Mai 1962

 

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1 Mai 1.962 :

Ce mois de Mai 62 fût le pire de toute la guerre d'algérie.

 En métropole, Avril et Mai ne furent pas tristes non plus, le FLN victorieux règle ses comptes dans l'indifférence la plus totale des diverses polices et gendarmeries, de façon à s'assurer sur la population immigrée, moins facilement contrôlable, le pourcentage de oui au référendum convenable. Il y a eu un nombre d'assassinat "normal" ces deux mois, une trentaine, malgré l'arrêt des opérations policières de tout ordre.

 

2 Mai 1.962 :

110 morts, 147 blessés entre le 30 avril et le premier mai, comme d'habitude, chiffre des attentats seulement

Une automobile piégée explose devant le centre d'embauche des dockers sur le port d'Alger, une soixantaine de morts, plus de cent blessés. Le reste des dockers, furieux, se livre à une piednoirade et tue trois passants, en lynche plusieurs. Ils refusent les soins des sapeurs pompiers et les ambulances des hopitaux, puis après palabres, les acceptent. Le Monde se livre à une sévére condamnation de l'attentat, mais oublie de signaler la piednoirade, on finit par penser qu'il trouve normal que des colonisés pienoirent alors que les colonisateurs, dans uns situation symetrique sont stigmatisés avec émotion pour leurs ratonnades.

L'O.A.S. avait eu l'information par le SDECE que des armes étaient livrées au FLN avec l'accord du gouvernement français, elle décide de fermer le port d'Alger.

Le couvre-feu est avancé à 20 heures 30.

Perquisition dans les bureaux de la délégation générale.

Début des vols systématiques, une cinquantaine de voitures sont volées par des musulmans et emmenés dans les zones contrôlées par le FLN.

Hold-up.

Enlèvements, en particulier une jeune femme est enlevé en zone française et emmenée en zone FLN.

 

3 Mai 1962 :

14 morts, 25 blessés, plastics, enlèvements.

Vincent Blanquer né le 19 juillet 1925, chef de chantier (Ponts et chaussées.) Il habitait rue Jeanne d'Arc à Saïda

Enlevés par le FLN le 3 mai 1962, aux Hassanavas, avec MM. Rublin, Cochet et Sanchez. Après le 19 mars 1962 (Déclarations d'intention d'Evian). Jamais retrouvés.

Une dizaine de familles enlevées à Sidi Moussa. Les agriculteurs quittent le bled.

Neuf français musulmans assassinés à la hache par des FLN tout fraîchement convertis, à Sidi Bel Abbés.

Enlèvements à Aïn Temouchent, d'autres sont égorgés.

Enlevement du gendarme mobile Gilbert Bourgeois et de l'adjudant chef François Gagnère.

L'armée déplore de nombreux militaires pas tous musulmans qui désertent.

 

4 Mai 1.962 :

49 attentats, 37 morts, 59 blessés, enlèvements, plastics.

Pour gêner les manoeuvres des gardes mobiles, l'O.A.S. enlève les plaques de rue à Alger.

Louis Alion et Jean Mittelberger, du commando OAS Zannetacci enlevés par le FLN à Blida, jamais retrouvés.

Henri PENY. Etudiant algérois. 19 ans. Disparu le 4 mai 1962. Arrêté par les gardes mobiles alors qu'il peignait une inscription OAS. Emmené à Maison Carrée par les sicaires gaullistes, ces derniers le livrèrent à la Force locale. On ne le revit jamais plus...

J -Marc Chef, Charlette Cassagneau et Renée Baudin

Un camion citerne d'essence est envoyé par les sapeurs pompiers exploser dans la casbah., un mort, 30 blessés, 2 maisons détruites. Il n'en est rien, l'information (reprise sur les journaux) que les sapeurs pompiers sont à l'origine de l'attentat est pure propagande F.L.N., destinée à justifier l'accueil qui leur a été fait, les sapeurs pompiers d'Alger, en majorité européens sont intervenus dans la casbah pour éviter que cet attentat O.A.S. ne réussisse à y mettre le feu. Ils ont été caillassés, lynchés et n'ont dû leur survie qu'à la protection des zouaves.

Une femme enlevée la veille est retrouvée dans la rivière harrach, près d'Alger, égorgée, nez coupé.

Le patron de la marine de guerre française de Mers El Kebir écrit à Katz que les immeubles Bel Air, (16 étages ) et deux immeubles de 5 étages situés un peu en retrait, proches de la préfecture de police, sont habités de personnel métropolitains de la marine dont de nombreux officiers, et qu'il n'est pas raisonnable de les mitrailler comme s'ils étaient habités par des pieds noirs (lettre du 4 Mai, citée dans "Fors l'honneur" histoire de l'OAS à Oran, ISBN 2-912-932-37-8).

 A Chantilly où il réside libre, Messali Hadj lance un appel à une réunion avec le FLN, pour demander une place pour son parti dans l'algérie nouvelle. Il n'obtiendra rien, ses partisans seront assassinés comme des harkis, il sera toujours interdit de séjour en algérie, et mourra en France sans y avoir remis les pieds.

 

5 Mai 1.962 :

 22 morts, 15 blessés, plastics, enlèvements, hold up.

 Le F.L.N. reproche au gouvernement français une insuffisante répression de l'O.A.S., propose de les aider, et explique comment par la bouche de M'hand Yazid. "Chaque européen est responsable du sang des algériens tombés à Alger et à Oran". (mais l'inverse n'est qu'une abomination raciste.)

A Oran le quartier juif est l'objet d'une attaque FLN, aux cris de mort aux juifs, repoussée par l'O.A.S.

Une auto mitrailleuse de la force locale détruite par l'O.A.S. Cinq membres de la force locale tués.

 A Issy les Moulinaux, la permanence du parti communiste est mitraillée par l'O.A.S.

 

 6 Mai 1.962 :

9 morts, 6 blessés.

Enlevement de Georges Cousin, fusilier marin, de William Topuchard, sergent et de Thadeux Granat, maréchal des logis.

L'OAS met en route la stratégie de "la terre brûlée " sur le thème, puisque nous devons partir, nous ne laisserons rien de ce que nous avons bâti. Il s'agit (comme depuis toujours) d'obtenir une place à la table des négociations.

Dans ce cadre un lycée d'Alger, le lycée Pasteur est dévasté par un plastic.

Deux jeunes plastiqueurs, Pierre Spinoza et Jean-Marie Lobet tués par une patrouille de l'armée de l'air alors qu'ils revenaient d'avoir plastiqué un café maure servant de lieu de rencontre au FLN.

Une clinique en quartier musulman, abandonnée par son personnel pour cause d'insécurité, dévastée par des musulmans.

Premiére communion à Oran la vedette en est la petite Frederique Dubiton, amputée d'une jambe à la suite d'un mitraillage des aviateurs gaullistes. Les photographes de presse photographient sa bequille, le lendemain les journaux métropolitains legenderont: "la petite Dubiton, amputée à la suite d'un plastic de l'OAS", journalisme moderne.

 

 7 Mai 1.962 :

 30 morts, 29 blessés, enlèvements, plastics.

 Depuis le 19 mars, 4000 musulmans servant dans l'armée française ont déserté.

L'agence de presse du FLN annonce la couleur : "l'algérie peut se faire sans les européens".

Parmi les assassinats celui d'une veuve et de son fils de 12 ans tués par leur domestique, qui travaillait chez eux depuis 10 ans, à Tlemcen.

Parmi les enlevements, les jeunes Mazella et Toutain se trouvaient à bord du car de la SATAC où ils étaient montés à la station "Cité Clair Matin". À la station de l'Harrach, une Dauphine verte immobilise le car où montent trois musulmans en civil et armés. Ils font descendre les deux jeunes hommes, les engouffrent dans la Dauphine et partent en direction du Caroubier. " Plusieurs interventions [ajoute le général Capodanno dans unr note du 9 juin] ont été faites auprès de la commission mixte de cessez-le-feu; elles n'ont donné jusqu'ici aucun résultat ".

D'après Jordi "Un silence d'état" ISBN 978-2-9163-8556-3

 Arrestation en métropole de Canal, dit le monocle, considéré comme le patron de l'O.A.S. métropole, en fait patron de mission 3 et responsable, contre les ordres de Salan, de nombreux plastiquages improductifs.

 

8 Mai 1.962 :

 43 morts, 72 blessés, enlèvements, plastics.

 Piednoirade à Alger, trois morts, le FLN gagne un nouveau quartier évacué par ses habitants.

A Oran l'O.A.S. et les gardes mobiles mènent une véritable guerre des rues.

Le brave général Katz déclare à un membre de l'exécutif provisoire qui le trouvait pas assez tueur de pieds noirs "donnez moi un bataillon de L'ALN et je réduirai l'O.A.S. à Oran".

 

9 Mai 1962 :

7 morts, 16 blessés, enlèvements, plastics, hold-up.

Enlevement du sergent Claude Torrés, du 21 ème RTA.

Aussi, l'abbé Jacque Cerda, curé de Sidi-Moussa, a été enlevé le 9 mai 1962 par le FLN, considéré comme disparu par l'Etat français, jamais retrouvé par cet Etat, mais selon la Croix-Rouge longtemps après, supplicié, martyrisé, trainé de camp en camp et assassiné.

Témoignage sur Internet d'une niéce

Parmi les assassinés une femme enceinte, un gendarme et sa famille.

Dans la ville nouvelle d'Oran (un quartier maintenant sous contrôle FLN) une patrouille militaire trouve 41 corps saignés à mort, la rumeur prétend que les européens enlevés servent à approvisionner les hôpitaux F.L.N. en sang frais.

 Pompidou, dans une instruction "le devoir de porter secours à toute personne menacée s'impose à tout militaire".

Le Monde aide les pieds noirs, il publie de grands encarts "l'Australie disposée à accueillir les français d'algerie".

A Tunis, Ben Khedda (toujours président du GPRA) affirme qu'il "respectera les accords d'évian".

 

10 mai 1.962:

42 morts, 30 blessés, enlèvements, en particulier du policier Edmond Baldo, plastics.

Fouilles systématiques des quartiers habités par les pieds noirs.

Les automobiles sont interdites de stationner dans les rues d'Oran. Cinquante voitures sont enlevées par l'armée et jetées à la mer.

Raricaud, enlevé par le F.L.N.

Le F.L.N. égorge madame Fush et sa fille Colette 18 ans, chez elles, après les avoir abondamment violées.

Georges COUMES, adjudant chef au premier RCP, puis au Groupement de Comandos Parachutiste sous les ordres du capitaine marcel Clédic. Il deserte lors du putsch; sous les ordres de Degueldre il est le chef de Delta 24, constitué d'anciens légionnaires, spécialisé dans les explosifs (pseudo: marcel Ligier). Il est assassiné (par qui? certainement les barbouzes gaullistes) ce jour en sortant de chez lui. Son adjoint direct a le même sort le même jour.

24 morts à Oran.

Cinq musulmans enlevés parce qu'ils se rendaient à l'école française.

Le petit maquis du secteur de Bouira, monté par le capitaine Gaston qui a débauché ses harkis de Partisan IV qu'il avait commandé là même, se rend aux autorités gaullistes.

 

11 Mai 1.962:

35 attentats faisant 30 morts et 19 blessés, tous dirigés contre les anciens supplétifs de l'armée française. Enlèvements, plastics.

Conférence de presse de monsieur Fouchet : tout va bien, les choses sont en main.

1500 policiers musulmans, (en fait FLN) formés en toute hâte (quinze jours) sont lâchés dans les villes pour "lutter contre l'O.A.S.".

Dissolution de l'association générale des étudiants et mise en camp de concentration de ses dirigeants.

Enlèvement dans la banlieue d'Alger de Ferdinand et de Martinou.

Attentat contre Riberou à Alger, il est grièvement blessé.

Lucien LOPEZ: En fin d'après-midi de ce 11 mai 1962, Alphonse Constantin, un ancien légionnaire reconverti depuis 1958 dans la protection des puits de pétrole et des convois de matériel de forage, et qui fera partie dans quelques semaines de la conjuration du Petit-Clamart, décide d'aller jouer aux boules avec son ami Lucien Lopez, policier révoqué à cause de ses convictions Algérie française. Un barrage de gendarmes mobiles arrête la voiture des deux hommes conduite par Alphonse Constantin qui, sûr de sa qualité, tend sa fausse carte d'identité établie au nom d'Yves Michaux à un gradé protégé d'un gilet pare-balles. Il a déjà rempoché le document et il s'apprête à redémarrer lorsqu'un autre gendarme s'approche en braquant sa mitraillette et crie "Baisse-toi" au garde qui vient de fouiller Lucien Lopez . Constantin démarre brutalement, mais pas assez pour éviter la rafale qui éclate la tête de son compagnon dont le - sang l'aveugle. Perdant le contrôle de la voiture, il percute un mur à moins de cent mètres du barrage d'où jaillit un tir épais. Certain que Lucien Lopez est mort, il l'abandonne pour bondir sur la chaussée et chercher le salut dans une course en zigzag. Une voix le hèle soudain: "Vite, par ici !". Il fonce tête baissée vers l'entrée d'une maison. L'homme qui l'a appelé tient la porte entrouverte et, sans un mot, l'entraîne à la course dans un dédale de couloirs et courettes. Craignant de tomber dans un traquenard, les gendarmes se contentent d'arroser de rafales la façade de la maison basse dans laquelle le fuyard a disparu. Puis le silence retombe sur la rue empuantie par l'âcre odeur de la poudre brûlée. Une fois à l'abri, Constantin laisse passer deux heures avant de quitter l'appartement de son sauveur et, plus que jamais décidé à combattre les forces de l'ordre qui ont massacré son ami, il regagne sa planque habituelle en évitant les rues principales, toutes barrés par des gendarmes. Georges Fleury in Histoire secrète de l'GAS

"Je suis la fille de Lucien Lopez. J'avais deux ans à ce moment-là. Je n'ai aucun souvenir de mon père. Si quelqu'un pouvait me donner quelques détails sur lui, à cette époque sombre... Peut-être même, parmi vos adhérents y a-t-il des gens qui l'ont bien connu ? Je ne sais même pas où il est inhumé! Nous sommes 4 enfants et il a dit à maman: "Je préfère mourir en Algérie que partir vivant sur le continent". Mille mercis d'avance .. Jacqueline Lopez-Baruzzi : francois.baruzzi@free.fr.

