121 e R.I., capturé le 02 08 1962 et prisonnier du F.L.N. à Oran, d'où il s'évade le 01-12-1967.
Début août, le général Debrosse imagine qu'il pourrait devenir Inspecteur des Gendarmeries du Maghreb et souhaite maintenir en place les 450 Brigades territoriales, alors qu'elles ont cessé toute activité en juillet, qu'elles sont en butte à des vexations et à des brimades, et que les dirigeants algériens "excluent toute participation française à la création d'une Gendarmerie algérienne". Le général de Brebisson, qui a succédé au général Fourquet, doit donc lui imposer le repli de 330 brigades. Les 120 brigades restantes, inemployées, doivent être reconverties en Gendarmerie prévôtale. Il n'est pas étonnant que les archives de la Gendarmerie ne contiennent que de très rares bulletins de renseignement après le 1er juillet 1962 (IH 1921/4).
Repris sur Faivre "les combattants musulmans de la guerre d'algérie" ISBN 2-7384-3741-9
3Août 1962:
Rappel: 21 septembre 1961, fin du procès dit du "Complot de Paris". Parmi les vingt deux inculpés, sept militaires dont le général Faure, le colonel Vaudrey, quatre commandants et un capitaine. Quinze civils dont le préfet Léger, les docteurs Cathala et Calvet, un cinéaste J. Dupont, trois ingénieurs dont Serge Jourdes.
D'après nos avocats, le nombre de civils incarcérés à la prison de la santé, durant les années 1961/1962, était de plus de 2000. On peut donc évoquer les militaires, mais ne pas oublier les civils. En Algérie, le contexte est différent, car c'est à Paris que les officiers supérieurs, anciens patrons d'unités en Algérie et mutés en métropole, ont préparé le coup d'état du 22 avril 1961. Le colonel Gardes a reçu mission de prendre, dès son arrivée, le commandement des 25000 hommes des Unités Territoriales du Grand Alger, car rien ne devait se faire sans la participation des civils
Le général Challe, qui prendra le commandement du soulèvement une semaine avant son déclenchement, refusera toute participation des civils et annulera toute les opérations prévues en métro pole. Pour lui, ce devait être une opération strictement militaire en Algérie. On a vu le résultat et ses lourdes conséquences.
Après l'échec du mouvement, capitaine Sergent et son adjoint le lieutenant Godot, ont été chargés par le général Salan de créer l'OAS-métro. Le colonel Godard m'adresse alors un message demandant de rejoindre l'OAS Algérie. :Départ le 22 Janvier 1962 accompagné par le colonel Sèze convoqué par le général Salan.
Dès mon arrivée à Alger le 24 janvier au matin, je rencontre les colonels Gardes et Godard, ainsi que le docteur Jean-Claude Pérez qui est le chef de l'ORO (Organisation- Renseignements-Opérations)
Sur exigence du docteur Pérez. et après nomination officielle du général Salan, je prends le cormmandement de la zone OAS· ouest-Mitidja, avec comme adjoint ORO un garçon courageux et intelligent "Stéphane" de son vrai nom Norbert Phal.
Je suis sous l'autorité de Jean Claude Pérez, que je rencontre régulièrement à son PC boulevard du Télemly à Alger. J'y retrouve Roger Degueldre pour toutes nos relations avec les militaires de la zone.
Roger me fournit une "vraie fausse" carte d'identité au nom de Henri Cazes.
Grâce à Marcel Weckel, patron de l'électricité et gaz d'Algéérie (l'EGA) et à mon ami Henri Zammit, cadre à l'EGA, je suis en possession d'une carte professionnelle de contremaître principal des lignes et postes, avec la possibilité d'emprunter pour la journée un Land Rover, avec échelle et isolateurs, me permettant sans problème de circuler dans la zone.
Février 1962. Organisation de la zone Ouest-Mitidja Stéphane est le responsable de l'ORO, en liaison directe avec Jean-Claude Pérez. Quant à moi, Roger me demande de m'occuper des relations militaires et me donne des contacts sur Cherchell, Blida, Tipaza, les SAS et les harkas du secteur, plus une mission (car il estime à juste titre que le succès de l'OAS passera obligatoirement par le ralliement de militaires) qui est de créer des centres d'hébergement qui recevront ces militaires et d'assurer leur logistique. Une épicerie, tenue par un de mes amis à Souma, près de Bouufarik, centralise toute la nourriture. A moi de trouver les fermes qui accepteront de recevoir pour quelques jours nos amis. La tache n'est pas facile, inutile de commenter ...
Côté contacts avec les militaires, je trouve une aide et un accueil sympathique, surtout de la part des petites unités, mais quant à rejoindre l'OAS, on me fait gentiment comprendre que c'est une décision qui sera prise plus tard, et à un autre échelon.
Début mars, Jean-Claude Pérez m'informe de la création d'un petit maquis, stationné près du village d'Oued-Djer, entre El-Affroun et Ameur-el-Aïn. Il est composé d'une douzaine de jeunes garçons, issus des quartier du Ruissseau et du Champ de Manœuvres d'Alger. C'est son frère Jacky qui les commande. Jean-Claude me demande d'aller les voir au plus tôt, précisant que Roger me donnera les coordonnées des militaires, à contacter sur place, qui les protègent. Visite du maquis, nos jeunes sont en sécurité, mais cette situation ne peut durer. Je fais mon rapport à Jean-Claude. Roger va s'en occuper.
Le 28 mars à deux heures du matin, un train de marchandise part de Maison-Carrée, en direction de Miliana, avec des hommes de Roger en arme, plus les membres du maquis d'Oued-Djer, avec pour mission de rejoindre le colonel Gardes. C'est le début de l'opération de l'Ouarsenis.
Le 9 avril en fin de matinée, je revois une dernière fois Roger Degueldre en haut de la rue Michelet à Alger. Il me dit: "Serge, il faut aller dès que possible à Blida voir le capitaine X qui te conduira à Chréa, pour récupérer des armes et rendre visite au Bachagha Larradji et au maquis de Meurad où ça patine". En début d'après-midi, je suis à Blida où le capitaine X annule notre voyage en raison d'un bouclage par l'armée.
A la mi-avril, Henri Zammit me conduit à El-Affroun où je dois retrouver Henri Viala, le responsable OAS local. Au café, après déjeuner, nous recevons la visite de trois harkis auxquels on a fait signer des "permissions" qui sont en fait leur démission de leur harka. J'ai honte.
Viala m'amène à Ameur-el-Aïn où je suis hébergé chez le maire. Celui-ci me fait véhiculer le lendemain jusqu'à Marengo où je retrouve "Michel", le responsable OAS, que j'ai connu en 1949, à la fin de mon stage à l'Ecole Militaire de Cherchell. J'apprends que le maquis est dissous et que le Bachagha Larradji souhaite me rencontrer chez des amis à Meurad.
Le Bachagha me remercie d'être là et ajoute: "Je suis très inquiet pour ma famille et moi-même. Que va faire la France? Va-t-elle trahir son serment de nous protéger et de ne jamais nous abandonner? Que peut, que va faire l'OAS?"
J'ai honte pour mon pays.
Le lendemain matin, Michel me conduit jusqu'à Tipaza où je retrouve un lieutenant du 11 e Choc que m'a présenté Roger Degueldre. Nous partons pour Castiglione où je fais la connaissance de Roger Piegts, le frère de Claude qui sera fusillé.
De retour à Alger, je fais un compte-rendu de mon voyage à Jean-Claude Pérez et au colonel Gardes, qui s'occupera du départ de la famille Larradji pour Toulouse où elle se fixera. Quant aux hommes du maquis de Meurad, ils sont rentrés à Alger, sauf six d'entre eux, des anciens militaires, qui ont rejoint le maquis de l'Orléanvillois. Avec Stéphane nous allons les voir. Dans la ferme il y a beaucoup de monde, des hommes en arme vont et viennent. Nous sommes inquiets, mais que faire?
Trois jours plus tard, le colonel Gardes m'informe que nos six garçons sont en prison à Tizi Ouzou, qu'il va les faire libérer et qu'il faut des places de bateau pour les exfiltrer vers la métropole. Trois jours plus tard, monsieur Pierson, ingénieur en chef de l' EGA et ancien cinq galons de la Marine me remettra les billets, de la part de monsieur Weckel, Directeur en chef de l'EGA.
Le 22 juin, avec mon adjoint Stéphane, nous prenons, nous aussi, un bateau pour Marseille, comme moniteurs d'une colonie de vacances, créée par monsieur et madame Jimenez, dans le Var. Le 3 août 1962 je reçois un message de Pierre Sergent m'annonçant la dissolution de l'OAS Algérie et le 17 octobre, grâce à Maître Tixier- Vignancourt, fini Henri Cazes, je reprends mon identité et mon job à l'EDF à Paris.
Sege Jourdes, dans la revue "mémoires d'empire"
4 Août 1962:
La disparition du gendarme Lefèvre et de sa famille en 1962, un cas comme il y en a eu des dizaines de milliers, par Francis Ménage M. Francis Ménage a fait parvenir ce texte relatant la disparition de la famille Lefèvre à Laghouat en 1962.
"Un Dimanche après-midi du printemps 1958, alors que j'étais entrepreneur en charge de travaux de construction à Laghouat, je rencontrai Jacques Lefèvre, gendarme affecté dans cette oasis.. Quelques mots échangés nous apprirent que nous étions originaires de la même région de Morgny dans l'Eure. Ce point d'attache commun va nous rapprocher. Lors d'une permission en 1959, Jacques Lefèvre se mariera et reviendra à Laghouat avec sa jeune femme Nicole. Ils s'installeront dans un logement de la gendarmerie toute neuve et à peine réceptionnée. Un an plus tard naîtra un petit garçon prénommé Alain.
Dans le cadre de la pacification, les autorités françaises avaient cru bon de recourir à l'implantation de petites unités militaires en postes avancés. C'est à tour de rôle qu'étaient pourvus en hommes, ces postes particulièrement dangereux et exposés. Vint le tour du gendarme Lefèvre affecté avec deux autres camarades gendarmes dans un de ces postes à une quinzaine de kilomètres au nord-ouest de Laghouat. Son épouse et son fils étaient demeurés au casernement de gendarmerie en zone contrôlée et sécurisée. Je me souviens fort bien m'être rendu, un dimanche avec deux femmes de gendarme dont Mme Nicole Lefèvre et leurs bambins pour participer à un méchoui avec les pères de famille. L'accueil fut chaleureux et j'eus tout le loisir d'examiner leur forteresse de carton-pâte et leur armement: trois fusils, deux mitraillettes, quelques grenades défensives et une liaison radio avec leur PC de Laghouat. Malgré le danger, car l'endroit n'était pas aussi sécurisé que nous le pensions, le voyage d'aller et retour s'effectua fort bien.
Les mois qui suivirent. furent chargés d'événements politiques et politico-mi1itaires tels que le putsch d'Alger, l'émergence de l'OAS, la fusillade de la rue d'Isly et enfin les accords d'Evian consacrant l'indépendance de l'Algérie. Chacun de nous a vécu ces moments difficiles de 1962 avec crainte et découragement. Au terme des accords d'Evian, l'administration française cédait progressivement le pas à une administration algérienne sans encadrement. Les civils européens qui étaient restés après l'indépendance, partaient les uns après les autres, jugeant la situation explosive et craignant pour leur vie. C'est dans ce contexte que se situe le départ de la famille du gendarme Jacques Lefèvre pour une nouvelle affectation en métropole.
Nous nous sommes vus presque tous les jours. Il avait préparé son départ, rempli de quelques meubles et de quelques affaires personnelles un cadre de déménagement. Il avait racheté à un de ses supérieurs une automobile Peugeot 403, dont il était très fier et qui devait lui permettre de rallier Alger par la route, avec sa femme et sa famille agrandie d'un deuxième enfant. Au soir du 4 août, ils sont venus en famille me faire leurs adieux. Nous avons trinqué, en espérant nous revoir un jour, peut-être en Normandie. Ni l'un, ni l'autre n'avons évoqué le danger de prendre la route sans escorte militaire. Je partais moi-même retrouver ma famille qui séjournait en Normandie et quelques jours plus tard je revenais à Laghouat via Alger. Ce n'est qu'à mon retour que j'appris la disparition du gendarme Lefèvre et des siens de la bouche même du commandant de gendarmerie. Nous étions tous bouleversés et cherchions à comprendre ce qui avait pu se passer. J'appris alors qu'il avait décidé de prendre la route hors convoi pour des raisons de disponibilités horaires. Il ne semblait pas conscient du danger, assuré sans doute du respect multilatéral des accords d'Évian garantissant sa protection.
Dès lors, on pouvait imaginer son interception par une bande armée plus ou moins contrôlée, peut-être désireuse de se procurer un véhicule. Comment peut-on imaginer tuer quatre personnes dont deux enfants en bas âge pour s'approprier une voiture? Et c'est pourtant l'hypothèse la plus vraisemblable d'autant qu'une récente information reçue quarante et un ans après, est venue corroborer les faits. C'est à la faveur d'une manifestation organisée par les pouvoirs publics (inauguration d'une stèle aux disparus du département de l'Eure sur différents théâtres d'opérations) le 2 mai 2003 à Evreux, que j'appris que le véhicule avait été vu et identifié à Alger dans les jours qui ont suivi la disparition, véhicule alors aux mains des forces algériennes. C'est le gendarme Roger, collègue de promotion de Lefèvre, qui avait reconnu la Peugeot et qui avait diligenté une enquête; mais il avait dû se cacher dans une cave, avec sa famille, pendant plusieurs jours pour ne pas figurer parmi les victimes des accords d'Evian.
Dans ce contexte chaotique (de la fin de l'Algérie française), j'avais reçu un courrier d'une dame Couturier, tante du gendarme Lefèvre, chargée par la famille de se renseigner sur la disparition de son neveu. Les services de gendarmerie en place menaient leur enquête avec des moyens et des prérogatives de plus en plus limités au fil des semaines et des mois. Le désordre régnait en maître et ne faisait que s'accentuer. Les gendarmes ne sortaient guère de la gendarmerie, privés de toute possibilité d'investigations extérieures. Si la gendarmerie ne pouvait rien, que pouvais-je faire moi? Néanmoins, je pris la démarche de la famille en considération et y répondis comme je pus. Je suis allé aux informations auprès des autorités tant françaises qu'algériennes. C'était partout le silence, mais aussi un silence gêné. Mes interrogations dérangeaient et on me le fit bien savoir, y compris à la gendarmerie. Puisqu'on me conseillait vivement de ne plus intervenir, il ne me restait plus que la possibilité de faire appel à un "informateur privé". C'est la main sur le coeur que "mon ami Blidi", un Mozabite qui exploitait un comptoir de matériaux de construction et à qui j'avais rendu des services me promit de faire son possible pour obtenir des renseignements. Au mois de novembre, il m'appelait: "J'ai de mauvaises nouvelles pour vous et votre ami gendarme. Vous ne le verrez plus, ne m'interrogez pas! Je n'en sais pas plus. S'il vous plaît, gardez ça pour vous et ne dites à personne que je vous ai parlé!".
Après un départ mouvementé, je réussis enfin à quitter l'Algérie. Quelques années plus tard, j'ai bien retrouvé le gendarme Lefèvre, mais seulement sur une inscription gravée sur la pierre de la stèle du monument aux morts de Morgny, notre commun lieu de naissance. Quant à son épouse et leurs deux petits enfants, innocentes victimes de la barbarie, ils ont subi un sort encore moins enviable puisqu'il s'y ajoute l'absence de toute inscription identitaire sur une quelconque plaque commémorative et pis encore, éparpillés dans des registres administratifs différents! Comme si cette famille n'avait jamais existé!".
5 Août 1962 :
Henri Wolf, pied noir dont les ancêtres ont quitté l'Alsace en 1870 pour venir en algérie est directeur d'une école modèle à Oued Fodda, dans la région d'Orleansville. Cette école a 2500 élèves, presque tous musulmans, il distribue chaque jours 700 repas à 25 centimes (anciens) par repas grâce aux subventions qu'il a su réunir, il a fait construire une piscine, il est considéré comme un ami de tous, une sorte de saint Vincent de Paul. Ni lui ni sa famille n'ont même envisagés de quitter l'algérie. Or il est enlevé au volant de sa voiture. Sa voiture est vue en possession des soldats de la willaya. Son corps sera retrouvé en Octobre. Le F.L.N. aime les voitures et pratique la récupération individuelle.
Tous les européens d'Oued Fodda quittent le village, d'autres qui n'ont pas entendu parler de l'affaire restent jusqu'à ce qu'une affaire semblable leur ouvre les yeux sur le racisme du F.L.N. et la prise au premier degré du slogan "prenons aux pieds noirs ce qu'ils nous ont pris".
La famille Lefevre (mari militaire, épouse, deux enfants) disparait à jamais.
6 Août 1962 :
Le gouvernement français est ravi, il est content de voir la willaya 4 (GPRA) venir mettre de l'ordre dans la zone autonome d'Alger (Ben Bella- Boumedienne), livrée à l'anarchie par les chefs qu'il avait lui-même ramené en Algérie dans le cadre de la lutte anti O.A.S., il déclare "à l'automne, la majorité des rapatriés regagneront l'Afrique du Nord".
Pour bien montrer sa reprise en main, les nouveaux chefs d'Alger organisent une libération des européens emprisonnés. Cette cérémonie aboutit à l'inverse du résultat recherché, comme le bruit s'en était répandu, plus d'un millier de pieds noir assaillent la caserne, seules 20 personnes sont rendues, les parents des autres ont l'occasion de raconter aux journalistes français et étrangers conviés leur désespoir, les journalistes n'en reviennent pas.
Bien entendu, après quelques jours où l'ordre moral règne, la corruption gagne les hommes de la willaya 4, les appartements des pieds noirs sont pillés, les voitures volées, l'impôt "révolutionnaire" exigé, bref, rien ne change…
8 Août 1.962:
Louis Joxe, ministre de l'algérie, marque sa satisfaction de l'évolution de la situation en algérie depuis l'indépendance, "sur le millier d'enlèvements, il y a eu une centaine de restitutions". 1000 enlèvements, sur les deux cent mille pied noirs restés en algérie, c'est comme 300.000 enlèvements sur les soixante millions de français, dont 30.000 rendus, les gaullistes sont faciles à satisfaire.
De gaulle à Peyrefitte, moins optimiste: "Les algériens se conduisent très mal, ils sont incapables de faire un gouvernement, d'assurer l'ordre… "
Ben Bella qui vient de reprendre officiellement la suite de l'autorité provisoire de Farés fait son premier discours: il fustige les français et en particulier ceux d'algérie: "ils sont responsbles de l'absence des structures qui rend impossible la socialisation rapide du peuple algérien, les instituteurs ont fui leur poste, abandonnant à leur triste sort des milliers d'enfants musulmans (...) hé bien nous arabiserons toutes les activités de l'algérie". Les journalistes français approuvent.
Mostefaï dont les negociations avec l'O.A.S. avaient été diversement appréciées, est viré. Le Bureau Politique se prononce pour le parti unique aux zélections.
9 Août 1.962:
Prenant apparemment au sérieux la menace de De gaulle, rapportée par Peyrefitte le 24 juillet "si la situation s'aggravait, la france interviendrait directement pour protéger ses nationaux", Ben Bella et le GPRA trouvent une position moyenne, qui tient compte du ralliement au groupe de Tlemcen (Boumedienne- Ben Bella) de Constantine (après de durs affrontements, qui voient une centaine de morts et l'arrestation du colonel commandant la willaya et de ben Tobal, ministre du GPRA) et de la willaya d'Oran, envahie par l'armée du Maroc sous prétexte d'éviter le renouvellement des massacres d'Oran.
Parmi les éléments de la situation figurent la disparition de 31 soldats du contingent, enlevés ni plus ni moins que les européens ( au total, 80 auront été enlevés, mais 50 cas ont été "élucidés" on ne sait combien d'assassinés dans ces élucidations, ni combien ont été rendus). Il est vraisemblable que le sort des harkis ne figurait pas dans les éléments d'appréciation d'une situation qui risque de s'aggraver. Ben Bella s'est installé à Alger . Les chefs de la zone autonome (si Azzedine et Oussédik) sont mis en prison. Les fellaghas de la willaya quatre entrent à Alger pour y "maintenir l'ordre", ils ne se montreront pas moins violents, voleurs, violeurs et assassins que les terroristes de la zone autonome.
