1 Juin 1.962:
3 morts, 5 blessés, mais ces statistiques n'en sont plus, le gouvernement ne donne plus de chiffres, il s'agit d'informations parcellaires données par le seul journal qui paraît encore.
Fouchet depuis sa cité interdite du rocher noir, lance un appel à la réconciliation.
13 personnes de la SAS de la Baraque disparues entre la SAS et Alger.
Le couvre feu fixé depuis un mois à 20 heures trente porté à minuit.
Arrestation à Oran de 30 membres de l'O.A.S.
"Il y a eu des coups de feu un peu toute la nuit, mais la matinée est relativement calme dans le centre où les rues sont très peu fréquentées. Je traverse la ville à pied pour aller faire viser des papiers au Commissariat central. e' est bien protégé, mais on y est très aimable. Grosse file d'attente à l'entrée de la Grande Poste où les gens expédient leurs bagages en paquets de trois kilos. Autre queue, encore plus importante, devant la Caisse d'Épargne. Je vois au passage le bel immeuble de la Recette municipale incendié avant-hier au moment où les pompiers se faisaient confisquer leur auto-pompe pour une journée.
Les familles de nos pensionnaires continuent à venir chercher leurs enfants.
Beaucoup ont dû tout abandonner et embarquent, laissant, à qui voudra les prendre, leurs fermes, leurs troupeaux, leur matériel. La vie n'est plus possible dans le bled où le F.L.N. contrôle absolument tout et perçoit des taxes à propos de tout, sous la protection de la gendarmerie. Vendre, acheter, circuler, demander des papiers à la mairie, tout est taxé.
À La Sénia, aujourd'hui, malgré un plus grand nombre d'appareils, il continue à arriver beaucoup plus de monde qu'il n'en part. Il y a beaucoup de désordre. Les gens qui arrivent de l'intérieur abandonnent sur place leurs voitures avec clefs et cartes grises.
On couche toujours sur place aussi, et en plein air dans la nature. Dans la nuit de mardi à mercredi, quatorze fellaghas se sont approchés en rampant et ont ouvert le feu sur les gens. La riposte de l'armée fut immédiate.
On me parle ce soir d'une famille de Saint-Leu qui évacue. Il y a là trois frères, pieds-noirs et fascistes, qui portent tous trois les prénoms de leurs arrière-grands-pères, à savoir Danton, Marat et Robespierre.
À Perrégaux ces jours-ci les gendarmes décident une opération contre l'O.A.S. et sollicitent l'appui de l'armée qui refuse. Ils font venir des renforts et commencent par cerner le cantonnement des militaires pour les empêcher d'intervenir. Puis ils vont attaquer la villa de l'O.A.S, à la mitrailleuse lourde. Quelques-uns se rendent, d'autres sont pris. Seul un gamin de dix-huit ans résiste et crache toutes les munitions de la maison. Il tient une heure et finit par périr sous les décombres de son réduit. Le capitaine de l'armée va voir les parents et leur dit: "Vous pouvez être fiers de votre fils qui s'est conduit comme un héros ... " Obsèques solennelles là-bas. Puis on ramène le corps à Oran en train spécial plein de parents et d'amis, dont un cousin qui me raconte l'affaire. Au départ du train, quelqu'un parcourt les wagons et dit en espagnol: "Méfiez-vous. Taisez-vous. Il y a des espions." Deux messieurs très bien s'installent à côté du père et de la mère. Très entreprenants, ils amorcent la conversation, Vainement, silence complet. À l'arrivée, en gare d'Oran, dans le hall, à la sortie, deux coups de revolver au milieu de tout le monde. Les deux messieurs sont étendus, morts. O.A.S veille. Le journal de ce matin les appelle "deux Européens non identifiés".
On ne sait plus dans le bled ce que veut l'O.A.S. À Pont de l'Isser, c'est elle qui fait partir les gens en disant "NOUS reviendrons bientôt en force, mais pour qu'on puisse agir il faut qu'il n'y ait plus d'Européens au milieu."
Ici, les bouclages continuent. Hier, au Point du Jour. Aujourd'hui, encore à Saint-Eugène.
Certaines mamans, qui viennent nous chercher leurs enfants, ont la force locale installée dans leurs villages, parfois même dans leurs fermes. Elles sont unanimes. Il suffit du premier contact avec gens pour constater leur appartenance non déguisée F.L.N., en même temps que leur grossièreté et leurs exigences de toutes sortes. Toutes les femmes ont dû partir.
Michel de Laparre "journal d'un prêtre en algérie"
A Alger, Susini et Farés se rencontrent à nouveau, dans la villa de Chevallier, et précisent les termes de l'accord. Chacun doit obtenir l'accord de ses mandants et rendez vous est pris pour le 4 juin.
2 Juin 1.962:
Il n'y a plus de statistiques des attentats, enlèvements, massacres, cela est nécessaire pour masquer la faillite de la politique gaulliste. Les informations ci-après sont extrêmement parcellaires;
Trois assassinés à Alger.
Deux jeunes filles violées à Bône, l'une ensuite assassinée l'autre survit miraculeusement à sa balle dans la tête.
Enlèvements à Tiaret, Aïn Temouchent.
Début des assassinats sur les route pour se procurer des voitures.
Un député d'Alger demande une garantie internationale pour les européens d'algérie, proposition repoussée par le gouvernement.
De Larminat nommé président de la nouvelle cour de justice. Il se suicidera le 30.
3 Juin 1.962:
Il n'y a plus de statistiques des attentats, enlèvements, massacres, cela est nécessaire pour masquer la faillite de la politique gaulliste. Les informations ci-après sont extrêmement parcellaires;
Le journal Le Monde daté de ce jour relate les 13 enlevés de la SAS de la barraque du premier, l'assassinat de monsieur Garby, près de Sidi Bel Abbés, assassiné au volant de sa voiture. A Sidi-Bel-Abbès, un membre de la force locale ouvre le feu sur une auto conduite par un policier européen en civil à côté de qui se trouvaient d'autres Européens. Quatorze Musulmans armés ont investi une ferme et l'ont pillée. Au Tessalah, un Européen, M. Pascal, a été enlevé. Quatre Européens ont été enlevés par des Musulmans dans la région d'Aïn-Temouchent dont le directeur de l'école d'agriculture de cette ville. Près de Tiaret, un agriculteur européen a été tué à coups de couteau par un Musulman. Il s'agit de M. Paul Brun. A 20 kilomètres d'Alger, dans la commune de Birtouta, vingt sept agriculteurs ont été enlevés dont M. Orfila, chef de l'exploitation, sa femme, son fils, son secrétaire et des ouvriers musulmans. Les corps de deux Européens ont été découverts à 60 kilomètres d'Alger, sur le littoral ouest. Il s'agit de Hervé Pouillet, vingt-quatre ans, et de François Esposito, seize ans, tous deux de Castiglione.
Il est probable que cette liste ne soit pas exhaustive.
Incendies criminelles à Alger, 3 personnes assassinées.
L'armée française libère huit des personnalités oranaises qu'elle avait interné dans un camp de concentration à Arcole, en particulier le président du conseil général, un chanoine, des médecins, le directeur général de l'EDF.
5 assassinés à Oran.
66 O.A.S. arrêtés à Aïn Temouchent, une bourgade de deux mille européens, 15% de la population mâle en état de porter les armes, nombreuses armes saisies.
4 Juin 1.962:
Il n'y a plus de statistiques des attentats, enlèvements, massacres, cela est nécessaire pour masquer la faillite de la politique gaulliste. Les informations ci-après sont extrêmement parcellaires;
Les gendarmes mobiles continuent à ratisser les quartiers européens, en particulier à Bab el Oued et à arrêter de nombreuses personnes.
Rien ne va plus dans les discussions entre OAS et FLN, Gardy à Oran refuse tout accord et tient à son "réduit oranais", Perez demande que la force locale soit pour moitié constituée d'européens, Farés a reçu une communication trés seche de ben Khedda l'informant que, mis en cause par les durs, un tel accord était impossible. Godard, de son coté menace de tirer au mortier sur les cités musulmanes.
L'exode se poursuit, les arrivants arrivent sans rien, ils sont parfois injuriés par les communistes, Deferre, maire de Marseille déclare "je souhaite que les pieds noirs aillent se reconvertir ailleurs".
5 Juin 1.962:
rien (?) en tout cas dans les journaux de l'époque, la censure est totale. Il faut donner aux métropolitains l'impression que tout va bien au cas où certains auraient encore des scrupules.
De sa prison Salan demande qu'on cesse les attentats.
Rien dans les journaux, et pourtant : Un informateur musulman vint signaler au quartier, que des femmes étaient séquestrées dans une villa et contraintes à la prostitution. Une action fut engagée aussitôt. Le commandant T. n'y a pas participé et pour connaître le détail de ce qui s'était passé, nous nous sommes adressés au colonel G. (alors lieutenant) qui prit une part active à l'opération. Comme précédemment le commandant avait été informé par un harki, différent du premier, et qui lui inspirait moins confiance. Aussi, jugea-t-il opportun de recommander une grande prudence à ses hommes. Toutefois, le renseignement se révéla bon et les militaires du 12e B.I. furent accueillis par des coups de feu devant la villa suspecte. Celle-ci était située dans le quartier du Beau Fraisier, près d'un bidonville appelé parfois Campagne Macone à Montplaisant. La fouille allait commencer après que l'édifice ait été encerclé par la troupe et que cinq hommes et une femme, tous Musulmans, aient été tenus en respect. Toutefois, contrairement à ce qui s'était passé le 29 mai, les choses tournèrent mal; la fusillade reprit. Un musulman porteur d'un pistolet automatique fut abattu. Tandis que les éléments de la 3e et de la 4e compagnie entraient et fouillaient la villa, des musulmans se rassemblèrent à proximité. Une manifestation éclata. Une unité de la Force Locale, la 472e UFO se trouvait là.
Elle se mit ouvertement du côté des manifestants, bientôt rejointe par des ATO. Une situation extrêmement tendue se créa. La fouille avait déjà permis d'établir que la villa était un centre d'interrogatoires et de tortures. Elle révéla en outre que plusieurs cadavres étaient enterrés dans le sol en terre battue du garage. Deux corps furent exhumés, un homme et une femme, tous deux musulmans, selon la copie du rapport que le colonel G. nous a permis de lire. (un cadavre musulman et le cadavre d'une femme européenne selon le commandant T.). D'autres cadavres étaient ensevelis à cet endroit mais la fouille dut s'interrompre. Des incidents se produisirent en effet à l'extérieur. Le sous-lieutenant Daniele constatant que le cadavre de l'homme abattu et son arme avaient été emportés, se lança, seul, en direction de la foule musulmane pour les récupérer. Selon le colonel G., cet officier revenait de permission en Métropole et il avait mal assimilé les nouvelles consignes qui étaient de toujours rester groupés et de ne pas rechercher le contact avec les éléments indigènes. Les manifestants musulmans se mirent à lapider le sous-lieutenant qui, gravement blessé, s'effondra. Un des ATO se dirigea alors vers lui et l'acheva d'une rafale de PM. Une fusillade éclata entre les hommes des 3e et 4e compagnies d'un côté, les ATO et l'unité 472 de l'autre. Le 146e RI qui se trouvait là tira par erreur sur le 12e BI. La fusillade dura une demi-heure avant qu'à la voix, sifflet, par mégaphone, le lieutenant n'obtienne l'arrêt du feu. Les gendarmes vinrent ensuite enlever les corps.
Un très grave incident venait de se produire ayant entraîné mort d'hommes. Le cessez-le-feu avait été rompu. Un officier français avait péri. En outre, des A TO et des membres de la Force Locale étaient impliqués dans un affrontement avec l'Armée française. Le lieutenant G. nota que la 472e UFO n'aurait pas dû se trouver là, à l'heure des incidents. Par conséquent, les ordres du commandant du quartier avaient été négligés. C'était un acte d'indiscipline grave. Aucune implantation d' ATO à Beau Fraisier n'était en outre indiquée sur les organigrammes. Le comportement de ces unités étaient donc anarchique et dangereux.
Alors qu'il avait été félicité par le général commandant la Zone Alger Sahel après la découverte du charnier de Frais Vallon, le commandant T fut cette fois consigné. Il ne put regagner son bataillon après le soir. Ses supérieurs, les généraux Capodanno et Fournier, lui firent comprendre que cette fois-ci, il y avait eu rupture de cessez-le-feu et mort d'un officier et que ceci posait de graves problèmes. Tout en lui annonçant qu'il allait être placé en position avantageuse pour passer au grade de colonel, les deux responsables annoncèrent au commandant que le 12e BI ne pouvait être maintenu dans le sous-secteur serait déplacé pour ne pas accroître les tensions. Tout en louant son souci de vouloir protéger ses compatriotes, on lui intima l'ordre de se rendre à Courbet Marine, sur le littoral. Le commandant T. gagna donc ce cantonnement. Quelques jours plus tard, il vit arriver la Sécurité Militaire qui se mit à interroger, sans aménité, ses soldats et ses officiers. Le colonel G. nous a déclaré qu'il était convaincu que la décision d'éloigner le 12e BI était déjà prise depuis le 22 mai et avait peu à voir avec l'incident du 5 juin. Or, cette date du 22 mai est très importante car elle correspond à celle du contact établi à Rocher Noir par les autorités françaises avec Omar Oussedik. Selon le récit de Si Azzedine, celui-ci avait obtenu que certaines unités et certains officiers soient éloignés d'Alger. Il semblerait dès lors, que le 12e B.I. était déjà sur la liste noire du FLN sans doute en raison de son application peu complaisante des clauses du cessez-le-feu et de la préoccupation de son adjoint opérationnel devant les enlèvements d'Européens.
Le commandant T. que ses fonctions amenèrent à assister aux "briefings" de l'Etat-major de la Zone Alger-Sahel sous la direction du général Capodanno et du colonel Fournier nous a assuré que lors de ces réunions, la question des enlèvements n'avait jamais été abordée par le commandement. C'est lui et le Chef de bataillon Rolet du 23e RIMA qui soulevèrent ce problème auquel ils sont sensibilisés. Le commandant T. nous a affirmé (dans notre entretien enregistré) que la réponse qui leur fut faite était invariablement la même: le respect du cessez-le-feu doit primer. Voici le dialogue que nous avons eu avec le commandant sur ce point :
" J.M. : Vous assistiez aux conférences de la Zone Alger Sahel ?
Commandant T: : Oui.
J.M. : Vous faites allusion à cela dans notre témoignage (Au procès du capitaine Murat). Vous semblez dire que le commandement minimisait les enlèvements.
Commandant T. : Absolument.
J.M. : Est-ce qu'on en parlait souvent ?
Commandant T. : Non.