Fouchet espérait que Saad Dalhab désavouerait les enlèvements, Saad se contente de déclarer "il faut se garder de frapper les européens aveuglement", Fouchet s'en contente.

50 Oranais partisans de l'algérie française sont expulsés en France : Dans la nuit du 11 mai 1962, les Barbouzes arrêtèrent, sans ménagement, quatorze notables, dont les doyens étaient le chanoine Carmouze, archiprêtre de la Cathédrale, âgé de 76 ans et Mr Gardet, 75 ans, de la Société des transports maritimes "Les Charbonnages". Parmi eux, le docteur Laborde, président de l'ordre des médecins, Charles Ambrosino, armateur, le pharmacien Henri Santa, Yvon Milhe-Poutingon et Astruc, respectivement président de l'Aéro Club et de l'association des officiers de réserve. Du côté de la préfecture: Joseph Larios le sportif, et Gilbert Espinal, le talentueux écrivain satirique et auteur d'une comédie, "Le patio à Angustias" dont Katz n'appréciait guère l'humour. D'ailleurs, hélas! Le ridicule ne tuant pas, le gauleiter, dans son hystérie contre les Oranais, avait même donné l'ordre d'arrêter le médecin dont le cabinet se trouvait rue Floréal Mathieu, le docteur Maurice Parienté, en expédiant ses barbouzes au domicile de la veuve, alors qu'il était décédé depuis deux ans.

Après un interrogatoire quelque peu poussé des gardes mobiles, toutes ces personnalités oranaises, certaines encore vêtues simplement d'un pyjama, sous un manteau, furent embarquées dans des camions. Connaissant les méthodes de leurs geôliers, certains pensèrent le pire, lorsque les camions qui les transportaient ralentirent à hauteur du Lycée Ardaillon sur le boulevard Paul Doumer: Ils allaient être libérés en plein quartier musulman du Village nègre désormais quartier général des terroristes du F.L.N. Après cette plaisanterie de mauvais goût, le convoi reprit sa route en direction de la Sénia, où les détenus furent transférés à la base aérienne de Ystres, puis dans divers camps de concentration.

 A Paris, le FLN relayé par ses collaborateurs habituels du Monde proteste contre les opérations de police anti FLN "qui continuent en région parisienne" s'indigne-t-il (alors qu'en algérie, soulignent-ils, l'armée française et le F.L.N. collaborent).

Le journal officiel publie un decret punissant de dix ans de réclusion criminelle, sans possibilité de sursis la detention d'armes de guerre ou d'explosif dans les départements d'Algérie. Le decret, bien sûr, ne concerne pas le FLN ni les forces de l'ordre. Dans le même J.O., Fouchet est investi de tous les pouvoirs judiciaire, muter le personnel, donner ses ordres aux procureurs, transition vers le futur état FLN.

 

12 Mai 62:

11 morts, 20 blessés, enlèvements, plastics, hold-ups.

Alger 11 européens enlevés dans les quartiers périphériques, dont Nieto, mécanicien, Cambo, retraité, Mourot, directeur du Monoprix. L'enlèvement du directeur du Monoprix, non pied noir mais métropolitain "libéral" soulève une vague d'émotion en métropole. Mais ça n'ouvre aucun oeil sur la réalité du terrorisme FLN.

Cinq musulmans assassinés dans le centre d'Alger.

Oran: le conseil municipal est dissous.

X 8. "Cela se passait à Oran-Choupot en 1962. Vers le 12 mai 62 selon la photo ci-dessous. La Colline (Commando) de Choupot avait été infiltrée par une barbouze surnommée "l'Abeille". Il était dans un Delta à qui était confié des missions difficiles et dangereuses. Ils faisaient du bon travail. J'avais sympathisé avec le trio auquel je prêtais quelques fois ma moto. Au mois de mai 62, tout le monde savait que c'était fini. Il y avait une opération à exécuter, mais, au dernier moment, l'Abeille était absent. En fait, il savait par où devait passer la voiture du Commando et organisa un barrage avec des gardes mobiles, qu'on ne pouvait voir qu'au dernier moment. La voiture a brûlé le barrage et ils ont ouvert le feu. Un homme a été tué, l'autre réussit à se sauver. C'est lui qui nous a raconté ce qui s'était passé... J'ai entendu la fusillade pas loin de chez moi : je me suis précipité. A mon arrivée il n'y avait déjà plus les gardes mobiles. La voiture était contre un mur et, un peu plus tard, des patriotes ont fleuri l'endroit et j'ai pris la photo. Ensuite il y a eu des perquisitions, des arrestations et la Colline a été démantelée.

Un jour, en rentrant du travail en car, il y avait des gardes mobiles qui contrôlaient tout le monde, en pleine avenue. Il y avait des camions et un engin blindé en haut duquel I'Abeille, en tenue militaire, supervisait !

C'était la débandade générale grâce à laquelle quelques-uns avons pu nous échapper. J e n'ai jamais connu le nomdes hommes de ce Commando bien que je les aie fréquentés. L'Abeille savait où j'habitais : je ne sais pas pourquoi j'ai été épargné". André Garcia

Bône, le chef de cabinet de la préfecture, Vidal, assassiné.

Tlemcen: six européens et deux musulmans, enlevés par le FLN sont libérés.

Au rocher noir le haut commissaire Christian Fouchet montre la détermination de la f rance dans la lutte anti O.A.S. : "il faut remonter au 16ème siècle pour trouver l'équivalent dans les mesures répressives". Exact.

 La directive du 12 mai 1962 et les autres, analysée par Monneret, " la phase finale de la guerre d'Algérie " édition l'Harmattan, ISBN 2-7475-0043-8

Le journal Combat a publié le 23 mai 1962, un article de Jacques Lethiec intitulé Dettes d'honneur et Moratoire où il critiquait l'attitude du Gouvernement. Le même journal révélait une note secrète de Louis Joxe adressée le 12 mai au Haut Commissaire Christian Fouchet. Cette note a circulé à différents échelons, de sorte qu'on a cru pouvoir, au terme d'un certain cheminement, la dater du 25 mai, ce qui est injustifié. Elle est très connue et tous les ouvrages consacrés au problème des harkis la citent.

"Les renseignements qui me parviennent sur les rapatriements prématurés des supplétifs indiquent l'existence de véritables réseaux tissés sur l'Algérie et la Métropole et dont la partie algérienne a souvent pour origine un chef SAS. Je vous envoie au fur et à mesure la documentation que je reçois à ce sujet. Vous voudrez bien faire rechercher tant dans l'armée que dans l'administration les promoteurs et les complices de ces entreprises et faire prendre les sanctions appropriées. Les supplétifs débarqués en Métropole en dehors du plan général de rapatriement seront, en principe, renvoyés en Algérie où ils devront rejoindre avant qu'il soit statué sur leur destination définitive le personnel déjà regroupé selon les directives des 7 et 11 avril. Je n'ignore pas que ce renvoi peut être interprété par les propagandistes de la sédition comme un refus d'assurer l'avenir de ceux qui nous sont demeurés fidèles, il conviendra donc d'éviter de donner la moindre publicité à cette mesure; mais ce qu'il faut surtout obtenir, c'est que le gouvernement ne soit plus amené à prendre une telle décision "

(original dans Faivre, les archives inédites de la politique algérienne, l'harmattan, ISBN 2-7384-9117-0 page 170).

On trouvera ICI un texte decrivant des initiatives individuelles de sauvetage de harkis, telles que condamnées par Joxe..

Moins connu est le télégramme 1334 MA/CAB/DIR adressé par Messmer au Genesuper (Fourquet) avec copie à Fouchet. Il donne en gros les mêmes instructions que Joxe, "il me revient que plusieurs groupes d'anciens harkis seraient arrivés recemment en métropole (...) je vous communiquerai dès qu'ils seront en ma possession renseignements sur importance et origine cas prouvés, ainsi que, si possible, sur responsables leur mise en route. stop. Dès maintenant je vous prie (...) d'effectuer sans délai enquête en vue determiner conditions depart d'algérie de ces groupes incontrolés et sanctionner officiers qui pourraient en être à l'origine. "

Le colonel Buis, directeur du Cabinet Militaire de Christian Fouchet a fait suivre cette note d'une seconde rédigée par ses soins dont le texte est également très connu : "Le Ministre d'état chargé des Affaires Algériennes a appelé l'attention du Haut Commissaire sur certaines initiatives prises en Algérie pour organiser l'émigration et l'installation en Métropole de familles musulmanes désireuses de quitter le territoire algérien... Le transfert en Métropole des Français musulmans effectivement menacés dans leur vie ou dans leurs biens s'effectuera sous la forme d'une opération préparée et planifiée.

J'ai, en conséquence, l'honneur de vous demander de bien vouloir prescrire à tous les cadres placés sous vos ordres de s'abstenir de toute initiative isolée destinée à provoquer l'installation des Français - musulmans en Métropole..."

D'autres messages parviendront également en Algérie durant l'été. A cette époque, les actions contre les harkis sont parfaitement répertoriées par les Services de Renseignement de l'Armée. La note de service du 24 août n'en sera que plus mal ressentie par les cadres de l'Armée car il recommande de ne pas procéder à des opérations de recherche des harkis dans les douars.

Ce passage qui résonne durement a indigné plus d'un officier français, présent en Algérie à l'époque. Il convient de le citer pour l'histoire : "Enfin, il y a lieu de ne procéder, en aucun cas, à des opérations de recherche dans les douars de harkis ou de leurs familles". (Référence : 1 H 1397).

Plus significatif encore la note signée du général de Brébisson daté du 20 octobre 1962, transmet des directives restrictives. Or, ceci est très mal venu car les massacres de harkis qui ont connu une accalmie entre le 15 septembre et le 15 octobre viennent de reprendre. Les exactions contre les supplétifs battent leur plein. Le message du général est adressé au vice amiral de Querville, commandant supérieur de la base de Mers-el-Kébir et autres commandants de Corps d'Armée.

Note personnelle du commandant supérieur des Forces Françaises en Algérie à Monsieur le vice-amiral d'Escadre Commandant Supérieur de la base de Mers-el-Kébir.

Objet: protection des ex- supplétifs et personnes ayant aidé les Forces Françaises.

Référence: ma note n° 1920 CSFAFAIEMI/MORTE du 24 août 1962.

1 - Dans ma note citée en référence. J'ai attiré votre attention sur les difficultés présentées par l'arrivée. en France. des ex- supplétifs et personnes ayant aidé les Forces françaises, et je vous demande d'inciter à n'accorder asile que dans les cas exceptionnels. Malgré cette mise en garde, le nombre de Musulmans hébergés dans nos camps d'Algérie s'accroît régulièrement. Il dépasse actuellement 6.000 malgré les 1.300 départs en France au cours des mois de septembre et d'octobre...

2 - Le Ministre m'a, d'autre part. fait savoir que la possibilité d'absorption de la Métropole en hiver serait, après ces premiers départs, largement saturée. Comme de plus. il est à craindre que le gouvernement algérien, dont l'autorité du pouvoir central se confirme prenne rapidement ombrage de nos centres largement ouverts à ses opposants, il est nécessaire que le courant des Musulmans menacés qui alimente régulièrement nos camps, à raison de 20 par Jour, soit interrompu.

3 - En effet, la situation économique en Algérie risque d'inciter les Musulmans à venir chercher dans nos centres, puis ensuite en Métropole, l'alimentation et les ressources financières qui leur font particulièrement défaut. De plus, la situation politique algérienne est suffisamment fluide pour que tout supplétif puisse s'estimer plus ou moins menacé et envisage facilement un exode en France.

4 - Vous voudrez bien en conséquence :

- faire vérifier que le personnel actuellement dans les camps correspond bien aux catégories prévues pour recevoir notre aide (voir à ce sujet télégramme 1881 du 16 août et de note de service 2152 du 20 octobre) ;

- suspendre dès maintenant toute nouvelle admission dans les camps. Les cas reconnus exceptionnels par les commandants de division me seront soumis pour décision; en attendant celle-ci, l'accueil devra conserver un caractère provisoire. Les éléments d'appréciation me seront transmis par messages postalisés.

Signé: De Brébisson

Le général Faivre a souligné que ce message, souvent publié, a été fréquemment amputé d'un passage important :

"Je suis intervenu à plusieurs reprises auprès des instances gouvernementales pour que ces personnels puissent être rapidement transférés en Métropole. J'ai reçu l'assurance que huit cents Musulmans réfugiés en célibataires pourront être sous peu évacués; ils installeront les camps destinés à accueillir leurs camarades accompagnés de familles. Je pense qu'ensuite, dans le courant du mois de novembre, la plupart des occupants actuels des centres d'Algérie pourront à leur tour bénéficier de la même mesure" (I H 1397/8) (page 204).

Cet extrait atténue la rugosité d'ensemble du texte mais il ne la supprime pas. Le général Faivre souligne cependant que l'attitude des autorités militaires a souvent été complexe. Ainsi le général Fourquet, le prédécesseur du général de Brébisson a-t-il plusieurs fois adressé des directives recommandant d'accueillir les personnes menacées, en dépit des notes de Louis Joxe. Son télégramme du 28 mai indique ainsi "qu'il n'y a pas de limitation au nombre des personnes transférées en France..." "Les harkis peuvent amener leur épouse, leurs enfants et leurs ascendants...". Le 10 juillet, il prescrit à nouveau d'accueillir sans réserve les personnes menacées. (page 201 et 202).