Ben Bella se rend à Constantine où il sépare les responsabilités militaires (un ami de Boumedienne) et civiles, qu'il confie à l'ancien chef de la willaya. Il croit ainsi arriver à neutraliser l'un par l'autre.
Un détachemet de légionnaires, non armés, est arreté par l'A.L.N. près de Laghouat Les fells leur demandent de descendre de leur véhicule, les légionnaires refusent, les fells en tuent quatre dont un officier. L'armée française cache l'"incident" jusqu'au 14, entre temps une négociation permet d'obtenir que l'A.L.N. s'engage à poursuivre et châtier les coupables...
10 Août 1.962:
La femme du consul de suède à Alger est violée devant son mari.
Voici le récit recueilli le 10 août 1962 d'un sergent-chef d'un régiment d'infanterie en garnison à l'Arba, près d'Alger. "Le régiment rentre en France dans un mois; comme nous ne faisons rien, pas même protéger les gens menacés, cela vaut mieux pour tous. Quand je dis qu'on ne fait rien, c'est si vrai qu'on n'intervient même plus auprès des commissions mixtes de cessez-le-feu pour obtenir la libération des Français, Européens ou musulmans que nous connaissons, qui sont prisonniers. Si nous demandons à agir, nous sommes sanctionnés ou mutés. Le plus affreux, c'est qu'il y a eu, en juillet, à Blida et à Zéralda, et sûrement dans d'autres coins, des musulmans qui ont manifesté en criant "sept ans c'est assez et Algérie française". L ' A.L.N .a tiré dessus et nous n'avons pas bougé. Je commandais en second un commando de chasse. Mes quarante harkis, que l'on avait progressivement désarmés, ont été pris par les rebelles dans les premiers jours de juillet. Certains ont été tués au hasard, les rescapés sont au camp de Taourtatsine, dans l'Atlas blidéen. Plusieurs centaines de prisonniers, parmi eux des Européens, femmes et enfants avec lesquels on "s'amuse", on coupe un bras, le nez, puis on les torture, on sale les plaies. On s'en sert aussi de "filles de joie", notamment les européens. Quand leur état est trop lamentable, et qu'ils ne peuvent plus servir à rien, on les tue. Il n'est pas question d'émettre l'idée de les delivrer, ce quii serait pourtant bien simple. Les cadres sont dégoûtés d'eux mêmes et de ce qu'on les oblige à accepter. Pour vous montrer où l'on en est, la willaya IV ou au moins certains de ses secteurs, dont celui de mon régiment interdisent aux militaires de porter les décorations acquises en Algérie, quand par hasard ils sortent. De trés nombreux camarades et officiers obéissent à cet ordre."
Le médecin Valerie André, qui sera la première femme général rentre en france avec son unité, elle a entre autres effectué 363 évacuations de blessés en condition de combat aux commandes de son hélicoptère.
Le général commandant en chef rend compte, comme chaque semaine (rapports des 6, 19, 24 juillet, des 4, 8 Août) des tortures et autres massacres de harkis. Le gouvernement reste de marbre, les journaux aussi.
La seule réaction date du 6 Août, le ministre demande aux armées d'assurer la sécurité des camps de regroupement de harkis, les camps d'accueil en métropole étant saturés.
Ils sont partis du Cap Falcon le 11 août 1962.
Vers 21 heures, les quatre bateaux, Marie Thérèse (lamparo), Le Saint Michel (bonitier), le Saint-Antoine (bonitier), et le Sacré Cœur de Jésus (bonitier), après avoir été baptisés par le curé. Après 15 heures de haute mer, les navigateurs n'ayant pas calculé la dérive, ils se sont retrouvés au large d'Almeria.
Un gros chalutier leur demanda alors par radio, de rentrer au port, un grand vent d'Est avec houle étant annoncé.
Vers 19 heures, le 12 août 1962, ils atteignaient Carthagène, où ils ont été bien reçus, pour une escale de deux jours.
Continuant leur route vers Alicante et Valence, ils arrivaient sans escale le 15 août, à Peniscola, qui les abrita durant deux jours, à cause du mauvais temps.
Le 18 août, nouvel arrêt d'une nuit à Villanueva. Le lendemain, ils étaient au large de Rosas et de Port-Vendres et arrivaient à Port-la-Nouvelle le 22 août 1962.
Christian Piro, patron du bonitier Saint-Antoine, Louis Autuoro, et Sino Francinou, patrons du Marie-Thérèse (lamparo), Georges Autuoro, patron du bonitier Saint-Michel.
"Samedi 11 août. - Parcouru en voiture, avec le commanndant X. l'avenue de Sidi-Chami. Avons prié pour les innombrables victimes des innombrables crimes qui s'y sont commis contre les Français.
Le mouvement d'occupation des locaux, légal ou non, prend de l'ampleur. Tout ce qui est vide, même en plein centre, est occupé. Toute la journée on vient nous demander: "une petite pièce" ou "si le voisin doit rentrer bientôt". Mais il est rare qu'on s'installe de force la où il y a déjà quelqu'un; opérations en général nocturnes. Le centre, dit européen, verra lui-même très bientôt une majorité de musulmans. Un ou deux Européens ne peuvent espérer rester seuls dans un immeuble. Un gérant d'immeubles m'explique ce matin les multiples démarches à faire auprès des différentes autorités en cas d'occupation illégale. On ajoute alors votre plainte à une liste dans un registre et quand viendra votre tour, on enverra quelqu'un faire un constat.
J'ai mis cinq minutes en voiture ce matin pour trouver une épicerie ouverte. Nous avions, à proximité, un petit magasin pratique qui vendait de tout. On l'a ennuyé de multiples façons. "Autrefois, tu ne vendais pas des légumes. Alors, tu comprends, tu empêches les pauvres paysans ambulants de venir vendre leurs charrettes. Laisse leur vendre leurs légumes, etc. " Et le jour où on l'a obligé à recouvrir sa minuscule vitrine d'un immense portrait de Ben Bella, il s'est embarqué en douce.
Le Père X. et moi venons de déménager une vieille et sauvage demoiselle aveugle de quatre-vingt-trois ans qui part pour la france. Elle habite entre la cité Perret et nous. Quel poème! Nous avons vu dans sa cour des gens terrorisés, barricadés, n'osant pas mettre un pied dans la rue. Il y avait un monsieur à la tête bandée, avec une balle dedans, une dame dont le gendre a été enlevé et deux filles du propriétaire fièrement cramponnées au balcon supérieur de leur immeuble vide, comme un capitaine de navire en perdition ... Toute la nuit les Arabes avaient tambouriné aux portes, et forcé les moins solides. Et parmi eux le conducteur de l'ambulance municipale qui avait constaté la veille que tout était vide en ramenant le monsieur chez lui. Je leur ai demandé pourquoi ils n'avaient pas téléphoné. Personne n'avait le téléphone ... Et les Arabes en question, voyant deux curés charger des bagages, se précipitent: "Quêque chose à vendre?"
Avant le déjeuner, coup de téléphone pour une voisine. C'est de Casablanca, un beau-frère qui lui téléphone sans commentaires: "Attends-toi pour ce soir à la plus grande joie de ta vie." Son mari a été enlevé le 5 juillet ... Son beau-frère est gérant d'une propriété de Mohamed V, qui aurait obtenu du F.L.N. qu'on relâche le disparu ... Peut-être aussi qu'on lui recolle la tête ... Sans le vouloir, bien sûr, quel grabuge a fait ce brave homme. Folle émotion de cette famille! Hélas, qu'en sera-t-il ce soir?
Dimanche 12 août. - D'après la préfecture nous sommes dix-sept mille Européens à Oran et huit mille à la plage. Au total, vingt-cinq mille. D'après l'adjoint au maire, pour que la situation soit viable pour les Européens, il faudrait qu'ils soient cent mille à fin septembre. Nous continuons à aider les familles de disparus et y consacrons un certain budget d'œuvres catholiques charitables.
J'ai cherché ce matin, dans le centre, des appartements pour des familles de Saint-Eugène. Il y en a pour tous les goûts et toutes les bourses. Certains vous paieraient même pour que vous veniez habiter à côté d'eux. Je vois de coquets logements abandonnés la clef sur la porte. J'entre au hasard et parcours un immeuble désert. Je finis par découvrir un ménage qui boucle sa valise. Je m'enquiers. "Le propriétaire a été tué. Le gérant est parti pour la France Dieu sait où, depuis longtemps. Et le concierge a disparu après avoir encaissé les loyers. Mais ça ne fait rien. Installez-vous où vous voudrez, vous êtes chez vous." Au fond, on comprend un peu les Arabes?
Pour X., le voisin enlevé, bien sûr, il n'y a rien eu hier soir, un peu de poivre seulement en plus, dans la blessure. Les autorités publient au contraire qu'aucun prisonnier n'est plus détenu.
Lundi 13 août. - Fête du Mouloud. Gloire au Prophète dont c'est la naissance. Longue vie à lui ... et à nous. Pour cela, très volontiers, on fera toutes les courbettes qu'on voudra devant ses suppôts, Ben Bella et consorts. Aujourd'hui toutefois nous préférons fêter le prophète derrière nos portes closes.
Il y a eu dans le quartier ces jours-ci un lieutenant tué et quelques enlèvements. On ne serait pas très fier dans l'armée en ce moment.
Les Arabes sans cesse parcourent les rues pour acheter n'importe quoi. Pourtant cela vient d'être interdit officiellement. Ce qui signifie que chaque soldat de l'A.L.N. a le droit d'imposer pour son propre compte et dans la proportion de son choix tout Arabe qu'il voit transporter des meubles. Mais celui-ci n'est pas si bête. Notre voisin vend une chambre à coucher complète pour vingt mille francs (l'équivalent de 30 euros). L'Arabe lui dit: "Fais-moi un reçu de cinq mille francs au lieu de vingt mille. Comme je serai imposé de moitié, je ne perdrai que deux mille cinq cents francs." Au fond, c'est une façon de payer les troupes de l'A.L.N.
Dans quel pitoyable état, je ne peux m'empêcher d'y revenir, se trouvent les Européens qu'on rencontre encore. Plus grave que leurs pertes matérielles est l'état de véritable mutilation morale où ils sont. Gens jadis heureux et charmants, ils sont devenus des êtres diminués, décrépits, hagards, hargneux, insupportables à eux et aux autres. Beaucoup sont hantés par leurs disparus. Beaucoup sont démunis d'argent. Les vieux travailleurs n'ont pas touché leurs retraites depuis mars. Tous ont l'impression dominante d'être un jouet entre les mains des autorités, et des françaises encore plus que des algériennes. Ils n'ont confiance en personne et l'anarchie psychologique la plus totale succède au bloc compact cimenté par l'O.A.S. C'est dangereux. Des figures, comme celles de Mendès-France ou même de Thorez, prendraient vite, par quelque jeu de lumière, des aspects brillants, à côté de l'ombre de l'autre.
On rencontre aussi parfois quelque phénomène ahurissant, probablement débarqué après plusieurs mois d'absence et complètement déphasé, Algérie de papa en plein, décidé à vivre sans aucun contact avec les frères, et comptant bien nous confier ses enfants pour les mettre, ici au moins, à l'abri de toute promiscuité. Pour un peu, ils crieraient dans la rue: "Algérie française." C'est rare, mais c'est peut-être un danger dont devront se méfier ceux qui reviendront la bouche en cœur, après avoir passé en France quatre mois de vacances dans quelque ghetto pied-noir. Il leur faudra se persuader qu'ils ont à se plier maintenant aux volontés des marchands d'esclaves auxquels les a vendus leur ancien maître.
Mardi 14 août. - Un instituteur de Sidi-Bel-Abbès et sa femme, officiellement expulsés en quelques heures par l'A.L.N., arrivent sans même une valise. M. W. réussit à les embarquer et à retenir soixante places pour d'autres menacés de là-bas. L'épuration à Bel-Abbès est bel et bien systématique. Pour enrayer l'exode de certains villages, on interdit les déménagements. Les gens doivent alors partir sans rien.
(…)
Ici en ville, on commence à voir réapparaître, revenant d'on ne sait quel coin du monde, la classe arabe aisée. Ils cherchent des logement près des Européens, dans le centre, disant qu'ils ne veulent pas habiter n'importe où "avec ces sauvages". On a fait campagne dans la population pour que les gens soient bien habillés. Les femmes adoptent la mode de l'Europe tout en gardant les couleurs de la révolution. Elles envahissent les salons de coiffure pour se faire aplatir les cheveux, et fréquentent les bijouteries.
Le quartier voit avec joie revenir ce matin le vieil épicier musulman du coin. Il avait été là toute la guerre, très gentil et pro-français. Et on n'a jamais bien compris pourquoi l'O.A.S. l'avait plastiqué, puis incendié, puis chassé. Mais, au moins, tout cela l'aura dédouané et lui aura sauvé la vie. On est tout étonné qu'il ne soit pas égorgé et on l'en félicite chaleureusement.
Plusieurs maisons alentour sont déjà occupées.. On les reconnaît facilement aux grands drapeaux accrochés aux façades.
Un ami, chirurgien dentiste, a reçu un chef F.L.N. et un petit jeune homme ces jours-ci. "C'est mon fils, a dit le chef. Je vous le laisse pendant trois mois. Vous voudrez bien lui apprendre votre métier."
Michel de Laparre "journal d'un prêtre en algérie" ISBN 2-84764-019-3
12 Août 1.962:
Les anciens moghaznis du village de Lamartine (le centre des beni boudouane, la tribu de Boualem, ancien député, ancien vice président de l'assemblée nationale) sont convoqués au centre du village, dans l'ancienne maison du bachaga, transformée en PC de l'armée algérienne. Beaucoup se réfugient dans la montagne, ils seront peu à peu retrouvés et égorgés. Ceux qui se rendent à la convocation sont ligotés et traînés dans les rues du village pendant plusieurs jours, frappés à coup de pierre et de bâton, laissés la nuit sans boire et sans manger, jusqu'à la mort. Le dernier avait tenu huit jours. Un sort particulier fut réservé aux personnalités, le sergent Chaïeb, ancien de l'armée d'Afrique, campagne d'Italie et de france, fut mis à nu et jeté vivant dans un feu de joie, où il était rejeté chaque fois qu'il arrivait à s'en échapper. Le caporal Mansi ben moktar fut découpé au couteau puis enterré sous un tas de fumier. Comme il gémissait encore au matin, il fut déterré, et égorgé. Un moghazni, Ali, fut découpé et ses morceaux jetés aux chiens qui les mangeaient devant lui. Il mourût vidé de son sang à la nuit. Les harkas des beni boudouane comportaient mille hommes, les deux tiers étaient morts fin 62, en général avec leurs enfants mâles de plus de onze ans (précaution traditionnelle pour éviter la vendetta), parfois avec leurs femmes.
13 Août 1.962:
Le sénateur Hakiki est assassiné à Perregaux. Pour une fois les journaux français en parlent. Cet assassinat d'un "modéré" éclaire (à peine) les partisans résolus du F.L.N. que sont les journalistes et les dirigeants français sur la réalité de l'épuration ethnique en cours et des liquidations systématiques de tous ceux qui n'avaient pas fait allégeance au FLN .
Ben Bella promet (comme d'hab) que les coupables seront châtiés, ça rassure les bonnes consciences. Il en profite pour annoncer (pour la première fois depuis qu'il a quitté sa prison) qu'il respectera les déclarations d'intention d'évian. Cette déclaration (purement tactique) enlève un poids considérable au gouvernement français qui peut désormais observer d'un œil tranquille les luttes entre les deux clans F.L.N., tous deux ayant l'intention affichée de respecter les déclarations d'intention d'évian.
14 Août 1.962:
nouveaux affrontements à Constantine entre partisans de ben bella/boumedienne et du GPRA. Il s'agit d'un litige entre le colonel Salah Boublider et le commandant Si Larbi sur la liste des futurs candidats (et donc élus) aux legislatives. Au moins cinquante morts officiellement il y en a 12.
Ben Bella donne un interview aus journaux français , il renouvelle son engagement de respecter les déclarations d'intention d'Evian. L'après midi, autre interview, cette fois au journal italien l'Unita dans lequel il définit ses options: - rassurer les européens. - éliminer les "éléments troubles qui ont gâché la fête de l'indépendance". - remettre l'algérie au travail, en particulier l'ALN (l'armée). - bâtir un socialisme à l'algérienne (c'est à dire, mais il ne le dit pas, arabe). Il souligne que la france est "une peste neo coloniale, qui est responsable des difficultés intérieures algériennes".
De plus en plus, Ben Bella apparaît comme le seul homme d'état de l'algérie indépendante.
15 Août 1962 :
Bataille rangée à Constantine entre les anciens de la willaya, chargés par Ben Bella des affaires civiles et l'armée des frontières. Environ 50 morts.
Enlévement de la famille Rospéro (mari, femme, deux enfants) dans leur domicile de la rue Barthou , immeuble Vauban à Hussein Dey.
Récit de R. .. Mohamed, harki durant cinq ans dans la région des Attouch: . Les anciens harkis du secteur ont été ramassés dans chaque village, empilés dans des G.M.C. et massacrés au lieudit "Maison Cantonnière", où se trouvait auparavant le sous-quartier. Tous les hommes de la harka de Beni-Lalem, région de Zemmorah, arrondissement de Bordj-Bou-Arreridj, ont été massacrés. L'un d'eux, torturé, a crié aux gens de l'A.L.N.: "Jusqu'à la dernière goutte de sang, nous sommes français, vous pouvez nous tuer, cela ne fera pas changer notre cœur." Cette harka célèbre dans la région pour son courage et son efficacité, était commandée par la riche et puissante famille des BOUDACHE.
Il existe un camp de prisonniers à Blondel, village entre Bordj-Bou-Arreridj et Medjana. M. BOUAZA, maire des Ouled-Dahmane, en particulier, y a été pendu, nu, par les pieds, passé au miel et livré aux abeilles. Dans ce même camp, le député BENHALLA KHELIL a été détenu. M. ARAB ALI, maire de Sidi-Brahim et conseiller général du département de Sétif, a été emmené à Akbou.
Dans le secteur de Mansourah, arrondissement de Bord-bou-Arreridj: Le maire de Harraza, BENCHABANE SMAIL, chef du commando, a eu les yeux arrachés. Les harkis de Harraza ont été massacrés. Les harkis de Selatna, Ouled-Taier, Ouled-Yacoub, Hanana, sont au camp de Mansourah ou ceux qui n'ont pas encore été massacrés sont toujours parqués. Le moniteur de jeunesse SENANI RABAH y est mort le 12 août.
Il existe à Melouza, par Mansourah, arrondissement de Bordj-Bou-Arreridj, actuel P.C. de la naya 321, un camp où sont parqués deux cents harkis et moghzanis de Dahman-Daala et Beni-Ilman: Dans ce camp, le maire de Karrabcha, M. ARIBI ALI, a été torturé puis égorgé; la famille BOUGUERRA avait fourni à la France quinze harkis ou moghzanis qui ont subi le même sort. Le chef de la harka de Hamman-Daala, un nommé TAHAR a été écorché vif."
"J'ai eu toute ma famille prise par les rebelles et exécutée.
RAHMANI Mohamed ben Amar (maire), sa femme et ses six enfants.
RAHMANI Ali ben Amar (garde champêtre), sa femme et un enfant.
RAHMANI Said ben Ahmed (harki), sa femme et ses quatre enfants.
RAHMANI Ahmed ben Amar (harki) et sa femme.
RAHMANI Mohamed ben Ameziane (harki), sa femme et ses deux enfants.
RAHMANI Mohamed Saad (harki).
J'ai eu également des camarades
BENDAOUI Said ben Mohamed (harki) égorgé.
BENDAOUI Mohamed (harki), sa femme et ses trois enfants égorgés.
BENDAOUI Ali ben Haski (harki), égorgé, ainsi que sa femme, sa mère et sa sœur.
MEDDAR Ahmed ben Ahmed (harki), sa femme et ses quatre enfants égorgés.
MEDDAR Mohamed Said (harki), sa femme et ses neuf enfants égorgés.
DJEBARI Amar (harki), sa femme et ses quatre enfants.
DJEBARI Mohamed ben Amar (harki), sa femme et ses trois enfants.
DJEBARI ben Amar (harki), sa femme et ses deux enfants.
SEDDIL Ali (harki) et douze membres de sa fami11e.