J.M : Est-ce vous qui avez soulevé la problème ?
Commandant T. : C'est moi qui ai soulevé le problème. Nous avons été deux sur six ou sept sous-secteurs, responsables du maintien de l'ordre, à dénoncer le problème des enlèvements. C'était moi et un colonel qui devait être à Maison-Carrée.
J.M. : Vous dites que lors d'une de ces conférences dAlger Saahel, un officier, un supérieur vous a dit que le cessez-le-feu avait priorité sur la protection des nationaux.
Commandant T: : On me l'a dit.
J.M : Ca a été dit dans ces termes là ? Ou à peu près?
Commandant T. : Oui.
J.M : Parce que c'est extraordinaire comme déclaration.
Commandant T. : Je me rappelle une phrase, mais alors vraiment. Parce qu'elle m'a fait mal. Un colonel (Rolet. NDLAJ peut-être celui dont vous m'avez parlé tout à l'heure,) a dit: il y a des harkis qui se font massacrer, il y a des Européens qui sont massacrés, qui sont enlevés et massacrés. Pourquoi ne nous laisse-t-on pas réagir comme nous le voulons ? Alors j'entends très bien le général Capodanno ou alors peut-être le colonel Fournier, un des deux, dire: "Ecoutez, nous quittons l'algérie, maintenant. Ce n'est pas maintenant qu'il faut sonner la charge et refaire la guéguerre" textuellement. Ca je me rappelle, mais vraiment. Je ne sais pas si les minutes, si les discussions étaient prises en sténo. Ce n'était pas le genre de l'Armée, je ne crois pas, mais cette phrase m'a frappé."
Idem à Maison-Carrée: Dans la zone musulmane qui se trouve sur une colline à l'ouest de l'arrondissement, dans des cités appelées alternativement cités d'urgence, cités indigènes ou cités PLM, un commando de chasse du 2e bataillon du 23e RIMA, le commando "corail" s'installe à la fin avril, un mois après le cessez-le-feu. Le commando relève une unité du Train et après avoir été installés au Stade Zévaco, ses hommes prennent position en quartier arabe, à l'école Soustelle. Lorsque les "tringlots" ont quitté la zone, ils l'ont fait sous les crachats et les insultes de manifestants musulmans. L'arrivée du commando du 23e RIMA ne suscite aucun enthousiasme car le FLN a réclamé que la Force Locale vienne prendre ses quartiers là. La déception est vive de voir arriver des "marsouins".
Ces derniers imposent au secteur un couvre-feu sévère, le retrait des emblèmes algériens, et le rétablissement des patrouilles françaises vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Il se trouve que les commandos de chasse bénéficient, par nature, d'une grande liberté de manoeuvre. Les officiers vont donc utiliser leur autonomie coutumière pour gêner le FLN. La relation qui suit est basée sur le témoignage du lieutenant-colonel C. (à l'époque lieutenant), chef du commando.
"Les accrochages avec le FLN furent fréquents dans le secteur et le commando n'hésita pas à user de représailles. Le lieutenant s'aperçut peu après son arrivée, que des Européens et des Musulmans étaient retenus en otages. Il en délivra une vingtaine dans ce quartier. Tous n'étaient pas des gens enlevés, il s'agissait parfois de personnes qui avaient un travail à cet endroit et que l'organisation nationaliste empêchait de repartir. L'un des Européens possédait un atelier de mécanique et les Musulmans avaient recours à ses services, pour leurs automobiles et pour l'entretien de certaines pièces d'hydraulique. Cet Européen fut finalement tué sans que les soldats ne puissent le sauver. Les deux autres, deux frères assez âgés tenaient un café. Le FLN les laissa exploiter leur établissement mais interdiction leur fut faite de quitter les lieux ou de se rendre en zone européenne. Secrètement, les deux hommes parvinrent à communiquer avec le lieutenant C.. Une date et une heure furent convenues et, au moment propice, les militaires investirent le café et ramenèrent les deux pieds-noirs, au grand dam des responsables de la kasma (section) locale. Le lieutenant ne se contenta pas de ces actions de protection, car ayant appris que Si Azzedine, venait parfois à Maison-Carrée pour y rencontrer ses cadres, il décida de monter une opération contre lui. Pour cela, il emprunta des chars au 1er RCA et il investit la cité HLM où il pensait trouver le chef de la Zone Autonome, mais les gardes du corps de ce dernier parvinrent à assurer sa fuite. Ultérieurement, le FLN organisa une embuscade de représailles contre le commando. Dans ce secteur, le cessez-le-feu était resté lettre morte. Chacun voulait en découdre.
Si Azzedine ne manqua pas de se plaindre au Rocher Noir. Sa plainte aboutit. Le lieutenant, trop combatif au gré des autorités, fut remplacé par un autre officier. Mais, lorsque ce dernier vint prendre son commandement, les hommes du Corail se rebellèrent. Ils se mirent en sections, sans grades, et demandèrent à passer en Cour Martiale. Finalement, la troupe fut rendue au lieutenant C. et la mutinerie ne fut pas sanctionnée. Par contre, le commando fut retiré de la zone musulmane et placé en zone européenne au lotissement Beaulieu. Cette unité était constituée à 25% de harkis. A son retour en métropole, l'officier dut passer devant la Cour de Sûreté de l'Etat car il était impliqué dans une affaire d'aide à l'O.A.S. Bien qu'acquitté, il dut quitter l'Armée et changer de vie.
Monneret, " la phase finale de la guerre d'algérie ", l'harmattan, ISBN2-7475-0043-8
Dans le journal communiste l'Humanité, François Billoux, député, conseille au gouvernement de "Loger les rapatriés dans les châteaux de l'OAS". Il poursuivait "ne laissons pas les repliés d'algérie devenir une réserve du fascisme". Fascisme dans les bouches communistes étant synonyme d'anti communiste, il avait bien raison, la solution finale sans doute était envisagée.
A Paris le Bachaga Boualem prononce un de ses derniers discours: Cliquez ICI
6 Juin 1.962:
Il n'y a plus de statistiques des attentats, enlèvements, massacres, cela est nécessaire pour masquer la faillite de la politique gaulliste. Les informations ci-après sont extrêmement parcellaires; 8 tués, 15 blessés, enlèvements, massacres de harkis.
L'O.A.S. dans une émission pirate, annonce que la trêve entre elle et le F.L.N. est prolongée pour 48 heures.
Hold up nombreux.
Incendies criminelles.
En banlieue algéroise, une patrouille française est attaquée par des musulmans, un sous lieutenant est tué. Tel est la version des journaux du 6 de l'incident raconté à la date du 5.
36 O.A.S. arrêtés à Oran.
Découverte de cadavres par ci par là.
Opération anti O.A.S. à Mostaganem, une centaine d'arrestations. (soit 5 % de la population mâle européenne en âge de porter les armes).
Ben Khedda, toujours président du GPRA quitte la réunion du CNRA à tripoli qui s'enlise dans les chikayas, et rentre à Tunis avec ses ministres. Il y trouve Boumedienne qui considère qu'il n'a plus de comptes à lui rendre et se livre à une intense propagande contre les accords d'évian et l'opportunisme de Ben Khedda. Les deux clans se dessinent, le GPRA avec les willayas 2, 3, 4 (Constantine, Algérois, Kabylie) la fédération de France, la zone autonome d'Alger, les organisations de masse. De l'autre, Ben Bella, Boumedienne, l'armée des frontières, les willayas 1 (Aurès d'où vient Boumedienne) et 5 (Oranais, fief de Ben Bella).
7 Juin 1.962:
Il n'y a plus de statistiques des attentats, enlèvements, massacres, cela est nécessaire pour masquer la faillite de la politique gaulliste. Les informations ci-après sont extrêmement parcellaires;
L'O.A.S. annonce la reprise des opérations, dans une nouvelle émission pirate. Farés et Mostefaï s'envolent pour Tripoli expliquer le problème de l'accord avec l'OAS aux membres du CNRA, toujours en réunion. Ils arrivent au moment où le congré éclate, les durs sont repartis ils ne voient que les minoritaires (Ben Khedda) et Ben Bella qui accepte une discussion et des accords, mais purement verbaux.
40 détenus F.L.N. "s'évadent" de la prison d'Alger.
Des cadavres d'européens sont découverts, dont une jeune fille de 18 ans copieusement violée.
Nombreuses disparitions.
Fort chabrol à Oran où sept membres d'un commando O.A.S. sont abattus par les forces de l'ordre. dont José X. Chef de Commando OAS tué en même temps que sept Européens place des Victoires et rue Général Leclerc, à Oran, le 7 juin 1962.
Patrick-Othon Krémar
Plastics à Thionville, tract O.A.S. à Lyon, arrestation à Pau.
Exécution à la satisfaction des anti peine de mort de Piegts (27 ans) et Dovecar (25 ans). Photo Dovecar est un légionnaire qui a rejoint l'O.A.S., il est accusé d'avoir assassiné un policier complice des terroristes FLN. Il n'était que le chouf dans cette opération. Piegts est accusé d'être son complice, il ne fait même pas partie du commando delta numéro un qui a tué Gavoury. Tous les deux ont été largement torturés par Debrosse, ils marchent péniblement. Dovecar, brisé par les tortures a essayé de se suicider (veines ouverte) et un garde l'a sauvé pour pouvoir continuer à s'amuser. Debrosse disait à ses torturés "quand votre tête tombera dans le panier à sciure, j'irai cracher dessus". Il sera promu général de corps d'armée. Lors du procès il avait été convenu entre les avocats et les juges qu'il ne serait pas fait mention de ces tortures, et qu'ils ne seraient pas condamnés à mort, ou condamnés à mort puis graciés. D'ailleurs l'avocat général ne demande pas la mort. On murmure qu'un gaulliste de Bône blessé par les deltas serait venu demander à De gaulle la tête des deux hommes, pour l'exemple, car Piegts était de Bône.
Les chefs de la légion et les autrichiens ont souhaité soit que Dovecar ne soit pas exécuté, soit qu'il ne le soit pas seul, Le pouvoir rajoute donc un pied noir, (un de plus un de moins n'est-ce pas). De gaulle n'a pas jugé bon de recevoir les avocats qui avaient déposé un recours en grâce, alors que c'était la coutume. Le jour même, De gaulle gracie une femme qui n'avait que posé une de ses filles de dix ans sur un poêle rouge, jusqu'à sa mort, pour le fun, après lui avoir coupé les mains. Piegts et Dovecar sont fusillés dans la forêt de Marly, sans doute par discrétion.
Chaque année, la communauté pied noir honore leur mémoire. Dovecar était fiancée avec une pied noire, Michèle Gomez, emprisonnée à la Roquette, également torturée (mais c'est plus drôle sur une femme) par le même Debrosse. Il avait en cours une demande de naturalisation. La famille Gomez veut mettre des fleurs sur la tombe de Dovecar, les gendarmes l'en empêchent. Ils profitent de la nuit pour le faire quand même, au matin les gendarmes les piétinent et jettent des ordures à la place des fleurs.
Fin de la réunion du C.N.R.A. à Tripoli , que le premier ministre du G.P.R.A. mis en minorité, a quitté en cours de route.
Le "programme de Tripoli" (le second) résultat de laborieux compromis est surtout une attaque en règle contre le G.P.R.A., ben Khedda et ses réalisations, en particulier les déclarations d'intention d'évian, et un hymne à la fois au socialisme et à l'arabisme. Le gouvernement français, qui a eu connaissance du document "secret" par plusieurs sources n'y réagit en aucune manière.
Cependant, pour ne pas remettre en cause les "acquis" le CNRA ne vire pas Ben Khedda, Ben Bella ronge son frein.
8 Juin 1.962:
Il n'y a plus de statistiques des attentats, enlèvements, massacres, cela est nécessaire pour masquer la faillite de la politique gaulliste. Les informations ci-après sont extrêmement parcellaires;
L'O.A.S. reprend l'opération terre brûlée, douze hold up, plasticage des facultés causant un violent incendie.
Le couvre feu est ramené à vingt heures.
Deux plastics à Constantine.
Christian MUNOZ. A 23 ans, ce jeune Bel Abbésien avait intégré le Commando 11 de l'OAS de sa ville. Le 8 juin 1962 il continuait la lutte en tentant d'investir l'école Ibn Khaldoun occupée par l'ALN!. que les forces gaullistes d'abandon avaient accueillie avec les honneurs... C'est là que notre Camarade mourut en héros, touché mortellement au cou par un tir de FM fellouze... Christian nous ne t'oublions pas : tu es toujours parmi nous : Présent !
Othon-Patrick Krémar
Assassinats et enlèvements un peu partout.
De gaulle donne une interview pour l'Histoire, à l'occasion d'une émission de télévision qui fait un historique de la guerre d'Amlgérie; il y dénonce "l'entreprise d'usurpation venue d'Alger, le 13 mai 1958." Peyrefitte, en tant que ministre de l'information, s'étonne poliment, De gaulle en rajoute: "J'ai maté une rébellion militaire... quelques militaires ont fait cause commune avec les activiste d'Alger pour se rebeller contre le pouvoir civil..." (cité par Peyrefitte, c'était De gaulle, page 185.
9 Juin 1.962:
Il n'y a plus de statistiques des attentats, enlèvements, massacres, cela est nécessaire pour masquer la faillite de la politique gaulliste. Les informations ci-après sont extrêmement parcellaires;
Le consul général de états unis à Oran propose au gouvernement français d'évacuer des français sur les bateaux de la flotte américaine, il est traité comme un alarmiste. La flotte française manœuvre vers Chypre.
Plastic en série à Alger, postes, écoles, contributions, bazooka sur les antennes de radio Alger.
Six hold-ups.
Obus de mortier tirés sur un cantonnement de garde mobiles et de CRS, nombreux blessés.
33 O.A.S. arrêtés à Oran.
Nombreux assassinats à Sidi-bel-Abbés, Palissy (le maire), Mostaganem, Tiaret.
De gaulle s'exprime: "En 1958, la rébellion musulmane offrait à la communauté française un seul choix pour son avenir: la valise ou le cercueil. Mais une fois l'Etat remis debout... la rébellion, renonçant à ses outrances et répondant aux désirs des masses, en venait-elle peu à peu à entrer en contact avec nous pour conclure, en fin de compte, des accords permettant à l'Algérie d'exprimer sa volonté en toute connaissance de cause ... "Depuis quatre ans, en dépit des orages ... y ont trouvé leur compte la justice et l'efficacité."
On assiste à la création du mythe "tout est la faute de l'O.A.S.".
Le 19 mars 1962, le cessez le feu était conclu. Un message arriva à l'une des vacations radio... avec ordre de désarmer le maghzen. Ce fut le premier ordre à exécuter pour le nouveau chef de S.A.S. que j'étais depuis 24 heures... ce n'était pas le plus facile!