Ces instructions prises par le commandant sur place humanisent la teneur des instructions gouvernementales. Mais il parait néanmoins indiscutable que l'arrivée du général de Brébisson fin juillet et ses instructions du 24 août et du 20 octobre correspondent à une orientation très limitative des transferts de harkis. Le général Faivre signale toutefois que malgré la directive du 24 août, l'asile resta accordé dans les camps, "son octroi définitif n'étant accordé qu'après enquête" (page 203). Il indique également que les restrictions décidées à l'automne, sont en partie motivées par le souci de ne pas admettre de déserteurs, d'agents du FLN ou de simples réfugiés économiques dans les enceintes de l'armée. Ceci explique aussi les contrôles qui ont lieu au sein des centres d'accueil ainsi que les formalités exigées. L'impression reste forte malgré tout que l'arrivée des harkis dans les locaux militaires et les centres spécialisés parait peu souhaitable au Commandement. La concomitance des instructions limitatives et des vagues de répression et de tueries déclenchées par le FLN, soulève une terrible interrogation.

Que peut-on en penser trente-six ans plus tard, avec le recul du temps et le relatif apaisement des passions? Il nous semble indéniable qu'il n'y avait pas de garanties concrètes pour les Musulmans fidèles. Il est d'autre part gênant pour les gouvernants français de 1962 que leurs directives aient été formulées à des moments très inopportuns. Nous l'avons déjà signalé mais ce point mérite d'être reprécisé :

- la première directive, celle de mai circule alors que les harkis du commando Georges vont subir les premiers enlèvements et alors que depuis plusieurs semaines les anciens du FAAD et les messalistes sont en butte à une véritable campagne d'élimination.

- la directive du 24 août arrive alors que des officiers tentent difficilement d'organiser des réseaux d'aide aux harkis et de les faire sortir de leurs villages.

- le message du 20 octobre est diffusé alors qu'une nouvelle phase de représailles contre les supplétifs est déclenchée par le FLN.

C'est donc un tableau très sombre qui s'offre à l'historien qui examine les responsabilités officielles à l'époque. Toutefois le général Faivre a montré que d'autres directives ont également circulé, d'autres décisions ont été prises qui ont, dans une certaine mesure, atténué l'impact des précédentes. Elles n'ont évidemment pas évité, loin de là, des massacres qui étaient finalement très prévisibles. Mais il convient de les examiner pour avoir une vision d'ensemble du problème des harkis. S'il demeure très noir, le tableau n'en gagne pas moins quelques nuances. D'abord les directives dont nous avons parlé ne reçoivent fort heureusement pas toujours une application rigoureuse. Contrairement à ce qui est affirmé à tort dans l'ouvrage de Michel Roux, quelques 10.000 personnes (supplétifs et familles) sont transportées en Métropole dans les camps du Larzac et de Bourg-Lastic, avant le 1er juillet 1962. C'est ce que permettent d'établir les dossiers SHAT 1 H 1856 et 1 H 1397. Ceci ne fut possible que parce que des moyens maritimes (donc officiels) furent mis en place.

Malgré l'esprit très restrictif des circulaires officielles de l'été, il y a 6.500 nouveaux réfugiés dans les camps de l'Armée française en septembre 1962. Le général de Brébisson ordonne le 16 août d'escorter les convois de supplétifs en direction des ports afin de faire pièce au FLN qui prétend les contrôler (Faivre, page 202). Le 4 août, il signale à son ministre Pierre Messmer que la situation pitoyable des harkis "émeut à juste titre cadres et troupes". C'est pourquoi il demande que soient transférées les personnes regroupées dans les camps de Téfeschoum (800) et de Bône (500).

Le général de Brébisson n'en rédigera pas moins sa directive très restrictive du 24 août déjà citée. Elle recommande de "cesser de donner asile sauf dans les cas très exceptionnels". Nous avons vu cependant que l'asile dans les camps continue d'être accordé. Maurice Faivre en donne la raison: Les dossiers transmis contiennent de telles précisions sur les exactions subies que pratiquement tous les candidats à l'hébergement sont acceptés". (page 203). En novembre 1962, les centres d'accueil reçoivent vingt-cinq réfugiés par jour. Ces ex- supplétifs, spoliés, évadés des camps du FLN, veuves de harkis, orphelins privés de travail et d'école, réduits au rang de parias par les nouveaux maîtres, se dirigent tout naturellement vers l'Armée française. Début 1963, le Comsup fait état d'un chiffre de 21.000 supplétifs (avec les familles) transférés en France. Il faut y ajouter ceux qui y sont réfugiés individuellement ou qui ont été acheminés clandestinement. Selon le Ministre Délégué chargé des rapatriés, 28.000 Maghrébins bénéficieront de la loi d'aide au 20 janvier 1963. Le 1er octobre, il indique que 36.000 Musulmans sont passés par les centres d'accueil.

Le général Faivre a calculé qu'à la fin de 1965, il y avait environ 91.000 Musulmans rapatriés. Sur ce nombre, si l'on ne tient pas compte des familles, on peut évaluer le chiffre des supplétifs proprement dit à 20.000.

Au total, l'image qui se dégage est un peu moins sinistre que celle qui a souvent été présentée. Des directives très restrictives, très inopportunes dans les circonstances du moment, n'en ont pas moins nui gravement à l'image de la France, "terre d'accueil". Tout commandait alors de sauver des gens aussi vulnérables que menacés. Ce devoir, disons-le, n'a pas été rempli. Ceci justifie tristement le rappel de la parole biblique que Gabriel Marcel adressa aux puissants d'alors: "Suis-je le gardien de mon frère ?" [La Nation Française - fin mai 1962].

Le général Meyer, alors lieutenant et chef de harkis nous a dit ceci: "Au moment de sa démobilisation, aucun supplétif ne pouvait choisir le transfert en France, autrement qu'en se faisant inscrire sur une liste, si l'on veut bien, puis en retournant attendre, sans arme, dans un village désormais sous le contrôle des policiers du FLN". Bien qu'un communiqué du Ministre des Armées du 8 mars 1962 ait indiqué: "...Il ne saurait être question de refuser une telle demande de transfert en France si elle est manifestement justifiée par les menaces". Le général Meyer précise qu'à "cette disposition ne correspondait en fait aucune mesure pratique organisée, regroupement, prise en charge matérielle, protection des familles ou transport"... "Avant le 1er avril, de nombreux moghaznis de la tribu des Rézeigals ont demandé en ma présence de partir pour la France. Le commandant local leur a signifié d'attendre dans leur douar. Plusieurs ont été enlevés et assassinés le 17 Avril. "

Ni Faivre ni Monneret ne signalent le fait bien connu que les emplacements où étaient regroupés les harkis l'étaient en accord avec le F.L.N., que les accès en étaient gardé par lui, et que toute personne en approchant avait un risque considérable d'être intercepté.

Pains de plastic sur la voie ferrée Montpellier - Béziers.

Arrivée à Marseille de 1520 personnes par le paquebot ville de Marseille qui demandent assistance, la plupart n'ayant ni point de chute ni ressource. Il s'agit pour l'essentiel de gens chassés de chez eux par le FLN et qui ne savent où aller.

Drapeau OAS hissé sur l'hôtel de ville de Dijon.

 

13 Mai 1.962:

 8 morts, 16 blessés, enlèvements, massacres d'opposants musulmans, hold up, plastics.

Le 13 mai, l'épouse de Jean-Claude Escriva, enlevé le 8 mai, fait une déposition à la gendarmerie à la suite de recherches qu'elle a menées avec des amis. Elle apporte la preuve que son mari est détenu par des membres du FLN à Roumili précisément entre l'Arba et Rovigo, avec d'autres Européens. Elle ajoute que "le PC de l'Etat-Major ALN-FLN se trouve dans l'ancienne ferme Beste à 200 mètres de la route nationale". Ces informations ne sont cependant pas nouvelles et ne font que confirmer ce que la gendarmerie sait déjà. En effet, la veille, le 12 mai, quatre gendarmes se sont présentés au camp d'internement de Rovigo demandant au responsable FLN chargé de ce camp si Jean-Claude Escriva, ainsi que d'autres Français, était bien retenu prisonnier. Le responsable FLN a clairement répondu aux gendarmes que "cette personne était bien présente mais qu'il n'était nullement question de le libérer" ! Les gendarmes informent bien évidemment leur hiérarchie mais, malgré ces informations, qui arrivent jusqu'au Commandement supérieur des Forces en Algérie, rien n'est fait pour libérer ces personnes. La marche à suivre reste invariablement la même: il faut transmettre ces informations à la commission mixte de cessez-le-feu.

Jordi "Un silence d'état" ISBN 978-2-9163-8556-3

Plasticages systématiques des magasins musulmans d'Alger.

Dix activistes arrêtés.

Sitôt entrés en fonction les policiers du FLN, formés bien vite montrent leur détermination :

Encore Monneret

"Sitôt entrés en fonction, ils ouvrirent le feu sur des passants. Une de leurs victimes M. Touffait était un haut magistrat. Bernard Tricot signale la consternation qu'il éprouva à l'annonce de sa grave blessure (Le Monde du 21 mai 1962). Un aperçu de leur manière d'agir est donnée dans Le Monde du 12 juin 1962, en page I, sous le titre :"Trois Européens tués lundi matin à Alger" On lit ceci: "... un A. T.O. a tiré accidentellement une rafale de P.M. et aussitôt les autres A.T.O. ont ouvert le feu. Jacques C , Georges B et Philippe D , ont été tués". Ces exemples peuvent être multipliés et l'on peut dire que les A.T.O. ont laissé dans la population pieds-noirs comme d'ailleurs dans la population musulmane, le souvenir de gens de sac et de corde, plus portés aux assassinats et au brigandage qu'à la défense de la paix civile.

Le Préfet Vitalis Cros ne paraît pas avoir de responsabilité directe dans l'intervention des A.T.O. sur Alger, la décision venant de plus haut. Au demeurant, il ne se faisait aucune illusion sur eux. à la page 197 de son livre, il écrit en effet "... leur intégration fut lente et difficile car ils avaient la détente facile", On peut estimer toutefois que cette dérive n'avait rien d'imprévisible conte tenu du choix de ces hommes. Incidemment, il convient de noter qu'à Oran, les A.T.O. n'avaient sans doute pas reçu meilleure formation, car on les vit se répandre dans les rues de la ville le 5 juillet 1962, et y avoir un comportement extrêmement brutal. Ils portent la responsabilité de très nombreux enlèvements comme l'attestent les archives militaires (SHAT IH 3206 et IH 4734). Selon les termes du chef d'escadron F , qui commandait ce jour-là, la 452e GAA, "leur attitude a favorisé le désordre le plus complet".

 Monneret, " la phase finale de la guerre d'algérie ", l'harmattan, ISBN2-7475-0043-8

 Assassinat de simon Cohen.

Enlèvement dans le bled d'un instituteur, trois prêtres et trois colons.

7 morts et 16 blessés au cours de règlements de compte entre musulmans pro français et FLN.

 

 14 Mai 1.962:

29 morts 75 blessés, enlévements, plastics, hold-up, dont:

Des commandos F.L.N., armés de pistolets mitrailleurs parcourent la ville d'Alger en voiture en mitraillant tout sur leur passage, faisant 20 morts et 60 blessés. Le FLN présente officiellement cette opération comme une représailles justifiée des exactions de l'O.A.S. Parmi les représailles, cinq européens, précédemment enlevés sont menés enchaînés rue Albert de Mun et fusillés publiquement.

Il s'agissait d'une action soigneusement programmée, à l'occasion de l'Aïd El Kebir. 37 cafés devaient être attaqués à la mitraillette, à 18 heures, (l'heure de l'anisette). En fait le bilan fût beaucoup moins lourd que prévu, tant les forces de l'ordre, averties, que les commandos deltas qui ne laissaient plus entrer de musulmans en ville européenne avaient réagi.

De nombreux F.L.N. laissèrent leur vie dans cette attaque.

L'Humanité regrette que l'armée (accusée d'être passive vis à vis de l'O.A.S.) ait retrouvé de son mordant. Le Monde explique qu'il ne s'agissait pas d'une riposte voulue (et contraire aux déclaration d'intention d'évian) mais d'un débordement d'incontrôlés.

Parmi les tués, Dominique CORSO, membre de l'OAS, 56 ans, à l'hippodrome du caroubier.

Le préfet Vitalis Cros explique au gouvernement que "les européens enlevés avant la date du 15 Mai ont tous été exécutés." (lettre du 28 Mai).

Le 19 Mai, Joxe et Messmer (de l'académie française) se rendent à Alger pour tirer les enseignements de cette attaque FLN. La conclusion en est qu'il faut faire intervenir la force locale à Alger, qu'il faut fermer un certain nombre de lieux publics (cafés, restaurants) expulser cent policiers et cent cinquante militaires dénoncés par le FLN comme sympathisant de l'O.A.S.

Deux enfants israélites sont égorgés par leur domestique.

Innombrables exactions dans le bled.

1.500 membres du F.L.N., récemment libérés des camps de prisonniers sont incorporés comme policier de la force locale, et déployés dans Alger.

Plastics à Philippeville et Ouargla.

Joxe confère avec Dahlab, ministre du GPRA au rocher noir. Sans doute attend -t - il toujours une condamnation des enlèvements.

Le FLN ne veut même plus faire plaisir avec des bruits de bouche.

 Plastics à paris (6) gros dégâts matériels.

 

15 Mai 1.962 :

 67 morts et 40 blessés dans toute l'algérie, dont l'essentiel (76 attentats, 56 morts, 35 blessés à Alger). Le reste de l'algérie ne repond pratiquement plus., on ne sait ce qui s'y passe. Enlèvements, plastics.

 La ville d'Alger est maintenant divisée en deux zones, l'une européenne, interdite aux musulmans qui s'y font assassiner s'ils s'y aventurent, malgré le lourd quadrillage des forces de l'ordre, l'autre musulmane où non seulement tout européen s'y fait également assassiner, mais les règlements de compte les plus divers et les plus incompréhensibles s'y multiplient. Cette partie est "contrôlée" par la force locale, en fait par des éléments incontrôlés se réclamant du FLN. Les morts et blessés de cette partie de l'Algérie ne sont bien entendu pas comptés dans les bilans officiels.