SEDDIK SEDDIL (harki), sa femme et un enfant.
CHARFAOUI Mohamed Mohamed (harki), sa femme et un enfant.
MEDDAR Amar ben Ahmed (harki), sa femme et six enfants.
SEMAOUN Mohamed ben Amar (harki), sa femme et quatre enfants.
SEMAOUN Mohamed ben Ahmed (harki).
LABRI Said ben Ahmed (harki), sa femme et un enfant.
LABRI Rabah ben Said (harki).
LABRI Mohamed ben Said (harki) et sa femme.
Tous ont été enlevés, conduits dans le djebel et exécutés après avoir subi les pires atrocités. Le nommé SEBBANE Tayeb, harki, a été littéralement coupé en morceaux. Le sergent harki LAGHA Salah a été massacré à coups de pioche.
Le nommé NAIT BELKACEM SAID, interprète de la S.A.S. d'Ouled-Rached, adjudant de l'armée française en retraite, médaillé militaire, après avoir été lardé de coups de couteau, laissé trois jours dans des W.C., traîné au bout d'une corde dans le village, est mort le 10 août 1962.
17 Août 1.962:
Dans la ligne des pillages qui sont le lot quotidien de l'algérie depuis l'indépendance, des militaires FLN pénètrent dans l'institut Pasteur d'Alger, dans la nuit du 15 au 16, partent avec les machines à écrire et autre matériel, dont la voiture de l'institut avec son chauffeur, monsieur Michou. Son corps sera trouvé à El Biar, criblé de balles. Le 16 au matin les "policiers" reviennent et blessent briévement le second chauffeur, pour l'empecher de parler. Le 17 dns la journée, nouvelle "perquisition" le professeur Sergent est menacé, un garçon de laboratoire monsieur Saourine est enlevé et ne sera jamais retrouvé. Le directeur décide la fermeture du centre. Compte tenu de l'aspect symbolique de l'institut Pasteur (où fut mis au point la lutte contre le paludisme) et pour en eviter la fermeture definitive, l'ambassade de france fait protéger l'institut par l'armée française, seule et unique occasion où la clause des déclarations d'intention d'évian donnant aux français le droit de protéger ses citoyens aura été appliquée.
18 Août 1.962:
La commune de Teffreg est sous les ordres du chef rebelle Guettari, libéré en Mars 1.962 d'une prison parisienne. Il fait régner la terreur dans toute la région. Il a fait brûler vif son ancien camarade, le harki Sebbane Sadek, ancien F.L.N. rallié à l'armée française, couper en morceaux le harki Sebbane Tayeb, massacrer à coups de pioche le sergent harki Larba. Le harki Naït Belkacem Saïd, interprète de la S.A.S. d'Ouled Rached, adjudant de l'armée française en retraite est mort le 18 août 1.962 après avoir été lardé de coups de couteaux, exposé dans les WC et traîné au bout d'une corde. Tous les harkis de bordj bou arredidj ont été enfermés dans la maison cantonnière et massacrés.
19 Août 1.962:
La willaya 4 (Alger) pratiquement le dernier soutien du GPRA et des kabyles déclare l'état d'urgence. Il s'agit de mobiliser les esprits au cas où Boumedienne voudrait prendre Alger par la force comme il l'a fait à Constantine. En réponse, le bureau Politique (nouvel organe créé par Ben Bella et Boumedienne) appelle à une grande manifestation populaire le 23, sur le thème "l'armée dans les casernes" et multiplie la création de "comités de vigilance".
92 harkis (et familles) sont évacués de Er Rich par hélicoptére par le colonel Bernard. Le FLN porte plainte pour enlévement.
Soustelle, reconnu à Milan, est expulsé en Autriche.
20 Août 1.962:
Inquiets des conditions désastreuses dans les quelles risquent de se passer la rentrée scolaire en algérie, monsieur Forestier, président du syndicat national des instituteurs, retour d'algérie où il a pu de visu constater que tout était normal, lance un appel dans le Monde (le bon média pour toucher les gens sensibles) à ses adhérents pour leur demander de se porter volontaire pour remplacer ceux qui quittent l'algérie par bateau entier. On connait au moins une jeune femme qui a perdu la vie dans des circonstances inconnues, dans la région de Saïda pour avoir écouté son président, combien d'autres a-t-il envoyé ainsi à la mort?
Par ailleurs le groupe de Tlemcen (Ben Bella Boumedienne) continue le bras de fer qu'il est en train de gagner avec la coalition GPRA-kabylie-willaya 4, Ben Bella a quitté Alger où il craignait d'être arrêté pour rejoindre Boumedienne en Oranie, il continue à créer ses bureaux politiques, il convaint les journalistes occidentaux qu'il fait régner l'ordre en Oranie (ce qui n'est pas exact) et charge de tous les péchés la willaya 4. Boumedienne consolide la prise du Constantinois, et prépare l'invasion de l'algérois. Le futur s'annonce radieux
Récit du caporal L ... Brahim, du maghzen de la S.A.S. de Texenna puis de Duquesne près de Djidjelli (Constantine), croix de la valeur militaire, deux citations, une blessure. Engagé depuis 1956, actuellement réfugié en métropole.
"J'ai réussi à m'enfuir d'El Marsa avant mon exécution et à rejoindre Alger où je me suis embarqué sur le Kairouan le 21 août pour Marseille. Voici comment les choses se sont passées pour moi et les camarades de la S.A.S. Fin juin, le lieutenant, chef de la S.A.S. nous dit de choisir entre la France et l'Algérie. Ceux qui choisiront la France seront protégés et évacués avec leurs familles. Les autres toucheront leurs primes et se débrouilleront. Tous voulaient la France. Mais plusieurs ont voulu d'abord rentrer chez eux. Nous avons été trois à choisir tout de suite: moi, B ... et G ...
On nous a emmenés avec les familles à Djidjelli. Mais là, on nous a dit que l'armée ne pouvait pas nous loger et nous protéger; on nous a mis dans un garage dans le quartier éloigné d'Ouled Moussa et on nous a dit d'attendre le bateau. Nous n'étions pas protégés et on nous avait désarmés. La nuit même, cinq fellaghas armés arrivent, nous font prisonniers et nous emmènent en laissant femmes et enfants. Ils nous conduisent à plusieurs heures de marche à la mechta El Marsa, douar Tamesquida et nous enferment tous les trois dans la maison du commandant fellagha HAMIOUD Lakhdar. Ils nous ont laissés trois jours, les mains attachées, sans manger ni boire, gardés sans cesse, sans rien nous dire. Après ces trois jours, ils ont défait nos liens et nous ont gardés presque un mois, jusqu'à fin juillet, dans la maison sans nous parler ni pouvoir sortir. Ils nous ont conduits dans ma maison disant qu'il ne nous arriverait rien, mais qu'ils nous gardaient encore. Ils nous avaient déjà pris tout notre argent. Les femmes et les enfants étaient revenus aussi. Puis un jour les fellaghas ont réuni toute la population civile. Ils nous ont à nouveau attachés les mains à tous les trois et à un autre moghzani de la S.A.S. de Tamentout. Alors, pendant trois jours les civils conduits par les fellaghas nous ont battus à coups de bâtons, de pierres. Nos femmes ont subi le même sort que nous. Après ces trois jours, nous étions presque morts, nous quatre et nos femmes, couverts de plaies, surtout à la tête.
Mais ils ne nous ont pas tués. Ils nous ont remis dans les maisons. Mon frère a pu me dire qu'ils allaient nous tuer. J'ai pu me sauver au moment où on allait m'attacher les mains. Je sais qu'un autre s'est échappé aussi, mais il avait les mains liées derrière le dos: il a dû être repris et tué. Je me suis caché quinze jours dans la forêt. Mon frère, la nuit, a pu me donner de la galette et un peu d'argent. J'ai gagné Fedj M'Zala puis Saint-Arnaud. J'ai pris le train pour Alger où je suis arrivé le 19 août. A la gare, j'ai été au bureau français. J'ai obtenu un billet pour Marseille, puis pour Paris. Avant le départ du bateau à Alger, la police F.L.N. est montée à bord contrôler les Musulmans. Elle a pris trois goumiers qu'elle a fait débarquer. Moi je n'étais pas sur leur liste.
Voilà ce que sont devenus les autres de la S.A.S.: D'abord ils ont sûrement tué ma femme et peut-être mon fils après mon évasion.
GUEHAM et BoULAHIA. qui n'ont pas pu s'évader, et le moghzani de Tamentout ont été tués après mon départ.
AMIOUR Said (jeune mokhadem, trois citations, blessé, proposé pour la médaille militaire) et son frère Abdallah ont été pris par les civils encadrés par les fellaghas à la mechta Tafret pour être tués.
BOUATROUS a été pris par les fellaghas à Duquesne pour être tué.
BELGHERBI Ahmed et son frère Ali ont été pris à la mechta Sida pour être tués.
SIDOUM Embarek a été pris et tué à coups de pierres à Sida. Son père, le vieux Sidoum, est mort de tristesse.
MEZGHICHE Tahar et MEZGHICHE Derradji ont été pris et tués. Je ne sais rien sur le sort de MEZGHICHE Messaoud: peut-être s'est-il échappé. Le jeune TEBBOUCHE Chérif, je ne sais pas. Mais il a sûrement subi le même sort. Je ne sais rien sur BOUKRABA.
La femme de HANTIT a été tuée par les fellaghas.
YDOUI Ahcène a été pris. Mais il a pu s'échapper avant d'être tué. J'ignore s'il a été repris.
Il y a encore six tués de la S.A.S., mais c'est plus vieux: En décembre, ont été tués entre P .K. 20 et Texenna, dans une embuscade: le lieutenant chef de la S.A.S. de Texenna, le chauffeur pied-noir de Djidjelli et quatre moghzanis: le sergent LAKHLEF Mohamed, son frère LAKHLEF Ferhat, BOUFENAR Ahmed, de Ras ben ameur, DIB Aissa de Tafret. Derrradji, blessé, a été enlevé par les fells.
A ma connaissance, de tous les anciens de la S.A.S., trois seulement ont pu s'échapper en France, mais en laissant leurs femmes et familles aux fellaghas. :Moi-même. BSLGHERBI Madani (mokhadem blessé, décoré de la croix de la valeur militaire) qui est parti dès le début juin avec des harkis et des militaires. Il est au camp de X ... Mais ses deux fils ont été tués. ATTAL Messaoud qui s'est échappé et est engagé au 13e tirailleurs en Allemagne. Mais ses deux frères ATTAL Tahar et ATTAL Derradji ont été tués. Sa vieille mère et sa femme ont été égorgées comme la mère de BOULAHIA et bien d'autres femmes.
Dans toutes les autres S.A.S. que je connais, c'est pareil. Ils tuent tout le monde, tous les Musulmans qui ont travaillé avec la France. D'abord, ils nous ont pris tout notre argent sans nous faire de mal. Puis, dès que l'argent a été récupéré ils ont commencé à tuer, à torturer. D'abord les harkis et les moghzanis. Ensuite, les civils. Quand je suis parti ils venaient d'arrêter pour les tuer quatre jeunes employés de mairie qui étaient depuis toujours pour le F.L.N. mais qui avaient travaillé dans une administration française. C'est vrai, ils tuent tout le monde, même beaucoup de femmes, même des vieilles.
En général, les fellaghas ne tuent pas eux-mêmes: ils réunissent toute la population, même les femmes et les enfants et, quand ils ne veulent pas, ils les obligent à nous tuer avec des bâtons et des pierres. Eux, ils gardent et donnent les ordres et les drapeaux. Moi, ma femme et mes camarades, ce sont les civils qui m'ont frappé et blessé. Je veux encore dire cela: j'ai vu, en traversant à pied le Constantinois pour aller à Alger en me cachant, des anciens goumiers, leurs femmes et des enfants lapidés, battus et qui allaient sûrement être tués dans la rue. Et il y avait encore l'armée française et les gendarmes qui regardaient sans rien faire. Pourquoi? Pourtant nous avions été fidèles jusqu'au bout. Je ne comprends pas pourquoi ils les laissent tuer sans rien faire. Pourtant les fellaghas en ont peur encore. Ils pourraient les sauver, ou ceux qui sont dans les camps. Pour moi, je veux à nouveau m'engager dans l'armée. Je n'ai plus rien. Ni même de famille. Il me reste juste la France, l'armée et mon lieutenant."
CASA Guido,. Affecté au 156e R.I. (bataillon de Corée), fut fait prisonnier le 21-08-1962 lors de sa permission libérable à Constantine. Il est détenu en Tunisie, puis libéré par le F.L.N. le 30-08-1962.
22 Août 1.962:
Ca s'engueule ferme au conseil des ministres à Paris, le gouvernement commence à comprendre ce qui se passe réellement en algérie, il aura fallu l'enlèvement des deux pontes du CNPF pour qu'ils s'en rendent compte.
Mais dans une certaine mesure, il s'agit encore d'une victoire du F.L.N. car on ne met en cause que la willaya 4, c'est à dire le G.P.R.A. sous-entendant que le clan Ben Bella/Boumedienne est plus respectueux des accords d'évian.
Le soir, gagnant l'aérodrome en passant par le petit Clamart, De gaulle est victime de l'attentat qui lui fera le plus peur et qui fera le plus parler de lui. C'était, raconte Demaret, la dix-huitiéme tentative du groupe de Bastien Thiry. L'attentat échoue car les tireurs au fusil mitrailleur n'ont pas vu le signal que leur a donné Bastien Thiry (un journal déployé) non plus que le chauffeur de la voiture qui devait se mettre en travers de la route du convoi présidentiel.Le feu est ouvert trop tard sur une voiture qui roule, malgré deux roues crevées.
Le 22 août 1962 à Médéa, de retour de ma dernière visite de chantier à BOU SAADA (déplacement en jodel de l'entreprise), j'apprends que HUBERT, ingr TPE, qui conduisait le chantier de construction de la RN 46 entre le Col de Chaiba et BIiskra a été enlevé par des militaires à Ouled Djellal; Je saisis aussitôt le Préfet, sollicite le concours du maire de Bou Saada rencontré le matin. Toutes les démarches et recherches furent vaines . Hubert ne fut jamais retrouvé. j'ai su que le père de Hubert se rendit plus tard mais en vain en Algérie. Cette date du 22/0/8/1962 peut figurer a ton calendrier en mémoire de HUBERT, fonctionnaire qui accepta de poursuivre sa mission malgré les risques et l'isolement. Je précise qu'à Bou Saada l'équipe en place était composée de privés: SANCHIS - ingénieur ETP Maison Carrée- QUEYRET technicien et X.. tous trois de la SACER.AL. Je les ai revus en France mais je ne sais quand s'acheva leur mission . Témoignage d'Andre Spiterian
23 Août 1.962:
Fidèle à son engagement en faveur du F.L.N., le Monde publie un article dans lequel il dénonce la "lamentable campagne de soi-disant menaces envers les harkis". Il prétend qu'ils ne sont que quelques centaines à réclamer le retour en france (et non quelques dizaines de milliers). Il souligne le danger de ces hommes qui pourraient mettre leur expérience à la disposition de l'O.A.S.
En juin 1962, mon père, Marcel Astier, qui a consacré sa vie au dispensaire qu'il a créé à Souma, petit village de l'atlas blidéen, se voit obligé de réunir dans son bureau, Mlles Dumestre et Nicolle, les deux infirmières principales, exerçant depuis 22 ans, et les invite à prendre leurs congés et à partir en France, craignant pour leur sécurité.
Mais le 7 juillet un délégué du F.L.N. téléphonait à mon père lui demandant les clés du dispensaire. Mon père lui faisait remarquer que celui-ci, oeuvre privée, échappait aux rétrocessions de l'Etat français à l'État algérien, et que son intégrité, en tant que bien privé était garantie par les déclarations d'Evian et celles du G.P.R.A.
Rien n'y fit.
Mesdemoiselles Dumestre et Nicolle, revenues d'urgence, se trouvent le 14 juillet dans leur appartement du dispensaire, cerné par le F.L.N. armé. Le chef F.L.N. leur déclare que le dispensaire est à eux désormais et que le drapeau français doit être descendu. Mon père vint avec elles effectuer cet échange de drapeaux, moment particulièrement douloureux pour eux qui avaient consacré une si grande partie de leur vie à une tâche faite au nom de la France.
Une équipe non qualifiée s'installa dans les locaux, c'est le chauffeur du dispensaire qui mit la blouse blanche des docteurs. En une semaine la pharmacie fut dilapidée.
Le 13 août 1962, mon père adresse une lettre à l'ambassadeur de France à Alger et au consul de France à Blida, leur demandant leur aide, lettre dans laquelle il exprime toute sa rancoeur, sa déception de voir anéantie ce qu'il considérait comme l'œuvre de sa vie: cette collaboration algérienne et française pour laquelle il avait tant travaillé.
Quelques jours plus tard, le 23 août, il était enlevé et assassiné sur la route de Boufarik à Souma.
Extrait de l'article de Suzanne Marinopoulos, dans "mémoire vive" le magasine du C.D.H.A. numéro 47.
24 Août 1.962:
Une note de service du 24 Août 1.962, signé du colonel Buis, (qui avant, pendant et après déclare que les harkis "avaient tous un pied dans la rébellion") intime à ce qui reste de troupes en algérie que "enfin, il n'y a lieu de ne procéder, en aucun cas à des opérations de recherche dans les douars de harkis ou de leur famille".
Le bureau politique publie la liste des 196 noms qui seront "élus" à l'assemblée constituante. Parmi ces noms, 71 militaires dépendant de Boumedienne, quelques pieds noirs, tous inconnus ou connus pour leur support au FLN.
Boudiaf (un historique) démissionne du bureau politique, indiquant "je n'ai été consulté ni de près ni de loin". Il est immediatement remplacé par Khidder un autre historique.
25 Août 1.962:
Georges Suire, chef de SAS, disparait à jamais.
Discours révolutionnaire de Ben Bella. Il attaque la willaya 4, l'accuse de piller et de tuer et d'enlever, d'avoir pris en main radio Alger, etc.… Depuis Bou Sada, Khider, frais rallié, lit une proclamation redigée par Boumedienne, annonçant que l'Alger de la willaya 4 ne depend pas du bureau politique.
La presse française commente la note du 25 juillet de Joxe qui avait affirmé que "en juillet la croix rouge d'Oran a reçu des demandes de recherche pour 280 personnes. Au total sur l'ensemble de l'algérie, le chiffre ne dépasserait pas 500", cherchant ainsi à minimiser le massacre d'Oran. Quarante ans après quand les archives s'ouvrent, on sait que les chiffres du deuxième bureau de l'époque (qu'une indiscrétion communique à la presse) se montent à 2.068, chiffre que Joxe ne peut ignorer. Ensuite les enlèvements ont continué, la meilleure estimation est de trois mille personnes de souche européenne, (en tout trente mille morts ou enlevés) et de 150.000 de souche nord africaine.
A vingt et une heures, j'étais chez lui. Il avait ouvert ses persiennes et rapproché les volets que tenait un crochet. Un espace de dix centimètres entre les panneaux de bois permettait d'observer la campagne alentour. Nous observâmes un bâtiment d'un étage, jadis recouvert de peinture rose.
Il semblait comme posé en bordure du champ. Le Vénusland était une maison close qui avait accueilli autrefois des générations de militaires en bordée. Les différentes strates de l'Armée d'Afrique s'y étaient succédé, depuis l'insurrection de 1871 jusqu'aux guerres mondiales. A partir de 1942, les Anglo-Saxons avaient honoré ce lieu de leurs visites répétées. Plus tard, les phases successives de la Guerre d'Algérie y amenèrent tous les régiments et tous les bataillons du secteur. La loi Marthe Richard ne s'appliquait pas en Algérie. Des maisons de ce genre parsemaient donc le pays mais pas n'importe où. Dans la capitale, par exemple, elles étaient concentrées dans le quartier indigène de la Casbah.
Pour leur part, des gens de la wilaya 4 avaient pris possession des lieux. Ils ne s'étaient pas contentés de chasser les vénales pensionnaires du lupanar, ils l'avaient transformé en prison et en lieu de torture. Les alcôves réparties sur une rotonde au premier étage étaient devenues des cellules. Ce théâtre de l'amour tarifié s'était métamorphosé en un champ de supplices. Je regardai la vaste étendue qui séparait le bordel de la maison de mon ami. Elle était vide. Un terrain vague, criblé de dénivellations et d'étangs. Enfants, nous y venions le jeudi pour y chasser les criquets ou y pêcher les grenouilles. Combien de cours de Sciences Naturelles du Lycée Bugeaud s'étaient terminés là en travaux pratiques. Nous y cherchions des papillons, des scarabées, des coléoptères et des hyménoptères en tout genre. Toute une vie animale, grouillante et fascinante, se révélait à nos yeux de collégiens, chaque semaine.