Les S.A.S. allaient être dissoutes à brève échéance; elles se regroupaient en Centres d'Aide Administrative (C.A.A.), deux ou trois S.A.S. ensemble. Les moghaznis désarmés et pour la plupart démobilisés. Ceux qui étaient maintenus assuraient la sécurité des personnes et des biens de nos anciennes S.A.S., avec des fusils de chasse et quelques cartouches alors que les fellaghas vainqueurs occupaient ouvertement le terrain et se manifestaient évidemment avec de plus en plus de bruit, parfois d'arrogance, il fallait veiller à la survie de peds-noirs encore en place, des agents des institutions (civils des S.A.S., employés des mairies, etc. ..), des supplétifs fidèles jusqu'au dernier instant et désireux de conserver la nationalité française. L'armée plus réduite que précédemment était encore présente dans quelques points et pouvait intervenir selon le besoin. L'ambiance était particulièrement confuse. ..mais de jour en jour elle se précisait. ..il apparut bientôt nettement que le comportement des vainqueurs serait sans équivoque: faire payer l'impôt à ceux qui avait servi la France - ensuite sévir sur les personnes en réponse à un comportement jugé coupable.
Alors que fallait-il faire? Agir ou ne pas agir ? - être insensible à la détresse des personnes ou être humain? Comme dans un combat sur le terrain, la liaison directe est déterminante. A cette époque le contact entre les hommes a permis de sentir la peur, l'angoisse aussi. A la fidélité des supplétifs, la fidélité des officiers allait-elle répondre?
Un premier rapatriement est décidé et préparé.
Le capitaine, Commandant le C.A.A., où j'étais devenu adjoint, décida de préparer un rapatriement de moghaznis désireux de rallier la métropole avec leur famille. Il agit donc pour trois C.A.A. voisins. Les démarches furent lourdes et importantes: accueil des demandes des intéressés - vérification des papiers administratifs (CNI) - obtention des places sur les bateaux, après établissement d'un "collectif' par la sous-préfecture (il y avait concurrence avec les pieds-noirs qui voulaient quitter le pays) L'histoire simplifie les choses, l'événement, les contraintes, les contrordres, les attentes compliquent les projets et les souhaits. Alors, il faut être ferme, voire obstiné..., regarder la ligne d'avenir qu'on s'est fixée et ne pas changer d'avis. Quelle aurait été la déception et l'angoisse des candidats au déplacement si l'espoir s'était éteint. Le capitaine a eu le courage de ne pas afficher ses interrogations. ..un vieux combattant, plein d'expérience, d'espérance et de sérénité... malgré la mitraille!
Ainsi, le samedi 9 juin 1962, sur le Sidi-Ferruch, le capitaine embarquait avec 194 personnes (168 adultes et enfants - 26 bébés). Les hommes étaient tous des moghaznis. Le déplacement vers le port était assuré par des G.M.C que l'armée avait mis à notre disposition. Spectacle de débâcle ou de sauvetage ? Les hommes en djellaba, les femmes voilées, les enfants hagards, ne sachant pas trop ce qui leur arrivait... Tout le monde embarqué avec attention, par petits groupes (les familles) dans les camions, partaient vers une destination étrangère à leur milieu de vie. Mais pas de regret chez eux... ils espéraient la paix! la veille au soir, ils avaient pris un dernier repas en famille, mangé un couscous ou la viande grillée d'un chevreau puis ils avaient dit adieu avec émotion aux anciens qui resteraient en Algérie. Le cantonnement des moghaznis n'avait plus les résonances des fêtes de fin du Ramadan.
On expédie les affaires courantes et on solde les Affaires Algériennes. Le capitaine parti, il restait à finir d'expédier les affaires courantes (délai = trois semaines). Chargé de régler la transmission des biens du C.A.A. à la commune support, je gardais évidemment le souci de la sécurité de ce patrimoine tant qu'il était sous notre responsabilité mais j'avais le souhait de sauver encore des vies. Ma nomination rapide à l'échelon de liaison de la sous-préfecture, pour "solder" aussi le fonctionnement de cette administration, allait me rapprocher des instances qui réglaient les embarquements mais la circonscription d'action s'élargissait, apportant avec elle les incertitudes sur les motivations des candidats, Il était donc important d'être prudent. Au fur et à mesure que le 1er juillet approchait, fièvre pré-referendaire (malgré l'évidence du résultat) énervement progressif des fellaghas devenus les "soldats", exactions de ces soldats à l'égard des population attachées à la France et tout spécialement des supplétifs récemment démobilisés et indemnisés.
Enfin, de jour en jour, il apparaissait que le nombre de places sur les bateaux à destination de la métropole était de plus en plus compté, en raison de l'afflux des demandes de pieds-noirs (les files d'attente devant les préfectures et sous-préfectures, au mois de juin, étaient spectaculaires dès le petit matin). Et puis, s'agissant des supplétifs, les autorités Algériennes qui doublaient l'administration française clairsemée et affaiblie, ne voulaient pas laisser partir des proies faciles et intéressantes.., les discours trompeurs essayaient de rassurer les esprits inquiets! Dans cette situation, il convenait inévitablement de segmenter les départs. Un deuxième contingent part vers la France... un troisième suivra de près:
destination le Larzac.
Le 21 juin 1962, un groupe de 24 personnes (17 adultes: moghaznis et épouses et 7 enfants et bébés) partent sous la conduite d'un sous-lieutenant des Affaires Algériennes. Mon statut, mes fonctions, mes responsabilités devaient avoir un terme. ..le 30 juin 1962. Partir en permission me semblait alors souhaitable. Pourquoi ne pas profiter de cette traversée pour accompagner un ultime voyage des quelques supplétifs restés jusqu'au dernier jour dans leur pays? C'est ce qui a pu être fait pour un contingent limité car les places étaient rares: 8 moghaznis et leur famille, au total 24 personnes.
Quelques places supplémentaires auraient été vraiment nécessaires... je pense notamment à ce Sergent, fellagha rallié depuis plusieurs années et qui arriva à la sous-préfecture bien trop tard... mes efforts pour le joindre au groupe furent infructueux... c'était impossible! Dernier regard sur le pays encore français... lorsque le bateau quitte le port! puis chacun prend ses quartiers: les supplétifs et leur famille dans la cale, les officiers sur le pont (les djellabas sont bien utiles vers deux heures du matin!). Parti dans la matinée du 30 juin, le bateau arrive à Marseille vers 9hoo le 1er juillet. Deux infirmières du Camp du Larzac attendent le groupe. Merci Mesdames, votre présence a été très appréciée comme le "Kawa" de vos thermos! Formalités du débarquement effectuées dans la foule puis embarquement dans deux camionnettes du Larzac. Le voyage fut assez long, surtout après la traversée de la Méditerranée mais le moral était bon. L'arrivée à La Cavalerie aurait pu provoquer un choc car les installations ne favorisaient pas une vie de famille, là-haut. ..sauf en cas de malheur et d'urgence. C'était bien le cas pour ces gens, qui, tout compte fait, appréciaient très fortement tout ce qui était fait pour eux. Le geste le plus simple dès qu'il était cordial, leur faisait apparemment beaucoup de bien, atténuait la fatigue du voyage et la grande peine de la déchirure. La sécurité était l'acquisition première la plus importante.
Le Camp du Larzac devenu un immense village de gens déplacés, offrait, il est vrai, la possibilité de retrouvailles et d'informations réciproques tant sur la vie en Algérie que sur les perspectives d'insertion dans la société française. Très vite la lucidité a repris le dessus et les demandes se sont exprimées: "Mon Lieutenant, j'connais un cousin à Grenoble, à Paris... tu vas lui écrire pour moi. ..tu me feras un très grand plaisir!" -
"Mon lieutenant, j'veux pas aller faire du bois, c'est pas mon metier... Ah! J'veux bien travailler dans une ferme ou dans une usine... mais pas dans la forêt!"
Il fallait donc redevenir officier SAS en France, pour aider ces pauvres gens! Les relations sont utiles. ..encore faut-il en avoir . Beaucoup de Français se sont émus de la situation des supplétifs rapatriés: chefs d'entreprises, hommes politiques, et anciens officiers SAS, leur aide a été à la fois significative et très précieuse. Il aurait fallu qu'ils soient plus nombreux. ..alors les camps se seraient vidés et les familles auraient retrouvé leur autonomie plus rapidement. L'accueil des regroupements a été très utile, irremplaçable... il aurait été bon qu'il ne durât pas plus de six mois!
L'après indépendance
Ma permission terminée, j'ai été réaffecté dans un régiment d'Infanterie à quelques kilomètres seulement de mon ancienne S.A.S. J'ai considéré cette destinée comme une aubaine car je connaissais bien la région et je pouvais, un mois après l'indépendance, faire le point sur la situation des villages, c'est-à-dire des personnes et surtout de certaines que nous considérions comme des fidèles de confiance... des maires tout spécialement ou encore quelques supplétifs hésitants au moment du départ. Les renseignements n'ont pas tardé à arriver apportant des vagues de peines et d'amertume: une dizaine de maires musulmans égorgés, souvent après la torture, une dizaine de harkis et de moghaznis égorgés aussi en peu de temps un mois environ! Aussi a-t-on vu rapidement des individus ou de petits groupes (2 ou 3 personnes) venir se présenter avec discrétion aux sentinelles du camp (pour ne pas être vus des "nouveaux soldats"... à l'extérieur du camp, on est en Algérie. ..à l'intérieur, on est un peu en France!). Le capitaine qui commandait la compagnie, un ancien déjà! qui avait beaucoup crapahuté et avait apprécié les qualités des combattants et la fidélité des supplétifs, avait décidé qu'on ne livrerait pas des hommes à présent sans défense, aux couteaux des gagnants. On peut liquider le matériel... on ne liquide pas des hommes!
Un secteur du camp (une partie de la ferme occupée par la compagnie) devint donc terre d'asile pour ces pauvres gens: hommes contraints de se cacher constamment dans la montagne, femmes apeurées, parfois violées... à bout de nerfs. Ainsi une cinquantaine de harkis et leurs familles ont été recueillis et protégés... comme on sait le faire dans les ambassades. . Les conditions étaient sobres mais correctes pour quelques semaines. Si la promiscuité était réelle et sans doute très gênante pour ces gens habituellement désireux de vivre à l'abri du regard des autres, dans la situation qui était la leur, ces conditions de vie étaient plutôt bien supportées. ..ils revenaient de loin! Je me souviens des opérations de sauvetage, une fois en ville pour la famille d'un gradé supplétif de la S.A.U. qui était mort au combat: un déménagement sommaire, en toute hâte, le soir.
Je revois la récupération d'un harki descendu de la montagne avec sa famille, en se cachant d'un buisson à l'autre, emportant seulement quelques menues affaires enveloppées dans un ballot de tissu blanc. Toute la famille était là, à quelques mètres de la route, femme et enfants de tous âges, dissimulés dans les épines, près du petit pont, point de repère. Embarquement rapide dans le G.M.C de la compagnie, déjà dirigé dans le bon sens puis fuite prompte, au maximum de la vitesse de ce bon vieux camion, toutes bâches fermées, qui faisait sans doute l'une de ses dernières sorties en zone d'insécurité. Il fallait aller vite, se sauver du secteur qui aurait pu être repéré, "foncer" dans les barrages de la pseudo-police Algérienne (en fait tenus par des soldats de l'A.L.N.), ne jamais s'arrêter car le chargement humain caché aurait été découvert et traité comme il se devait. Pour nous aussi, ces actions de commando de sauvetage ont été les dernières opérations humanitaires que l'armée a eu à conduire. Toutes ont été réussies.
Un jour, en octobre 1962 probablement, l'heure de l'embarquement est arrivée. Un convoi militaire est parti du camp de la compagnie, en direction du port, emportant toute cette population abritée et protégée. Mêmes dispositions - une jeep pour le capitaine, des camions soigneusement bâchés avec pour chefs de bord, les chefs de section ou des sous-officiers et remplis d'hommes et de femmes hagards et bouleversés par tant de soucis concentrés sur quelques semaines. Mêmes consignes de route - rouler aussi vite qu'il était possible, ne pas s'arrêter, ne pas engager de palabres avec le service d'ordre. L'embarquement avait été réglé par le capitaine, sur un bâtiment de la Marine Nationale qui n'était pas spécialement adapté à cette mission mais qui allait encore arracher à la mort une bonne poignée d'hommes, de femmes et d'enfants. Je revois encore les sentinelles algériennes qui voulaient faire de l'obstruction et des contrôles au pied de la passerelle et qu'il fallait dégager d'un coup d'épaule. Tous les bons amis sur le bateau, la partie était gagnée... Quelques signes rapides de la main... Au revoir... Bon voyage
Les camions pouvaient rentrer vides dans les cantonnements... sans flâner bien entendu! Nous n'avions pas de compte à rendre aux forces locales... Les supplétifs et leurs familles étaient déjà en territoire français! A cette date, on peut dire qu'il s'agissait là du dernier ou de l'un des derniers voyages organisés dans notre secteur pour le rapatriement vers la France de harkis, moghaznis ou de membres de Groupes d'Autodéfense (G.A.D.).
Et après? Une nouvelle étape importante restait à gagner - celle de l'intégration. Ainsi qu'il est écrit plus haut, de nombreuses personnes se sont mobilisées et ont agi en France. Le tempérament, le courage, la plus ou moins grande adaptabilité des supplétifs, ont été fondamentaux pour favoriser l'intégration. Beaucoup ont réussi au prix d'efforts très importants: ardeur au travail, patience, volonté pour se former manuellement ou à travers une scolarisation primaire, prudence pour ne pas se laisser absorber par des mouvements, etc... Les relations ont été maintenues avec plusieurs moghaznis que j'avais commandés ou connus. Les voeux de Nouvel An sont souvent (et encore aujourd'hui) une bonne occasion de communication et puis les grands événements sont aussi des moments où la cordialité s'exprime.
Quelle émotion lorsque j'ai vu arriver, le matin de mon mariage (en 1966), une voiture garnie de quatre moghaznis qui avaient fait mille kilomètres pour venir me dire leur amitié et leur joie! Quel bonheur de savoir aujourd'hui que le fils aîné d'un excellent moghazni (dont le père avait été égorgé par les fellaghas) était à présent ingénieur après avoir fait Math-sup et Math-spé et que le second avait préparé et réussi une maîtrise en faculté! Ces deux exemples prouvent que l'intégration a pu réussir d'autres cas ont été moins heureux, il est vrai !