 Le couvre feu est fixé à 18 heures à Alger. Au rocher noir les représentants du F.L.N. réclament et obtiennent la fermeture de 50 bars à Alger, l'expulsion de 254 fonctionnaires dont ils donnent la liste, et la relève de l'armée par la force locale dans les quartiers musulmans.

Un lieutenant est tué dans le bled au cours d'un accrochage avec le FLN.

Le sous préfet du Telagh et trois autres personnes sont assassinés.

Nombreux plastics à Oran, accrochages entre O.A.S. et forces de l'ordre.

 Huit "activistes" arrêtés à Tours.

Fanion O.A.S. sur la porte d'auguste à Nîmes.

Le tribunal militaire condamne des activistes algérois à des peines de prison avec sursis.

Ouverture du procès de Salan, par le haut tribunal militaire de création ad hoc.

 

  16 Mai 1.962:

Nombreuses victimes dans toute l'algérie, faisant 55 morts et 67 blessés. Enlèvements, plastics, hold-up.

Nombreux enlèvements dans le bled.

Une note signée pierre Messmer (qui depuis nie les faits) (de l'acadéfraises) interdit au chef de bataillon d'embarquer avec son unité ses 400 harkis, originaires de Miliana. Par un hasard heureux, la note ne parvint à son destinataire que trop tard, et Messmer ne renvoya pas ces harkis-ci à leur sort habituel.

Treize arrestations d'activistes à Alger.

Toute la direction de la caisse de S.S. de Constantine (le directeur et neufs chefs de service) sont expulsés en france.

 Au Maroc, le FLN libère quatre soldats français prisonniers. Le gouvernement en attendait 500.

 Le Bulletin de Renseignement n° 988 cote 1 h 3077 signé du chef d'escadron Coadic, chef du Deuxième Bureau du CA montre que le Deuxième Bureau (il convient ici de préciser de l'armée française) n'ignore rien de la situation et donne le 16 mai 1962 la liste des lieux où sont détenus des Européens dans les quartiers musulmans de l'agglomération oranaise. Elle est assez vaste. Outre le local de la rue du Génééral-de-Brossard à Victor-Hugo, il y a une école rue de Guelma, le centre social du Petit-Lac, ainsi que les établissements Picard (sans doute désaffectés) et la SAU où officiait Attou. Il en va de même à la cité des Quatre-Chemins où une prison clandestine se trouve dans la rue n° 7 à un lieu-dit: Les Abattoirs. Toujours à Victor-Hugo, un autre lieu de détention a été repéré par les services français. Dans le sous-secteur sud, ils ont également reçu des informations sur la maison Miloud sise au 3 ou au 5 de la rue du Général-Mangin. D'autres prisons improvisées sont situées rue des Mille-et-Une-Nuits à Médioni et rue des Amandiers. L'ancien commissariat de police du IXe arrondissement, avenue de Valmy est également affecté aux interrogatoires et à la détention des pieds-noirs enlevés. Un lieu d'incarcération est indiqué (sans précision) à Sananès. Dans le secteur sud-ouest, près du stade Monréal, un lieu semblable a été signalé, au 20, rue Alfred Roques. Le faubourg de Chollet est également cité. Dans le sous-secteur centre, qui correspond au quartier musulman de la Ville-Nouvelle, on connaît des centres d'interrogatoires, au 135, rue Clauzel dans un ancien lupanar. Il y en a également à la Médersa, place Sidi-Bilal, au 35, rue du Bey-Mohammed, lieu où siègent les responsables de l'ALN d'Oran, 3, place de la Liberté et au 4, rue Saint-Grégoire, dans le quartier Saint-Antoine. Dans le sous-secteur nord-ouest, un bureau FLN fonctionne à l'école Sediman, place de la Perle. Ce secteur correspond au quartier situé à l'entrée du ravin de Ras-el-Ain appelé Casbah sur les cartes en raison de la présence d'un ancien fort arabe. Le service de renseignements français s'est plaint occasionnellement d'être moins bien informé de l'activité FLN dans cet endroit.

On remarquera que conformément à l'interprétation restrictive du cessez-le-feu que donnent les autorités, l'armée n'exploite pas les renseignements qu'elle a, et n'investit pas les lieux de détention qu'elle connaît. Pour conclure sur ce point, il est important de dire que si l'activité de la "police" FLN est orientée vers la recherche du renseignement anti-OAS elle frappe en fait n'importe quel Européen passant à proximité. Cela ne gênera évidemment pas les nationalistes algériens qui partent, à ce moment, du principe que tout pied-noir connaît des gens de l'Armée secrète dans son entourage. Le gangstérisme aidant, ces pratiques se solderont par de graves conséquences.

Monneret, La tragédie dissimulée , Oran, 5 Juillet 1962. ISBN 2-84186-308-5

Au comité des affaires algériennes du 16 Mai, Joxe change d'avis sur la volonté des harkis de venir se refugier en france. Un mois avant, le 8 avril, il déclarait que c'était faux. Ce jour il fait écrire: "Les harkis veulent partir en masse. Il faut combattre cette infiltration, qui sous pretexte de bienfaisance aurait pour effet de nous faire accueillir des élements indesirables".

 

17 Mai 1.962:

31 attentats font 31 morts et 29 blessés, enlèvements, plastics.

Le ministre des armées (Mesmer) décide l'incorporation immédiate de tous les européens d'algérie de 19 ans et plus, sursitaires ou non. Il s'agit du plan "Simoun". Les gendarmes et les C.R.S. ratissent les villes et arrêtent tous les jeunes qui sont immédiatement envoyés dans des camps de concentration puis déportés en france où ils sont dispersés dans des unités, sans conseil de révision ni visite médicale. Certains s'évadent et sont condamnés comme déserteurs.

Témoignage: "Quand en 1962, j'ai quitté l'Algérie grâce au fameux " Plan SIMOUN" des sursitaires, nous avons mes camarades et moi au moment du départ entonné "Le Chant des Africains" sur l' aérodrome militaire de Maison Blanche. Immédiatement nous avons été "braqués" par des soldats français. On nous a déclaré qu'il s'agissait d'un "chant séditieux" et qu'il était interdit de la chanter.

Souvenirs de monsieur Edouard Pons recueillis sur la liste dédiée à la généalogie pied noir, liste-pieds-noirs@yahoogroupes.fr

Le général Katz fait évader de la prison d'Oran, le chef terroriste Slémani Slimane, condamné par la justice française, dans un geste sans justification juridique d'aucune sorte, heureusement depuis amnistié.

.Parmi les morts par attentats, quatre européens.

Cinq enlèvements dont une femme âgée, Coupeau.

Le F.L.N. attaque des garde mobiles, en blessant huit.

A Blida, ils mitraillent un car, trois tués dix blessés.

Dix membres du maquis O.A.S. de l'ouarsenis sont condamnés par le tribunal de Tizi Ouzou à des peines de prison.

L'exode des européens prend des proportions inquiétantes.

 

18 Mai 1.962:

En tout 36 attentats, 24 morts, 13 blessés, enlèvements, plastics.

L'exode des européens prend des allures de panique.

13 attentats à Alger, un mort.

Trois attentats à Oran, deux morts.

Plastics à Perregaux, Sidi-bel-Abbés, Mostaganem, Philippeville.

Dans une ferme abandonnée de l'Alma, un petit village à l'est d'Alger, non loin du rocher noir, Susini, devenu par la force des choses le numéro un de l'O.A.S. (et le seul qui ait gardé une tête assez froide pour comprendre que l'affaire est sans issue) rencontre Farés, le président de l'exécutif provisoire. Ils rédigent en une seule séance un protocole d'accord (Farès prétendant être couvert par le FLN) qui complète les déclarations d'intention d'évian par des garanties particulières pour les pieds noirs. En particulier la mise en place d'une force armée pied noire. C'est début mai que Farés a demandé à Charles Baujard le maire de Blida, de lui organiser un rendez vous avec Susini. Il a falu une quinzaine de jour pour joindre ce dernier qui a pris l'avis de Gardes et de Perez.

 En Camargue, Mas Thibert, le bachaga Boualem, ancien vice président de l'assemblée nationale, grande croix de la légion d'honneur, officier de l'armée française, chef de la tribu des beni-boudouanes s'installe avec une centaine de personne. Le bachaga est un des derniers représentants de la société féodale traditionnelle algérienne. Il a eu un fils et 17 membres de sa famille assassinés par les rebelles. Il a tout au long de la guerre maintenu l'ordre sur le territoire de sa tribu, les beni-boudouanes, Traditionnels soldats dans l'armée française ils ont laissé 2.000 des leurs sur tous les champs de bataille, de Sedan en 1.870 à l'algérie, en passant par le Maroc, l'Afrique, l'Indochine, les deux guerres mondiales.

Il raconte: " Et maintenant. Maintenant je suis là, confiné sur quelques hectares de terrains que je peux à peine exploiter. Sur les circonstances tragiques de ce brusque retour, je préfère ne pas trop parler. Il n'est pas dans mes habitudes de critiquer mon pays et, dans ces conditions, il vaut mieux n'être pas précis. Mais je dois dire que sans l'armée française, sans certains de ses officiers, je ne serais pas en vie aujourd'hui, ni moi, ni ceux de ma famille. Après l'affaire Gardes dans l'Ouarsenis, tous mes harkis, tous mes hommes avaient été désarmés, l'armée française se retirait peu à peu, laissant ses postes à l'A.L.N., les cuisines encore toutes chaudes. Le FLN. était à mes portes.

Partir était un devoir, si je voulais préserver tous ces enfants que j'ai près de moi, ces orphelins dont les familles ont été égorgées par le F.L.N., ces petites têtes que je vois à chaque instant surgir des tentes de notre campement et qui me rappellent que, là-bas, le massacre des innocents continue. Ce n'était pas pour nous une question de jours, c'était une question d'heures. Il a fallu partir pour l'exil dans le pays que j'ai choisi, mon pays: LA FRANCE.

L'arrivée du Bachaga Boualam en France, c'est un événement, du moins pour quelques jours. Aussi, dès les premières heures de mon installation, j'étais envahi par des dizaines de journalistes et de reporters de toute la France, venus dans l'espoir d'un article à sensation. Je n'ai rien contre eux, mais lorsque j'avais besoin d'eux, lorsque même la France avait besoin d'eux, je ne les ai pas trouvés.

Ils étaient déçus, ils attendaient sans doute une déclaration explosive, ils ne l'ont pas eue. J'aurais pu, seulement j'étais trop désabusé. Je pleurais, je n'en ai pas honte, je pleurais de tristesse, d'humiliation, d'impuissance, de rage aussi, de rage d'avoir été trompé, bafoué.

Et je me souviendrai longtemps de ce journaliste qui, croyant bien faire, m'a dit:

- Ne pleurez pas, Monsieur le Bachaga, ça se tassera.

Je lui ai répondu, avec colère, je crois:

- En France, quand vous perdez un chat, un chien, vous pleurez bien et moi je n'aurais pas le droit de pleurer mes morts.

Puis ils sont partis, je n'ai pas même lu leurs comptes rendus le lendemain tant j'étais las et triste. Le Mas Fondu, quarante hectares de rizières et de prairies dans la plaine de la Crau infestée de moustiques, c'est tout ce qu'il me reste; j'en administrais trente-trois mille."

repris sur Mon pays la France ISBN 2 7048 0549 0

  

 19 Mai 1.962:

28 attentats faisant 22 morts et 9 blessés surtout des supplétifs dans le bled, enlèvements, plastics.

Sept européens enlevés à Alger. Aussi le soldat de 2éme classe au 37éme RIMA, Oscar Breton.

Tir de mortier sur le palais d'été.

Madame Sengensen, 86 ans et son fils de 62 ans égorgés chez eux à Cheragas.

110 policiers suspendus.

116 cafés fermés.

30 personnes expulsés en métropole.

77 activistes arrêtés à Oran.

Les fermes de l'oranie sont abandonnées, elles sont brûlées et pillées. Le maire de Zazall est enlevé.

Pour une fois, l'armée intervient pour délivrer des européens enlevés et torturés par le FLN, onze sont ainsi libérés à Oran.

Au rocher noir, l'autorité provisoire fait le point de la mise en place de la force locale : les officiers français ont refusé leur mutation, il y a 35.000 hommes dont 23.000 appelés musulmans. (Le 23 Mai il y a 456 officiers européens et 229 musulmans, la quasi totalité des officiers musulmans, qui demandent à être mutés en métropole). On annonce les premières désertions en corps constitué de la force locale.

 

20 Mai 1.962:

 13 attentats font deux morts et 8 blessés, enlèvements, plastics.

Les compagnies aériennes et maritimes annoncent la mise en place de rotations supplémentaires.

 Tricot raconte : M. Bernard Tricot fait également allusion aux enlèvements dans " Les Sentiers de La Paix " (page 332). "De jeunes Musulmans mirent en place des barrages hâtifs qui stoppaient les voitures européennes; pour peu que les occupants fussent suspects de sympathies pour l'O.A.S. (et comment le savoir ?), ils étaient massacrés. Plus insidieuse fut la pratique de l'enlèvement. Des Européens disparaissaient; on retrouvait parfois leurs corps mutilés; ainsi, peu après le 20 mai, André Lévy-Despas, Président des Monoprix d'Alger vint me trouver bouleversé: plusieurs dirigeants de ces établissements venaient d'être enlevés; les recherches aboutirent vite à des macabres découvertes. Parfois, sans doute, les personnes enlevées étaient libérées mais le fait devenait rare et la disparition prolongée signifiait généralement la mort".

Tout ce qui est dit là est exact, mais on ne peut s'empêcher de remarquer à nouveau que l'ampleur du phénomène n'est pas indiquée dans sa réalité accompagnée des chiffres adéquats. Elle est à peine évoquée dans ses conséquences: l'exode massif des Européens qui ruine les Declarations d'Intention d'Evian.