Or, ce soir-là, l'humanité elle-même allait fournir le sujet de notre leçon de choses. Les entomologistes-enfants étaient devenus adultes. Ce que l'homme est capable de faire à son semblable aurait pu constituer le titre duchapitre étudié. Au début, il ne se passa strictement rien. A part les deux sentinelles devant la porte, rien ne retenait l'attention. Aucune activité militaire quelconque n'était visible. Pourtant, vers 22 heures, un camion s'arrêta devant l'établissement. La nuit n'était pas encore tombée et la soirée était fort claire. A travers les jumelles, je vis descendre une dizaine de prisonniers. Il était parfaitement discernable qu'il s'agissait d'Européens. Tous étaient ligotés. L'un d'eux tomba à terre et dut se relever sous une grêle de coups. Les hommes en treillis qui s'agitaient autour d'eux étaient au nombre de cinq.
- "Je les ai vu également sortir des paquets noirs qui semblaient très lourds", me dit mon compagnon. "Des sacs en plastique contenant des cadavres, d'après moi."
- "Que font-ils de ces cadavres", demandai-je?
- "Difficile à savoir. D'après un informateur musulman, de grandes tranchées ont été creusées vers l'Oued-Smar. Ce sont des charniers".
Je reposai les jumelles. La nuit commençait à descendre. Il devenait difficile de distinguer les silhouettes. Le Vénusland était un endroit idéal pour servir de prison improvisée puisqu'il était situé en un lieu isolé, à l'extrémité de la ville. Ses murs épais et l'absence de voisinage en faisait un centre de détention et de torture tout indiqué.
- "La briqueterie voisine sert de centre de tri", reprit mon camarade. "L'entreprise ne fonctionne plus. Ils les enferment dans les ateliers au cours de la journée et le soir, certains sont conduits ici. Je suppose qu'ils préfèrent mener leurs interrogatoires la nuit. J'ai lu des livres à ce sujet. Il paraît que les détenus avouent plus facilement la nuit."
Nous quittâmes ensuite les lieux rapidement. Je frissonnais malgré la chaleur. Une nausée tenace me brouillait l'estomac. Un dégoût à la fois physique et moral me tordait le ventre, me bloquait la poitrine.
- "Nous avons pris des risques", remarqua mon compagnon. "Les types d'en face se foutent de tout car ils savent que le Gouvernement et l'Armée française ne bougeront pas. Mais ils pourraient un jour s'aviser qu'on les voit et intervenir dans l'immeuble où je suis".
Et c'était vrai! Nous avions voulu voir et savoir. Dans une société sans lois et livrée à l'arbitraire, nous aurions pu être arrêtés et disparaître nous aussi. Il n'y aurait guère eu de réactions, nos noms seraient venus s'ajouter à la longue liste des Français disparus en Algérie après l'Indépendance.
- "Pourquoi fais-tu cela?" interrogeai-je ?
- "Parce que j'ai un fond d'altruisme, je suppose, j'aime les autres. Je voudrais aider ces malheureux. Se renseigner c'est déjà la première condition pour aider plus tard. Pour témoigner peut-être. Et toi", me dit-il, "tu prends des risques aussi. Tu es venu ici pour des affaires de famille et finalement, tu te mouilles dans des histoires qui n'ont rien à voir."
- "Mouiller c'est un grand mot. Mais je suis curieux de nature. Et puis je compatis, je souffre avec nos compatriotes qui sont dans l'infortune. Je suis chrétien, j'ai appris à aimer les autres, moi aussi. Bien sûr, il serait facile de fermer les yeux ou de regarder ailleurs ou de ne vouloir entendre parler de rien. Tout cela est une immense tragédie, comment rester indifférent. La France a décidé de quitter l'Algérie, de "décoloniser" comme on dit maintenant. Mais c'est à nous que l'on fait payer la facture. Sans scrupules et sans remords. C'est une mauvaise action. J'essaierai de la dénoncer, si je le peux".
Il était plus de 23 heures. Arrivés à un carrefour nous nous séparâmes. Je n'ai plus jamais revu ensuite celui qui fut le compagnon de cette soirée unique dans ma vie. Nulle part, dans aucune assemblée de rapatriés, dans aucun répertoire de noms de gens de là-bas, il n'apparaissait. Il m'arriva parfois de me demander si je n'avais pas rêvé cet événement si particulier et qui n'avait eu d'autre témoin que lui et moi. Et pourtant, je ne le sais que trop bien: ce n'était pas un rêve.
Extrait de " Mourir à Alger " de Jean Monneret, l'Harmattan, ISBN 2-7475-4532-6 Monneret raconte comment, suite à l'assassinat de sa grand mère, il passe à Alger du 23 Juillet au 2 septembre pour l'enterrer et régler les affaires de sa famille. Dans cet extrait, il va chez un ami musulman observer les agissements de la wilaya 4.
27 Août 1.962:
Les élections sont remises à date ultérieure, ce que tout le monde interprète comme un nouveau pas dans la crise qui oppose le clan de Tlemcen (Boumedienne, Ben Bella et l'armée des frontières) et le GPRA (ben Khedda, les kabyles, la willaya 4, la fédération de france).
A Marengo, un camion militaire français venu aider un fermier à demenager tombe dans une embuscade de l'A.L.N., trois morts.
28 Août 1.962:
Un affrontement violent et armé oppose dans la casbah les troupes de la willaya 4 à des commandos dirigés par Yacef Saadi qui depuis quelques semaines, regroupant les anciens de la zone autonome qui lui sont restés fidèles (et juste libérés) agite Alger pour justifier l'arrivée des troupes de Boumedienne, qui ont réussi à Oran à se donner l'image de mainteneurs de l'ordre.
Le colonel Mohand ("le vieux") patron de la willaya 3 vient à Alger soutenir le G.P.R.A.
29 Août 1.962:
Un bulletin de renseignement de l'armée française (que l'on peut trouver dans les archives depuis qu'elles sont ouvertes) indique que TOUS les harkis du Constantinois ainsi que leurs enfants mâles de plus de douze ans ont été raflés et emmenés sur le barrage tunisien pour le déminer à la main. Pratiquement aucun n'en reviendra. Ces renseignements sont depuis vérifiés, et reconnus pour avoir été parfaitement exacts.
Bataille à Alger entre des partisans de Yacef Saadi, et l'ALN de la willaya 4, il s'agit de justifier l'intervention de l'armée des frontières à Alger. C'est recommencer l'opération qui a échouée le 23 Juillet. Depuis quelques jours, Ben Bella s'est prudemment réfugié à Tlemcen, sachant le coup de force qui se prépare. Les hommes de la willaya 4 ripostent en perquisitionnant la casbah, puis ils organisent une conference de presse devant un amoncellement de fusils mitrailleurs et bazookas saisis. Le lieutenant Allouache dénonce les aventuristes qui se livrent au trafic de drogue.
30 Août 1.962:
Le 2éme classe Jean-Pierre Desvergnes, du GT 520 est enlevé par le FLN et ne sera jamais retrouvé.
A Castiglione, la foule envahit la ferme des Larosa, mutile le mari, viole puis égorge la femme.
Sur les quais d'Alger, toujours autant de monde pour prendre le bateau, mais cette fois ce sont les musulmans qui vont tenter leur chance en métropole.
Boumedienne donne l'ordre tant attendu d'envahir la willaya 4 (c'est à dire Alger), mettant la dernière main à la prise de pouvoir du clan de Tlemcen. La willaya 4 hâtivement renforcée par tous ceux qui se sont précipités au secours de la victoire, et armée de frais par les armes données par l'armée française au titre de la force locale et des ATO de l'exécutif provisoire résiste de son mieux. En particulier, les combats de Boghari ont fait au moins mille morts. Dans de nombreuses villes, la foule crie "sept ans ça suffit".
31 Août 1.962:
Encore 50.000 départs en août, portant à 600.000 depuis le début de l'année et à 850.000 en tout le nombre de départ d'algérie (hors militaires).
Encore 407 enlèvements en août (depuis le 3 juillet, la france ne comptabilise que les français, c'est à dire les non musulmans) portant à plus de 2.500 les chiffres officiels. Beaucoup mieux que les argentins, ces francs salauds, qui manœuvraient au sein d'une population de 25 millions d'habitants et qui ont fait ça en plusieurs années alors que là le F.L.N. agit sur à peine un demi million de personne et depuis la soit- disante paix des déclarations d'intention d'Evian de mars. Mais bon sont plus au pouvoir, les militaires argentins, on peut les poursuivre en justice, c'est pas comme les tortionnaires algériens, non seulement sont au pouvoir, non seulement ont du fric grâce au pétrole du Sahara, mais en plus ont des troupes nombreuses et entraînées en france. Le plus grand crime des militaires argentins, c'est l'assassinat de quatre religieuses françaises. le F.L.N. a à son tableau une centaine de prêtres et de religieuse non moins françaises, mais bon les conditions sont pas les mêmes.
A Nice, 17 pieds noirs munis de faux papiers de l'O.A.S. et complètement paumés sont arrêtés à son de trompe.
Premier Septembre 1.962:
Ben Bella veut visiter Tiaret, la population s'oppose à son arrivée, il lui faut faire donner la troupe de Boumedienne, nombreux morts.
Les troupes de la willaya 6 , renforcées par l'armée des frontières entrent à Boghari, territoire de la willaya 4, baroud d'honneur, puis les troupes fraternisent.
Un commando de l'O.A.S. veut tuer Pompidou dans sa maison d'Orvillers, à la sortie de la messe. La famille Pompidou n'est pas à la messe.
2 Septembre 1.962:
A Romainville, la section CGT d'une usine de mécanique générale organise une grève pour exiger (et obtenir) le licenciement d'un harki qui avait été embauché pendant les vacances, le F.L.N. avait porté plainte.
Yacef Saadi a transformé la casbah d'Alger en camp retranché, les hommes de la willaya 4 donnent l'assaut, on tire au fusil mitrailleur. L'ambassade dement que ces affrontements aient concerné l'armée française.
3 septembre 1962 :
Ben Bella, furieux, décide d'investir Alger par la force. ("ordre est donné de passer à tout prix")
Les combats font rage le lendemain, le 4 entre les tous nouveaux recrues de la willaya 4 (engagés après le 19 mars, les fameux marsiens) et l'armée des frontières. Des soldats de la willaya 3 viennent renforcer la 4.
Ni les uns ni les autres n'avaient pratiquement encore combattus.
4 Septembre 1.962 :
Boumedienne encouragé par la bonne tenue de ses troupes dans cette nouvelle guerre civile, où elles ont sans état âme massacré les fells de l'intérieur dans le sud, à Constantine, à Tiaret, les lance à l'assaut de la willaya 4.(Alger).
Violents combats dans la vallée du Chelif et à Orleansville. Aussi à Aumale, à Brazza, à Boghari On parle de milliers de morts.
Le cessez le feu est signé ce 4, Ben Bella rentre à Alger; le compromis a consisté à mettre Saadi et l'A.L.N.au repos et à placer Alger sous la protection de la police.
5 septembre 1.962:
Malgré le "cessez le feu" l'armée de Boumedienne essaye de balayer les troupes de la willaya 4 à Orleanville. Le colonel Hassan y part régler le problème, investi par Ben bella qui ne souhaite ni combats trop furieux, ni victoire trop manifeste de Boumedienne.
Début septembre, le 2ème Bureau fait le point des camps d'internement connus. Une cinquantaine sontlocalisés, certains avec précision (valeur A 1) : 4 dans l'Algérois, 3 dans le Constantinois, 4 chantiers de déminage (1 H 1790 /5). C'est sans doute pour cette raison que le Commandant supérieur diffuse le 5 septembre une IPS très secrète qui envisage des "opérations ponctuelles pour délivrer par la force des personnes internées" . Ces opérations, destinées à sauver des européens, ne seront déclenchées que si les renseignements recueillis sont estimés sûrs à 90%. Le 22ème CA prépare une intervention sur le camp de Nif Emmser dans la région de Ain M'lila, avec appui aérien. Aucune archive n'indique que cette opération a été déclenchée (lH 298312).
Repris sur Faivre "les combattants musulmans de la guerre d'algérie" ISBN 2-7384-3741-9
Clandestinement, des lettres émouvantes, écrites par des Musulmans à leurs anciens patrons, parviennent en France. De ce dossier émouvant nous en extrayons quelques-unes.
C'est au docteur Bourdon que son jardinier adresse la lettre suivante: "Tu sais, toubib, que je t'aimais bien. Pourtant je voulais que mon pays soit libre, que l'Algérie joue son rôle, comme ils disent, au sein des grandes nations. Je croyais, comme quelques-uns de mes frères, que la République algérienne nous apporterait plus de bonheur que nous en avait donné la France. Puis les "chefs", ils m'avaient toujours dit que, comme j'avais été à l'école jusqu'à quinze ans, je serais nommé commissaire de police ou chef de bureau à la mairie d'Alger. Au lieu de cela, je suis chômeur. Rien à donner à manger à ma femme et à mes enfants. Ici, c'est l'anarchie, on tue pour le plaisir de tuer. Mon cher toubib, je viens te demander si tu peux me recevoir en France. L'algérie nouvelle, c'est le pays des tueurs et des voleurs".
A un commandant, un rescapé de sa harka: "Mon commandant, toi tu le savais ce qui allait se passer. On a tué tous les anciens qui étaient avec toi à Philippeville. Ils ont été égorgés ou brûlés vifs. Tu sais, mon commandant, que nous allons tous être tués. Tu peux pas écrire à quelqu'un à Paris pour que l'on ne tue pas tout le monde."
C'est Mme Paule Rizzo, ancienne directrice d'un centre de rééducation pour des enfants musulmans qui reçoit cette lettre d'une éducatrice musulmane:"Je voulais depuis longtemps vous écrire, mais il faut se méfier. Les trois infirmières du centre ont été égorgées, Zineb Ben Abdallah a été brûlée vive après avoir été violée. Le centre est occupé par l'A.L.N.; ils ont tout cassé. Vous savez que partout, maintenant, c'est l'anarchie. Hier, à Maison-Carrée, ils ont sorti deux statues de votre Sainte Vierge qu'ils ont habillées en fatmas; ils les ont promenées autour de la ville et des hordes déchaînées crachaient sur ces statues. Madame, c'est affreux. Peux-tu t'occuper de moi, car on peut être violée puis tuée bientôt."
Un extrait d'une lettre signée par les 155 ouvriers musulmans et adressé au directeur d'une entreprise d'Alger installée à Aix-en-Provence: "Nous n'avons pas de travail et ce n'est pas demain qu'il y aura ici une reprise car tout le monde commande, il n'y a que des soldats et des policiers, personne ne semble se soucier de la situation économique. On parle politique et personne n'accepte d'être "sous-fifre"; tout le monde veut être ministre ou général. On va bientôt mourir de faim. Si tu peux nous envoyer un contrat nous pourrons peut-être partir, mais il faut faire vite car après les élections la liberté de faire ce qu'on veut n'existera plus."
D'aprés le livre du bachaga Boualem, "l'algérie sans la france" éditions france empire, 1964.
8 Septembre 1.962:
Nouvel accord de cessez le feu entre la willaya 4 et l'armée de Boumedienne, completé par une nouvelle liste de candidats qui fait une part aux hommes des willayas 3 et 4. La willaya 3 (Kabylie) prend provisoirement le contrôle d'Alger, le temps pour les troupes de la willaya 4 de disparaître tranquillement. (mais pas sans les voitures des pieds noirs ni leurs meubles…) Les kabyles réquisitionnent le reste, ils avaient bien droit à une part du butin.
Bidault, président du Conseil National de la Résistance est expulsé d'Italie.
Témoignage de K.. Saad, moghazni durant deux ans à la SAS de Laperine, puis, durant quatre ans à la G.M.S. 53 de Derville;
"Nous étions restés une dizaine de supplétifs au village d'Ain Bouzid. Les rebelles sont venus, nous ont pris et emmenés au commandant Moktar. Celui-ci nous a pris tout notre argent, jugés et condamnés à mort.
Huit de mes camarades ont été pendus ou égorgés.. Ils ont remis notre exécution, la mienne et celle d'un camarade, pour le soir. Mais, vers 16 heures, il y a eu un accrochage aux environs du village. Nous avons profité de l'affolement pour nous sauver. Mon camarade, moins rapide que moi, a été tué par balle. J'ai été poursuivi, mais j'ai été vu par des militaires français et récupéré. J'ai rejoint, avec eux, la ferme Pozzo. Avant l'exécution de nos camarades, les rebelles nous ont rasé la tête, la barbe et la moustache. Ils nous ont promenés dans le village de Palestro tandis que la population nous frappait, nous injuriait et que les femmes poussaient des youyous.
Au cours de cette exhibition, ils nous ont conduit devant la sous-prefecture et nous ont montré 55 harkis et moghaznis en nous déclarant qu'ils allaient subir le même sort. Le lendemain, nous avons entendu des cris et des tirs au P.M. et fusil, et nous avons appris que nos 55 camarades avaient été exécutés."
Extraits d'une lettre reçue par H... Rabah, réfugié en métropole, provenant du Harki K... Mohamed qui se trouvait encore en Algérie, le 9septembre 1962:
"Je suis ici avec le bataillon pour une quinzaine de jours, mais bientôt on va venir en France. Cher frère Rabah, ton frère Saïd il est venu avec les militaires de Beni Amar (Palestro) dans les camions pour aller à Rouiba pour se réfugier en France. Au moment où ils sont arrivés à Menerville, il y a eu un contrôle de l'ALN. Ils l'ont fait descendre du camion et ils ont tiré sur lui. Il avait les deux jambes coupées, après ils l'ont amené à l'hôpital, il y est resté quelques jours et après ils l'ont tué encore. Cher Rabah, mes condoléances pour ton frère Saïd qui est mort, enfin Dieu est grand. Autre sujet, l'ALN a piqué 350.000 francs pour ta mère. On attend toujours pour savoir si elle va rentrer.".
Faits rapportés par une Européenne arrivée d'Algérie fin août 1962, Renseignements sur ta région Aomar- Laperrine.(Grande Kabylie) : ..,
"Chouiha Guendouz, mokhadem de la S.A.S. d'Aomarde 1956 à 1961, vingt-six ans de vie militaire, guerre d'Indochine, médaille militaire, dix citations. Pris par les rebelles en même temps que Saïd Bourhim, vieux Harki du 1/43ème R.A., vers le 15 juillet. Enfermés dans une mechta pendant quinze jours à Tazezout-Nezlioua. Le FLN a torturé Bourhim et ils l'ont pendu devant Guendouz. Pour éviter de subir ce même sort qui devait être le sien deux jours après, Guendouz s'est pendu avec son ceinturon.
A Laperrine, sept Harkis du 9' R.I.M.A., stationnés à Laperrine, ont été égorgés sur la place publique. Ces Harkis avaient eu le malheur de faire les dernières opérations contre le FLN quelques jours après le cessez-le-feu, lorsque le FLN avait tenté le pillage du village de Laperrine. C'est grâce à eux et aux soldats du 9' R.I.M.A. que la population européenne et musulmane de Laperrine n'était pas tombée aux mains des rebelles avant le 1er juillet. "
Témoignage de A... Amar, militaire durant huit ans, puis Harki pendant six ans, région de Dra el Mizan: "J'ai vu un ami, Hamdani Slimane, civil de sentiments pro-français, pendu par les rebelles en plein centre de Dra el Milan.
Ramdane Slimane, Harki, a été égorgé en plein centre de Talagueft. Daoud Saïd ben Ali a été égorgé sur la place de Dra el Milan devant toute la population réunie. Cette scène fut applaudie et accompagnée des "you-you" des femmes. Hadadi Slimane, Harki, a été fusillé. Houcine Tahar Harki, a été abattu d'une balle dans la tête en plein village. Ils ont enlevé la femme de mon neveu, le Harki A... Rabah. D'après les déclarations de certaines personnes, elle aurait été violée et égorgée après leur avoir servi de jouet pendant plusieurs jours. (le corps n'a jamais été retrouvé).