Conclusion: J'ai écrit ce texte en me basant sur mes notes personnelles et quelques documents que j'ai rapportés dans mes bagages lors de ma démobilisation. Il n'y a ni exagération ni esprit romanesque. Peut-on dire qu'il s'agit d'une contribution à la connaissance de l'histoire mais sans prétention parce qu'il faut se souvenir de faits exacts plutôt que d'alimenter les constructions partisanes parfois erronées. Il y a sans doute, d'autres témoignages capables d'édifier la pensée de nos concitoyens en quête de vérité! Cette relation est un témoignage, en hommage à mes supérieurs qui ont agi pour les supplétifs et en mémoire de mes amis supplétifs.
Robert LACHAUME
Commentaire de la revue "les SAS" d'où est tiré ce témoignage (numéro 22, Octobre 2004): Robert Lachaume, Ingénieur Général d'Agronomie Honoraire. S-Lt Adjoint puis Chef de la S.A.S. de La Réunion puis du C.A.A. de La Réunion après en avoir été l'Officier-Adjoint (Sétif-Bougie.)
Le Capitaine Léopold Aygueparse, membre de l'association, est décédé en 1997. L'article de notre camarade Lachaume rend hommage à un Officier qui a refusé d'abandonner des hommes qui avaient servi la France avec honneur et fidélité, désobéissant ainsi aux ordres honteux des autorités françaises de l'époque (Circulaire Joxe, etc...). Le Cne Aygueparse m'a raconté que Paris avait été averti de l'entreprise d'évacuation des Moghaznis et familles et avait interdit leur départ. Le Capitaine avait alors menti et déclaré que le bateau avait déjà pris la mer! Il fut alors sanctionné par des arrêts de rigueur....pour recevoir ensuite de l'avancement et terminer sa carrière comme Lt-Colonel en 1971. L'évacuation de Harkis et des familles ne fut possible que grâce au sens de l'honneur du chef de S.A.S. mais aussi à la complicité de la hiérarchie locale (Sous-Préfet - Officier Supérieur des A.A. et notamment le Capitaine Camp, commandant une compagnie du 57ème R.I. ) Ces conditions ne furent malheureusement pas réunies partout... Note de l'animateur de la revue, Daniel Abolivier.
Association des anciens des affaires algériennes, 7 rue Pierre Girard, 75019 Paris.-
Discours de De gaulle: "dans 23 jours, pour la france, le problème algérien sera résolu au fond".
10 Juin 1.962:
Nombreux plastics à Alger, centre culturel américain, bâtiments publics.
Enlèvements, assassinats.
A Hussein Dey, une patrouille de la force locale, prise de panique, tire sur un immeuble et tue une femme de 61 ans.
Pour contrer l'effet déplorable des charniers découverts dans les environs d'Alger, le service de presse du FLN publie coup sur coup des témoignages terrifiants, d'abord des charniers anciens découverts dans l'est algérien, (au djebel Felten) dont on laisse à penser qu'il s'agit des restes de l'extermination du 8 Mai 45, puis après deux trois jours, à Chéria près de Bône, cette fois plus récent, et les noms des officiers français responsables étaient donnés. La presse française se repaît de ces fausses nouvelles et les pieds noirs continuent à fuir.
Il n'y a plus de statistiques des attentats, enlèvements, massacres, cela est nécessaire pour masquer la faillite de la politique gaulliste. Les informations ci-après sont extrêmement parcellaires;
Krim Belkacem, vice président du GPRA et négociateur d'évian, quoi que désavoué par le CNRA à Tripoli, s'installe au rocher noir avec les autorités françaises et celles de l'exécutif provisoire.
Nombreuses destructions à Alger.
Sept européens sont tués par la force locale.
Jacques CHAMPION, Antoine GUGLIELMI, Jean-Yves SANTAMARIA tous de l'OAS, sont tués d'une rafale de mitrailleuse dans leur voiture sur les quais d'Alger par les forces gaullistes.
Enlèvements, assassinats.
A Baraki affrontement entre divers clans du F.L.N., 6 morts 15 blessés.
L'armée française devait parfois intervenir comme à la suite de l'enlèvement de l'abbé Montet, curé de Parmentier, et des deux jeunes gens qui l'accompagnaient: Jean Legroux (fils du député de Relizane) et Jean Marie Rousset, (fils du docteur Rousset d'Oran), le 7 juin. Deux jours plus tard, des renseignements parviennent à l'armée française qui repèrent alors la présence des trois enlevés à Sidi Yacoub, village musulman situé à une quinzaine de kilomètres à l'ouest de Sidi Bel Abbès. Aussitôt, le commandant de secteur envoie à 19 heures une patrouille de reconnaissance avec un capitaine et deux sections de 25 militaires. Leur mission est de récupérer le curé Montet et les deux jeunes hommes. Arrivé aux abords du village, le capitaine Billot se détache du convoi avec sa jeep conduite par un soldat pour parlementer. Un feu nourri venant d'une mechta les accueille, blessant grièvement le chauffeur et isolant complètement le capitaine. Ayant entendu les coups de feu, un groupe de légionnaires se porte à leur aide sous un feu toujours violent. Des renforts sont demandés vers 21 heures au secteur de Sidi Bel Abbès qui envoie deux pelotons blindés et un détachement de la police militaire. Le Lieutenant-Colonel Beurotte qui conduit les pelotons prend le commandement. A leur tour, ils sont accueillis par des tirs de bazookas, mais les blindés ripostent. L'échange de tirs se poursuit quelques minutes puis le Lieutenant-Colonel Beurotte ordonne le cessez-le-feu. Du village, on ne tire plus. On attend alors l'arrivée de la "Commission d'armistice". Celle-ci relève 26 cadavres dans le village dont 15 en tenue militaire, un sous-officier français mort et une douzaine de blessés dont 3 graves. Apparemment, les trois enlevés ont été déplacés lors de l'accrochage et on perd définitivement leur trace. Mais cet échange de tirs révèle une autre stratégie du FLN: Sidi Bel Abbès étant le siège de la Légion Etrangère, ni le FLN, ni l'ALN ne seraient en mesure de prendre le pouvoir dans la ville sans un retrait de la Légion. Tout est fait, à partir de la fin mai, pour provoquer la Légion afin de saisir l'occasion de demander à la France son départ. "Je ne saurais admettre", écrit, le 10 juin, le Général de Corps d'Armée Ginestet, Commandant la Région territoriale et le Corps d'Armée d'Oran, au Haut Commissaire de la France en Algérie, Fouchet (avec copie au Commandant Supérieur des Forces Armées françaises en Algérie) "que continuent ces attaques et les mitraillages de mes unités par l'ALN. Si ces faits contraires aux accords d'Evian et à toute loyauté se reproduisaient, je serais obligé de demander avec insistance que soit reconsidérée la position à adopter par les troupes françaises. Peut-être, tous ces incidents sont-ils voulus par l'ALN pour justifier et étayer sa "politique anti-légion". J'ai recommandé en conséquence à mes Unités de conserver leur calme et d'agir avec prudence et sang froid pour éviter de tomber dans ce piège". Moins d'une semaine plus tard, la Légion Etrangère sera complètement déchargée des missions de maintien de l'ordre dans la région après que les membres FLN de la Commission mixte d'armistice de Sidi Bel Abbès venaient de déclarer qu'ils ne siègeraient plus tant que la Légion Etrangère serait présente effectivement dans la ville! Le retrait de la Légion étrangère, le désengagement de la gendarmerie et des unités militaires françaises, leur casernement laissaient toute latitude au FLN et à l'ALN dans leurs exactions justifiées par l'alibi de la lutte anti-OAS à laquelle participent des Français! .
D'après Jordi "Un silence d'état" ISBN 978-2-9163-8556-3
Un puits de pétrole est plastiqué à Hassi Messaoud.
Plastics à Paris et à Nice.
Heurts en région parisienne entre policiers et musulmans, cinq policier blessés, 15 arrestations. Les algériens ayant bien compris la victoire du FLN demandaient en effet l'extra territorialité de leurs établissements (cafés, hôtels...) et, payant le FLN ne voulaient plus se soumettre aux lois françaises.
12 Juin 1.962:
à Alger, deux assassinats, deux plastics, six incendies criminelles, trois hold up.
Une vedette de la marine nationale prend en chasse un chalutier dont les onze marins s'échappent à la nage.
Une quinzaine d'enlèvements, des assassinats.
" - Un ami téléphone de Palikao. Tout est parfaitement calme. Les moissons sont rentrées. Tout s'est bien passé. Vie normale. Premier son de cloche de ce genre, bien agréable à entendre.
Un autre ami a voulu prendre le train ce matin pour regagner son lieu de travail à Orléansville. Il s'est vu interdire l'entrée de la gare par l'O.A.S.: tous les hommes doivent rester à Oran. Interdiction aussi de partir, sans autorisation de l'O.A.S., par bateau ou avion. Les services civils d'embarquement vous la demandent aux guichets. Pour se la procurer, il faut remettre une demande écrite au responsable de votre secteur, dans la structuration horizontale. Le papier passe de mains en mains, se fait tamponner par qui de droit, et vous revient en 48 heures. Pour les départs plus importants, comme celui d'un groupe, il faut aller jusqu'au chef de zone, qui utilise le cachet sec de l'organisation.
L'armée occupe et s'aménage depuis quelques jours un territoire de 50 kilomètres, autour de Mers-el-Kébir Aussi, se trouvent stoppés dans cette région, l'exode et la liquidation du vin à vil prix. La confiance renaît quelque peu.
19 heures. - Attroupement au bout de notre rue à Saint Eugène. L'O.A.S. vient de tuer un barbouze. Quand j'y passe à 20 h 30, il y a un char à cet endroit.
21 heures. - Gros nuages bas. La ville est lourde, totalement obscure et silencieuse sauf quelques rares détonations isolées.
Où en sommes-nous exactement? Peut-on dire que l'effort de l'O.A.S. soit perdu et terminé? Pour ce qui est de son slogan "O.A.S.-Algérie française", tout le monde ici admet que la mode est passée et la page tournée. En grande partie, parce qu'à la longue, toute rengaine finit par vous sortir des oreilles. En partie aussi parce qu'on ne tient plus tellement à un mariage avec une France si dégoûtante. Ce ne sont que des arguments psychologiques, mais depuis longtemps ce mythe n'était plus que psychologique et ne servait plus que de signe de ralliement.
Mais, outre la petite guerre habituelle, il est possible qu'il y ait une autre action O.A.S. sur un terrain très mal défini et inconnu pour l'instant parce que secret, mais qui peut avoir une certaine portée. Dans ce cas, je pense qu'on abandonnerait enfin cette guerre psychologique, aveugle pour la piétaille et si fatigante, et qu'on aurait, clairement définis, des objectifs politiques, diplomatiques, stratégiques déterminés et des moyens adéquats. L'émission O.A.S. de la radio à 13 heures confirmerait ce point de vue. On chercherait à constituer une plate-forme territoriale occidentale en Oranie qui permettrait, pour commencer, de se regrouper, de souffler, y voir plus clair. Il est en conséquence demandé aux gens de se regrouper dans les cinq villes clefs de cette plate- forme; Oran, Mostaganem, Sidi-Bel-Abbes, Perrégaux et Arzew. Qu'ils refassent des provisions et qu'ils se tiennent prêts à accomplir les consignes qui vont être données. Le potentiel de guerre, dit-on toujours, est intact et les pourparlers se poursuivent à l'échelon le plus haut. "
Michel de Laparre "journal d'un prêtre en algérie".
Manifestation FLN à Noisy le sec (19 blessés), aussi à Nanterre, à Briey, (10 blessés).
Michel Serre, suppléant en 1958 du député UNR du Vaucluse, avait rejoint l'O.A.S. Arreté, incarceré aux Beaumettes, il est mysterieusement retrouvé "pendu" dans sa cellule.
Réunion des chefs de l'OAS chez maître Kalfléche. Perez claque la porte, les autres rédigent un texte (large autonomie pour alger et oran, 50% d'européens dans la force locale, vice presidence , finance, économie pour des européens. Chevallier refuse de transmettre un tel texte .
13 Juin 1.962:
Il n'y a plus de statistiques des attentats, enlèvements, massacres, cela est nécessaire pour masquer la faillite de la politique gaulliste. Les informations ci-après sont extrêmement parcellaires;
Enlèvements (dont cinq à Belcourt) incendies et plastics, assassinats.
Autre enlèvements, M. et Mme Orfila et leur fils ainsi que René Négrinat sont enlevés à la ferme de Richemont près de Birtouta par une unité des Forces auxiliaires franco-musulmanes commandée par un certain Si Cherif. Au 12 juillet, le colonel Buis " demande de prescrire une enquête aux fins de vérifier l'exactitude de cette information, et dans l'affirmative, de faire libérer les personnes enlevées ". Le 4 août 1962, le dossier sera classé sans autre information. ( Jordi "Un silence d'état" ISBN 978-2-9163-8556-3)
A Oran, le lieutenant colonel Marlot est tué par un commando O.A.S.
Pour les museler, tous les jeunes Algérois ont été raflés dans leur quartier, notamment dans les cafés du champ de manouvres, embarqués à Alger, débarqués en métropole et incorporé dans l'armée pour y faire leur service militaire. eventuellement par anticipation.
"Cette operation s'est appelée le " PLAN SIMOUN" L'initiateur se nommait Christian FOUCHE . Et c'est ainsi que nous quittames l'Algérie, par un beau matin de juin 62 (le 13) pour nous retrouver le soir en Allemagne du coté de Donauschingen.....dans un régiment de Tirailleurs marocains. Régiment qui avait pris ce village en 1945, d'ou les relations assez fraiches (c'est le moins que l'on puisse dire) avec la population... Inutile de rajouter que la "Valise" était toute petite... " Edouard Pons se souvient sur internet.
A Sidi Bel Abbès, plusieurs commandos delta sont accrochés par une toute neuve section du FLN. "nous avions évacués des quartiers pour les gens de l'intérieur qui venaient s'y réfugier avant de prendre la route d'Oran. Nous en assurions la protection. Les nerfs étaient à bout, nous avions un sérieux accrochage avec le FLN, un de nos hommes était touché, nous étions fixés par l'ennemi. Il y avait deux ou trois camions plein de légionnaires qui n'ont pas bougé, ils ont même refusé de nous passer des munitions. Le dégagement n'a été possible que grâce à l'aide d'un commando du sous-secteur." Parmi les morts, Francis André.