 Ce jour à Turin, au domicile provisoire du président Bidault, se tient une des rares réunion plénière du Conseil National de la Résistance, la première après l'arrestation de Salan. Il y a là outre Bidault qui accueille ses collègues en pyjama vu l'heure matinale, Argoud, qui considère que l'arrestation de Salan lève l'interdit qu'il lui avait signifié, Soustelle, dit Jo, et Rossfelder considéré comme le trésorier. La place de Salan est vide, en attente du futur responsable de l'O.A.S. algérie, c'est Gardy qui la tiendra.

Sur les cinq, deux compagnons de la libération, les trois autres sont d'authentiques résistants. Sur les cinq, deux militaires, un seul pied noir.

Les rôles sont confirmés Bidault président, Soustelle aux relations extérieures et à la propagande, Argoud à l'action en métropole (Sergent a enfin accepté son autorité), Gardy l'algérie, Rossfelder la logistique. Le CNR règle un certain nombre de questions, et passe au point principal de l'ordre du jour, la condamnation à mort de de Gaulle, votée à l'unanimité, sans commentaires. Argoud, vu ses fonctions, est en charge.

Autre version, qui date au 21.07 1962 cette réunion: A Milan, première réunion du CNR, l'organe suprème (et politique) de l'OAS, Bidault préside, Soustelle a les relations extérieures (il a des liens avec d'innombrables journalistes), Argoud et Sergent l'action, Rossfelder les finances et la logistique, la seule décision importante est l'assassinat de De gaulle, seul Bidault est réticent. Les divers attentats contre de Gaulle (sauf celui du Mont Faron) seront cependant montés de façon tout à fait indépendante du CNR, les ressources de celui-ci étant très faibles. Bidault et Soustelle sont compagons de la libération, Rossfelder, et Argoud résistants. Seul Rossfelder est pied noir.

 

21 Mai 1.962:

20 morts et 12 blessés, enlèvements, plastics.

L'administration annonce que la mesure de mise sous les drapeaux par anticipation a touché 6000 jeunes pieds noirs, tous envoyés en métropole.

Des charniers sont découverts dans le quartier de Hussein dey, l'un avec 8 l'autre cinq cadavres. Un des corps est identifié, il s'agit d'un algérois enlevé quelques jours avant. Les militaires délivrent deux prisonniers horriblement torturés.

Le général Rolet, alors chef de bataillon, raconte :

"La plupart des attentats, d'un côté ou de l'autre, se perpétraient en voiture avec à bord, quatre hommes armés de pistolets ou de pistolets mitrailleurs et souvent d'une bombe. Chacun opérant dans sa zone, souvent sous le nez des patrouilles. Dans la rue principale d'Hussein-Dey, une "traction avant" double une patrouille, s'arrête à cent mètres à une station-service. Un jeune maghrébin est tué, la voiture s'enfuit. Le lendemain : même scénario. Un autre jeune est tué dans les mêmes conditions. Le tireur de la J 12,7 du scout-car fait feu en l'air. Les mêmes scènes se reproduisent partout. Un Européen assez âgé et sa femme sortent de leur jardin. Une voiture passe, ils sont tués tous les deux. La patrouille est à quelques mètres, les véhicules barrent la route: quatre Algériens sortent et tirent en s'enfuyant. Ils sont abattus. C'est un incident grave ."

" Le 20 mai, l'OR du secteur communique au Chef de Bataillon une information très grave: vers l'Oued Ouchaïa, au lieu dit Haouch Adda, des Européens seraient torturés. Une opération de ratissage est décidée pour le lendemain. Tout Alger ne parle que d'enlèvements, ce qui explique peut-être que l'officier ait décidé d'agir aussitôt. En outre, la zone n'est pas censée être un lieu d'implantation FLN, ce n'est pas un sanctuaire. Là-dessus, le 21 mai au matin, on apprend un nouveau rapt: 6 Européens ont été enlevés à Belcourt dont le directeur du Monoprix, Monsieur M. Dans ce cas, les forces armées doivent lancer l'alerte "Chicago", (voir le livre de Vitalis Cros, Le Temps de la Violence, pages 66 et 67), qui consiste à barrer les principaux axes, fouiller les véhicules et contrôler les personnes. Les armes ne doivent pas être utilisées, ou seulement en cas de légitime défense. Or précisément, en arrivant à la ferme Finé, les militaires français sont accrochés par des Algériens armés. Une fusillade s'ensuit. Il est 14 heures lorsque la 6ème compagnie investit la place. Elle arrête trois musulmans et libère deux Européens enlevés. Ceux-ci ont été torturés et indiquent que plusieurs de leurs compagnons de détention ont déjà été assassinés. Les soldats découvrent dans les vignes alentour un charnier contenant huit corps mutilés. Certains cadavres ont été recouverts de chaux vive pour rendre l'identification impossible. Le 22 mai, un nouveau charnier contenant six cadavres, dont celui du directeur du Monoprix, est découvert dans le même secteur. "

Le général Rolet indique qu'une semaine plus tard, le 28 mai, huit nouveaux cadavres seront déterrés à la décharge publique pas très loin de la ferme Finé. Le total des morts retrouvés s'élève donc à 22 pour cet endroit. La presse publie ces informations et la capitale est figée d'effroi. Les pieds-noirs savent maintenant le sort qui guette les personnes enlevées. Mais le scandale a d'autres implications: il apparaît clairement à tout un chacun que les Accords d'Evian sont très sérieusement malmenés du côté algérien. Le cessez-le-feu lui-même est rompu puisque la 6ème compagnie du 2/23 RIMA a été accueillie par des tirs. Du côté du commandement militaire, l'embarras est perceptible car la découverte de ces charniers montre que des citoyens français sont assassinés. A une OAS en perte de vitesse, ceci peut donner un nouvel élan; un surcroît d'attentats est prévisible.

La réaction des autorités françaises sera troublante: le général Rolet écrit qu'une fois son rapport transmis, il reçut l'ordre, qui le déconcerta, de quitter le secteur dans les vingt-quatre heures. C'est le 2/117e R.I. qui relèvera son bataillon. Les officiers furent consignés jusqu'au 6 août, la formation fut dissoute à Sissonne, le 31 du même mois. Voulait-on empêcher que ne soient connus certains aspects de cette affaire? Le rapport du Chef de bataillon qui en reprenait tous les éléments avait un côté très inopportun politiquement. Le général Rolet ne le comprendra qu'après coup: "La mesure", écrit-il dans une lettre qui nous a été communiquée, "n'était pas disciplinaire, j'en ai eu la preuve, mais le rapport que j'ai envoyé était explosif je l'ignorais" Indiquons d'ailleurs que les archives du Service Historique de l'Armée de terre confirment le contenu de son texte, devenu évidemment moins fracassant aujourd'hui. Dans un procès-verbal de gendarmerie rédigé à la Brigade de Maison Carrée, et transmis à la R. T. et au Corps d'Armée d'Alger le 30 mai, on peut lire qu'il ressort de l'interrogatoire des musulmans faits prisonniers à l'Haouch Adda, qu'ils recevaient leurs ordres de commissaires politiques du FLN. L'un d'eux aurait été identifié sur photographie tant par les trois Algériens arrêtés que par les deux Européens libérés.

Les comptes-rendus militaires signalent que la ferme Finé avait été transformée en centre de détention et de torture, mais aussi en entrepôt pour du matériel ménager flambant neuf. Il s'agissait du produit de différents pillages opérés dans la zone portuaire et dans divers secteurs industriels. Il se confirmait ainsi que l'activité politique et "militante" de certains groupes allait de pair avec le trafic et le banditisme.

Monneret, " la phase finale de la guerre d'algérie ", l'harmattan, ISBN2-7475-0043-8

Le FLN relâche le commissaire Robin et quatre autres français enlevés il y a quelques jours.

Des tirs de mortier sont effectués sur le quartier arabe d'Oran, faisant 12 morts.

Robert HARO. "Je me souviens de ce début d'après-midi (mars ou avril 1962) où Robert Haro fut tué par les gardes rouges. La rue de Mostaganem était prise en enfilade par les chars d'assaut des gardes rouges qui tiraient sur tout ce qui bougeait dans cette rue. D'une maison située rue de l'Alma, j'ai vu un petit commando de l'OAS sortir armé, dans lequel j'ai reconnu Robert Haro (que je connaissais du club de foot "Rail Club Oranais" où il jouait comme gardien de but en équipe première). Le commando était sur la rue de Mostaganem et voulait se diriger vers les chars des gardes rouges. Quelques instants après, j'ai vu le commando revenir en courant à son point de départ, en transportant Robert Haro qui avait été atteint d'une rafale de 12/7. Robert a été immédiatement transporté à la clinique Cougnot mais est décédé quelques heures après.

Je me trouvais par hasard à la rue de l'Alma car le bus que j'avais pris pour me rendre à mon travail, avenue Gal Leclerc, avait été obligé de s'arrêter à hauteur du pont Saint-Charles à cause du barrage des gardes rouges; j'avais emprunté la rue de l'Alma pour rejoindre l'avenue Gal Leclerc. Ce n'est que le lendemain que j'ai appris la mort de Robert Haro".

Jean-Paul Samson "La rue de l'Alma me rappelle un mauvais souvenir. Un copain, Robert HARO, a été tué, au coin de la rue de l'Alma et de la rue de Mostaganem, par une balle de 12/7 dans le dos tirée par les gardes rouges. Un garçon tombé pour l'Algérie française".

Jacques de Saint-Pierre Robert Haro, tué par les forces de l'ordre, à Oran, rue de l'Alma, le 21 mai 1962. Il avait 25 ans. Pendant longtemps une plaque de marbre toujours fleurie, a rappelé son sacrifice, avec cette inscription:

Robert HARO soldat OAS

Mort pour que vive l'Algérie française

Le 21 mai 1962

 

22 Mai 1.962:

 27 morts et 21 blessés, Découverte de sept nouveaux corps, horriblement mutilés à Hussein Dey, on identifie parmi eux des personnes enlevées ces derniers jours. Nouveaux enlèvements, plastics.

A Tipasa un gérant de ferme et un cultivateur enlevés.

A Marseille, les pouvoirs publics sont débordés par l'arrivée massive des réfugiés d'algérie.

 Jean Brune raconte:

Quelque part près de Géryville, à l'orée du désert, les onze hommes d'un groupe d'autodéfense ont été égorgés le soir même de la remise des armes aux soldats français. Les victimes ont été allongées côte à côte, au pied du mât où l'on envoyait les couleurs quand les colonels et les généraux- tintins venaient passer en revue les volontaires. Ainsi les égorgés prolongent-ils dans la mort cette parade qui leur a pris la vie. Les égorgeurs ont défendu que l'on touchât aux cadavres. Alignés épaule contre épaule, la tête renversée laissant béante l'immonde mutilation de la gorge, les morts ont l'air figé dans un ultime "garde-à-vous". La nouvelle du massacre est parvenue à quelque rond-de-cuir d'Etat-Major. Il a délégué un capitaine sur les lieux du forfait. Quand le capitaine arrive au village de boue séchée, les femmes ont déjà éteint tous les feux, selon la coutume, arrêté les pendules, déposé un bol de couscous près de chaque cadavre, appelé trois fois chaque mort par son nom et allumé onze bougies qui, piquées dans le sol, vacillent au soleil sous les souffles du sud qui sentent l'alfa. Les femmes ont vu de loin l'écharpe de poussière que traîne sur la steppe la Jeep du visiteur. Elles se sont groupées instinctivement à la tête des morts, immobiles comme les répliques vivantes des gisants égorgés.

Elles savent que ce véhicule qui vient, c'est le char de la mort. Elles l'attendent comme des louves. Lorsque le capitaine arrive, elles le laissent mettre pied à terre, puis elles se précipitent. Elles déchirent sa tenue au bout de leurs ongles et elles le couvrent de crachats. L'officier remonte difficilement dans sa voiture. Les femmes le lapident. Il parvient à rompre l'encerclement, à partir, halant derrière lui un sillage d'injures. Un mot tinte à ses oreilles. On l'a appelé "Iblis" le diable... le démon. Dans la bousculade, les bougies se sont éteintes. Les égorgés sont morts deux fois; l'une de la main des bourreaux, l'autre de l'affront infligé par cette visite du véritable coupable: celui qui a tué avec la promesse empoisonnée des mots.

 Jean Brune, " interdit aux chiens et aux français " éditions Atlantis.

A Paris, Christian Fouchet rencontre De gaulle il lui parle des rencontres Susini Farés, et propose de relncer ces discussions en s'appuyant sur le maire d'Alger, Chevallier. Le général ne dit rien, il fronce les sourcils, Fouchet en déduit qu'il est d'accord pour essayer. Chevallier (qui s'est refugié à Paris) accepte.

 

 23 Mai 1.962:

38 morts, 53 blessés, enlèvements, plastics.

Deux européens enlevés sont libérés par le F.L.N.

Deux européens réalisent un hold up sur la poste d'El Biar.

Une patrouille de garde mobile attaquée.

Le F.L.N. attaque une patrouille militaire à Oran, les militaires ripostent, 7 morts.

Le préfecture de Saïda est détruite par une violente explosion.

A Valmy, petit village proche d'Oran où rien ne s'était passé , mais un meurtre en Octobre 61, un jeune lycéen de 18 ans est enlevé et disparaît à jamais. Tous les habitants comprennent que le fameux slogan "la valise ou le cercueil" est serieux et se résignent à l'exil.

 Le Comité des affaires algériennes du jour aborde le problème des enlèvements, Tricot annonce que Azzedine va les publiquement désavouer ce jour même, Azzedine n'en fait bien entendu rien. (voir ci-dessous)

Verdict à Paris du procès Salan, il déclare "je revendique ma responsabilité comme chef de l'O.A.S." et "le général de Gaulle a remis l'algérie au F.L.N., sa parole a été reniée". Parmi les témoins, la veuve d'Albert Camus rappelle l'engagement de son mari et déplore l'incompréhension de la métropole, Juin, Massu, la veuve de Leclerc et celle de de Lattre témoignent en sa faveur. Quelques officiers ont accepté de témoigner en sa faveur, l'amiral Ploix indique que Messmer, ministre des armées lui a interdit, comme à tous les militaires, de témoigner. Le général Pouilly, qui a refusé de suivre Challe puis Salan indique que "leur crime est peut-être moins grave que le nôtre". L'ancien président de la république, René Coty vient repeter ce qu'il disait en 1957: "Comment la France peut-elle, sans se deshonorer, livrer l'Algérie aux égorgeurs? (...) je le pense encore".