Témoignage de M... Kaddour ben Abdallah, militaire, puis sergent Harki: "J'ai vu à Penthièvre (département de Bône) plus de 25 Harkis égorgés. Un Harki a eu sa tête coupée et exposée à l'entrée d'une cité. La consigne FLN était de barbouiller de merde la tête de ce malheureux, consigne suivie par les enfants de tous âges et surtout par les femmes."
Enlevement des époux Cagnac.
10 Septembre 1.962:
Boumedienne entre à Alger, Ben Bella s'installe villa Joly, mettant un terme (provisoire) à la lutte pour le pouvoir après l'indépendance. Les "laïques" c'est à dire les communisants type Ben Khedda ou les intégrés type Ferhat Abbas sont éliminés, ainsi que leurs alliés kabyles, le pouvoir est aux islamistes socialistes, une voie à l'algérienne qui conduira à la catastrophe économique et à la dictature des militaires.
Le Journal Officiel publie un decret autorisant les prefets à réquisitionner les locaux vacants depuis plus de deux mois.
Déclaration de Jacques Soustelle
Comment le peuple français, qui pourtant n'est pas dénué de sensibilité humaine, en est-il arrivé là ? Comment est-il descendu jusqu'à ce degré d'indifférence, à cette dureté de cœur, à cette sécheresse ? Le Christ disait : " Si votre frère vous demande un pain, lui donnez-vous une pierre ? " et voilà que le peuple de Métropole, d'ancienne formation chrétienne - souvent ses prêtres et ses pasteurs en tête - s'est mis à offrir des pierres à ses frères malheureux qui avaient perdu leur terre.
L'explication de ce phénomène paradoxal et révoltant doit être recherchée dans l'immense opération psychologique menée après 1954 par toute une partie de la presse. Le problème posé était celui-ci : " Comment faire en sorte que les Français, chrétiens, israélites ou laïques de la Métropole, abandonnent sans remords à la mort ou a l'exil leurs compatriotes, coreligionnaires ou compagnons de convictions philosophiques qui ont eu le tort de naître en Algérie?"
La réponse est simple : présenter ces Français d'Algérie sous un jour tel qu'ils apparaissent comme haïssables et, par conséquent, comme indignes d'être défendus. La machine de propagande a joué à fond et elle a gagné.
Il a été entendu dès le début, pour l'Express comme pour Le Monde puis pour Le Figaro, que le Français d'Algérie avait toujours tort. Défendait-il ses droits ? C'était un colonialiste. Réclamait-il l'égalité des droits entre les musulmans et lui-même ? Il mentait. Le F.L.N. massacrait-il femmes et enfants français ? C'était une pénible conséquence d'un état de choses dont, en dernière analyse, les Français d'Algérie étaient eux-mêmes responsables. Les Français d'Algérie se défendaient-ils ? C'étaient des criminels.
Les chefs d'orchestre fort habiles et expérimentés qui ont mené cette campagne n'ont pas négligé de faire appel à une gamme très étendue de sentiments : depuis la générosité contre les " colons " âpres au gain et attachés à leurs " privilèges " jusqu'à l'envie déchaînée contre ces " milliardaires " qui prétendaient encore faire combattre à leur profit les petits gars du contingent. Ainsi on concentrait la haine aveugle du public sur le petit artisan de Bab-el-Oued qui vivotait à 20 % au-dessous du niveau de vie de son homologue Toujours pour arriver à l'abandon avec bonne conscience, on est descendu jusqu'au racisme. " Ces Français d'Algérie,... " chuchotait-on " est-ce que ce sont vraiment des Français ? Ne s'agit-il pas plutôt d'un ramassis d'Italiens, d'Espagnols, de Maltais ? " D'où le résultat qu'un Français qui s'appelait Giacomoni et dont le grand-père fut naturalisé à Aix en Provence pouvait sans remords livrer au couteau des égorgeurs un Français appelé Giacomoni dont le grand-père était arrivé à Chiffalo en 1890 !
De même qu'il fallait dépeindre les Français d'Algérie comme une meute fasciste d'exploiteurs sans scrupules et dr réactionnaires attardés, il fallait que les Métropolitains - en particulier les hommes politiques - qui combattaient pour le maintien de l'Algérie dans la République, fussent disqualifiés par une campagne de calomnies allant jusqu'à l'assassinat moral.
La presse d'extrême gauche s'est chargée de cette opération, reprise avec une ampleur écrasante par l'Etat lui-même et par tous les moyens de propagande qui dépendaient de lui en 1960.
Du moment où l'on défendait l'Algérie Française, on était un " fasciste ", un " activiste d'extrême droite " un " néo-nazi ". La propagande traitait d'hitlérien Godard qui se battit au Vercors, Bidault qui présida le C.N.R. sous l'occupation nazie, Saint-Marc qui souffrit à Buchenwald et exaltait les " démocrates " du genre de Mohamedi Saïd qui porta l'uniforme allemand et la croix gammée avant d'être parachuté en Algérie en 1943 par la Gestapo dont il était l'agent.
Ben Khedda qui dirigea avec son chef Zighout Youcef les épouvantables massacres du 20 août 1955 était un modéré tandis que Jouhaud méritait bien d'être condamné à mort et l'on donnait du " Monsieur " à Ben Bella tandis que le dernier des pieds-plats de la R.T.F. se permettait d'insulter Salan !
Puisque j'exprime ici, en dépit du bâillon que le Pouvoir voulait m'imposer, ma pensée toute entière, j'élève une protestation solennelle et véhémente contre la calomnie sous laquelle on veut accabler les défenseurs de l'Algérie Française.
Moi qui n 'avais en Algérie ni un mètre carré de sol ni un pied de vigne et qui avais tout intérêt à poursuivre une fructueuse carrière politique en me reniant comme Debré et Frey, je déclare que j'ai cru sincèrement à l'Algérie française, que la paix et la réconciliation étaient à portée de notre main après le 13 mai 1958, que je n'ai été guidé dans ce choix par aucun intérêt particulier et que je n'ai jamais eu en vue que celui de mon pays et l'idéal de la République.
De toutes mes forces, je dénonce l'assassinat moral dont ceux qui pensent comme moi et moi-même avons été les victimes. Le temps peut passer, les faits accomplis succéder aux faits accomplis, un Ossa de lâcheté s'entasser sur un Pélion d'indifférence : jamais, quant à moi, je n'admettrai que le crime perpétué en juillet 1962 soit autre chose qu'un CRIME.
Jacques Soustelle, de l'académie française., mais plus tard
Les personnes qui demeurent en Algérie ont pris la tragique habitude de se jeter sur le journal "Dépêche d'Algérie", à la rubrique "Recherches dans l'intérêt des famille" ... Là, entre deux déclarations de leaders politiques, s'étale le drame des Français d'Algérie. Voici ce qu'on peut y lire en ce 14 septembre 1962:
"La Ligue Algérienne de Natation recherche Jacques Viane, capitaine de l'équipe de water-polo, quarante fois international, disparu lundi matin à 8 h 30."
"La Compagnie des Pétroles d'Algérie recherche M. Jacques Follot, directeur technique, qui a été vu pour la dernière fois le 11 septembre vers 22 heures à bord de sa voiture, une D.S., à la hauteur du palais d'été."
"Le consulat de France à Orléansville lance un avis de recherche pour une famille européenne de cinq personnes disparue depuis le 5 septembre entre Mostaganem et Blida. Il s'agit de Mme Gallea, née Colette Donnat, et de son fils âgé d'un an et demi; de M. et Mme Gaston Donnat et leur fille Joëlle qui avaient quitté Mostaganem le 5 septembre vers 6 heures du matin, par la route, en direction de Blida."
"M. Baujard, maire de Blida, adresse un appel à toute personne pouvant le renseigner sur le sort de son neveu disparu." etc…
En tout, ce jour une vingtaine de disparus.
13 septembre 1962 :
Six agriculteurs européens assassinés près d'Alger, six mois aprés la signature des déclarations d'intention d'évian.
L'épouse du commandant de bord, monsieur Viguezzi, de la compagnie Aerotec qui ce jour pilotait le prince Ibn Seoud enlevée, violée, puis la tête écrasée par des pierres;
14 septembre 1962:
La police qui a mis des moyens considérables, qui a déjà arreté de nombreux membres du commando qui a tenté d'assassiner le général De gaulle au petit clamart, met la main sur l'organisateur,; il s'agit d'un jeune colonel des fabrications d'armement, Jean Bastien Thiry, polytechnicien de la promotion 1947.
15 Septembre 1962 :
Pour contrebalancer l'effet désastreux provoqué sur l'opinion internationale par les enlèvements et les meurtres à Alger, le FLN, outre les charniers soi-disant laissés par l'armée française opportunément découverts, avait monté en Avril 62 toute une opération de diffamation des médecins pieds noirs. Ils avaient en particulier enlevé un enfant soigné à Mustapha, le grand hôpital d'Alger et l'avaient amené dans une clinique contrôlée par eux, au Clos Salembier. Là ils avaient fait défiler tout le gratin journalistique, expliquant que le malheureux avait exprès été amputé de son estomac, pour le plaisir et par pure haine des musulmans, par un médecin pied noir. Les fonctionnaires du rocher noir en la personne de Monteil sont convaincus, mais même le correspondant du Monde tout en assurant une vaste publicité au spectacle insinue qu'il pourrait s'agir d'un montage.
Le président de l'ordre des médecins de France mène une enquête et, ce jour, six mois après, alors que tous les médecins en cause ont dû quitter l'algérie, publie ces conclusions : " … le F.L.N. accusait le corps médical d'Algérie de refuser ses soins aux blessés musulmans, voire même de les achever, et conseillaient à ces derniers de ne plus aller à l'hôpital de crainte d'y être malmenés. L'enquête menée sur place me permet de rejeter ces calomnies ". Bien sûr et comme d'habitude le mal est fait, tout le monde se moque des rectifications, la propagande FLN reste dans les esprits.
Quant au gamin opéré (et que le transfert a achevé) il avait été victime de polypose juvénile et l'objet d'une colostomie, traitement habituel.
Le commandant Niaux, impliqué dans le reseau de soutien au comando du petit clamart se pend dans sa cellule du Dépot. La veuve porte plainte pour assassinat, après plusieurs années de procédure la justice jouant les Salomon concluera au suicide mais allouera des dommages et intérets sous pretexte de "négligences".
Assassinat prés de Boufarik d'un européen garanti "libéral ".
Canal "le monocle noir" chef de la mission 3 en métropole, condamné à mort.
En septembre, c'est l'escalade des enlévements dans le Grand-Alger: une directive orale prise à l'échelon des responsables des zones du Grand-Alger et plus particulièrement par le responsable du "CTT Boughobrine", Benyoucel Bouadjar, et transmise aux services de renseignements militaires français précise que "désormais les enlèvements ne seront plus effectués sur des individus mais sur des familles entières, ce qui compliquerait les recherches et laisserait penser à des départs soudains des familles vers la métropole ou vers l'Espagne". En effet, FLN comme ALN se sont rendus compte qu'enlever une famille entière soulevait moins de recherches que des individus.
Après la déclaration de Bouadjar, enlèvement de la famille Claudet enlevée le 21 septembre (couple et leur enfant âgé de 1 ans), et de plusieurs couples sans enfant (Falanga, Ruffino, Sanchez, Segura, Simonte, Veros etc... )!
(un silence d'état, Jean-Jacques Jordi)
18 Septembre 1962 :
Une tête d'européen, scalpée, est retrouvée près de la statue déboulonnée de Jeanne d'Arc, en plein Alger, humour.
19 Septembre 1962 :
Pour la première fois depuis l'indépendance du 3 Juillet, l'ambassade de France à Alger proteste auprès des autorités algériennes contre les massacres des nouveaux algériens qui furent français et partisans de l'intégration.
20 septembre 1.962:
Elections législatives (enfin ) en algérie, elles ont lieu avec deux collèges, retour à la situation d'avant 58, musulman et autres, il y a une liste unique par collège dont les membres ont été désignés par les partisans de Ben Bella, il n'y a pas d'isoloirs, il y a (paraît-il) 99 % de votants et 80 % en faveur de ses listes, le contrôle de Ben Bella (et Boumedienne) s'avère total sur l'ensemble de l'algérie et du Sahara.
Les listes de candidats uniques ont été remaniées suite à la victoire de l'armée de Ben Bella sur la willaya 4, il y en a 80 % venant du groupe de Tlemcen.
Une lettre du bachaga Boualem, ancien vice président de l'assemblée nationale au journal le Monde racontait ces événements du 20 septembre 1962, concernant le sort des anciens supplétifs de Maillot {Grande Kabylie) :
- Mebarki, émasculé et dépecé vif.
- Zerkak a subi le même sort.
- Meziane Daou, 63 ans, ancien harki, garde champêtre d'Ouled Brahim, arrêté, relâché, puis repris, a été exécuté, en août, à coups de bâtons, dans la cave de l'ancien Dar el Askri (maison des anciens combatants) à dix mètres du 22 ème BCA, après "jugement".
- Zaïdi, sergent, ancien combattant d'Italie de France et d'Allemagne, muté dans la force locale a subi le même sort.
- Merouane Amar, père de famille nombreuse a été torturé; il a été ramené chez lui pour qu'il indique où il cachait son argent. Sa maison à Maillot était à cent mètres du P.C. du 22 éme B.C.A. Il a été abattu ensuite à Chelirfa. Au mois d'août, les locaux de la S.A.S. servaient journellement de lieu de torture et d'exécution.
- Moualid a été torturé, il a été amené chez lui pour qu'il indique où il cachait son argent. Sa maison à Maillot était à cent mètres du P.C., toujours occupé, du 22éme B.C.A, qui n'a pas bougé. Il a ensuite été abattu à Chelirfa. (Son neveu Ahmed s'est suicidé.) Moualid laisse une femme et neuf enfants, de 2 à 14 ans.
- Boucherit, sergent-chef, qui avait deserté, a été promené dans la vallée de la Soummam au bout d'une corde fixée à un anneau lui traversant le nez. Roué de coups, abreuvé seulement d'eau salée, il a finalement été abattu.
- Les chefs de village des Beni-Hamadou ont eu les lèvres et le nez coupé.
- Les anciens harkis et chefs de village de la région de Beni Hamdoune (5 kms au nord ouest de Tazmalt) ont eu les lèvres et le nez coupés avant d'être exhibés dans les douars voisins.
- A Iril n'Zerouine seraient detenus plusieurs dizaines de harkis. Il y a des charniers à ciel ouvert sur la route d'Aumale.
Le Monde avait des choses plus urgentes ce jour là, et les jours suivants, ses lecteurs n'en ont rien su.
21 septembre 1.962:
Discours de Ouzzegane, futur premier ministre de l'agriculture : "les européens pourront rester pour gérer les terres, offrant ainsi leurs compétences techniques". Il s'agit de gérer les terres, pas leurs propriétés.
Le Monde pleure sur les résultats de la politique qu'il a voulu sans discontinuer depuis 1956. C'est à l'occasion de la découverte des corps de techniciens de chez Berliet, dont la plupart étaient des coopérants, amis du Monde, venus remplacer des pieds noirs, le Monde n'a jamais versé une larme sur les pieds noirs dont il approuvait le sort.
Bien sûr ce sont des incontrôlés mais "il ressort des propos tenus par les fractions extrémistes du F.L.N. qu'il existe un plan tendant à éliminer systématiquement, notamment par la terreur, les agents de l'activité économique européenne en Algérie (…) Il s'agit de couper court au néocolonialisme économique dont les accords du 19 Mars seraient la charte ".
Bien entendu le Monde, bien informé, n'ignore pas qu'il s'agit là de la simple application de la charte de Tripoli, et que les chefs de cette "faction" sont Ben Bella et Boumedienne. Mais bon toute vérité n'est pas bonne à dire brutalement.
En outre quand les activistes disaient ça, ils étaient traités de racistes, faut assurer la transition en souplesse.
22 Septembre 1962 :
Quelques uns des pieds noirs enlevés arrivent à s'échapper, tel est le cas de quelques unes des trente personnes regroupées au camp Labat à Maison Carrée et conduites à Orly par un avion militaire, le 22 septembre 1962 (Le Monde du 22 septembre 1962).
Ces témoins racontent qu'ils ont été retenus prisonniers dans des localités perdues de l'Atlas blidéen. Dans la journée, ils étaient exposés en plein soleil sur la place publique. L'un d'eux Emmanuel S... fut lié à un poteau et lapidé par les femmes et les enfants d'un douar (L'Aurore du 15 septembre 1962). Un autre prisonnier raconte son calvaire en ces termes: "On m'a traîné de village en village, enchaîné, les menottes aux poignets, on m'a battu, insulté. Les femmes m'ont couvert de crachats et j'ai finalement été soumis au supplice du pal à l'aide d'une bouteille. Enfin, on a simulé mon exécution par fusillade, mais le peloton a volontairement tiré à côté" (Paris-Jour du 21 septembre 1962).
Les fiches du Deuxième Bureau contiennent de nombreux renseignements sur les camps de l'ALN où sont détenus des Européens (FSE) dans l'Algérois. C'est le cas du camp de Romili près de l'Arba à trente kilomètres d'Alger au pied de l'Atlas. D'autres camps sont signalés dans ce secteur. Par exemple, le village de regroupement du Techt entre l'Arba et Rivet.
Le service de renseignements donne même des indications précises. Il signale qu'au quartier Gipoulou, une piste transversale prend naissance qui conduit à ce camp. Une autre fiche en donne même les coordonnées sur la carte d'Etat-Major MY 36-115. L'ALN a établi son P.C. dans l'ancienne ferme XX. D'autres indications tout aussi précises concernent d'autres camps à Ouled Chebel, dans la région de Chréa et de celle de Sakamody ; chaque fois les coordonnées précises permettant de situer ces lieux sur les cartes d'Etat- Major sont indiquées. Un autre camp situé à Hammam Melouane, serait le lieu de détention d'une quarantaine d'Européens (SHAT I H 1794). La plupart de ces informations sont classées entre Al et C3, c'est à dire qu'elles sont de bonne qualité.
Monneret, " la phase finale de la guerre d'algérie ", l'harmattan, ISBN2-7475-0043-8
Bien entendu, de peur de troubler le climat politique, l'armée française n'intervient pas. Jamais l'armée n'est allée dégager ces camps, l'action du gouvernement français s'est bornée à demander des enquêtes de la croix rouge, qui n'a été autorisée à visiter ses emplacements qu'en novembre, une fois les corps soigneusement dissimulés. Ces corps sont ressortis quarante ans après et généreusement attribués à l'armée française sous les acclamations médiatiques.
24 Septembre 1962 :
Un des derniers "comité des affaires algériennes", le véritable centre de décision sur l'algérie, présidé par De gaulle lui-même, dont Debré n'était pas membre permanent et où figuraient les responsables locaux, Delouvrier puis Fouquet. Ses archives sont maintenant ouvertes, elle éclairent cruellement les décisions prises à l'époque On s'y félicite que l'armée française ait pu sauver des nationaux isolés sans autre réaction du F.L.N.
Pompidou enjoint à l'ambassadeur de "faire pression pour qu'il soit mis fin aux enlèvements de ressortissants français (rappelons que les harkis ne sont plus français à cette date), que les personnes appréhendées soient relâchées, que les auteurs de crimes commis à l'encontre d'Européens soient recherchés et châtiés".
On augmente encore le découvert autorisé à l'algérie, porté à un milliard deux cent millions. On libérera par anticipation les enseignants sous les drapeaux acceptant d'aller en coopération en Algérie.
25 Septembre 1.962 :
L'exécutif provisoire remet ses pouvoirs à Ben Bella.
Les déclarations d'intention d'évian prévoyaient que ceci se passerait fin juillet après le référendum et l'élection d'une assemblée nationale constituante. Les luttes internes des différents clans du FLN ont demandé deux mois de plus.