A Tunis, ben Khedda déclare "nous respecterons les accord d'évian". Le GPRA demande aux français d'algérie de rester, et leur promet des droits égaux. Mais en écho aux négociations OAS/Mostefaï, il affirme : "certains veulent des garanties supplémentaires pour les européens, mon gouvernement exclut catégoriquement une telle possibilité";
On sait depuis que lors du premier congrès de Tripoli (08/61), et à l'occasion du remplacement de Ferrât Abbas par ben Khedda, il avait été décidé de virer systématiquement tous les français d'algérie et que donc le paraphe par Belkacem et la signature par la france de ces fameuses déclarations d'intention n'engageaient que ces deux là. D'ailleurs Mostefaï se fait couvrir par Belkacem pour obtenir une approbation sur les accords qu'il a signé avec Susini. Ce sera une pierre supplémentaire dans le jardin de Belkacem quand le FLN l'éliminera. (Mostefaï, comme Belkacem est kabyle, beaucoup pensent qu'ils auraient réellement aimé une minorité française pour renforcer la minorité kabyle). En attendant Belkacem, alarmé par les résolutions islamistes du second congrès de Tripoli qui vient de s'achever, et avec l'accord des français, visite sa Kabylie, officiellement pour voir sa famille, en fait pour fédérer ses appuis. C'est à l'occasion de cette visite qu'il donne le feu vert à Mostefaï.
Ce n'est que ce 13 juin 1962, soit trois mois après le cessez-le-feu et vingt jours avant le scrutin d'autodétermination, donc vraiment in extremis que la population des juifs du M'zab accède à la pleine citoyenneté française. Ceci par un arrêté du ministre chargé des Affaires algériennes paru au Journal Officiel. C'est grâce à cette mesure que les Juifs du M'Zab, dans leur quasi-totalité, deviennent des citoyens français de statut civil de droit commun et peuvent de ce fait envisager sans obstacles administratifs leur installation dans la Métropole. Ils seront parmi les rares à être evacués par le gouvernement français, Un pont aerien est créé entre Marseilles et Gardaïa. leur histoire ICI
14 Juin 1.962:
L'exode continue. Comme il est impossible de trouver des cadres de déménagement, et que les services de transport ne fonctionnent plus de nombreux pieds noirs détruisent leurs possessions avant de partir.
Cinq personnes d'une même famille qui avaient été enlevés avec cinq militaires sont délivrés à la suite d'une intervention de la commission centrale du cessez le feu (les mauvaises langues disent que s'il n'y avait pas eu les militaires, les cinq malheureux auraient rejoint la dizaine de milliers de disparus dont on est aujourd'hui toujours sans nouvelles).
Sept pieds noirs (une famille de cinq personnes, leurs deux employés) sont enlevés dans une ferme près de Birtouta. Quinze musulmans du MNA enlevés près d'Alger.
Dès la mi-1962, des associations de rapatriés d'Algérie avaient attiré l'attention des autorités publiques sur ces enlèvements de femmes mais sans grand résultat. Le cas de Madame Valadier était souvent avancé car, à la différence de Mademoiselle Peres, Madame Valadier avait pu rentrer en France. Evelyne Valadier, jeune maman (elle vient d'avoir son deuxième enfant en mai 1962) est enlevée à Alger le 14 juin 1962 par le FLN, et mise effectivement dans une maison close de la Basse-Casbah. On ne sait comment, mais elle est reconnue par une personne qui réussit à la sortir de cette maison close et qui la laisse près d'une église d'Alger le 9 juillet 1962.
Elle est immédiatement admise à l'hôpital Maillot où les médecins prescrivent que son état moral nécessite soins et surveillance prolongés. Ils feront ensuite le nécessaire pour un rapatriement immédiat vers la métropole dès l'amélioration de son état en se mettant en contact avec les Autorités militaires. Ils ont appris que Evelyne Valladier est la belle-soeur du commissaire de police Edmond Baudel, muté à Nîmes. Le Lieutenant colonel V Gallouet, commandant le 81me RIA (Maison-Carrée) écrit alors au commandant de la Place de Nîmes, le colonel Beaulieu, afin qu'il avertisse Edmond Baudel. Madame Baudel, la soeur d'Evelyne Valadier, la récupère le 4 août. Rapatriée au centre hospitalier de Nîmes (service neurologie), Evelyne Valadier sera hospitalisée d'octobre 1962 à janvier 1963. Avec beaucoup de courage, elle essaie de reprendre pied et tente de retravailler en 1964 ... mais les traumatismes physiques et psychiques sont nombreux et handicapants, on le comprend aisément.
(un silence d'état, Jean-Jacques Jordi)
Hold-ups et plastics dans toutes les grandes villes.
Le général Ginestet et un colonel médecin sont tués à Oran par un européen. L'O.A.S. dès le soir, dans une émission pirate, et encore aujourd'hui nie toute responsabilité dans ces assassinats. Il semble cependant qu'un commando O.A.S. a tué les deux hommes, les prenant à tort pour Katz et un de ses adjoints.
Troisième et derniére rencontre entre l'O.A.S. (Susini) et le F.L.N. (cette fois Mostefaï, Farés ayant été desavoué par Ben Khedda). Les accords (verbaux) sont confirmés; Chevallier exulte. Les accords seront officiellement annoncés le 17 par une intervention à la radio de Mostefaï et par une émission pirate de Susini.
Le général Weygand, qui s'est tenu à l'écart de toute politique dans les périodes troublées intervient et publie un communiqué: "des milliers de français d'origine musulmane ont péri de la façon la plus horrible pour avoir jusqu'au bout voulu demeurer fidèles à la France (...) L'honneur de notre patrie, voilà bien la question. Si nous abandonnons, sans mot dire, à leur sort affreux les musulmans d'algérie qui ont fait foi à la parole donnée au nom de la France, l'honneur de notre pays sera perdu. (...)" Les médias en rigolent encore. Il n'est evidemment pas question de faire venir en métropole des français musulmans d'opinion nationaliste, voir d'extréme droite.
Premier comité interministériel relatif aux rapatriés, devant l'impuissance de l'administration civile, Mesmer prend l'initiative de mettre les moyens de l'armée à la disposition des anciens supplétifs, il prend en charge avec les moyens de l'armée, le transport, Il prête les camps militaires, il met à disposition 2300 membres des forces armées.
A Nanterre, 2000 algériens font la fête, ils réclament l'extra territorialité de leurs établissements ils enlèvent un européen qui ne sera jamais retrouvé.
15 Juin 1.962:
Il n'y a plus de statistiques des attentats, enlèvements, massacres, cela est nécessaire pour masquer la faillite de la politique gaulliste. Les informations ci-après sont extrêmement parcellaires;
L'O.A.S. applique la politique dite de la terre brûlée, une immense explosion secoue l'hôtel de ville d'Alger, un mort 43 blessés.
Nombreuses incendies volontaires, nombreux plastics dans toutes les villes d'algérie.
Deux européens abattus à Alger par des policiers de la force locale.
TEMOIGNAGE DE MONSIEUR ANDRE RASTOLL repris dans "l'agonie d'Oran" tome 3, ISBN 2-906431-27-3
La date des faits se situe au mercredi suivant la fête des pères de 1962 (15 Juin). Je me trouvais en fonction au Commissariat de Police de Saïda en qualité de Gardien de la Paix. Un collègue de mon service, Roland Hamel, qui possédait une 4 C.V. Renault, avait consenti a m'accompagner a l'aéroport de La Senia afin que je puisse revoir mon épouse et mon fils avant leur départ pour la métropole.
(…émotion à l'aéroport)
Il pouvait être donc 15 heures lorsque Roland Hamel et moi-même avons quitté l'aéroport de La Senia à destination d'Arzew. Je conduisais la 4 CV. Renault, circulant vers le centre ville, afin de nous rendre à Arzew en passant par Gambetta. Au carrefour nous avons aperçu un half-track et une automitrailleuse, de face et sur la gauche, en quinconce, avec quatre à cinq gardes mobiles en protection au sol et l'un d'eux s'approchant des véhicules pour interpeller les occupants. Le serveur de la mitrailleuse de l'half-track était en position de tir et assez irrité. Cela allait très vite et nous n'avons pas eu le temps de nous interroger !... Il pouvait y avoir un ou deux véhicules devant nous. A notre tour, le garde mobile s'est approché de moi et je lui ai fait savoir que nous étions tous deux policiers à Saïda. Il a alors crié à l'attention du serveur de la mitrailleuse: "Il y en a deux là". ..Et aussitôt un arabe en tenue militaire est apparu de derrière l'half-track et l'A.M. pour arriver vers nous au pas de gymnastique; comme cela s'était produit pour les véhicules qui nous précédaient. Il s'est installé à l'arrière de la 4 CV. armant la MAT 49 qu'il portait et dont le canon touchait ma tête. Au moment où j'ai démarré, sur l'ordre de notre convoyeur, j'ai entendu le serveur de la mitrailleuse dire: "deux de moins à dédommager en France". ..Nous étions pris au piège, suivant le ou les véhicules qui nous précédaient et suivis de la même façon par d'autres voitures. C'est pratiquement en cortège que nous sommes arrivés dans un des P.C. du F.L.N. de la ville nouvelle (Village nègre); Roland Hamel se trouvant en position de passager avant. Je me souviens qu'il n'y avait pas de circulation en sens inverse. ..Ce campement était installé, pour ce dont je me souviens, dans une impasse avec un parking assez large,
(…description de l'endroit)
Sur le rétroviseur intérieur j'avais remarqué que notre convoyeur avait le doigt sur la détente. Il avait environ la trentaine d'années et il paraissait sûr de lui. J'ai commencé à lui parler lentement en arabe, lui faisant remarquer qu'il avait le doigt sur la détente et qu'un "accident regrettable" pouvait toujours arriver en roulant. Je l'ai alors prié de quitter son doigt de la détente, ce qu'il a fait lentement. Puis je lui ai demandé de me confirmer si nous allions vers un P.C. du F.L.N. Il a répondu par l'affirmative. Toujours en arabe et très lentement, je lui ai dit que je voulais avant toute chose parler à un responsable; lui précisant que mon père avait servi dans la même unité que Ahmed Ben Bella, en Italie, et qu'il serait regrettable pour tous qu'il nous arrive quelque chose... Il m'avait alors promis de faire le nécessaire et nous avons eu beaucoup de chance. Dès notre arrivée, plusieurs individus se sont rués vers notre véhicule comme sur tous les véhicules qui nous précédaient (un ou deux) et qui nous suivaient (beaucoup plus); j'ai encore à l'esprit l'image de l'individu qui arrivait vers moi, débraillé, veste ouverte, un couteau de boucher passé dans la ceinture avec encore du sang frais sur la lame. ..Et à proximité, sur notre gauche, un groupe d'individus formant un rond au centre duquel un ou plusieurs Français étaient en train de se faire égorger. ..Cette situation était générale dans ce campement sur 200 à 250 mètres environ. Notre convoyeur est sorti rapidement et s'est interposé énergiquement à l'adresse de ceux qui se ruaient vers nous. Ces derniers ont marqué un temps d'arrêt et le convoyeur nous a demandés de descendre, les mains en l'air, de manière à nous faire désarmer. Nous portions tous deux nos armes de service et je l'avais dit à notre convoyeur avant d'arriver. C'est pendant cette opération que j'ai aperçu, quatre à cinq voitures derrière nous, un ami d'Arzew... Il était conduit "manu-militari" dans notre direction... Il s'agit de François Perles, propriétaire et exploitant du cinéma "Eden" d'Arzew. A partir de là les choses ont été très vite. On m'a demandé d'avancer vers un pavillon qui se trouvait en face de nous. J'ai exigé que mon collègue reste avec moi. C'est ainsi que nous avons été tous les deux conduits au 1er étage. Alors que nous gravissions l'escalier, j'ai pu apercevoir François Perles qui était dirigé vers le sous-sol de ce même pavillon; pour entendre presque aussitôt trois coups de feu claquer. ..J'ai compris qu'ils l'avaient tué. ..
Présenté au responsable qui s'est avéré être un "religieux" faisant autorité (Alem ou recteur de mosquée), je n'ai pas eu de mal à m'entretenir avec lui pour avoir appris le "Coran". ..Je lui avais proposé de prendre attache avec mon chef de brigade de Saïda, le brigadier Seddiki, que nous tenions depuis peu pour être le responsable du F.L.N.; mais surtout avec le poste de commandement de Ahmed Ben Bella. Il m'a demandé certaines précisions à ce sujet et je lui ai dit ce que je savais. Ahmed Ben Bella et mon père faisaient partie de la même compagnie de tabors. Ben Bella commandait la 3e section et mon père la 4e. Ils avaient fait Monte Casino ensemble... et avaient gardé de bons et loyaux souvenirs de combattants. Enfin, peu de temps avant, mon père m'avait demandé de ne pas hésiter à en user en cas de difficulté. Ce responsable, âgé de 35 à 40 ans environ, à l'époque, était bien mis de sa personne. Sur photo d'époque, je pourrai le reconnaître. Il avait un Coran à la main lors de notre entretien. Il nous a laissés à la garde de deux militaires en armes, dans cette pièce quasiment vide, regardant le mur; alors que notre convoyeur était reparti dès notre prise en charge. Pendant ces deux heures, sans parler ni nous retourner, nous avons entendu les départs et arrivées de véhicules, les cris, les coups de feu qui se répétaient, et toutes ces clameurs nous renseignaient sur la tuerie qui se commettait.
Deux heures après, environ, entre 17 heures et 17 heures 30, le "responsable" est revenu en me précisant qu'il n'avait pas pu avoir Saïda en raison d'une coupure des communications téléphoniques; mais il avait pu obtenir le poste de commandement de Ahmed Ben Bella, et il nous apprenait aussitôt qu'il nous libérait. ..
Dans la mesure où ses renseignements auraient été négatifs, dès son arrivée nous aurions été abattus, sans discussion. ..
Il nous a demandés de le suivre. Nous sommes sortis du pavillon et nous avons pu constater que la même "effervescence" régnait dans le campement. Notre véhicule avait été déplacé et garé plus près du pavillon. J'ai pris le volant, Roland s'est installé à la place passager-avant, et le responsable est monté à l'arrière. Nous avons quitté ces lieux et c'est sur les indications de ce "responsable" que nous avons abouti avenue de Lyon. Peu avant la mairie, en venant de la ville-nouvelle, le "responsable" m'a demandé de m'arrêter. Il nous a rendu nos armes de service, chargeurs vides, et les cartouches en vrac. Il est descendu du véhicule et nous a souhaités bonne chance.
(… portent plainte, préviennent la famille de François Perle).
Peu de jours après, le 29 juin 1962, dans la matinée, avec seize de mes collègues, pratiquement tous pieds-noirs, j'ai été invité à quitter le territoire algérien en raison de l'évolution politique et par mesure de sécurité. ..En clair, il nous avait été dit que nous faisions tous l'objet d'un jugement de condamnation à mort rendu par le tribunal permanent des forces de l'A.L.N. : c'est alors que j'ai compris toute la chance que nous avions eu. ..le responsable religieux n'avait pas pu obtenir téléphoniquement notre chef de brigade qui est devenu peu de temps après commissaire de police à Saïda.