Les deputés d'algérie viennent témoigner en nombre.

Les avocats rappellent que Salan a été victime d'un attentat monté par Debré car il était jugé trop républicain. "Cela vous a beaucoup servi" lui dira bien plus tard un des juges, Valery-Rabaud.Le verdict n'est pas la mort, De gaulle est furieux et dissout sa haute cour de justice spécialement crée pour l'occasion. Il avait mis Jouhaud en attente de fusillade le lendemain de l'arrestation de Salan, soit pour adjoindre Salan à la fête soit (plutôt) pour faire fusiller le chef et se donner les gants de gracier le sous chef, de surcroît pied noir (à l'époque c'était pas considéré comme aujourd'hui une situation aggravante d'être pied noir, au contraire).

Sous le choc de la non condamnation à mort de Salan, il décide de faire fusiller Jouhaud. Il se heurte à de nombreuses oppositions, du général Partiot qui refuse de désigner le peloton (il sera cassé de l'armée pour mauvais esprit) à des ministres (Giscard, Pisani, Sudreau, Foyer, garde des sceaux,) et même Pompidou qui met sa démission dans la balance. De gaulle n'a pour appui dans cette exécution que Michelet, ce saint laïque, qui avait déjà lors du procès exigé la peine de mort. Il remet l'affaire à plus tard, il se vengera sur Piegts et Dovecar.

 

Le 23 mai 1962, Maître Jean-louis Tixier-Vignancour prononçait une plaidoirie de deux heures devenue historique. En effet, contre toute attente, il parvenait à éviter au général Salan la peine capitale, pourtant ouvertement souhaitée par le chef de l'Etat. A l'Elysée, quand le général De Gaulle apprit le verdict, il ne cacha pas sa colère. On dit même qu'il brisa de ses mains deux objets du mobilier national. Le lendemain, un décret présidentiel prononçait la dissolution du tribunal militaire. Plutôt qu'une plaidoirie de rupture, Me Tixier-Vignancour avait choisi de plaider les circonstances atténuantes.

Morceaux choisis.

 

C'étaient donc les Français d'Algérie, ces officiers, ces musulmans fidèles qui formaient la petite troupe de fidélité, qui se laissaient emporter ici et là à des actes d'autant plus incendiaires qu'ils avaient moins d'effet. Tout cela n'était pas bien méchant et nous en serons d'accord, puisque c'est M. Morin qui le dit.

J'affirme qu'à partir de ce moment, traiter de manière bestiale des gens qu'on arrête, que l'on déporte. ..Mais, Messieurs, s'il ne s'agissait pas de Français d'Algérie, imaginez un instant ce qu'aurait dit la conscience universelle. Il s'agirait de la personne humaine, avec ses spécialistes, ses commissions internationales de juristes, avec ses organes également tout à fait spécialisés pour traîner l'armée française dans la boue et qualifier la Légion de je ne sais plus quoi. Peut-être de troupes étrangères.

C'est bien simple. Nous aurions assisté à un scandale tel que les colonnes du temple s'en seraient ébranlées. Il ne fallait pour cela qu'une chose, c'est que les victimes fussent des fellaghas ou des Portugais; auquel cas nous aurions eu droit à ce concert. Mais il s'agissait de Français d'Algérie ; cela n'intéresse absolument personne dans les arcanes de la conscience universelle. Ce qui nous amène à penser, et c'est tout de même important, qu'il y a des gens qui font monnaie de la personne humaine, et qui ne s'occupent de la personne humaine que quand celle-ci intéresse leurs opinions politiques. Et c'est là, Messieurs, voyez-vous la constatation la plus triste et la plus lugubre qu'en effet, nous puissions faire. Ils n'ont même pas de pudeur. J'aurais été à la place de la Ligue des droits de l'homme j'aurais fait quelque chose, oh! avec des réserves bien sûr; j'aurai dit: ce n'est pas pour ces saligauds; mais il y a cette vieille femme morte, il y a tout de même ce camp de Djorf. Et à la place de la Ligue des droits de l'homme, j'aurais émis une protestation timide; je l'aurais fait, excusez-moi cette expression lamentable et vulgaire, mais vraie, pour la galerie; je l'aurais fait quand même. Mais la Ligue des droits de l'homme n'a même pas cette pudeur, cela ne l'intéresse pas. Elle est même contente. "Une balle, cela vaut mieux qu'un rapatriement."

C'est un responsable en Algérie qui l'a dit. C'est bon et cela prépare des lendemains qui chantent.( ...) Aucune jolie guerre, aucune jolie révolution! Alors là nous sommes bien partis. Aux morts vont s'opposer les morts; aux plastiquages vont s'opposer les plastiquages, aux blessés vont s'opposer les blessés. Il y aura d'ailleurs des blessés de diverses catégories. Parce qu'il y a des blessés qui ont droit aux cinq colonnes à la une, à la télévision. Et puis il y a les deux petits Garcia, cette petite fille et ce petit garçon le crâne fracassé contre les pavés de la rue. pour eux, pas de cinq colonnes à la une; ce n'est pas intéressant. Si je le rappelle, c'est parce qu'on rend, parce qu'on va rendre justice ici, et qu'il faut vraiment que sur les violences nous ayons tout dit. ( ...) Le général De Gaulle a gagné. L'indépendance de l'Algérie sera proclamée le 1 er juillet. Il lui aura donc fallu quatre ans et un mois. La route a été longue, elle a été rude pour mais par sa ténacité, par sa volonté exceptionnelle, il est parvenu à écarter tous les obstacles. Evidemment, sur la route ainsi parcourue, il y a beaucoup de carcasses d'automobiles éventrées et d'hommes tués car on n'atteint pas un but aussi important sans que véritablement, Messieurs, les ruines soient immenses.

Il y est parvenu. Les conséquences de cette politique, bonnes ou mauvaises, seront appréciées plus tard; Pour les conséquences immédiates, si l'on est honnête, il faut établir deux colonnes. Il y a l'actif, très important, le plus important, c'est l'indépendance de l'Algérie. Mais, de bonne foi, si l'on est partisan de cette politique bien entendu, il faut avoir le courage d'accepter le passif comme l'actif; Et vous ne pouvez pas négliger ce passif des conséquences immédiates. Cela, Messieurs, ce n'est pas possible et ce serait d'ailleurs absolument contraire à toute logique et à tout bon sens.

 Le général Salan s'est opposé à cette politique pour les raisons que je vous ai dites et sur lesquelles je ne reviendrai pas car je ne veux pas céder à la tentation de me répéter. Il a pris position contre cette politique. Mais il faut attendre le jugement des années 1968 ou 1970 pour nous dire si le résultat est bénéfique et si finalement cette politique était bonne.

Comment voulez-vous prononcer aujourd'hui une condamnation capitale contre le général Salan alors que celui qui était hostile à cette politique peut constater, avec un peuple entier, les conséquences immédiates ? ( ...)

Car ces conséquences immédiates c'est d'abord une population affamée. Et cela on n'en parle jamais. Mais c'est une population affamée. Pourquoi? Parce que, très justement, le gouvernement dans la crainte d'un putsch ou d'une sécession de mauvais aloi, c'est-à-dire tendant à maintenir l'Algérie dans la République, le Gouvernement avait réduit les stocks alimentaires à quinze jours. C'était une mesure dictée par la raison d'Etat et il n'y a à ce sujet qu'à s'incliner. (...) Enfin, Messieurs, c'est une population martyrisée. Il est difficile au milieu de ces martyrs d'ajouter un martyr de plus. Je croyais que le Pouvoir en avait assez, quand ce ne serait que les anciens combattants musulmans qui sont, vous le savez, vous connaissez l'Algérie, la cible préférée des jeunes FLN qui, après avoir demandé des services à la section locale, prennent leurs galons de jeunes révolutionnaires en crachant sur ces vieux soldats, ou comme à Mostaganem en les faisant cracher eux-mêmes sur leur médaille militaire.

C'est généreux, la France. Et ces officiers français musulmans passés à la chaux vive ou cuits dans des chaudrons comme à Saïda? Et le président Tardieu qui venait nous dire cette humiliation effroyable qu'il avait ressentie en voyant les vieux camarades médaillés militaires comme lui qui baissaient la tête au lieu de la redresser comme jadis avec tant de foi et de confiance.

Puis, Messieurs, c'est une population en état d'exode. Et avons-nous bien réfléchi qu'hélas dans notre existence nous avons déjà assisté à un exode sur les routes de France, en 1940? Et le Haut Tribunal militaire voudrait-il penser que les femmes, les enfants, les vieillards qui s'entassent actuellement sur le port d'Alger, sur les aérodromes d'Algérie, alors qu'on avait réduit d'un cinquième les moyens de transport et qui vivent là-bas dans un état de dénuement atroce, ces gens-là revivent les heures de 1940.

Mais non, en 1940 ceux qui participaient à l'exode avaient l'espoir, après la tourmente, de regagner leur domicile. L'exode de 1962 c'est l'exode tout court, ce sont des gens qui justement partent pour ne plus jamais revoir ce qui faisait, avec le cadre de leur vie, le bonheur de leur existence. ( ...)

Il n'est pas possible, Messieurs, d'agir autrement. Or quand vous vous rappelez les conditions de l'engagement du général De gaulle, quand vous vous remémorez le caractère incroyable des conditions dans lesquelles le choix a été prononcé, quand votre mémoire fidèle vous tient présents la sensibilité de son coeur et le patriotisme de son état, alors vous ne pouvez, Messieurs, que vous dire que cet homme à un moment de sa vie s'est identifié à une province et à une province malheureuse. (...)

Plus tard quand nous aurons prononcé tous notre nunc dimiffis, plus tard lorsque les passions comme les opinions seront ensevelies dans la poussière des générations, quand l'injure et la louange ne retentiront plus dans le coeur des hommes neufs de ce temps, alors la postérité se lèvera pour juger et comme toujours, elle jugera d'abord les juges, ceux qui ont rendu un jugement en période de drame de la Nation, ceux qui ont versé ou n'ont pas versé le sang des frères sur le pavé comme un verglas trop dur, ceux qu'on fusille ou qu'on ne fusille pas aux fossés des villes, ceux qui ont conservé de l'indulgence pour les mérites illustres et pitié pour les chutes.

Dans votre réquisitoire, Monsieur l'Avocat général, vous avez, un moment, été trop loin. Vous avez affirmé, par souci littéraire, je l'espère, que, la peine capitale que vous réclamiez de ce Tribunal prononcée, nul n'essuierait les larmes du condamné au Tribunal de Dieu.

Vous ne pouviez point le dire et pas davantage invoquer les morts des guerres. Ce n'est pas possible. Je vous en réponds en adjurant le Tribunal de m'entendre. Depuis que j'assiste en cette salle d'audience le général Salan, jour et nuit, j'entends monter des grandes nécropoles militaires, des petits cimetières de ce qui fut le front, de Lorette, de Douaumont, de Cassino, de Mulhouse, ou de Cao- Bang. ..j'entends monter l'innombrable oraison de ceux qui ne sont plus mais qui ne sont plus parce qu'ils ont tout donné à la Patrie. Ceux-là qui savent sont aux côtés de celui qui pendant des années fut leur camarade avant d'être leur chef, ceux-là savent, Monsieur le Procureur général, le prix du sang et certains sont couchés auprès de leur fils pour avoir une double fois accompli l'ouvrage et avoir refusé d'amener le drapeau. Ils ne peuvent pas comprendre, eux, les méandres dans lesquels nous nous trouvons. Et alors, ils prient dans la communion des héros et des martyrs de notre patrie pour qu'un jugement n'ajoute pas à l'ensemble des malheurs le malheur qui dure plus que les autres.

Vous avez parlé, Monsieur l'Avocat général, et vous ne le pouviez point, du Tribunal de Dieu. Nous sommes devant le Tribunal des hommes et aujourd'hui, dans ce mois qui est consacré à la Mère de tous les hommes, je dis au Haut Tribunal militaire qu'il ne faut pas jeter une ombre de deuil dans le printemps de Marie, qu'il ne faut pas placer dans l'avenir qui est devant nous le germe fondamental d'une discorde éternelle.

Vous avez, Messieurs, ce soir, entre vos mains, le moyen d'accomplir un geste pour que se réalise, au bout de la nuit, la fragile et difficile unité des vivants.

 

M. LE PRÉSIDENT. - Accusé, levez-vous. Avez-vous quelque chose à ajouter pour votre défense?

M. SALAN. - Je n'ouvrirai la bouche, Monsieur le Président que pour crier "Vive la France". Et me tournant vers M. l'Avocat général je dis simplement ceci: Que Dieu me garde! ...

 

 

Dans le figaro, Chauvel écrit un long article qui aura un certain retentissement, sur le sort des harkis du commando George. Chauvel n'avait pas envie de venir à Saïda il a fallut l'insistance de Wormster. Dans cet article on apprend que les chefs du commando, officiers de l'armée française ont été sadiquement torturés et sont morts. Que seulement 16 ont été sauvés, dont le chef, Youssef. Lors de la réunion du comité des affaires algériennes du 23 Mai, on attend la déclaration du FLN désavouant les enlèvements (il y en a eu 63 à Alger seulement la semaine précédente). La déclaration était promise, mais rien ne vient., le gouvernement met son mouchoir par dessus et ne dit rien, son seul souci consistait à donner l'impression aux métropolitains que les accords étaient bons et que tous les troubles venaient de l'O.A.S.