Ferhat Abbas est élu président de l'assemblée, Ben Bella premier ministre, Boumedienne ministre des armées, l'intérieur à un ami de Ben Bella, le petit jeune Bouteflika est à la jeunesse et au sport. A part Ben Bella, pas un seul ministre du Gouvernement Provisoire de la République Algérienne (GPRA) avec qui De gaulle a négocié ne figure dans le nouveau gouvernement…
Cette assemblée (élue sur liste et candidature unique…) comporte, conformément aux déclarations d'intention d'évian des représentants des pieds noirs. Choisis par les Ben Bellistes, ce sont pour la plupart des soutiens du F.L.N. une exception notable, Puech Samson, industriel de la cigarette, compagnon de la libération, il a rompu avec De gaulle en 1960, a été élu député Algérie Française de Mostaganem, a rejoint l'O.A.S. est resté à l'indépendance pour sauver les meubles. Comme tous les pieds noirs qui ont tenté de rester après l'indépendance, il est contraint de rejoindre la métropole en 1964. (Voir au sujet des tentatives faites par les pieds noirs pour rester en Algérie mon excellent bouquin "pieds noirs en Algérie après l'indépendance, l'harmattan, I.S.B.N. 2-7475- 0890- 0)
Un agriculteur européen et sa femme assassinés dans la Mitidja. Trois autres enlevés à Orleansville.
26 septembre 1962 :
Une note de l'état major de ce jour demande de mener une politique à l'égard des français musulmans des forces armées : "la politique menée à leur égard doit aboutir au premier novembre, à leur disparition de nos forces en algérie, soit par mutation en métropole, soit par résiliation du contrat". Toujours les susceptibilités FLN à sauvegarder, ils n'acceptent pas que des français nés en algérie et de confession musulmane y demeurent encore.
27 septembre 1962:
Le camarade Boumaza, ancien chef de la fédération de france, le plus fidéle soutien du G.P.R.A. et de Ben Khedda s'est rallié, il ne quitte plus Boumedienne il semble promis aux plus hauts postes.
Ben Bella constitue son gouvernement, une seule consigne, "personne qui ait eu la moindre responsbilité dans le G.P.R.A." c'est oublier que depuis ses chateaux français il en était le vice président.
28 Septembre 1962 :
Nimier Roger se tue au volant de sa voiture de sport. Cet écrivain doué de tous les talents, chef malgré lui des "hussards" dilettante et desinvolte et aristocrate et jouisseur aura su dominer toutes ses dispersions pour s'engager sérieusement dans le combat pour l'algérie française. Il fut en effet (et était encore le jour de sa mort) un membre actif de l'O.A.S. métropole de Sergent dont il fut l'ami et le camarade de combat. Après la mort de Camus, lui aussi dans un accident de la route, la mort de Nimier prive la droite française de ses éléments les plus reconnus. Si on ajoute la mort de Valentin, aussi dans un accident de voiture, on voit que Allah souhaitait que l'algérie soit livrée à Boumedienne. Ou que les archives des services secrets n'ont pas encore livré tous leurs secrets.
Deux jeunes instituteurs venus au titre de la coopération, et le docteur Ruffino qui avait signé lui aussi un contrat de coopération sont assassinés à Philippeville.
29 septembre 1962 :
Une note de Messmer fait le deuil (implicite) des déclarations d'intention d'évian : "La protection des populations européennes est l'élément principal de votre mission. Le cas échéant, il faut protéger leur repli vers nos garnisons, et préparer la défense de zones refuges autour des ports et des grands aérodromes, en vue de leur évacuation".
Pas un mot sur les supplétifs dont le sort est pire encore.
30 septembre 1.962:
La rentrée est effectuée, les comptes sont faits: depuis le début de l'année, 800.000 pieds noirs ont quitté l'algérie, soit près d'un million depuis le début des "évenements" il en reste à peine 200.000, ils ont été remplacés par 40.000 coopérants, surtout enseignants, attirés par l'importante prime accordée.
407 européens ont été enlevés en septembre, portant à plus de 2.500 le nombre d'enlevés depuis le cessez le feu (les consulats français ne comptent plus les musulmans, même s'ils se présentent pour être protégés, ou si l'un ou l'autre leur indique les enlèvements ou les massacres). De même les consulats comptabilisent 800 morts depuis le 6 juillet (ainsi on évite de se mouiller sur le bilan du massacre du 5 Juillet à Oran, chiffré par les pieds noirs à 3000).
Dans ses mémoires, Ben Bella indique qu'à fin septembre "7000 des 22000 agriculteurs n'étaient pas rentrés, bien qu'en accord avec le gouvernement français, j'avais indiqué dans mes discours que ceux qui abandonnaient leur terre ne seraient pas indemnisés". Dans un souci de justice, ceux qui n'ont pas abandonné leur terre n'ont pas été indemnisés non plus.
Le bilan complet des actions de l'O.A.S. tel qu'établi par le gouvernement gaulliste, qui lui en prête avec générosité est de :
- 279 plastics en métropole, visant 206 personnalités politiques , 51 journaux ou journalistes, et 22 installations surtout installations de retransmissions de radio ou de télévision.
- 34 assassinats généreusement attribués à l'O.A.S. par le gouvernement.
- 9 à 12000 plasticages en algérie.
- Environ un millier d'assassinat de musulmans, sous espéce statistique, y compris les ratonnades que pourtant l'O.A.S. a essayé d'empêcher dans toute la mesure du possible.
Le cadavre d'une européenne retrouvé à Voltaire.
Témoignage harki Z ... Mohamed (réfugié en métropole): "Le lieutenant BOUMEDIENNE Mouloud (A.L.N.) a fait égorger trois de mes camarades: OUSSEL Ali, DAHMANE Mohamed, AMAR Ouaroun. Six autres de mes camarades ont été attachés, arrosés d'essence et brûlés vifs en plein centre de Tizi-Ouzou. J'ai été caché dans un hôtel tenu par une Européenne. C'est elle qui m'a aidé à me sauver dans la nuit et j'ai rejoint l'armée. Des Européens ont voulu nous protéger et nous cacher, mais eux-mêmes ont été menacés de mort si pareille chose se reproduisait."
Autre témoignage: " Camp de Beni-Douala (département de Tizi-Ouzou): Aux Beni-Doula, un camp de représailles et de tortures a été ouvert dans les locaux de la S.A.S. du capitaine Oudinot. Les harkis de la région y ont été internés. Certains, dont le harki BELKACEM, ont eu les paupières cousues, ont été maquillés et habillés en femmes et promenés dans le village.
J'ai vu également le sergent AMRANI Mohamed ben Ahmed, le nez transpercé d'un fil de fer auquel était suspendu un poids, exposé à la foule. L'entrée coûtait 500 francs. Des coups dee canne lui ont été administrés. Il est mort au bout de trois ou quatre heures"
Témoignage oculaire de M. B. ..: " Voici ce qui s'est passé, en Algérie, à Trolard Taza après la libération: Le F.L.N. a reconstitué les deux petites unités de harkis qui avaient mené le combat dans les rangs de l'armée française. Devant un grand concours de population, il les a disposées face à face, dans une arène improvisée, et leur a imposé une rencontre au poignard. Comme la combativité des malheureux était médiocre, en dépit de la promesse de laisser la vie sauve à l'unité victorieuse, l'A.L.N., pour stimuler les énergies, a abattu sur-le-champ quelques harkis. Le combat eut lieu, âpre, sauvage ... Et les survivants furent abattus, tous, par l'A.L.N. et leurs corps abandonnés sans sépulture pendant plusieurs semaines."
Témoignage de L ... Abdelkader, moghzani durant cinq ans à la S.A.S. de Mechtras: "Au cessez-le-feu les rebelles nous ont mis en confiance. Ils nous ont fait déserter. J'ai moi-même déserté. Ils nous ont regroupés dans des camps, pris notre argent, nos armes, nos bijoux ... ils ont formé des camarades choisis parmi les plus jeunes et les plus courageux pour aller combattre l'O.A.S. Après le 1er juillet nous avons compris notre erreur. Nous avons manifesté notre mécontentement. Une vingtaine d'entre nous ont été exécutés immédiatement. La surveillance relâchée après plusieurs jours nous nous sommes révoltés. Une trentaine de harkis et de moghzanis ont été abattus, plusieurs évasions. Les autres je n'ai plus rien su d'eux pendant que j'étais sous la protection française."
Les cimetières chrétiens de Philippeville et d'Affreville sont profanés, il s'agit de récupérer les dents en or et autres cercueil de bonne qualité.
Récit du moghzani K. .. Amar de la S.A.S. de Lentia, arrondissement de Mlta (Constantine):
"Le sergent OURNADER Abdelkader, de la harka de Fdjer-M'sala du 51e R.I.C., habitant à Lentia, douar Tassaden, était resté dans son village après la dissolution de la S.A.S. Il a été pris vers le IO août par des civils encadrés des éléments de l'A.L.N. Il a été conduit sur la place du village, là où était le mât des couleurs. Il a été "décortiqué" à la tenaille. Il a mis trois jours pour mourir.
Son frère OURNADER Hocine a subi le même sort. Son père mutilé de guerre, officier de la Légion d'honneur, faisant fonction de garde champêtre, a subi le même sort.
Dans le même village de Lentia, le sergent ABECHE Ahmed a été taillé en lambeaux devant sa femme et ses enfants et a agonisé pendant quelques jours devant la porte de sa maison.
Quelques jours après, un autre sergent, nommé SLIMANI, a été tué à coups de bâton dans les jardins.
Moi-même je me suis sauvé avec le nommé A... Ahmed, également moghzani de la S.A.S. de Lentia; nous avons réussi à rejoindre la France; nous sommes arrivés à Clermont-Ferrand où mon camarade s'est fait prendre par le F.L.N., a été torturé puis égorgé.
J'ai réussi à rejoindre le camp de X ... "
3 octobre 1962:
Dans la Nation Française de ce jour, Alexandre Vialatte commente le procés fait à son collégue Jacques Perret:
cliquer ICI.
4 octobre 1962:
Alors que les rapports les plus précis sur le sort des enlevés s'accumulent depuis mars 62, la croix rouge internationale commence seulement son enquête en algérie, le F.L.N. ayant mis tous les bâtons possibles dans les roues. 40 enquêteurs se partagent le territoire algérien. Leur rapport ne sera divulgué que récemment, ils recherchaient 80 militaires et 1264 civils (sur les 3000 répertoriés) tous européens (le gouvernement français de l'époque - comme celui d'aujourd'hui- n'en avait rien à foutre des harkis) ils sont tous déclarés décédés. Le gouvernement français continue à payer le budget algérien.
5 octobre 1962:
Une centaine de personnes encadrées par des A.T.O. envahissent la cathédrale d'Alger. Ils fouillent partout. Le Monde explique que c'est normal puisue la cathédrale est à l'emplaement d'une mosquée détruite en 1844. Le vicaire qui était présent déclare: "ils étaient curieux, ils ont voulu voir avec les mains. Leurs intentions n'étaient pas mauvaises. Le sous officier A.T.O. qui est monté en chaire faire un discours a même fait l'éloge de monseigneur Duval." En tout cas le message est clair, la cathédrale est déssacralisée, les clés remises fin Octobre, la mosquée est inaugurée le 2 Novembre.
6 Octobre 1962 :
Deux agriculteurs européens assassinés à Djelfa.
Pour une fois le gouvernement algérien proteste (uniquement pour les prêtres). Le gouvernement français regarde ailleurs et continue à payer les dépenses de l'algérie, conformément aux déclarations d'intention d'évian.
9 octobre 1962:
De gaulle met fin à l'état d'urgence qu'il avait décrété le 23 avril 1961.
Il continue à payer les fins de mois du F.L.N.
Un agriculteur européen disparaît à Saint Denis du Sig.
15 octobre 1962:
A Akbou, à 11 heures du matin, l'ancien maire, ancien combattant de la guerre 42/44 est lynché par la foule ameutée par une section de l'ALN. 5 harkis qui essayent de le défendre sont abattus. La foule excitée par la vue du sang se répand dans les douars environnant et massacre 17 harkis. Le maire de ce village, ancien harki lui aussi doit assister à la mort dans d'horribles souffrances de toute sa famille, 25 personnes, avant d'être massacré à son tour.
Cette histoire montre bien qu'il ne s'est pas agi dans le massacre de nos malheureux compatriotes de vengeance de la foule mais bien d'une opération de froid génocide organisée par le F.L.N. En effet les accords d'évian ont sept mois, l'independance trois mois et demi. Ici comme dans beaucoup d'endroit ces massacres n'ont pas été spontanés et immediats, mais provoqués par les cadres FLN rapatriés de métropole ou de l'exterieur et qui coupés des réalités algériennes essayent de gagner à retardement leurs galons de combattant.. Le gouvernement français a continué à payer le F.L.N. sans faiblir jusqu'à fin 62.
Plusieurs européens assassinés à Rovigo.
BELKACEM Mohamed, Harki, fait prisonnier par le F.L.N. le 15-10-1962, après l'indépendance, détenu à Oran d'où il s'évade le 19 -01-1964. Pensionné à 95 %, a la carte verte de prisonnier.
CHERIKI Amar,. Harki, capturé le 15-10-1962 par le F.L.N. après l'indépendance, puis libéré en 1963.
MILOUD M'Hamed, Fait prisonnier après l'indépendance le 15-10-1962, détenu par le F.L.N. Puis libéré, en 1963, par la Croix Rouge. Avait la carte verte de prisonnier.
ZIAD Yayia, (Originaire de Saïda). Il est caporal-chef Harki, radio de BIGEARD, puis au commando Georges. Pour ses exploits et les services rendus à l'armée française, il a deux citations, la Valeur, et la médaille Militaire. Il est abandonné vers la fin de la guerre, désarmé par l'armée française et il lui est dit de rentrer chez lui. Se fait arrêter, prisonnier du F.L.L. le 15-10-1962 à Oran. Là, il est détenu pendant un an et demi, puis transféré dans un autre camp d'où, par un subbterfuge, habillé en soldat de l'A.L.N., il s'évade le 05-01-1964, et regagne une caserne française qui le transfère en France. Pensionné à 50 %. A la carte verte de prisonnier.
16 Octobre 1962 :
Un couple européen assassiné près de Ténés.
courant octobre 1962:
Un harki de Paris, Boutaleb Boubaker, ancien parachutiste, qui avait cru possible d'aller voir sa famille, immolé avec les barbaries habituelles à Alger.
18 Octobre 1962
Bataille rangée à Toulouse. Deux OAS, Guy Derauw et un camarade sont interpellés par des policiers. Ils sortent des colts et couvrent leur fuite. Deux policiers sont blessés, l'un à la jambe l'autre à l'épaule, mais Derauw est également blessé, il s'écroule après quelques mètres; un policier le rejoint et l'achéve d'une balle dans la nuque.
Derauw était un parchutiste du Nord, elevé par une famille d'accueil, boxeur amateur, engagé; après l'echec du putsch, muté au 1/22 RIMA il deserte et rejoint l'OAS. Il sera des deltas, du maquis Albert, du maquis de l'Ouarsenis, passera en métropole après l'independance.
19 Octobre 1.962:
Le conseil d'état déclare illégale la cour militaire de justice car elle constitue "une grave atteinte aux principes généraux du droit"; En particulier l'impossibilité du droit de recours.
Les gaullistes créeront immédiatement une nouvelle cour de justice, après avoir mis bon ordre au conseil d'état. Cette décision sauve la vie d'André Canal, industriel algérois, membre du commando du petit Clamart, qui devait être exécuté ce même soir, et par contre coup celle de Jouhaud. Mais ne ressuscite ni Piegst et Dovecar, ni Degueldre.
De gaulle furieux commente cette décision "anormale" et qui "encourage la subversion". Il fit créer une nouvelle juridiction la Cour de Sûreté de l'état, destinée en principe à la pérennité, et dans la loi fit figurer une disposition disant que "les ordonnances passées ont et conservent force de loi depuis leur publication".
Cette loi (20 février 1963, J.O. du 25) est votée, et Canal est en application de cette loi de nouveau condamné à mort légalement, De gaulle est content, il le gracie. Par contre, les accusés du petit clamart qui étaient en cours de jugement continuent à être jugés, et De gaulle ne graciera pas Bastien Thiry.
20 Octobre 1.962:
Ce jour, le général de Brébisson transmet la note suivante, concernant les harkis, qui gaillardement continuent à être éradiqués du paysage algérien: "difficultés présentées par l'arrivée en france des ex-supplétifs… n'accorder l'asile que dans des cas exceptionnels…plus de 6.000 personnes dans nos camps malgré le départ vers la métropole de 1.300 en septembre et octobre…le ministre (Messmer, de l'académie française) m'a fait savoir que cet hiver la capacité d'absorption serait largement saturée…on craint que le gouvernement algérien ne prenne ombrage de nos centres ouverts à ses opposants…interrompre le courant…la situation politique est suffisamment fluide pour que tout supplétif puisse se sentir menacé…j'ai eu l'accord du gouvernement pour que 800 célibataires soient prochainement envoyés en france ouvrir des camps pour les autres…en conséquence vous voudrez bien premièrement vérifier que tout le personnel présent dans les camps correspond aux critères des notes … deuxièmement interrompre toute nouvelle admission les cas exceptionnels me seront personnellement soumis. "
22 Octobre 1962:
Peyrefitte qui a pris en Août la succession du désastreux Boulin (l'homme des vacanciers qui ont avancé leurs vacances d'un mois) au ministère des rapatriés, explique la situation à De gaulle. "N'essayez pas de m'apitoyer", sa seule réponse.
A Alger Ben Bela signe un décret confiant les terres "vacantes" (c'est à dire soit abandonnées, soit données en location, soit mises en gerance par les propriétaires pieds noirs y compris celles dont le proprietaire a été enlevé) à des "comités de gestion provisoire", l'ébauche de l'autogestion. Il s'agit d'un million d'hectare sur les
23 Octobre 1962 :
Note du ministre des armées Mesmer: "ne plus faire de promesse de rapatriement en métropole".
1 Novembre 1.962:
Dans un grand discours, Ben Bella annonce qu'il transfère 2,7 millions d'hectares au "secteur socialiste" en commençant par les terres abandonnés par les européens. Il annonce ainsi dès ce jour, les futures expropriations. De gaulle, imperturbable continue à payer les fins de mois de l'algérie.
3 Novembre 1962 :
A Lisbonne où ils bénéficient à la fois d'une certaine complaisance du régime de Salazar et d'une surveillance étroite des services spéciaux français, Bidault, Soustelle, Argoud, Rossfelder sont rejoint par les rescapés de l'O.A.S. algérie, Gardy, Godard, Dufour.
9 Novembre 1962 :
Un député UNR (gaulliste, immédiatement démissionné) publie dans un rapport que "le camp de saint Maurice l'ardoise présente toutes les caractéristiques des camps de concentration… fer barbelé, tour de guets, chiens,… photo 64% des 11.000 internés n'ont jamais été inculpé (mise en examen de l'époque) 22% auraient dû être en liberté provisoire, les juges ayant ainsi jugé, 14% avaient été acquittés." On y trouvait des journalistes, des députés ou d'anciens députés, des professeurs d'université, le général Vanuxem y passa deux ans sans jugements.
Tout ce que la France comptait de sourcilleux amateurs des droits de l'homme et tous les amis de la liberté qui avaient remplis les journaux de leurs protestations d'indignation quand il s'agissait de leurs amis du FLN trouvaient ça très bien.
10 novembre 1962:
Le colonel Reveille est égorgé dans sa villa rue Gustave doré à Alger, madame Pierette Alcazar dans sa charcuterie, Monsieur Vallat, monsieur Albert Petit, belge, Madame Brémont et son fils, AÏt Ahmed, ancien député MRP de Kabylie, chevalier de la légion d'honneur, Monsieur Maloum Hocine, frère de Maloum, député, maire d'Akbou, lynché par la foule. A Saint Cyprien des Attafs, les pères blancs PY et Chassine, sont retrouvés au bord du Cheliff, abattus d'une rafale de pistolet mitrailleur, retenus au bord de l'eau par des pierres, par un troisiéme père qui a pu se cacher. La plupart de ces assassinats sont réalisés par des officiels de la nouvelle république.
13 Novembre 1.962:
Le Monde se réveille et publie l'article suivant: "Du 19 mars au 1 novembre 1962, plus de 10 000 harkis auraient été tués en Algérie. Le gouvernement de M. Ben Bella préparerait actuellement un texte frappant d'indignité nationale, les anciens harkis et plus généralement les musulmans algériens ayant combattu aux côtés de l'Armée française. De quelque façon que l'on apprécie cette initiative, rapporte l'envoyé spécial du Monde à Alger, Jean Lacouture, notamment par rapport aux accords d'Evian, il faudrait y voir la première intervention officielle du pouvoir d'Alger dans un domaine où jusqu'alors régnait l'arbitraire et qui a donné lieu aux pires excès d'une période qui en a connu de nombreux. Les militaires français citent des faits dont ils ont été les témoins, décrivent l'état dans lequel tel ou tel ancien membre de harka est venu chercher refuge dans un cantonnement, descriptions souvent horribles qui en disent long sur la façon dont peut être appliquée en Algérie la loi du Talion...