(… il quitte Oran le 5 juillet).
Je vous donne donc mandat à l'effet de faire valoir le présent témoignage, dans le cadre de l'information ouverte contre le Général Katz, et contre toute autre personne qu'elle révélerait; voire même par le dépôt de plainte pour tentative d'assassinat à mon encontre puisqu'elle n'a raté son effet que par des circonstances indépendantes de la volonté des gardes mobiles agissant de concert avec le F.L.N. Je persiste et signe les présents feuillets pour valoir ce que de droit, affirmant qu'il s'agit de l'expression de la vérité, sans haine ni passion, ou autre intéressement de quelque nature que ce soit.
André RASTOLL
Un café maure mitraillé à paris, 10 blessés.
16 Juin 1.962:
Les campagnes abandonnées par l'armée française sont les témoins d'ignobles massacres, et de pillages systématiques.
Un témoignage, repris de l'excellente revue des anciens officiers SAS, "les SAS", 7 rue Pierre girard 75019 Paris.
Officier des A.A., nommé après le cessez-le-feu à Aïn-Fakroun (Sud du département de Constantine), je fis la connaissance de l'ensemble du personnel, tant européen que musulman. Il y avait en particulier un Sergent-chef européen, marié à une jeune musulmane; le couple avait un bébé et demeurait dans une petite maison, à l'écart de la S.A.S. Un matin, très tôt, le sergent-chef vient me réveiller:
- "Mon lieutenant, ma femme et le bébé ont disparu!" Nous montons dans la jeep et, sur ses indications, prenons la direction de Constantine, en interrogeant les gens au bord de la route; l'un d'eux a effectivement vu une femme marchant en direction de la ville faire du stop et partir en camion.
J'apprends alors que le jeune femme est originaire de Constantine, fille d'un Sergent-chef Moghazni chez lequel elle sera vraisemblablement allée. Mon subordonné, très affecté, cherche la raison de cette fugue sans avoir de réponse, et, finalement, me demande d'aller à sa place voir sa femme chez sa belle-famille pour tenter de la faire revenir avec le bébé. En fin de matinée (nous sommes en juin 1962), j'arrive devant les- logements des moghaznis, situés dans le bas de la ville et tous regroupés sur une même cour; devant l'entrée, se trouvent deux ou trois Musulmans en uniforme et en armes, qui ne dépendent manifestement pas de l'Armée française. Je me dirige vers l'entrée, et ils s'interposent, me demandant où je vais; allant voir le sergent-chef, ils me laissent passer. J'ai compris que l'ensemble des Moghaznis et de leurs familles sont déjà gardés à vue par le F.L.N. Le sergent-chef est là et il me confirme que sa fille se trouve chez lui.
- "Mais pourquoi a-t-elle quitté Aïn-Fakroun et son mari?"
- "Elle ne l'aime plus; par ailleurs, elle craint qu'il ne l'emmène en France avec le bébé, et elle ne veut pas quitter son pays".
- "Mais n'y a-t-il pas un moyen de trouver un arrangement pour qu'elle revienne?"
-"Il n'y en a aucun. Elle va demander le divorce".
Par acquis de conscience, je demande à voir la jeune femme; bien entendu, elle me confirme ce qu'a dit son père. A quoi bon insister? Je sais bien qu'il n'y a rien à faire, que le malheureux, en ordonnant à sa fille de revenir, obéit au F.L.N. et tente de sauver sa vie... A mon retour, mon sergent-chef baissa la tête, comprenant que sa petite famille était perdue. J'ai le souvenir qu'il essaya courageusement de surmonter son désarroi. Je ne sais pas ce que sont devenus les protagonistes de ce drame familial, mais je n'ose pas penser au sort qui dut être réservé aux Moghaznis de Constantine, et en particulier au beau-père de mon sergent-chef .
Témoignage du sous-lieutenant Chef Jacques Rousseau
Les informations sont pratiquement impossibles à obtenir. Les foules se pressent aux ports et aux aéroports.
Krim Belkacem a été consulté au sujet des négociations Susini-Mostefaï, il a couvert ce dernier, malgré l'opposition de Ben Khedda. Une déclaration de Mosefaï est mise au point.
17 Juin 1962:
La presse métropolitaine signale un attentat déjoué contre De gaulle. Il se serait agi d'une tentative à Vesoul, le 15, lors d'une tournée de propagande, menée par des deltas ayant fui l'algérie. France Soir explique que des chiens piégés et dressés devaient entourer le chef de l'état et exploser. Coté OAS, personne n'est au courant de rien, Auto-intoxication des policiers ou manipulation politique pour faire oublier les images des réfugiés sur les quais d'Alger et d'Oran? La police arréte quand même puis relachera un certain nombre de personnes connus pour leurs opinions.
Deux cafés morts mitraillés en région parisienne, 8 blessés graves.
Depuis Tunis, l'agence de presse du FLN annonce la découverte de charniers, ce qui émeut considérablement les amis du FLN. Après enquête, et comme d'habitude, il s'agit de règlements de comptes entre factions FLN mis en avant pour contrebalancer l'effet des charniers (bien réels ceux là) des environs d'Alger.
Mostéfaï intervient à la télévision pour expliciter les accords Susini/Exécutif provisoire.
-il reconnaît l'OAS comme representant des européens.
- l'amnistie est totale pour tous
- la force locale comprendra des européens.
Cinquante ans après il se confie à la revue 'l'algerianiste (numéro 131, page 114) "Je me refuse à répondre à toute question concernant la politique suivie en Algérie depuis 1962 à ce jour, parce que j'ai pris volontairement et avec beaucoup d'amertume ma retraite politique ayant été qualifié de traître pour avoir négocié avec l'OAS alors que je n'ai fait qu'exécuter une décision émanant de l'autorité supérieure, le GPRA en l'occurrence ... ".
Le reste, attentats divers, exécutions de musulmans pro français, enlèvements, vols est masqué par la censure.
C'est comme la quille De gaulle compte plus que quinze jours au jus. Au conseil des ministres de ce jour, Boulin réitère, "Ce sont bien des vacanciers, ils ont avancé leurs vacances d'un mois, il faut que la preuve du contraire soit apportée".
50.000 "vacanciers" errent sur les quais de Marseille, sans un sou, ne sachant où passer la nuit.
Mostefaï, de l'exécutif provisoire, dans un discours sur radio Alger cherche à calmer la panique des européens, mais depuis le caire, Aït Ahmed le desavoue et à Alger Azzedine le patron de la zone autonome affirme qu'il n'engage personne et que c'est pure propagande pour diminuer les attentats de l'OAS.
Des rumeurs de négociations O.A.S./F.L.N. circulent à Alger. Une émission pirate de l'O.A.S. ordonne le cessez le feu et la fin de l'opération terre brûlée dès le soir. Dans une émission à Constantine, l'O.A.S. - Est désavoue ces négociations.
Des assassinats à Alger, Oran.
Des plastics à Bône et Philippeville.
Le reste, attentats divers, exécutions de musulmans pro français, enlèvements, vols est masqué par la censure.
"Nuit calme. Ambiance toujours à un optimisme prudent. Ce discours Mostefaï conquiert peu à peu les cœurs. Les femmes pleurent d'espoir, suppliant le Ciel que tout s'arrange comme cela. Elles voient déferler l'exode des gens de l'intérieur et disent que tout avaler vaut mieux que partir ainsi. Elles souffrent de tout en permanence. Des arrestations massives, des perquisitions continuelles, de la grossièreté des gendarmes ... Elles poussent certainement pour qu'on accepte cet arrangement Mostefaï.
Pour les hommes, c'est plus complexe. Mutisme absolu d'ailleurs jusqu'à l'émission O.A.S. de ce soir qui doit dire ce qu'il faut penser. On a trop l'habitude de la douche écossaise pour s'emballer.
Psychologiquement, le terrain est mûr et assez bien préparé chez beaucoup à l'acceptation. La seule chose qu'on est unanime à désirer, c'est de pouvoir donner une bonne raclée, vraiment sérieuse, aux gendarmes mobiles, avant de cesser la violence. On se dit même que comme de toutes façons, ils doivent partir au 1er juillet, il faut se dépêcher avant qu'il n'y en ait plus. Si la satisfaction de ce baroud-là pouvait leur être accordée, les plus durs, je crois, remettraient au vestiaire mitraillettes et bazookas. Mais encore une fois, c'est ce soir, à la radio que l'O.A.S. fera la pluie ou le beau temps.
Un accord avait été conclu entre nos supérieurs, l'évêché et le Secours Catholique pour que la Maison soit, en cas de besoin, utilisée pour les réfugiés. C'est M. L'abbé X. qui arrive le premier avec soixante-dix habitants de Perrégaux.
Ils sont complètement affolés et doivent embarquer samedi. Ayant tout abandonné, ils n'ont que leurs valises. Et l'abbé nous supplie de trouver voitures et camions pour aller sur l'heure chercher tous ceux qui n'ont pu partir. Son village de Belgique sera ravi, pense-t-il, d'accueillir tout ce monde. À Perrégaux, les Arabes seraient sur le point d'envahir et de massacrer. C'est l'enlèvement de cinq hommes hier, divers viols et le conseil très pressant de l'armée française paralysée qui ont déclenché cet exode. J'ai la tête pleine des horreurs que racontent ces gens. Et leur état de misère soulève le cœur. Et cette misère prend, au port et à La Sénia, avec l'affluence et la bousculade, des proportions invraisemblables. De partout les gens arrivent sans places retenues et vont avoir à attendre quinze jours un moyen de transport. Il suffirait de mettre en ligne quelques courriers d'Orient de deux mille places. On en parle; mais on ne s'y décidera jamais. La panique règne dans beaucoup de bleds. Des sous-préfectures, comme Saïda, sont fermées et le personnel parti. Il n'y a personne pour s'occuper des gens. Bien des médecins, pharmaciens, commerçants ont été obligés de partir. Et l'O.A.S. depuis trois jours permet aux hommes de partir. Ce qui est le signal de la fin de sa lutte et de la débandade générale.
Dans toutes les familles il y a des séparations brutales qui sont tragiques en ces circonstances. Perdus dans la diaspora, se retrouvera-t-on un jour?
Fort heureusement, le personnel du Secours Catholique est à la hauteur du drame. Il garde son sang-froid et m son monde avec un très remarquable esprit d'initia' d'organisation et de dévouement. Pour l'instant tout passe bien. Mais ce cher abbé X., mort de fatigue physique et morale, est complètement à bout. Il a ramassé tout monde et surtout les plus déshérités: infirmes, boiteux, vieillards, et bien des familles nombreuses.
A 21 heures, j'entends dans les dortoirs tous ces gens qui répondent à la prière que fait madame Y., une des responsables du Secours Catholique, qui est aussi animatrice du pèlerinage de Lourdes. Une grand-mère lui disait tout à l'heure que sa plus grande peine était de n'avoir pu mettre à l'abri les statues de saint Michel et de sainte Thérèse, abandonnées dans une chapelle isolée de sa commune d'où elle n'a pu sauver que l'essentiel. Pour elle, elle n'a emporté qu'une valise. Mais au port, certains n'en ont même pas. Ni une valise, ni un sou, uniquement ce qu'ils portent sur eux.
Un papa et ses six enfants se présentent ce matin à l'embarquement. Il n'a que six mille francs. "Alors vous partirez, lui dit-on, quand il y aura des places." Ils se sont assis sur la valise familiale, la smala autour du père, et pleurent tous ensemble. Il est vrai qu'il devient impossible de tenir compte des priorités. Tout le monde est prioritaire; les femmes enceintes ou malades, les vieillards, les familles nombreuses. Tous les cas sont tragiques. Les gens des services d'accueil n'ont plus de larmes à verser. De temps en temps seulement l'accumulation du malheur les submerge. Ils se dégonflent alors dans une oreille amie ou dans un coin tout seuls. Les enfants, eux, sont ravis. Beaucoup n'avaient jamais quitté leur village, ni vu un bateau, ni la mer ... ni non plus un ascenseur. Et le nôtre a un succès fou.
Le P.C. du Secours Catholique est maintenant installé ici et bien organisé pour diriger ses cinq centres d'accueil..., et les nourrir. Un, dans les hangars du port, compte cinq cents places; ici il y en a cent vingt cinq; dans un collège, cent; dans un autre, quarante-trois et dans un troisième, cinquante-neuf, ce qui fait pour aujourd'hui, préparés sur nos fourneaux, huit cent vingt sept repas de midi, et autant du soir. C'est dire qu'il y a fort à faire. Un service de transport achemine ces repas aux divers centres. Pour coucher, cette nuit, ici, cent vingt-cinq personnes ont tenu sur cent quatorze lits dont trente sans matelas. On a déniché cinquante paillasses à Saint Eugene. On tâchera de trouver de la paille. Il y a toutes sortes de gens dans ces réfugiés. Quelques jeunes juifs et juives viennent ce soir me demander un piano pour danser .. Je les ai bien reçus. Ils se sont contentés de l'harmonica.
Les quarante vieillards de l'hospice de Perrégaux logent ici cette nuit. Pauvres gens qui ne peuvent même pas mourir tranquillement. Mais ils sont presque inconscients et joyeux comme des enfants.
Je suis descendu au port ce matin avec le Secours Catholique pour accompagner une famille de neuf enfants. J'ai visité le centre d'accueil qui déborde de monde. Hier devaient embarquer cinquante enfants poliomyélitiques. mais leurs billets de places retenues ont été volés sur un bureau de la préfecture. Ils ont attendu toute la journée avant d'être embarqués.
Ce matin encore, les enfants ont remis le feu à leurs écoles et pris tout ce qu'ils ont voulu. À l'école voisine, hier, pour éviter que le bâtiment prenne feu, les pompiers ont sorti les bureaux dans la cour. C'est un jeu cet après-midi de les mettre en tas, verser de l'essence et envoyer une allumette. "
Michel de Laparre "journal d'un prêtre en algérie" ISBN 2-84764-019-3
La ligue arabe déclare apporter son soutien au GPRA (les grandes manœuvres entre clans du F.L.N. ont commencé).
Aït Ahmed, ("moderé" rallié à Ben Bella) depuis Tunis, refuse d'accepter les accords FLN/O.A.S. signés à Alger, la lutte des clans pousse à la surenchère extrémiste..
Trois cafés maure mitraillés à Alger.
Trois harkis disparaissent à Paris, enlevés par le FLN, ils ne seront jamais retrouvés.
Toute une série de cafés sont mitraillés dans la banlieue parisienne, à Issy les Moulineaux, à Aulnay, à Nanterre, à Paris rue de la croix nivert, rue d'aubervilliers, rue petit, rue de Lyon, rue Polonceau, en tout un mort 20 blessés.