 Monneret: " La question des enlèvements fut abordée au Comité des Affaires Algériennes du 23 mai 1962. La vague atteignait alors un sommet. Les autorités françaises disposaient de renseignements extrêmement solides sur ce grave problème. Après la lettre du général de Menditte et celle du Préfet de Police Vitalis Cros, il y avait peu de doutes à avoir sur l'implication du FLN et sur l'ampleur du phénomène. Elles étaient largement attestées par des centaines de fiches du 2ème Bureau. A cette réunion, le Haut Commissaire Christian Fouchet indiqua qu'il attendait du GPRA un désaveu des enlèvements, pour le soir même. (Cette attente fut déçue). Il envisageait, à défaut, de faire arrêter Si Azzedine. Le premier ministre Georges Pompidou aurait conseillé la prudence en ce domaine. Il suggéra de laisser intervenir des Algériens musulmans. Au total, la position adoptée par les responsables français fut des plus circonspectes. Elle n'alla pas au delà de l'invite faite à Abderahmane Farès, Président de l'Exécutif Provisoire de demander à Si Azzedine d'interrompre son action. A aucun moment, l'autorité française n'envisagea d'utiliser ses forces armées et de pénétrer dans les sanctuaires des nationalistes pour briser le système des enlèvements.

Evidemment, une telle initiative eût été interprétée, du côté du FLN, comme une reprise des opérations offensives. Elle pouvait rallumer une guerre d'Algérie que l'on avait eu bien du mal à arrêter. Il est vrai aussi que la lutte contre les kidnappings était essentiellement un travail de police. Or, M. Bernard Tricot nous a fait remarquer lors d'un entretien, qu'à cette époque, en Algérie, les policiers avaient cessé de former un instrument efficace pour le pouvoir. La police était désorganisée et elle échappait à l'autorité. Selon le Conseiller d'Etat, les forces armées ne pouvaient pas, facilement du moins, se substituer à elle. Cette objection ne nous paraît pas cependant entièrement fondée. Il faudrait admettre en effet que l'Armée en soit arrivée à un stade où elle aurait été inutilisable.

En fait, pendant toute la période qui va du 19 mars à l'indépendance (proclamée le 2 juillet) l'activité du gouvernement français s'est ordonnée autour d'un impératif intangible: priorité à la lutte contre l'O.A.S. et la tenue du référendum dans les meilleurs délais. Ce furent les deux axes de la politique officielle, le reste étant tenu pour moins important. A cet égard, le déclenchement d'une vague d'enlèvements était un élément, selon toutes apparences imprévu, qui venait perturber le scénario. Perturber est cependant un mot faible car, à partir du 17 avril, c'est une violation ouverte des Accords qui fut perpétrée. Tout se passait comme si la propagande du FLN qui ne manquait pas une occasion de déplorer que le gouvernement français ne luttât pas assez énergiquement contre l'O.A.S. était prise au pied de la lettre par ses militants. Autrement dit, une partie de l'organisation nationaliste agissait comme si elle avait décidé de mener sa propre lutte contre l'Armée Secrète, et, à sa manière. Le problème ainsi posé était de taille: le cessez-le-feu n'était pas stricto sensu bafoué, puisque précisément, il n'y avait pas d'ouverture du feu et puisque l'Armée française n'était pas visée. Néanmoins, des citoyens français, par centaines, étaient touchés, au mépris des droits de la personne et de l'esprit des Accords.

Les raisons qui auraient pu inciter la partie française à réagir étaient multiples et aucunement négligeables :

1) En agissant comme il le faisait à Alger et à Oran, le FLN ajoutait au désordre et amplifiait la guerre civile qui secouait l'Algérie. Il fallait donc qu'il cessât d'intervenir pour laisser à l'autorité française en charge du maintien de l'ordre, le soin de mener la lutte contre l'O.A.S., lutte qui commençait à être couronnée de succès.

2) Le gouvernement français était comptable de la sécurité et de la vie de ses citoyens.

3) Le FLN, ou une partie du FLN, continuait à pratiquer le terrorisme, malgré les Accords. Ce faisant, il se plaçait dans la continuité de ses agissements antérieurs, il n'était pas devenu un parti de gouvernement.

4) L'architecture même des Accords d'Evian, comme l'esprit de la coopération entre la France et la future Algérie étaient compromis et laissaient mal augurer de l'avenir .

Nous ne devons pas perdre de vue que l'activité du FLN avait sans doute, initialement, un objectif limité, celui de lutter contre l'O.A.S. Nous avons montré au chapitre precedent la déviation et même la dérive qui, très vite avait caractérisé les enlèvements. Que le gangstérisme soit venu altérer la tactique mise au point est un fait établi. Toutefois, la responsabilité des nationalistes dans ce drame aux conséquences multiformes demeure. Responsabilité morale d'abord, puisque le FLN a choisi de recourir à cette pratique, et que le GPRA ne l'a pas vraiment désavouée ensuite; son président Ben Khedda se contentant d'une phrase indirecte et sans portée. La responsabilité du FLN étant avérée, le gouvernement français aurait dû, en bonne logique, condamner ceux qui, après avoir signé ces Accords agissaient dans un esprit opposé. En fait, Paris était dans une position difficile: d'un côté, il y avait l'exigence de suivre la voie tracée à Evian et donc d'interrompre les opérations contre le FLN, de l'autre, celle de rejeter la transgression cynique que représentaient les enlèvements. Demeurer fidèle à l'esprit d'Evian rendait nécessaire de concilier ces deux obligations, or, elles étaient largement contradictoires. En plaçant le gouvernement devant un tel choix, le FLN ne lui avait-il pas tendu un piège ? En affirmant vouloir suivre les Accords et en maintenant le principe du "dégagement", la France se retrouvait condamnée à une position inconfortable. L'alternative était de reprendre l'offensive au risque de faire le jeu de l'O.A.S., ou bien de minimiser l'importance des rapts. C'est cette seconde voie qui fut choisie.

En effet, sans aller jusqu'à la rupture, la partie française pouvait lancer une mise ne garde solennelle. Elle préféra se maintenir dans un registre de discrétion extrême, ce qu'illustre parfaitement la rencontre le 11 mai 1962 en Suisse, de Louis Joxe avec Saad Dahlab déjà évoquée. En acceptant de déclarer, du bout des lèvres - l'expression paraît s'imposer -, qu'il ne fallait pas procéder à des actions aveugles, le délégué FLN n'allait pas très loin et le problème demeura entier. Il avait refusé de désavouer la pratique elle-même, pour ne critiquer que l'excès. La rencontre fut à peine annoncée, elle ne fut accompagnée que de déclarations très réservées et elle n'eut aucune répercussion. Quant à la démarche française consistant à faire appel à l'autorité théoriquement en charge de l'ordre, à savoir l'Exécutif Provisoire, elle n'avait qu'une portée limitée, voire toute symbolique, en raison de la faiblesse des moyens dont disposait Farès, son Président. Au total et en définitive, il se passa ce qui devait se passer ensuite chaque fois que les Algériens violeraient les Accords, le gouvernement français choisit de faire le gros dos."

Monneret, "la phase finale de la guerre d'algérie", l'harmattan, ISBN2-7475-0043-8

 

24 Mai 1.962:

32 morts, 17 blessés, plastics, enlèvements.

5000 personnes attendent un éventuel avion près de l'aéroport d'Alger. L'OAS ayant interdit les départs, un de ses commandos menace les partants en tirant dans le mur derrière lequel ils attendaient un avion à La Sénia, l'aéroport d'Oran, et avertissent que la prochaine fois ils tireront dans le tas. Les européens continuent quand même à partir, s'il le peuvent. (s'ils ont assez d'argent pour payer le voyage).

 De gaulle cause à Peyrefitte : "la France ne devra plus avoir d'autorité. Si les gens s'entremassacrent, ce sera l'affaire des nouvelles autorités "...

Dans les plus hautes sphères de l'Etat la situation semble vue avec beaucoup de recul. Au Conseil des Ministres du 24 mai, Robert Boulin affirme que les journaux qui parlent d'un flot de réfugiés lamentables, de miséreux et de sans-abri, ne disent pas la vérité: "Rien de tout cela n'est vrai", affirme-t-il. Et il ajoute: "Tout serait normal si l'O.A.S. ne sabotait pas". Se peut-il que le Ministre des Rapatriés n'ait pas entendu parler des enlèvements (320 pour l'Algérois, 219 pour l'Oranie) et des occupations d'appartements en plein développement?

Dans ce même conseil des ministres De gaulle décide de supprimer son haut tribunal militaire pas assez obéissant, qui vient d'épargner Salan et crée une Cour Martiale, supposée plus docile.

Un article du Figaro évoque modestement le sort des harkis. A coté, (suivant la technique du figaro, le noir et le blanc côte à côte, tout le monde doit trouver son opinion), un autre article explique que le gouvernement a raison de laisser les harkis en algérie car ils pourraient être utilisés par l'O.A.S. en métropole.

Le même soir, le Monde, toujours à la pointe de l'information, indique que seuls quelques centaines de harkis ont été égorgés, et que donc l'affaire est insignifiante.

 

  25 Mai 1.962:

 38 morts, 18 blessés, enlèvements, plastics.

 Encore 19 cadavres dans les charniers d'Hussein Dey.

Le général de Bellenet, commandant de la zone centre Oran, est blessé à Perregaux lors d'un attentat.

A Sidi-bel-Abbés, neuf attentats font 18 morts et 3 blessés.

 Ce jour s'ouvre à Tripoli la réunion du C.N.R.A. ce qui ressemble le plus au pouvoir suprême du F.L.N. Il s'agit d'examiner les accords d'Evian et la suite des opérations. Le CNRA est traversé de courants contradictoires, berbères (Belkacem, Aït Ahmed) et Arabes (Ben Bella, fraîchement libéré, Boumedienne), armée de l'intérieur (les chefs de willaya) contre armée extérieure accusée d'échec , marxistes version Ben Khedda et modérés version Ferrât Abbas. Les choses sont assez envenimées pour qu'un attentat contre Ben Bella échoue de justesse. (d'après Harbi)

Très vite tous s'uniront contre le GPRA et Ben Khedda, accusés d'avoir trahi la révolution en signant les accords d'Evian. Ben Khedda a comme seul appui une partie des willayas dont la riche, influente willaya de France. Cependant pour ne pas "aider l'O.A.S." les résolutions du programme de Tripoli ne seront pas rendues public. Ce qui sauve la face du gouvernement français, les accords d'évian y étant rejetés purement et simplement. Ce que le gouvernement ne tardera pas à savoir, mais bon, tant qu'il est le seul à le savoir, ça va.

 

26 Mai 1.962:

35 morts, 31 blessés, enlèvements, plastics.

De gaulle supprime le Haut tribunal militaire qu'il avait créé en Avril 61, et le remplace par une Cour Militaire de Justice, car le haut tribunal militaire n'a pas condamné Salan à mort.

De gaulle souhaite faire exécuter Jouhaud, le garde des sceaux Foyer, pour éviter ce nouveau scandale trouve un bais juridique et soumet le jugement à la cour de cassation. (appuyé par Pompidou, il met aussi sa démission dans la balance).

 Le rocher noir annonce que 40 commissions de cessez le feu ont été mises en place, entre F.L.N. et troupes françaises.

Une voiture piégée explose devant la chambre de commerce, 4 tués dont un européen.

Une jeune femme enlevée quelques jours auparavant est libérée par le F.L.N., elle est brisée, ayant été violée pendant plusieurs jours par des sadiques déchaînés.

Les instituteurs de l'Oranais, consultés par leur ministère, demandent massivement leur mutation en métropole.

L'O.A.S. poursuit sa politique de terre brûlée, 18 écoles plastiquées.

" Les rafles continuent mais on s'y laisse moins prendre. Hier soir à 21 heures, place des Victoires, (au centre d'Oran) beaucoup de monde prend le frais. Tout à coup, un signal est donné à l'arrivée de plusieurs camions de gendarmes. Course de vitesse immédiate, les rideaux métalliques des magasins et toutes les portes se ferment d'un seul mouvement dès que le dernier badaud a franchi le seuil. Les camions hésitent, mais ne s'arrêtent même pas .

Rares sont les gens qui n'ont pas eu d'histoire avec les gendarmes. Chacun, plus ou moins, a reçu des coups, est resté une demi-journée un bras accroché par une menotte au plafond d'un camion, a gardé quelques heures un canon de revolver enfoncé dans le cou, ou encore a eu son magasin saccagé au cours d'une fouille nocturne, ou son domicile pendant une fouille diurne, ou a été détenu un ou plusieurs jours, etc. On est très heureux d'être vivant et quand, de plus, on est libre, quel comble! De quoi se plaindrait-on!

Michel de Laparre "Journal d'un prêtre en algérie"

Chevallier joue à Alger les bons offices, il rencontre Fouchet, Susini, Farés et Mostefaï (le representant du FLN dans l'executif provisoire) Mostefaï n'est au courant de rien, Farés lui a caché le texte des accords signés avec Susini,. Mostefaï fait un communiqué repris par la presse et la radio, demandant la fin de ces discussions. Farés rentre sous terre, Susini est mis en cause par les chefs de l'OAS.

 A Tunis, le F.L.N. accuse l'armée française d'avoir brisé le cessez le feu et d'avoir arrêté un officier et tué huit de ses soldats.

 

 27 Mai 1.962:

22 morts, 5 blessés, enlèvements, exécutions de musulmans dans le bled.

4 morts à Alger, tous européens, plus deux enlèvements.

6 à Oran, 10 à Sidi-bel-Abbés, à la suite de heurts entre européens et musulmans. L'armée française a été obligée d'intervenir brutalement pour dégager des harkis en cours de lynchage.

Le gouvernement annonce que 14.000 prisonniers F.L.N. ont été libérés depuis les accords d'évian.

Les forces de l'ordre arrêtent 250 européens à Bab-el-oued.

La communauté israélite de Constantine décide de quitter l'algérie, pour l'essentiel ils gagnent la france.

A Paris, une ordonnance dissout le haut tribunal militaire.