Pour autant qu'on puisse le vérifier, les exécutions et supplices de harkis, très nombreux en juillet et en août ont eu tendance à diminuer en septembre et en octobre. Mais des renseignements précis ont été recueillis sur le massacre d'une vingtaine de harkis dans la région de Batna le 12 octobre. Il s'agissait de prisonniers qui, semblant avoir eu la vie sauve, étaient employés à des travaux et qui furent soudain exécutés. Il semble, en effet, qu'avec la reconversion des willayas de nombreux djounouds démobilisés et rentrant au village, y aient reconnu et dénoncé des adversaires de combat. D'autre part, de nouvelles tueries ont eu lieu à l'occasion de la célébration du 1er novembre. On cite dans le Constantinois des cas de harkis tués en public sur la place du village. Près de Tizi-Ouzou, un vieux harki réfugié auprès des militaires français a voulu à la même époque aller chercher deux de ses enfants qu'il avait laissés au village avant de partir pour la France. Il les a ramenés portant tous deux à la tête des traces de sévices. Si l'on tente de citer des chiffres, on croit pouvoir avancer que sur une centaine de milliers de musulmans algériens ayant fait partie entre 1954 et 1962 de l'une ou l'autre des huit cents harkas qui furent levées, cinq mille environ ont gagne la France accompagnés de leur famille, ce qui fait un ensemble de trente mille personnes environ.
Plus de dix mille harkis auraient été, entre le 19 mars et le 1er novembre exécutés ou assassinés. Les autres ont subi des sorts divers, soit qu'ils se soient fondus dans la masse, soit qu'ils aient changé de région, soit qu'ils aient été requis de force pour des travaux pénibles..."
Ce faire-part officiel de la mort de plus de 10000 harkis qui ont eu droit à la rubrique nécrologique du Monde, inséré juste au-dessous de la phrase historique de M. Ben Bella: "Il n'y a pas de place pour la haine dans ce pays," appelle un complément d'information que je livre à M. Dupont, lecteur de M. Lacouture. En limitant à 100 000 le nombre des harkis, M. Lacouture commet une erreur, car ils furent au moins le double et il convient de leur ajouter le personnel des Maghzens des S.A.S., des groupes d'autodéfense, des musulmans incorporés dans l'Armée française, des notables, des responsables des municipalités, des gardes communaux, des anciens combattants, et tous ceux qui, de près ou de loin, se sont "compromis avec la France".
Vous parlez de 10 000 harkis assassinés. Et les autres? Les pro- Français, ceux dont vous nous dites "qu'ils se sont fondus dans la masse ou qu'ils ont changé de région"? Ce sont des disparus dont on ne sait plus rien. Et les familles? Les femmes, les enfants, les parents des harkis, et des autres, cela fait beaucoup de suspects et nul ne sait combien ont payé.
Il est vrai que le gouvernement français, et c'est une déclaration officielle de son représentant à l'Assemblée nationale le 22 janvier1963 qui nous l'apprend, avait décidé "dès le début 1961, une sensible diminution des effectifs et l'octroi d'avantages pour hâter le retour de ces personnels à la vie civile" .Cette déclaration est essentielle à l'histoire des harkis et de la guerre d'Algérie. Elle explique le chiffre minime officiel de 73 000 supplétifs au 1er janvier 1962, les autres ayant été, dans les conditions que j'ai relatées, désarmés et renvoyés dans leurs foyers. D'autre part, elle sous-entend que, et c'est bien pénible pour ceux qui ont continué à se battre et à mourir, que le dégagement était prévu "dès le début 1961". Que n'a-t-on prévu aussi, pendant ces douze mois, le rapatriement et le reclassement de ces harkis? Et puis, mais oui, que n'a-t-on aussitôt arrêté une guerre que l'on avait décidé de ne plus faire?
Ce commentaire de l'article du Monde est du vice président de l'assemblée nationale, monsieur Boualem, dans son livre "les harkis au service de la france" Editions France - Empire, 1.963.
En fait et à sa manière hypocrite habituelle, le Monde a refusé de parler du problème tant que ce fut possible, le temps que ça devienne irréversible, puis quand il en parle c'est pour le minimiser.
En voici la preuve, dans Monneret: L'auteur relate les efforts d'anciens officiers SAS qui ont essayé de sauver leur personnel, entre autre en mobilisant l'opinion publique. La grande presse nationale fut réservée au sujet des harkis et n'en parla guère avant le mois de juillet 1962. Nous devons faire une exception évidemment pour l'article de Jean-François Chauvel du 23 mai 1.962. Le Figaro crut devoir "compenser" cet article par un autre de Serge Bromberger qui se fit l'écho d'une crainte diffuse à l'époque: le concours que les anciens harkis, amers et déracinés auraient pu apporter à l'OAS en Métropole. Cette inquiétude s'est révélée infondée. Dans ce temps de confusion, il n'était pas toujours facile de rester lucide. Bromberger, journaliste certes très professionnel, avait épousé une consoeur algéroise très attachée à sa terre natale, et il n'avait jamais donné de signe particulier d'hostilité aux harkis ou aux pieds-noirs. A-t-il cru sincèrement ce qu'il écrivait? André Wormser et Jacques Lethiec (un ex- officier SAS) auront avec lui une vive explication et refuseront de lui serrer la main. Par cet article Le Figaro refermait en tout cas la brèche ouverte dans le silence officiel par Jean-François Chauvel.
On ne connaît pas les tenants et les aboutissants de toute cette affaire; l'impression parait s'imposer cependant que d'énormes pressions devaient s'exercer sur les journalistes. François Reverchon eut l'occasion de mesurer les réserves d'un autre professionnel. Ayant obtenu un rendez-vous avec Jean Planchais, le spécialiste au Monde des questions militaires, il lui exposa le problème des supplétifs et les menaces auxquelles ils étaient exposés. Jean Planchais se montra compréhensif. Son article du 23 mai, n'en reprenait pas moins le thème de la possible utilisation des harkis à des fins subversives. Le titre choisi résumait parfaitement la tonalité de l'article: "De l'Entraide à l'utilisation des Harkis en Métropole." On imagine l'amertume des anciens officiers SAS à cette lecture. Dans son article Jean Planchais minimisait le danger qui planait sur les supplétifs: "En définitive, à l'heure actuelle, plusieurs centaines et non plusieurs milliers, comme il a été dit parfois, de harkis ont demandé à être envoyés en Métropole en compagnie de leurs familles". L'erreur commise ici était de croire que le danger pouvait se mesurer au strict nombre des demandes transmises et enregistrées.
Jean Planchais imputait à ceux qui oeuvraient dans ce sens, des arrière-pensées séditieuses. "On cherche à susciter à l'occasion du cas des harkis, une opposition à l'application des Accords d'Evian, voire à faire venir en Métropole des groupes de supplétifs et à les mettre au service de l'O.A.S." Cette erreur d'analyse concernant le rôle de l'O.A.S. et la surestimation de ses manoeuvres de propagande dans le cas qui nous occupe, trouvaient leurs sources dans les milieux du pouvoir. Elle explique une bonne part de la politique suivie à l'époque: réduire au maximum les départs des harkis et au besoin les décourager.
Pourtant, les services de renseignements transmettaient déjà des informations nombreuses sur les exactions auxquelles le FLN se livrait sur d'autres Musulmans. Elles étaient largement de nature à inquiéter, même si la fréquence en restait très en deçà de ce qui allait se produire en été. A la fin du mois de juin, la grande presse ne pouvait ignorer cette donnée de la situation .Jean Planchais n'en corrigeait pourtant que très partiellement ses analyses et le 21 du même mois, il s'en prenait à une déclaration du général Weygand qui dans Le Monde du 16 juin avait dénoncé des massacres de supplétifs. Le journaliste écrivait ceci: "II est tout aussi faux d'affirmer, non sans arrière-pensées politiques que des milliers de harkis aient été massacrés depuis le cessez-le-feu et que des dizaines de milliers d'autres soient menacés". Or, si la première subordonnée complétive exprimait la réalité, - des milliers de harkis n'avaient pas encore été massacrés -, il n'en allait pas de même de la seconde et l'avenir allait bien montrer que le péril pesant sur des milliers d'hommes et de femmes n'était pas une vue de l'esprit. Le rédacteur admettait d'ailleurs que certaines menaces s'étaient déjà concrétisées: "Divers renseignements dignes de foi, indiquent qu'un certain nombre [de supplétifs] se sont retrouvés dans les barbelés des "camps de rééducation" (sic). Enfin, des harkis, en nombre indéterminé ont, du fait d'éléments plus ou moins "incontrôlés", payé de leur vie les services rendus aux forces de l'ordre. Ce fut notamment le cas de nombre de membres du célèbre commando Georges à Saïda".
Concernant le transfert des harkis en Métropole, l'auteur de l'article affirmait qu'il était faux d'accuser le gouvernement d'abandon puisque "6.500 harkis, moghaznis et leurs familles sont attendus en Métropole et sont dirigés à leur arrivée sur le camp du Larzac. Individuellement, ou par petits groupes, spontanément ou grâce à une aide privée, d'autres ont cherché refuge en France". Jean Planchais signalait néanmoins que dans l'exécution [des transferts],la prudence l'avait souvent emporté. "Des contre- ordres verbaux, des consignes d'attente aux échelons intermédiaires semblent avoir considérablement ralenti et, parfois empêché l'application des directives officielles qui ne furent pas d'ailleurs toujours transmises aux exécutants".
Mais, comme nous le savons, ce sont souvent les directives les plus officielles qui allaient dans le sens du ralentissement des transferts. Elles ne résultaient pas, comme le suggérait le journaliste, de la mauvaise volonté et du sabotage d'échelons intermédiaires plus ou moins hostiles au Gouvernement. Victime de son a priori, Jean Planchais concluait en formulant à nouveau la crainte qui semblait hanter les milieux politiques métropolitains: "... la mise à la disposition d'activistes d'hommes désorientés, mal préparés à une reconversion et que leur arrivée en grand nombre eût rendue malaisée, risquait de susciter des incidents sinon des désordres dans la Métropole". En quelques mots, tout était dit des véritables préoccupations officielles. Pour le gouvernement, la politique définie à Evian était bonne; ce qui venait contrarier la vision optimiste de l'avenir qui en découlait ,était vu avec suspicion ou hostilité. C'était dans la malheureuse logique des choses.
Par contre, des éditorialistes dont la vocation était d'être des contre-pouvoirs crurent devoir conforter les gouvernants d'alors dans leurs choix discutables. Ceci eut un double corollaire: le premier fut d'entraver les efforts faits pour abriter les supplétifs, le second de condamner la défense des harkis à une certaine marginalisation. La grande presse étant réservée, ce furent des organes moins influents, comme Combat alors dirigé par Philippe Tesson, ou encore La Nation Française dont le rédacteur en chef était Pierre Boutang et dont la réputation de droite était affirmée ou encore L'Aurore qui évoquèrent le drame des Musulmans ayant servi dans l'Armée française. De ce fait, la cause défendue eut un écho limité, à un moment où l'inverse eût été souhaitable.
Du moins, de grandes signatures apparurent-elles dans les colonnes de ces journaux: Gabriel Marcel et Joseph Folliet dans La Nation Française, Maurice Allais à Combat, sans oublier Maurice Clavel qui s'insurgea dans Candide contre ce qu'il appelait un "abandon lâche et programmé". Dans cette période où la grande presse se signalait par une circonspection sans gloire, deux exceptions notables se manifestèrent quoique tardivement. Dans Le Monde parurent le 13 novembre et le 1l décembre 1962, à un mois d'intervalle deux grands articles.
Le premier était signé de Jean Lacouture, qui rapportait que 10.000 harkis avaient déjà été tués. Il faisait état de nouvelles tueries dans la région de Batna le 12octobre et de nouveau à l'occasion du 1er novembre. Le journaliste critiquait, mais sans passion apparente, l'attitude du gouvernement français. Le second article signé de Pierre Vidal-Naquet, membre de réseau de soutien au FLN, dénonçait lui plus nettement, le massacre des harkis et le désintérêt du gouvernement pour ces hommes qu'il avait entraînés dans sa politique. Malheureusement, ces voix se turent ensuite.
(La phase finale de la guerre d'algérie, Monneret, ISBN 2-7475-0043-8 l'harmattan)
Monneret ne voit pas que comme d'habitude le Monde donne bonne conscience à ses lecteurs, en pleurant sur les pots cassés, quand et seulement quand il a réussi à créer l'irréparable qu'il souhaitait.
Rappelons ces paroles de Camus, dont la mort a eu une influence décisive sur l'avenir de l'algérie, en supprimant une voix de paix: "Quand le destin des hommes et des femmes se trouve lié, directement ou non, à ces articles que l'on écrit si facilement dans le confort du bureau, on a le devoir d'hésiter et de peser le pour et le contre".
14 Novembre 1962:
Le fils du grand explorateur Savorgnan de Brazza, conservateur du musée de son père dans la maison familiale des hauts d'Alger, qui a voué sa vie au souvenir de son père, se suicide de désespoir, le musée ayant été à plusieurs reprises pillé et vandalisé, dans l'indifférence des autorités françaises.
Selon une autre version, il est mort des suites des blessures, agressé qu'il fût, pour la seconde fois, alors qu'il se rendait du musée à sa maison de la colonne Voirol. Une voisine raconte que les collections du musée (du moins la partie en bois) servirent de combustible aux factionnaires algériens cet hiver-là.
16 Novembre 1962 :
La réunion du comité des affaires algériennes de ce jour est celui du désenchantement. La réalité apparaît crûment. De gaulle y déclare: "Les réalités apparaissent face aux illusions de l'algérie française. Nous n'avons aucun intérêt à maintenir une situation anormale; le désengagement est notre règle d'or. Il n'y a pas d'état, il n'y en a jamais eu. Les turcs pendaient les gens dans les coins. L'armée algérienne est la seule réalité, elle n'a jamais combattue, restera-t-elle cohérente? les français ne seront que des souffre douleurs, il faut ramener l'armée au plus vite, il n'y a plus rien à faire; reste la magma algérien."
Le comité "doit tenir compte de l'incapacité actuelle du gouvernement Algérien à assumer la marche de l'état."
On y enregistre 2800 pieds noirs disparus, les harkis torturés, les biens spoliés, les déménagements empêchés, le statut d'Alger et d'Oran non mis en oeuvre, la cour des garanties non constituée.
Le comité mettra l'algérie "en face de ses responsabilités et tendra à lui faire accepter l'indemnisation des victimes de ces mesures" (il s'agit des spoliations). Les pieds noirs attendent toujours.
Le 16 novembre enfin, le Comité prend "en considération les importants changements survenus depuis la signature des accords d'Evian ... et l'incapacité actuelle du gouvernement algérien à assurer la marche de l'Etat" . Face à ce qui apparaît comme un échec de la politique d'Evian, il est décidé de prendre des mesures conservatoires: "veiller à la sécurité des retours d'européens en métropole... revoir les plans de rapatriement de l'armée française, et limiter dans les plus brefs délais l'immigration algérienne en France" . Or le gouvernement est au courant des sévices subis par les musulmans, entre autres par des anciens sénateurs, et par les ex-supplétifs qui sont employés au déminage du barrage Est (fiche du Comité du 15 août). Mais à aucun moment dans les réunions du Comité des Affaires algériennes, il n'a été question des Français musulmans menacés, comme si étant devenus Algériens, ils ne relevaient plus de la responsabilité de la France.
Des fiches préparatoires à la réunion du 16 novembre faisaient cependant état de "plusieurs milliers d'anciens supplétifs détenus dans des camps (aveu des Algériens au CICR) nombre d'entre eux ont succombé à d'horribles violences. L'engagement de non-représailles a donc été ouvertement violé ... Notre représentant en Algérie est intervenu à de nombreuses reprises (notamment le 19 septembre auprès de M. Farès puis auprès du Gouvernement), pour protester contre ces violences, et obtenir - en faveur des harkis, la suspension des exécutions sommaires et l'amélioration de leurs conditions d'internement". Les membres du Comité étaient donc parfaitement renseignés.
Repris sur Faivre "les combattants musulmans de la guerre d'algérie" ISBN 2-7384-3741-9
22 Novembre 1962:
Monsieur G est rapatrié de l'Oranais. Sa stature de colosse silencieux aux traits figés, contraste avec l'aspect de sa femme menue, remuante et bavarde. Elle parle pour lui entamant une longue narration de leur exode.
L'odyssée a débuté quelques jours après l'indépendance lorsque l'homme artisan maçon découvre un matin que son unique ouvrier, musulman qu'il emploie depuis 10 ans, a été égorgé avec sa femme et leur fille de 18 mois par le F.L.N.
C'est le départ précipité vers le port le plus proche avec deux valises et leur fille de 4 ans. Refus de la marine nationale de les embarquer à Arzew, ils sont renvoyés sur Oran. "Plus de 40 km en partie à pied. Les camions militaires refusaient de nous prendre-à bord. C'est un paysan arabe avec sa vieille camionnette qui nous a sauvés".
Ensuite, c'est le cauchemar d'Oran, le port inaccessible, l'atteinte interminable à La Senia. "On nous avait mis en garde contre les A.T.O, ceux qui nous ont le plus maltraités ce furent les gendarmes rouges, nous faisant défaire nos valises 5 à 6 fois de suite en jetant toutes nos affaires par terre, nous insultant et nous menaçant si nous protestions ... J'ai cru que mon mari allait en étrangler un.
Je ne sais pas comment il a fait pour arriver à se contenir car l'autre cherchait à le provoquer. Si vous saviez ce que nous avons enduré sur ce terrain d'aviation, la chaleur, la soif, l'angoisse de tout le monde, les enfants qui pleuraient, et ces militaires français qui nous injuriaient et nous brutalisaient! Oui, des militaires français, quelle honte!".
La femme pleure, l'homme reste figé, absent.
L'état dépressif de ce dernier a débuté quelques semaines après son arrivée à L. Ayant trouvé du travail comme manœuvre sur un chantier du bâtiment, il a dû interrompre au bout d'un mois, à cause de vertiges, et d'une fatigue croissante. "Depuis qu'il est en arrêt de travail, en raison d'un traitement antidépresseur, mon mari ne va pas mieux. Il dit qu'il n'a plus confiance en lui, qu'il est fini". Et c'est la seule phrase que j'obtiendrai du patient: "Je suis fini!".
Malgré tous les traitements, l'état mental s'aggrave. Ne pouvant plus monter sur des échafaudages, on l'a relégué dans des petits travaux de gardiennage avec un salaire très réduit. "Cela l'a achevé" dit sa femme quelques semaines plus tard. Des électrochocs restent sans effet, au contraire le patient accuse maintenant des troubles de mémoire, se dit "indigne de la société". Il ne pourra plus jamais travailler. Cette dévalorisation est un signe inquiétant. Un soir, la femme du patient m'appelle au téléphone. Son mari n'a pas dormi depuis deux jours. Il refuse de continuer son traitement. Elle est inquiète. Je passerai ce soir un peu tard. Mais elle préfère le lendemain "pour ne pas réveiller sa fille". Car ils vivent à trois dans une pièce. Ce soir là j'ai manqué d'intuition. J'aurai dû me rendre auprès du patient même très tard. Car on vient de me prévenir au petit matin que l'homme s'est pendu.
Chez un homme indemne de tout passé psychiatrique, au traumatisme de l'exode est venu s'ajouter l'indignation et l'humiliation ressenties devant l'attitude de l' Armée et de la police métropolitaines qui avaient retourné leurs armes contre la population Pied-Noir depuis plusieurs mois, laissant les bandes du F.L.N libres de se livrer à des enlèvements et des assassinats!
L'attitude indigne de ces soldats dans leurs camions, des gendarmes d'Oran, avait fini d'exaspérer cet homme pacifique. Sa souffrance morale cachée, n'ayant pas trouvé à s'exprimer dans un environnement hostile ou indifférent, s'était retournée en agressivité contre lui-même, conduisant à ce geste autodestructeur.
"Il avait tout renfermé en lui" me dira plus tard Madame G dans une image simple mais vraie. Le mal était trop profond pour être accessible à une main secourable.