19 juin 1.962:
Susini dans une émission pirate demande la mise en application immédiate des engagements de Mostefaï.
De Tunis, ben Khedda déclare ne pas désavouer les accords d'Alger entre OAS et FLN.
Le reste, attentats divers, exécutions de musulmans pro français, enlèvements, vols est masqué par la censure.
Selon le préfet de police Vitalis Cros (dans son livre) il y eut à Alger seulement depuis le 10 Juin, 14 opérations de fouilles et de bouclage, concernant 5242 perquisitions, 21249 personnes contrôlées, 845 arrestations, 1500 armes saisies. Bien entendu contre l'OAS, Vitalis Cros était l'allié du FLN.
20 juin 1.962:
Le colonel Gardes confirme que les accords ont bien été passés entre le F.L.N. et l'O.A.S.
Chevallier l'ancien maire d'Alger déclare qu'il faut voter oui au référendum du premier juillet.
Le travail reprend tant bien que mal dans les administrations et certaines usines.
Le reste, attentats divers, exécutions de musulmans pro français, enlèvements, vols est masqué par la censure
Depuis quelques jours, des discussions sont en cours entre l'O.A.S. Oran et Katz, grace à l'entremise d'un fonctionnaire Soyer, par l'intermediaire du docteur Laborde et du journaliste Bellier. On prevoit un regroupement des pieds noirs , un cessez le feu avec les forces de l'ordre, et la création d'une force armée pied noire. Katz donne l'ordre de cessez le feu ce 20 juin en gage de bonne volonté, et il rapatrie sur Oran les prisonniers O.A.S. du camp de Tlemcen, voués à la mort vu la prise en main de la région par le F.L.N. Par contre autoriser une force armée pied noir dépasse largement ses capacités de négociations, et il apparaît rapidement qu'il ne s'agit pour lui que de gagner du temps. Les chefs de l'O.A.S. d'Oran réunissent leurs patrons de colline et demandent leurs avis sur une tentative de soulèvement de la ville. Une seule colline est d'accord, la décision est prise de fuir. (d'après Claude Micheletti, Fors l'honneur ISBN2-912-932-37-8)
De Bruxelles l'ancien premier ministre Georges Bidault qui a créé avec Soustelle le conseil national de la résistance, (il était également le président du conseil national de la résistance après l'arrestation de Jean Moulin) demande le report du scrutin pour laisser se rétablir le calme en algérie.
Les pieds noirs s'enfuient : Un véritable chaos règne sur les quais d'Alger. Des foules attendent, en plein soleil, le passage d'un paquebot. A l'aéroport, des masses non moins compactes s'entassent dans des halls surchargés et aux alentours. L'attitude des militaires envers les réfugiés est variable: certains aident les plus faibles, transportent les malades, voire donnent des biberons. D'autres témoignages font état de brimades et de brutalités. Il semblerait qu'en juin, des unités blindées aient fait mouvement autour de Maison Blanche pour dissuader les automobilistes de venir s'agglutiner aux embouteillages déjà existants. Des officiers n'hésiteront pas à menacer d'écraser les récalcitrants sous les chenilles de leurs chars. Le désarroi de ceux qui ont vécu ces minutes alors qu'ils espèrent encore recevoir l'aide de leur armée est indicible.
L'ancien maire de Fort- de- l'Eau, Monsieur Robert Moulis a décrit son exode avec précision. Nombre de ceux qui ont emprunté la voie aérienne font des récits semblables et son témoignage est significatif (auto - édition, page 156).: " A notre arrivée, au petit matin, une file de plusieurs centaines de mètres de voyageurs était déjà contenue par les gardes- mobiles. Il n'y avait pas d'autre solution que de prendre la suite. Chacun de nous n'était autorisé à n'emporter que deux valises. Chaque valise était pesée et celle qui dépassait un poids déterminé était rejetée. Il fallut plusieurs heures, pour atteindre l'entrée de l'aérogare. De temps en temps, nous progressions d'un demi -mètre et chacun trimbalait ses valises derrière lui. Ce n'est qu'après une huitaine d'heures de station debout sans jamais s'écarter de son rang, et sans avoir mangé, ni bu, que nous avons été admis à entrer dans le hall. En raison de la présence de ses deux enfants, ma fille avait bénéficié du privilège de pouvoir y pénétrer en cours de matinée, et s'était installée dans un angle formé par un mur et une grande vitre, donnant sur les jardins.
Le spectacle du hall était horrifiant. Plusieurs milliers de personnes s'y compressaient. Il était difficile de s'y frayer un passage. Rares étaient ceux qui avaient pu profiter d'un siège ou d'un coussin. Hommes, femmes et enfants étaient assis par terre, les familles formant un cercle étroit, en raison de la nécessité de faire place aux autres. Les haut-parleurs avaient répété qu'il était inutile de se présenter aux guichets et que la foule serait prévenue, lorsque des avions pourraient assurer son évacuation. Rien à faire, dans ces conditions misérables. Bien entendu, le restaurant était fermé. On ne pouvait se procurer au bar, rien d'autres que des sandwichs de pain dur et des canettes de bière chaude. Quant aux toilettes, engorgées, souillées à ne pouvoir y mettre les pieds, elles étaient repoussantes, au sens le plus strict du terme: on renonçait à y rentrer.
Cette foule était accablée, au point d'être presque silencieuse: aucun éclat de voix, aucun brouhaha ne s'y manifestait. Rien d'autre qu'un demi- silence, morne et désespéré. En fin de soirée, les haut-parleurs annoncèrent que quelques avions assureraient le départ le lendemain matin, et invitèrent les personnes déjà admises dans le hall à se présenter aux guichets de la délivrance des places. Tard dans la nuit, je voulus faire une dernière fois le tour de l'aéroport. Ses occupants dormaient repliés sur eux-mêmes. Deux ou trois familles de harkis avaient réussi, par miracle, à s'introduire à l'aéroport. Tous ces corps à terre donnaient une impression écrasante d'humiliation. Ils étaient surveillés par des gardes mobiles, mitraillette au poing"
Moulis ne dit pas, car ça va de soi, que chacun doit payer sa place.
21 Juin 1962 :
Attentats divers, exécutions de musulmans pro français, enlèvements, vols tout cela est masqué par la censure.
En conseil des ministres Boulin estime que la situation des départs d'algérie est normale, qu'il y a assez de moyens de transport, et que s'il y a des problèmes c'est la faute à l'O.A.S. qui a interdit les réservations (ceci est vrai à Oran, faux à Alger, mais à Alger, dit Boulin, la situation est normale).
Le 21 juin, alors que le chiffre cumulé des enlèvements pour toute l'Algérie approche de 1.107, Louis Joxe fait au Conseil des Ministres une communication optimiste: "Déjà se multiplient les signes d'un retour à la vie normale. Les attentats meurtriers ont pratiquement cessé: certains Européens qui avaient été enlevés ont été libérés (A. Peyrefitte, c'était de Gaulle, page 172)" ? Rien de tout cela n'est à proprement parler faux, puisque ces propos sont tenus après la conclusion des Accords FLN-OAS et l'arrêt des attentats par cette dernière. Toutefois le chiffre des Européens libérés n'est que de 190. Celui des manquants est de 789 auquel s'ajoutent 128 tués soit un total de 917 victimes, total qui va encore doubler pendant l'été. Rien de tout cela n'autorise véritablement l'optimisme. Robert Boulin est d'ailleurs moins confiant que son collègue et, à cette réunion, il parle "d'exode". Un exode qui, d'après lui, "vient de l'O.A.S.". Le Ministre admet d'ailleurs que ses services ont cherché à le ralentir. "Il valait mieux essayer de freiner" (son livre, page 173). Compte tenu de la situation sur place et de l'insécurité qui règne, cette démarche peut paraître bien inconsidérée, car les enlèvements de juin dépassent officiellement ceux de mai.
Mais ceci n'empêchera pas M. Boulin d'affirmer le 27 juin à un nouveau Conseil des Ministres que les pieds-noirs réfugiés "sont bien des vacanciers jusqu'à ce que la preuve du contraire soit apportée".
(d'après Monneret, " la phase finale de la guerre d'algérie ", l'harmattan, ISBN2-7475-0043-8)
La situation économique est devenue incohérente, suite au départs de beaucoup, au non renouvellement des stocks des commerçants, à l'exode des agriculteurs et des habitants du bled.
La censure de la presse est supprimée, mais l'écho d'Alger n'est pas rendu à son légitime propriétaire.
Lors du comité des affaires algériennes du même jour, un rapport de l'ambassadeur de France à Tripoli et un autre rapport du service de contre-espionnage informent les participants que le CNRA, l'autorité suprême du F.L.N. a condamné les accords d'évian, "plate-forme néocolonialiste et entrave à la Révolution" et que Ben Khedda le négociateur chef a quitté le congrès avant sa fin.
Personne ne commente en aucune façon cette information, et on passe à l'examen des consignes à donner aux armées françaises. Le projet soumis par Messmer prévoit l'intervention à la demande des autorités algériennes, par le canal de l'ambassadeur, ou à l'initiative des troupes pour vérifier un renseignement, rétablir notre liberté d'action ou faire cesser une menace grave. De gaulle refuse la " liberté d'action" et réclame une nouvelle rédaction. La nouvelle rédaction est émise, mais le général Fourquet, commandant en chef en algérie ne la respecte pas, et il n'annule pas sa note antérieure du 19 où il autorise de porter secours, conformément à l'article 63 du code pénal. A ce même comité, il est décidé que les musulmans voulant conserver la nationalité française devront le faire devant un juge. C'est exclure tous ceux qui n'auront pu gagner la France, nouvelle preuve des motivations profondément racistes de ce gouvernement.
Le général Martin, chef d'Etat major interarmées (EMIA) soumet au Comité des Affaires algériennes du 21 juin une directive "très secrète" sur l'emploi des forces après l'autodétermination, qui prévoit que tout échelon, sous la responsabilité d'un officier supérieur, pourrait prendre l'initiative d'intervenir pour assurer "la protection et la sécurité de nos nationaux, et porter secours aux personnes qui demanderaient notre aide et notre assistance", ajoutant "qu'en présence de personnes en danger, il est du devoir de tout élément militaire et même de tout militaire isolé de porter secours" Or le Comité des Affaires algériennes du 21 juin refuse ce projet et décide que "l'intervention dite d'initiative ne devra être envisagée pour assurer la protection de nos forces ou celle de nos nationaux que dans les cas de légitime défense ou d'attaque caractérisée" (F60 - MA 1373). L'EMIA corrige aussitôt sa copie et propose le 23 juin un projet d'Instruction dont le préambule est sans équivoque (AE 117): "La France n'assure plus de responsabilité de maintien de l'ordre, même en dernier ressort, et sauf menace directe et grave sur ses ressortissants. Toutefois, pendant la période de transition, elle est disposée à prêter son concours en ce domaine à l'Exécutif algérien, dans la double perspective : - de protéger ses nationaux - d'amorcer une large coopération avec le gouvernement algérien".
Cette Instruction a-t-elle été signée et diffusée?
On peut se le demander, car le Général Fourquet n'exécute pas à la lettre les décisions du Comité des Affaires algériennes du 21 juin. Son IPS du 27 juin définit les plans de protection (Bouvreuil), d'intervention et de recueil (Vautour) et de repli (Goéland) à mettre en oeuvre en cas d'événements graves. Le plan Vautour prévoit le recueil "sur des centres fortement protégés, des européens dispersés dans le bled, et éventuellement des musulmans qui viendraient se placer sous notre protection".
Repris sur Faivre "les combattants musulmans de la guerre d'algérie" ISBN 2-7384-3741-9
22 juin 1.962:
Une lettre de Salan est publié en france, elle approuve les accords Susini Mostefaï. Il désaprouve Gardy "pas de plates-formes territoriales, une seule algérie, où vous (les pieds noirs) devez trouver la place qui vous revient".
Cette lettre a un effet decisif sur l'OAS Oran, qui se sent desavoué par son chef.
Les accords n'ont aucun écho dans la population européenne qui continue à envahir les aéroports et les quais en espérant trouver un départ pour la métropole. Le bled a été complètement abandonné, des échos de pillage et d'exactions massives des partisans de la france parviennent en ville, ce qui ne fait qu'accentuer la panique. De nombreux enlèvements en particulier de jeunes femmes et de jeunes filles ont lieu dans toute l'algérie.
Les européens sont autorisés à participer à la force locale, qui a dans sa totalité rejoint le F.L.N. L'executif provisoire recherche 225 policiers européens.
Guérilla entre MNA et F.L.N., nombreux morts à Alger.
A Oran le général Gardy, qui a succédé à Jouhaud, annonce que l'O.A.S. oranie "reprend sa liberté d'action".
Explosion, incendie à la mairie d'Alger.
TEBRI Zine, de la harka 101, capturé le 22-06-1962 bien après les accords d'Evian, il s'évade en juillet 1964, après l'indépendance. A la carte verte de prisonnier.
Trois européens libérés au Telagh.
Le capitaine Favarel, patron de la SAS de Mostaganem a réussi à affréter un bananier qui emporte vers le camp du Larzac 150 familles de harkis de la région, presque mille personnes. Favarel est connu pour son engagement auprès de l'O.A.S. (il a giflé le préfet de Mostaganem qui lui demandait de faire poser par ses harkis les affiches encensant les déclarations d'intention d'Evian). De retour chez lui après le départ du paquebot il est victime avec sa famille d'un attentat organisé par la force locale (qui dépend théoriquement de l'autorité provisoire) et ne doit la vie qu'à l'aide que lui apporte un ancien tirailleur. Plus tard, il sera arrêté en Allemagne où il a été muté parce qu'il s'était amusé à mettre dans le couvert de De gaulle et de ses commensaux un carton "avec les compliments de l'O.A.S.", crime plus impardonnable que tout le reste.
Quatre plastics à Paris.
Trois activistes arrêtés à Marseille.
Le gouvernement souligne en conseil des ministres que l'amnistie promise par le FLN aux membres de l'O.A.S. ne s'impose pas à lui.