Le Conseil National de la Révolution Algérienne, au grand complet compte tenu des libérations effectuées par les français se réunit en séance secrète à Tripoli. La réunion durera un mois où s'affronteront les clans, se nouerons et se dénouerons les alliances. Le CNRA est l'organe de commandement du parti, le FLN. Comme dans tout régime totalitaire, qui contrôle le parti contrôle l'état. Le fonctionnement du CNRA dépend de son bureau politique de 5 membres. L'ancien bureau comprenait Belkacem Krim, le bien nommé, représentant les kabyles, ben Khedda président du GPRA, ferrât Abbas, ancien président du GPRA, Ben Tobbal et Boussouf . Ben Khedda propose un bureau avec lui-même, Abbas (deux " modérés ") Ben Bella (que les médias ont rendu incontournable), Belkacem, et Boudiaf, un compagnon de détention de Ben Bella, un des chefs historiques. Ben Bella propose lui-même, Boudiaf, Aït Ahmed (un kabyle) deux de ses copains. Boudiaf et Aït Ahmed refusent. Le 6 juin, ben Khedda quitte la réunion, Ben Bella fait procéder à un procès verbal de carence qui sera ensuite la base de sa légitimité.

 

28 Mai 1.962:

22 morts, 25 blessés.

L'OAS souligne dans une émission pirate que le FLN doit discuter avec elle "si par malheur, un tel dialogue ne s'établissait pas, toute la communauté européenne abandonnerait l'algérie après avoir détruit tout ce qu'en 130 ans, elle a bâti au prix de son sang et de sa sueur. Alors, l'algérie sombrerait dans le chaos, et il n'y aurait plus d'avenir pour elle. "

C'est la menace de la "terre brûlée".

Batailles rangées à Oran entre O.A.S. et service d'ordre associé à la nouvelle force locale.

Les perquisitions se poursuivent à Oran, un européen tué à cette occasion.

Un ordre du délégué général Fouquet indique que s'il n'y a pas de limites au nombre de harkis évacués sur la métropole, ils doivent cependant être aptes à un reclassement. (c'est le début d'une série de circulaires de plus en plus restrictives, émises au fur et à mesure qu'il apparaît que les harkis sont condamnés à mort par le FLN).

La police arrête Georges Ras, journaliste à la voix du nord, qui après avoir donné la main au putsch a rejoint l'O.A.S. et y a animé les différents journaux et émissions télé et radio.

Le départ des chalutiers: Pour tous ceux qui en ont la possibilité, le départ avec leurs outils de travail constitue une appréciable facilité de réinstallation à leur arrivée sur l'autre rive. Pour beaucoup d'agriculteurs qui en sont exclus, il faudra se reconvertir dans le commerce ou l'artisanat. Par contre, les pêcheurs répartis sur les mille kilomètres de littoral, de Nemours à La Calle, mesurent immédiatement les possibilités ainsi que les dangers d'une traversée sur de petits chalutiers, non équipés pour une telle entreprise. Le départ avec leur navire leur apporte, en contrepartie, la disposition de moyens de gagner leur vie dès leur arrivée en France. D'autant plus qu'en raison de la mévente du poisson dans les villes et villages de l'intérieur, à Bou-Haroun, comme dans tous les autres ports du littoral, les chalutiers ne sortent plus depuis le mois d'avril. Epargné jusqu'au lundi de Pâques 1962, Bou-Haroun est à son tour le théâtre d'enlèvements et d'assassinats. Malgré les efforts désespérés des familles pour retrouver des êtres chers, c'est dans la dignité et le recueillement, sans manifestations emphatiques, que les deuils sont vécus et les souvenirs conservés.

Sur les chalutiers, la décision est prise, les filets, le matériel, les pièces détachées indispensables, seront embarqués. Les meubles, les souvenirs abandonnés au profit du fuel-oil et des lubrifiants pour les moteurs. De plus, les quatorze petits chalutiers du village ne sont pas équipés pour une longue traversée dans une mer aussi capricieuse que la Méditerranée. La navigation depuis Bou-Haroun se fera cap au nord vers Barcelone avec une escale intermédiaire dans une des îles des Baléares. Tous les ports du littoral se vident de leurs chalutiers; ceux d'Oran et de Béni-Saf sont des "popa-mona", reconnaissables à leur poupe arrondie. Certains naviguent de conserve par groupe de deux ou trois. D'autres suivent le sillage d'un cargo de la compagnie Schiaffino. Les îles d'Ibiza, Cabrera, Majorque et Minorque, voient arriver ces petits navires pour une courte escale de ravitaillement. Quelques fûts de fuel sont remplis. L'accueil est variable, la pratique de la langue espagnole facilite bien les contacts. A Barcelone où ils accostent pour se ravitailler, les équipages du Saint- Antoine et du Saint- Joseph, sont reçus "manu militari" par la police catalane qui les prend pour des terroristes. En escale à Barcelone, le commandant d'un navire de guerre français les ravitaille généreusement en eau, mazout et vivres.

Pour ces navires de l'exode, il faut très rapidement mouiller dans un port où ils pourront travailler. C'est ainsi que Port-Vendres, La Nouvelle, Sète, le Grau du Roi, Carry le Rouet, La Ciotat, voient sortir de la brume de petits chalutiers dont les équipages sont bien décidés à gagner leur vie en labourant la Méditerranée. Ce qui n'est pas très apprécié par les autochtones, dont la presse locale répercute des inquiétudes qui se révéleront, par la suite, infondées. [...]

Edgar Scotti.

Debré punit les officiers qui avaient organisé le départ de harkis en france écrivant entre autre que "ces officiers ne doivent pas considérer ces hommes comme leur propriété" et que "c'est aux autorités d'assurer la sauvegarde de ces harkis".

Le général Partiot refuse de désigner le peloton d'exécution de condamnés à mort O.A.S. et demande sa mise à la retraite anticipée.

Les arrivées massives de rapatriés continuent par tous les moyens de transport disponible, en particulier sur l'Espagne en bateau privé.

 

29 Mai 1.962:

 30 morts, 13 blessés, enlèvements, plastics, massacres de harkis.

Chevallier qui continue ses bons offices obtient de l'OAS et du FLN une tréve des attentats, et un rendez vous pour le premier juin.

 Découverte d'un charnier contenant 35 corps à la Bouzarea, près d'Alger, européens.

Récit du commandant T.: "C'est moi qui suis allé sur place. C'est moi qui ai trouvé les corps avec mes hommes. La veille un harki est venu me trouver. Il m'a dit: J'enterre des Européens depuis un mois. Je peux vous conduire à l'endroit où ils se trouvent. Comme j'étais à peu près sûr de mon coup, je n'ai demandé d'autorisation à personne. J'ai déboulé. Nous nous sommes présentés dans ce thalweg profond au dessus duquel il y avait une petite maison, de la verdure. Nous avons vu qu'il y avait des gens là. Le harki m'a dit: "c'est là, à côté de la maison". On est descendu à toute vitesse, nous avons tiré des rafales de mitrailleuse lourde pour obliger les gens à rester sur place dans la maison, pour qu'ils ne s'enfuient pas. On risquait gros car je ne savais pas du tout ce que nous allions trouver mais enfin, j'étais tellement sûr de mon harki que je suis allé jusqu'au bout. Quand nous sommes arrivés sur place nous avons, en effet, trouvé une tranchée encore ouverte et fermée dans son prolongement. Nous avons fait travailler les gens que nous avions capturés à l'intérieur de la maison. Mes hommes ont donné un coup de main aussi. Nous avons trouvé 14 corps, que des hommes"

"J'ai remis ces gens arrêtés à la disposition des autorités judiciaires de l'époque. J'ai voulu connaître l'identité des personnes retrouvées dans le charnier mais je n'ai pas pu avoir le moindre renseignement. J'en ai reconnu plusieurs parce que des Européens sont venus et en particulier on m'avait signalé un pasteur protestant. Sa femme était venue me trouver en me disant: "Je suis certaine que mon mari est dans votre secteur". Elle m'avait donné sa photo, c'était un homme très corpulent, très fort. Et en effet, un Européen qui était venu d'El Biar m'a dit: "Ça c'est le pasteur"".

 Selon les documents militaires, les chiffres varient. Ainsi le JMO (SHA T 7u61) du 12e B.I. parle de sept responsables FLN arrêtés, tandis que le dossier IH 1794 en dénombre 9. Il s'agit de gens trouvés à la ferme et qui avouèrent le creusement de la fosse et l'ensevelissement des cadavres. Les archives indiquent que, d'après les aveux du chef, le groupe recevait des ordres de la Zone Autonome et que les interrogatoires étaient menés par une équipe spéciale venue de l'extérieur. Un organigramme de la section FLN chargée du "travail" est joint au dossier .

Bien entendu, la découverte de ce nouveau charnier venant après ceux d'Hussein-Dey eut un nouveau et énorme retentissement dans Alger. L'épouvante s'accrut parmi les Européens et malgré une certaine tendance de la presse à minimiser la portée de cette découverte, l'exode des pieds-noirs fut à nouveau stimulé. Encore n'était-on pas au bout du cauchemar car, une semaine après, le 5 juin, une nouvelle découverte macabre survenait dans le même sous- secteur de La Bouzaréah, toujours à l'initiative de plusieurs éléments de la 3e et de la 4e compagnies du 12e B.I.

Monneret, "la phase finale de la guerre d'algérie", l'harmattan, ISBN2-7475-0043-8

 Incendies volontaires de nombreux édifices publics, en particulier l'école nationale des beaux arts.

Nombreux attentats individuels du F.L.N., et enlèvements.

Le syndicat des travailleurs d'algérie affirme que "les européens demandent l'égalité politique, sinon ils quitteront ce pays avec leurs outils et leurs biens." Le syndicat était optimiste en ce qui concerne les biens.

Dans une note redigée pour la réunion du CNRA, Ben Bella écrit "il faut reconsiderer ces accords humiliants". Le SDECE intercepte la note, informe, Joxe rend compte au conseil des ministres que le congré de tripoli a adopté un "programme radical". Qu'ils veulent "éradiquer tout ce qui reste de la présence française". Tout le monde s'en fout, ce qui compte c'est la lutte contre l'O.A.S. qui menace les positions acquises.

 

30 Mai 1.962:

21 morts, 25 blessés. plastics, enlèvements, massacre de harkis.

Bouclage et arrestations en centre ville d'Alger.

Le port d'Oran, le terrain d'aviation de la Senia près d'Oran sont encombrés de dizaines de milliers de personnes espérant une place pour fuir cet enfer.

Les pécheurs du petit port de beni-saf s'embarquent sur leur chalutier avec leur famille et quelques possessions et prennent la mer en direction des cotes espagnoles (ces pécheurs et bien d'autres finiront en général à port vendre et dans ses environs).

Boulin, secrétaire d'état aux rapatriés (déjà) indique que "seulement 100.000 personnes sont arrivées d'algérie en mai et que cela n'excède pas les chiffres habituels des vacanciers".

De gaulle surenchérit : "nous avons les moyens de transporter trois fois plus de monde qu'il ne s'en présente... il n'y a pas d'augmentation des départs, il n'y a pas d'exode..."

Arrestation de membre de l'O.A.S., dont Belvisi qui a essayé d'assassiner De gaulle.

Débats sur l'Algérie à l'assemblée nationale.

Lors d'une émission pirate, l'O.A.S. annonce qu'elle arrête tous les attentats, ayant signé un accord avec le FLN.

 

31 Mai 1.962:

 17 morts, 4 blessés, enlèvements, massacre de harkis, mais plus de plastics. En effet, Susini a fait respecter un cessez le feu par l'O.A.S., il sait maintenant qu'il lui faut discuter avec Mostefaï, représentant du FLN dans l'exécutif provisoire et que Farès, le président officiel, ne représente rien.

 A Tlemcen maître Guidicelli, avocat de l'O.A.S., est abattu d'une balle dans la tête. Président du MRP (les chrétiens démocrates de l'époque) d'Oran, maître Guidicelli était l'avocat de nombreux inculpés OAS. Comme ils étaient detenus à Tlemcen (ville controlée par le FLN) "par sécurité", Maître Guidicelli se rendait frequement dans cette ville pour y rencontrer ses clients. En quittant la prison, une balle de revolver le frole. Maître Guidicelli court en direction des forces de l'ordre gardant la prison qui ne bougent pas et laissent le tueur du FLN l'abattre d'une balle dans la nuque. Sa mort fut ressentie à Oran comme un autre signal d'avoir à quitter ce pays.

Enlèvements, massacres, attentats individuels un peu partout dans les villes, le bled a été abandonné par les européens et on sait peu ce qui s'y passe (ce n'est qu'ensuite, par les témoignages des rares survivants qu'on a pu reconstituer les horreurs de l'époque).

Jouhaud écrit, depuis sa cellule de condamné à mort, une lettre demandant à l'O.A.S. Oran (qui hésite à suivre l'accord signé à Alger par Susini), d'arrêter les attentats et la politique du pire. Ce document sera bloqué par le gouvernement, et rendu public seulement le 5 juin.

"Jeudi 31 mai. - Ascension - Temps orageux. Plusieurs de nos jeunes amis ont été pris dans une rafle. Les gendarmes les ont emmenés dans un secteur en pleine bagarre, en banlieue. Ils les ont poussés dans une maison FLN et attachés devant les fenêtres ouvertes sur le côté européen. L'O.A.S. les a heureusement aperçus et a cessé le feu. C'est la dernière trouvaille des gendarmes. Ces jeunes sont maintenant enfermés à Arcole. L'idée étant bonne, elle est exploitée. Au moment d'une récente attaque de l'ancienne préfecture les gendarmes ont amené, de la prison de leur P.C. à l'école Ardaillon, quatre jeunes institutrices de notre connaissance qu'ils y détenaient. Et ils les ont attachées par des menottes, deux à chaque fenêtre de la pièce dans laquelle ils s'abritaient.

Journée tendue, mais sans éclatement jusqu'à 20 h 38 ou la fusillade se déchaîne dans le quartier pendant une heure. Les mitrailleuses lourdes répondent.

Michel de Laparre, "journal d'un prêtre en algérie."

 

 En Mai, 83000 personnes ont quitté l'algérie, portant le total depuis le début de l'année à 160.000.

Il y a eu en Mai 462 enlèvements, portant le total à 630. (officiels)