Docteur Pierre Cattin qui cite de nombreux gars de pieds noirs s'étant suicidés après leurs épreuves.
27 Novembre 1962:
Nous avons vécu trois années de dures épreuves du point de vue alimentation, ainsi que pour les moyens de locomotion ou les munitions de guerre. On est arrivé à voir le djounoud posséder 2 cartouches. Il se nourrissait de vieilles racines de chaume, il mangeait des herbes, tout en pensant de tomber dans des embuscades. Du côté des liaisons, on envoyait un moudjahid, il ne revenait pas si la distance durait entre 3 et 4 heures; 90% ne revenaient pas. Le moudjahid vit sous terre, dans des casemates. Son travail commence la nuit. On pouvait s'en sortir parce que De gaulle a apporté la trêve. il a voulu en même temps nous amener à jeter les armes.
Interview de Si Larbi, dernier patron de la wilaya 2 (constantinois)dans la dépêche de Constantine du 27 novembre 1962. Il parle des effets du plan Challe.
28 Novembre 1.962 :
Le général Jouhaud est gracié il sera resté 229 jours dans la cellule des condamnés à mort l'attendant quotidiennement. Sa femme attendait jusqu'au petit matin le coup de téléphone de l'avocat. Elle allait à la première messe, puis revenait dormir.
Il est transféré à Tulle où il retrouve ses compagnons de combat.
3 décembre 1.962 :
L'ambassade de france demande par note officielle au gouvernement algérien la liste des notables de l'algérie française (députés, conseillers généraux, maires, adjoints, caïds, aghas et bachagas, officiers…) qui sont en prison dans les geôles algériennes.
Après plusieurs semaines et plusieurs relances la réponse est aucun. (tous assassinés).
mi décembre 1962:
C'est à la mi 1962 que la famille Rognon trouve un toit:
Pendant que mon frère aîné accomplissait son service militaire dans les Aurès et que ma sœur et moi poursuivions, tant bien que mal en raison des évènements, nos études au lycée, Maman farouche défenseur de l'Algérie Française, aidait de son mieux tous ceux qui, comme elle, auraient donné leur vie pour que vive notre Algérie Française. Quant à ma sœur Marie-Gabrielle et moi-même, Christine, âgées respectivement de 19 et 18 ans, apportions avec enthousiasme et courage notre contribution à différentes tâches qui nous étaient confiées.
La principale d'entre elles, consistait à recevoir à la maison, chez nous, des déserteurs de l'armée Française, à faire pour eux certaines démarches pour obtenir des papiers, à leur teindre les cheveux, avant qu'ils ne partent pour rejoindre les rangs d'une unité spéciale ....
Et c'est malheureusement la raison pour laquelle, le 10 mai 1962, au petit matin, alors qu'un hélicoptère survolait notre immeuble, toute une compagnie de gardes mobiles, arme au poing, est venue tambouriner à notre porte en vociférant, "Au nom de la loi, ouvrez".
Réveillées en sursaut et toutes les deux paralysées au milieu du couloir, nous avons vu notre mère saisir son peignoir et se précipiter vers la porte d'entrée.
Une horde d'individus, excitée à l'idée de prendre en flagrant délit de sommeil quelques jeunes déserteurs planqués au fond d'un lit, en furent pour leur frais, car hormis ma mère, ma sœur, mes deux petits frères âgés, Patrice de 12 ans, Francis de 8 ans et moi, ils ne trouvèrent aucune autre âme qui vive dans la maison.
Pendant ce temps-là, 1 'hélicoptère poursuivait toujours ses rotations au-dessus de notre immeuble, convaincu de surprendre un de ces malheureux qui aurait voulu leur échapper en passant par les balcons ... L'opération aurait été d'autant plus périlleuse qu'aucun autre immeuble était mitoyen avec le nôtre et qu'une descente du 6e étage par les balcons, n'aurait pu échapper à toute une partie de la compagnie de gardes mobiles, stationnée en bas de chez nous, avec ses jeeps, ses GMC, ses half-track et ses blindés. Gendarmes armés jusqu'aux dents et les yeux rivés sur la façade de notre immeuble ...
Après avoir fouillé notre appartement de fond en comble, en renversant meubles et objets, et déçus de n'avoir rien trouvé de compromettant pour nous, les gardes mobiles ont mis la maison à sac, avant de passer les menottes à ma mère et à ma sœur ... tout en les bousculant fermement. C'est en larmes que mes petits frères et moi-même avons donc assisté à l'arrestation musclée de ma mère et de ma sœur, encadrées par les gardes mobiles qui semblaient tout à fait satisfaits de leur butin et qu'impuissants nous les avons suivies jusqu'en bas de l'immeuble, dévalant quatre à quatre les six étages, l'ascenseur ayant été bloqué par les gardes mobiles, pour éviter des évasions ... En bas, dans la cour, nous avons vu ma mère et ma sœur, disparaître derrière les grilles d'un gros fourgon et lorsque tout cet imposant convoi s'est ébranlé, j'ai serré très fort, contre moi, mes deux petits frères en me demandant d'une part pourquoi j'avais échappé à cette arrestation et d'autre part, ce que j'allais devenir avec eux, tout à coup à ma charge, en cette période si troublée et si dangereuse!!!
Dans l'immeuble, de nombreux voisins avaient déjà quitté les lieux définitivement et les autres, stupéfaits, ont attendu le lendemain pour se manifester.
Avec mes petits frères, complètement terrorisés, nous sommes remontés dans notre appartement et c'est seulement là que j'ai pu constater le spectacle de désolation qui s'offrait à nous et l'étendue du désastre !!! Ma colère n'avait d'égale que ma haine pour ceux qui venaient de violer notre domicile et si j'ai retenu mes larmes et mes cris de révolte, c'est seulement pour ne pas effrayer mes deux petits frères, assez traumatisés déjà par ce qu'ils venaient de vivre.
Mon dégoût pour ces gens-là fut à son comble, quand, quelques minutes plus tard, en faisant le tour de la maison, j'ai ouvert mon placard et j'ai constaté la disparition de mes quelques bijoux de baptême et de communion. Je me souviens alors, que le fait de savoir que ceux qui avaient commis ces actes odieux étaient, eux aussi, des Français, avait provoqué en moi un écœurement et un profond désir de vengeance. Mais de vengeance contre qui? Que faire dans des cas comme celui-ci ? Rien, sinon subir, se taire et pleurer.
Depuis, je n'ai rien oublié de ces moments douloureux et je souhaite encore à ce jour, tout le mal du monde à ceux qui ont arrêté ma mère et ma sœur, à ceux qui m'ont volé mes bijoux et même à celle qui les a portés et qui les porte peut-être encore aujourd'hui ... Personne ne peut s'imaginer l'énergie que j'ai pu dépenser depuis 50 ans à haïr tout ces gens-là, que j'ai peut être, pour certains, eu l'occasion de croiser au hasard d'un coin de France!
Enfin, avec toute l'énergie du désespoir, j'ai rassemblé ce qu'il me restait de courage pour m'occuper de mes deux petits frères et parce que je pensais que ma liberté n'était due qu'au risque d'être surveillée et de servir d'appât pour coincer tous ceux de notre réseau, je suis rentrée, discrètement, en contact avec ces derniers pour les informer de l'arrestation de ma mère et de ma sœur, afin qu'ils prennent les mesures et les précautions nécessaires pour disparaître dans la nature. Très peu de temps après, j'ai su que ma mère et ma sœur avaient été mises en cellule à l'école de police d 'Husssein- Dey et j'ai donc mis tout en œuvre pour obtenir un droit de visite dans les plus brefs délais. Alors que dans les rues d'Alger je croisais des gens affolés, valises à la main qui tentaient de rejoindre le port ou l'aéroport par tous les moyens, moi, ne voulant pas que l'on pense que je cherchais à fuir mon pays, j'expliquais, à qui voulait l'entendre, que la valise que je tenais à bout de bras, s'entassaient des vêtements que j'apportais à ma mère et à ma sœur, détenues à l'école de d'Hussein-Dey.
Inutile de vous dire mon désarroi lorsque je suis arrivée à l'école de police, transformée en prison par des Français pour y emprisonner d'autres Français. A l'entrée de celle-ci, une compagnie de gardes mobiles, arme à la bretelle, se prenant pour de grands et courageux soldats, s'adressaient sur un ton dédaigneux, voire haineux, à tous les désespérés qui, comme moi tentaient de voir un des leurs. Enfin, je suis parvenue à rencontrer ma mère et ma sœur et j'ai pu leur laisser quelques vêtements sous l'œil méprisant d'un geôlier d'occasion, qui semblait être né pour ce rôle odieux qu'il jouait à la perfection.
Quinze jours plus tard, à notre grande surprise, ma sœur fut libérée. Puis, ma mère ayant appris qu'elle allait être expulsée vers la France dans les tout prochains jours et ne voulant pas quitter l'Algérie sans nous et sans regler quelques affaires indispensables, nous avons réussi, à sa demande et avec l'aide de nos amis, à faire passer des produits nécessaires pour provoquer un empoisonnement qui la dirigerait immanquablement sur l'hôpital... C'est ainsi que dès le lendemain le 12 juin 1962, transportée d'urgence par les gardes mobile à l'hôpital Mustapha, et toujours avec l'aide de nos amis, Maman s'en est évadée dans la nuit qui a suivi.
Le gouvernement Français a rappelé l'armée Française en Metropole. En Algérie, le désordre devenait total et le danger à chaque coin de rue. C'est alors que les Pieds-Noirs bien que beaucoup de Musulmans les suppliaient de ne pas quitter l'Algérie et de ne pas les abandonner, ont dû partir avec les deux valises auxquelles ils avaient droit, en se disant: "Bon, on va partir quelques jours, le temps que tout se calme, puis nous reviendrons".
Maman, de son côté, sous une fausse identité, et, une fois de plus avec le concours de ses amis, a organisé en peu de jours, notre départ. Le sort de notre Algérie était joué, et le nôtre aussi. Nous avons fait nos valises et nous avons dû fuir Alger en catimini. En ce 19 juin 1962, ma mère, ma sœur, mes petits frères et moi même avons connu, sur les quais du port d'Alger, l'attente interminable sous un soleil de plomb. Puis, nous sommes montés dans un bateau et tous, Pieds-Noirs de tous âges, les yeux pleins de larmes, rivés sur Alger, nous avons regardé notre ville disparaître dans une épaisse brume de chaleur, jusqu'à s'en faire fondre les yeux.
La traversée sur le Sidi-Okba fut mouvementée, tant le bateau était surchargé de pauvres gens qui ne cessaient de pleurer, serrant contre eux un bébé, un enfant, un parent, un vieillard, un chien, ou même une cage d'oiseaux. Nous étions, remplis de haine, au bord de l'asphyxie, au bord du désespoir, au bord de l'abîme. C'était l'exode dans toute son horreur! Si j'avais su la vie qui m'attendait de cet autre côté de la Méditerranée, je crois que je me serais jetée à l'eau ...
Arrivés sur les quais de Marseille, nous n'avons pas vu l'ombre d'un comité d'accueil pourtant annoncé. Non, rien! Ah si, j'oubliais... Quelques ouvriers haineux, ont craché dans notre direction en bredouillant quelque insulte, au moment où nous les avons croisés ... Rien n'a été organisé pour notre arrivée et ne trouvant aucune chambre d'hôtel pour nous accueillir, je me souviens que, ma sœur et moi, tout en protégeant nos petits frères, nous nous sommes installées sur le dernier banc qui, par chance restait inoccupé, place de la Bourse. Tout autour de nous, une multitude de Pieds Noirs totalement hagards, désemparés, flanqués de leurs deux valises, attendaient, comme nous, un je ne sais quoi, s'épongeant le front et essuyant d'un geste las, des larmes bien amères!!! Maman était partie dans l'espoir de nous trouver un toit pour y passer la nuit. Et le miracle s'est produit. Nous avons été recueillis dans la sacristie d'un Temple Protestant situé boulevard de la Libération. Bien souvent, dans mes prières, je remercie ce charitable Pasteur qui n'a pas eu peur de s'encombrer de ces "sales Pieds-Noirs", comme on nous a si longtemps appelés ... Nous y avons passé une semaine, le temps de réaliser notre infortune. Puis, suivant les conseils de ce "cher maire de Marseille", Gaston Defferre qui exigeait que "les Pieds-Noirs aillent se réadapter ailleurs ou qu'on les balance à la mer", nous sommes montés sur Lyon. Quelques hommes politiques ont voulu jouer les cassandre et prédisaient que les Pieds-Noirs, ces voyous, en bandes organisées, allaient commettre des méfaits dans toutes les régions de France ... Nous espérions rejoindre quelques membres de notre famille qui avait trouvé refuge à Paris, mais avant cela, nous devions nous arrêter quelques jours à Lyon, chez des amis métropolitains qui nous attendaient.
Les jours passaient et Maman était toujours hospitalisée. Ma sœur, mes frères et moi-même avons dû partir de chez nos amis. Nous avons, alors, intégré un foyer totalement insalubre, dans lequel vivaient, depuis quelques temps déjà, d'autres familles Pieds-Noirs, dans une misère extrême ...
Pendant que les métropolitains insouciants savouraient tranquillement leurs vacances au bord de la mer, à la campagne ou à la montagne, il n'y avait à cette époque, ni restos du cœur, ni aucune association et pas même la Croix Rouge pour nous aider, un tant soit peu, à nous sortir de notre dénuement. L'état de santé de Maman était fragile et avec l'approche de la rentrée des classes pour mes petits frères, nous avons compris qu'hélas la montée sur Paris n'était plus d'actualité. Aussi, nous les avons inscrits à l'école et fait une demande d'H.L.M.
Il nous aura fallu trois mois pour obtenir un appartement dans une H.L.M. à Bron. Entre temps maman était revenue parmi nous et c'est en décembre 1962 que nous avons enfin pu intégrer notre nouvel appartement. Nous n'avions aucun meuble, mais nous étions néanmoins heureux d'avoir enfin un toit, car l'hiver auquel nous n'étions pas habituées, était au rendez-vous! Lors de ce premier hiver en France, nous avons connu à Lyon des températures avoisinant les moins 25° et je me souviens que, comme nous n'avions pas de réfrigérateur, nous mettions nos aliments dans la loggia. Tout était gelé et du goulot de la bouteille de lait, coiffée du bouchon métallique bleu électrique, sortait un tube blanc de 10 cm environ ... J'ai cru, alors, que tous les hivers étaient ainsi en métropole et étonnée, je ne me souvenais pas de l'avoir lu dans les livres de géographie ...
N'ayant jamais eu de bottes de ma vie, ni de manteau et pour cause ... j'étais obligée de me couvrir de plusieurs épaisseurs de vêtements pour me protéger du froid. J'enveloppais aussi mes pieds dans des sachets plastique avant de chausser mes escarpins, lesquels représentaient un véritable danger dans la neige et sur le verglas ... Ah le verglas ! Il m'aura fallu attendre d'avoir 19 ans pour connaître ce mot!
Nous sommes restés les Africains revenus de loin, après avoir laissé derrière nous, un pays superbe aux infrastructures terrestres et aériennes étonnantes, aux villages "de l'intérieur" inondés de soleil et bordés de champs de vignes, de céréales et d'arbres fruitiers, aux villes fières aussi bien de leurs immeubles Haussmanniens, que de leurs petites maisons, de leurs bâtiments imposants de style oriental, de leurs parcs odorants et de leurs plages, caressées par une mer intensément bleue, jusqu'à se confondre avec le ciel.
Enfin, si l'accueil et l'installation en France ont été très douloureux le départ de mon Algérie, de mon pays natal aura été infiniment cruel. Alger me manque! Alger est restée intacte dans mon coeur. Ma ville natale sera, pour toujours, mon Amour, ma Douleur et mon plus beau Souvenir. Je n'oublierai jamais ma Terre d'Algérie, sous l'infini d'un ciel bleu, dans sa beauté, sa blancheur et son soleil... Et la Nostalgérie m'étreindra jusqu'à dernier soupir.
Aujourd'hui si l'on me demande d'où je viens, je réponds comme dans la chanson: "Je viens d'un Pays qui n'existe plus"
Christine MARROC-LATOOR Née ROGNON
Témoignage recueilli dans la revue "Mémoires d'empire"
12 décembre 1962:
Lors du conseil des ministres du jour, De gaulle s'explique: "il ne faut pas confondre les interets de la France avec les intérets des français... il arrive souvent que ces derniers ne coincident pas avec ceux de la france".
Cité par Peyrefitte, c'était De gaulle.
18 décembre 1.962 :
Une lettre de 25 pages signée par une dizaines d'anciens officiers SAS, racontant faits à l'appui le sort des harkis et demandant qu'on aille sauver ceux qui sont encore vivants est envoyée à tous les journaux. Aucun des journaux des grandes consciences (le Monde…) ni la radio ni la télé ni même La Croix ne mentionneront l'existence de cette lettre.
27 décembre 1962:
Au lieu dit «La montagne» près de la ville de Beaune, Jean Sarradet reconverti, représentant commercial en vin de bourgogne, est découvert inanimé. L'autopsie conclue à une mort accidentelle par asphyxie due à un chauffage défaillant. Cependant Clément Steuer, dans son livre «Histoire et perspectives méditerranéennes» parle d'assassinat.
Sarradet, membre de jeune nation (et du front nationaliste) avait été à l'origine des contacts entre ledit front, et les autorités gaullistes. Condamné à mort par l'O.A.S. il s'était caché, avait rejoint l'OAS dans le cadre de l'organisation de masse, puis refugié en métropole.
Fin 1962,:
C'est 42 ans après que l'on découvre ce livre.
Titre : 1962. La France m'a oublié Auteur : Robert Palmade, Dora Mabrouk Paru le : 01/12/2006 Editeur : BACHARI (EDITIONS) Isbn : 2-913678-29-7 / Ean 13 : 9782913678293
" Un jour, la France est partie.
Toute la France. L'armée, les colons, les politiques, les administrations, les documents de première importance, les résidents, les pieds-noirs, les harkis, les familles et leurs enfants, les meubles et les animaux. En 1962, tous les Français qui l'ont souhaité sont partis pour la France, sauf moi et d'autres orphelins laissés à l'orphelinat, à ses murs, à ses nouveaux occupants. Je suis né un soir de juillet 1955 à l'hôpital d'Aumale où ma mère, après m'avoir donné un nom, m'a abandonné. C'était au lendemain de ma naissance, et c'était la guerre en Algérie française. Je suis Robert Palmade. Et, puisque vous me lisez, je vais vous prendre par la main, et vous dire ce qu'il en est. "
Dans un témoignage surprenant, Robert Palmade se livre à travers les mots de l'enfant abandonné, puis oublié par sa patrie. Il raconte " sans lamentations obscènes, sans larmes impudiques, sans rancune, ni rancoeur ", les jours d'un orphelin chétif, ballotté d'une famille d'accueil à une autre. Il plonge le lecteur clans le quotidien d'un adolescent. Il confesse le combat qu'il mène pour survivre à la misère et sortir de la déchéance. Mais ce que nous révèle Robert Palmade, au-delà de sa propre vie, c'est une vérité historique bouleversante. Son histoire, inédite, n'est pas unique, nous dit-t-il.
La France a aussi oublié Paulette Lignette, Julien Ruffet, René Tenguy et d'autres orphelins dont on ne connaît ni les noms, ni le nombre. Ainsi, en filigrane, Robert Palmade, interroge la République, il interpelle les Français, et appelle à la reconnaissance des Pupilles de la Nation oubliés en Algérie. " 1962, la France m'a oublié ", c'est une lecture poignante et troublante. C'est un destin qui nous concerne tous.
31 Décembre 1962 :
Le trésor français ne paye plus les dépenses courantes de l'algérie, après l'avoir fait scrupuleusement, sans même jamais obtenir la vie sauve d'une personne en échange de la poursuite de son financement.
Entre le premier juillet et le 31 décembre, encore 170.000 pieds noirs ont quitté l'algérie, ayant constaté que la vie n'y était pas possible.
Il en reste à peine 100.000, et encore il n'est pas clair si les pieds verts, les cooperants sont dans ce chiffre.
319 tués, 856 blessés chez nous, 2037 tués, 902 rebelles prisonniers, bilan des six premiers mois de 62, après l'indépendance, les statistiques ne seront plus tenues de la même façon.