Les pieds noirs continuent à partir : Les choses ne sont guère différentes pour ceux qui empruntent la voie maritime. Serge Groussard, le journaliste de L'Aurore s'est imposé de prendre, avec les réfugiés, un bateau pour Marseille. Son témoignage rejoint le précédent. "J'ai soif je suis l'un des vingt-cinq mille candidats à l'exode, qui piétinent debout depuis une moyenne de quarante-huit heures, bientôt largement davantage et qui sont empoignés par la sueur, la fatigue, la faim et par dessus tout la soif . Mais il n'y a pas de roulantes pour l'infortune. Un bruit indigné parcourt la foule: "les CRS viennent d'arrêter des gamins! "
A la vérité, je saurai tout à l'heure de quoi il s'agit: c'étaient deux jeunes gens qui avaient dérobé un fût de vin de Mascara, qu'on allait charger sur un cargo à quai en arrière du Kairouan. Un de ces innombrables fûts qui envahissent les cales des bateaux et qui sont eux aussi des rescapés du grand naufrage, car la prochaine récolte sera payée à l'algérie du FLN. Ils n'en pouvaient plus de soif. Deux d'entre eux étaient sortis des files, s'étaient emparés d'un fût de cent litres, et l'air professionnel, maigre chemisette et polo, l'avaient roulé dans le dos des CRS, sur un passage bétonné parallèle aux rails où grinçaient les wagonnets. Puis, arrivés à la hauteur de leur emplacement de tout à l'heure dans la queue, ils l'avaient retrouvé avec le fût, quitte à écraser plusieurs pieds et à accentuer la compression générale. Nul ne protesta, étant donné l'appât. En un clin d'oeil on ouvrit le fût, sans attirer l'attention des CRS et des surveillants des marchandises à embarquer, car tout était confondu dans ces grouillements sous le soleil. Seulement, les gars et plusieurs voisins s'étaient tellement désaltérés que l'ivresse, hâtée par la chaleur; puis un formidable mal au coeur, les avaient piteusement abattus. Vomissures, colères, interventions des calots noirs...
Voilà. On rôtit, immobile, presque sans bouger. Heureusement, les pieds-noirs ne souffrent guère des outrances d'un climat auquel de longues générations les ont adaptés, et ils résistent particulièrement bien à la soif, à la fournaise... On s'est entassé pendant des jours et des nuits. La solidarité naît vite entre tous ces réprouvés. S'ils commençaient à se battre pour un rang dans la queue, un coin de sol pour leurs affaires, alors ce serait l'enfer sur cette immense surface surpeuplée où le béton lui-même, pourtant protégé par nos corps, chauffe sous les pas. Un avertissement court la cohue, des bâtiments de la Compagnie de Navigation Mixte jusqu'aux hautes grilles de fer: "Faites passer aux brancardiers: une vieille femme s'est trouvée mal près de l'ancienne douane... " Les brancardiers se frayent un passage parmi nous avec leur brancard pliable en toile et acier. Il y a, quotidiennement, plus d'une cinquantaine d'évanouissements, et une moyenne de trois décès "naturels"" (Groussard, page 289'}.
Bien entendu Groussard, comme tous les autres a payé sa place.
23 Juin 1962 :
Au cours d'une émission pirate, Susini confirme que la lettre de Salan demandant de déposer les armes et d'essayer de rester en algérie est bien de Salan. A Oran une autre émission pirate affirme le contraire, et conseille aux européens de quitter l'algérie.
Le reste, attentats divers, exécutions de musulmans pro français, enlèvements, vols est masqué par la censure.
Le porte avion Lafayette débarque 1200 harkis à Marseille.
Juin-juillet 1962. Nos entraînements à la mer sont terminés. Les premiers groupes de permissionnaires d'été commencent à partir. Nous recevons l'ordre de nous préparer à effectuer d'urgence les missions de rapatriement de réfugiés d'Oranie. Le commandant réunit ses officiers pour un briefing (réunion préparatoire) très complet (on le comprend) concernant toutes les mesures à prendre pour accueillir à bord environ 2000 réfugiés, hommes, femmes, enfants, vieillards, sur le trajet Oran-Toulon. Nous aurons jusqu'à plus de 2500 personnes à bord. Des mesures sont à prendre, allant de l'accueil, le contrôle, la sécurité, la restauration à la fabrication de WC (pour 2500 personnes, ce n'est pas un détail mais un vrai problème). S'y ajoutent l'hygiène, la surveillance en mer, le service de santé et le chargement de tonnes de bagages. Le tout dans les délais les plus courts possibles, selon le souhait du commandant, et sans doute au-delà.
Nos avantages sont certains. Après Pearl Harbor, les Etats-Unis avaient accéléré la production de porte-avions, ayant rapidement compris que la puissance sur mer serait aéronavale. Bâti sur une coque de croiseur lourd, qui devait s'appeler Fargo puis Crown Point il fut lancé le 22 mai 1943 et baptisé Langley du nom du savant américain Samuel Pierpont Langley (1834-1906), inventeur des premières machines de 1 000 000 ch sur quatre hélices, nous permettant 30 heures de route à 30 nœuds, et un rayon d'action de 9000 milles à 15 nœuds (3). Le pont d'envol, nu et équipé rapidement des palettes verticales anti-vent, peut recevoir en pontée des centaines m3 de bagages. De plus, les "rideaux métalliques des hangars peuvent s'ouvrir à la demande, assurant une ventilation agréable. Enfin, nous gardons l'hélicoptère Pedro en cas de besoin. Nous effectuons ainsi huit rotations juin et juillet. Je parlerai ici de première, la plus symbolique peut-être la plus difficile aussi car nous allons vers l'inconnu et, autant tout l'équipe déborde de bonne volonté, autant nous sommes plutôt inquiets.
Toutes les actions envisagées au "briefing étant réalisées, espérant avoir pensé tout, ou presque, nous appareillons d Toulon et, en virant la grande jetée, nous laissons les centaines de touristes se dorer au soleil, le long de la côte. Au cap, un temps splendide (pourvu que ça dure) à bonne vitesse, cela ressemble à une croisière, étonnant sur un porte-avions. Le "pacha" - commandant -nous a dit que tous ceux qui le peuvent se reposent, ce sera utile pour demain. Quand, en effet, nous apercevons les quais de Mers-el-Kébir, ils sont noirs de monde, de véhicules, de tas de colis supportant des personnes qui sont là, qui attendent, certaines depuis des jours. Il fait chaud, bien sûr. Coupées à terre, officiers et officiers mariniers du PEH (4) et STA (5) ont constitué des équipes d'accueil. En haut des coupées et sur le pont, les autres équipes répartissent personnes et bagages au mieux. Alors commence un flot ininterrompu, sans ruée malgré tout.
Premier ennui. Le commandant en second a ordonné " aucun animal à bord, vous interdirez l'accès à quoi que ce soit ". Nous constatons très vite que cet ordre, compréhensible, est inexécutable. Comment enlever à une petite fille la cage de son oiseau, à une personne déjà en larmes, son petit chien? Les officiers se réunissent rapidement et, tous étant d'accord, le chef PEH va rendre compte au second que nous refusons cet ordre et que nous sommes prêts à effectuer d'autres tâches, mais pas celle-là. Pas content, il l'admet néanmoins. L'embarquement reprend. Heureusement que la taille des animaux reste raisonnable.
Pendant ce temps, la grue du bord charge les voitures (50 à 60 à chaque rotation) et les montagnes de valises, couffins, sacs, plus ou moins bien fermés, plus ou moins fragiles. Des gens très âgés, dirigés vers l'infirmerie, des musulmans, des enfants, certains sans leurs parents, des bébés. La chaleur augmente, il est en gros 13 heures.
Peu à peu les hangars se remplissent. Des chemins de circulation ont été réservés par sécurité et les tracés sont à peu près respectés. Nous avons prévu, en permanence, et surtout pour la nuit, une équipe de sécurité-manœuvre PEH, avec son officier, initiative qui s'est révélée heureuse, on verra plus loin. Nous sommes à bloc de passagers. Il reste beaucoup de charges à embarquer et à répartir. Je me retrouve conducteur d'élévateur sur le pont. Toutes les bonnes volontés sont les bienvenues, car nous sommes en effectif réduit.
Tout est amarrée en pontée. Les personnes se calment dans les hangars. Nous nous préparons à appareiller. Encore un spectacle déchirant. Par les rideaux levés et la plage arrière, beaucoup se pressent pour un dernier regard vers la côte, Oran, au loin le Murdjadjo, la " Mosquée des Veuves ". Des gens pleurent, puis la côte disparaît.
Fatigué, après une courte collation, tout le monde s'assoupit plus ou moins, les hangars sont bondés. La nuit est tombée, les rideaux du hangar sont baissés, nous fonçons vers Toulon. Il fait beau, Dieu merci. Nous sommes en éclairage rouge de nuit. Soudain, vers une heure du matin, un problème montre combien l'équipe hangar est indispensable: un turboalternateur décroche. Immédiatement, un diesel de secours démarre en automatique. Près de la paroi du hangar, ce démarrage est bruyant. Immédiatement, les gens se réveillent apeurés, se mettent debout, quelqu'un crie " nous coulons ! ". L'équipe de hangar allume aussitôt l'éclairage blanc et, dans la diffusion disposée à cet effet, un haut-parleur à pleine puissance appelle au calme et rassure. Le calme revient, ouf, nous avons eu très chaud. Le jour est levé, la matinée se déroule calmement. Toulon approche. Une jeune femme devait avoir un bébé, mais il ne naîtra pas à bord et, à quelques heures près, nous n'aurons pas de petit La Fayette.
Poste de manœuvre. Coupées à terre. Marine Toulon a bien prévu la logistique nécessaire. Tout le monde s'active au déchargement des bagages et voitures. Il faut que le bâtiment soit libéré très vite car il faut ravitailler rapidement en eau, mazout, vivres, etc., et nettoyer partout. Je vais faire grâce des détails, mais le seul moyen sera la mise en action des lances à incendie dans les hangars, sans parler du reste. Personne ne se plaint, bien sûr. Nous qui étions dehors à terre et sur les ponts, nous sommes marqués par ce que nous avons vu et entendu.
Sitôt le bâtiment disponible, nous réappareillons. Le commandant revient de la préfecture maritime. C'est confirmé, nous ferons huit rotations de ce genre. Certaines plus difficiles, à cause de la mer, dans ces conditions particulières. Fin juillet, nous aurons rapatrié 10 000 personnes, âgées très précisément de trois jours à 99 ans, des montagnes de bagages, de très nombreux véhicules.
Nous avons essayé de faire ce travail pénible avec le plus de gentillesse et de patience possibles. Les remerciements émouvants que nous avons reçus de ces personnes, furent notre meilleure récompense. Ce fut une grande mission, dure pour le moral, l'équipage du La Fayette y mit beaucoup du sien. Qui s'en souvient ? Qui s'y est intéressé ? Et le temps a passé. Mais nous étions restés fidèles à la devise du général La Fayette, " Cur non " (Pourquoi pas !).
Nota : Pour la précision historique, il faut ajouter qu'avec notre vaillant La Fayette, nous avons transporté d'Algérie en France 176 hélicoptères de l'armée de l'Air et de l'ALAT (H-34 et Banane-21), d'abord en juillet, puis octobre, l'un des voyages retour ayant été particulièrement mouvementé. Puis ce sera le tour du célèbre 3e RPC (Régiment de Parachutistes Coloniaux, dissous et devenu RPIMa), de Bône vers la France. Une page se tournait.
L'ECHO DE L'ORANIE 347 | JUILLET-AOÛT 2013 | 23
Dans la Monde du 22 juin, le journaliste Goué signale qu'à Perregaux, qu'il y a eu 10 enlèvements en 15 jours. C'est pourquoi Perregaux voit sa population pieds-noirs passer de 9.000 à 2.000 âmes au premier juillet. Il en est de même à Arzew où le journaliste constate que nul ne se préoccupe du "réduit Oranais" cher au général Gardy, mais uniquement d'organiser son déménagement.
Il faut dire qu'en arrivant dans les zones rurales, les troupes de l'ALN n'ont pas eu pour souci principal de tranquilliser les Européens. Gérard Marin interroge pour Le Figaro des réfugiés qui, dans un entassement indescriptible, attendent à l'aéroport de Maison Blanche, des avions qui ne viennent pas ou rarement. A la question de savoir pourquoi ils n'ont pas tenté l'expérience de la cohabitation, en s'en remettant aux "garanties" et aux "accords", un instituteur qui a fui le bled, lui répond (Le Figaro du 21 mai 1962) : "Le FLN n'a rien fait pour nous rassurer. Le toubib est parti et une trentaine d'autres avec lui. Depuis, les enlèvements se multiplient. Dernièrement deux des nôtres ont été enlevés: une infirmière et un homme. Ils ont été relâchés moyennant la libération de cinq membres de FLN et la remise de l'armement saisi. J'ai peut- être une vocation mais ce n'est pas celle d'otage."
Et l'intérieur de l'Algérie voit partir tous ses Européens. Des campagnes, ils gagnent les bourgs, des bourgs ils gagnent les villes. Souvent ils sont arrêtés en chemin, contrôlés et dépouillés par des militaires de l'ALN. Car les témoignages sont unanimes: les militaires algériens fouillent les bagages, fouillent les voitures et conservent tout ce qui a de la valeur: argent bien sur, mais aussi bijoux, appareils électriques ou électroniques.
Un drame s'est joué dans le Sud Algérien. Là, les Européens étaient rares: quelques milliers d'Israélites vivant principalement à Ghardaïa. Le Sahara n'étant pas l'algérie, ils n'avaient eu que tardivement la pleine citoyenneté française contrairement à leurs coreligionnaires résidant dans le Tell et qui, eux, en bénéficiaient depuis le décret Crémieux de 1870. Peu nombreux, considérés comme indigènes, ils n'avaient guère attiré la sollicitude. Il faut dire que la région était restée très calme tout au long de la Guerre d'Algérie. La perspective de l'Indépendance et la rapidité du "dégagement" menaçaient de les placer brusquement dans une situation délicate. Ils étaient tout naturellement attachés à la nationalité française, mais, peu touchés par le terrorisme et le boycott, ils avaient tardé à organiser leur départ. Le retrait de l'administration et des forces françaises allaient les contraindre à l'exil. Voici le récit que la famille Bitoun a fait à Serge Groussard : "... depuis la fin du mois de mars, les soldats venaient dans le Mellah nous cracher dessus et "réquisitionner" des choses, mais l'armée française, elle aussi, venait quelquefois, alors, les djounoud de l'ALN se méfiaient. Mais à partir du début juin, on n'osait plus sortir du Mellah parce que les fellaghas et les jeunes arabes (sic) de Ghardaia, nous lançaient des pierres. Ils ont lapidé à mort trois Juifs et, le 16 juin, ils sont tous venus piller les magasins. C'était fini. Nous étions tous ruinés. "
On assiste à une véritable disparition de l'administration française qui, à partir du mois de juin, tend à s'amplifier. Comme le disent au Monde du 20 juin, les personnes qui quittent Perregaux: l'administration est décimée: il n'y a plus de sous-préfet, plus de maire, plus de commissaire de police. Ajouté à la volatilisation du corps médical et du corps enseignant, le phénomène est impressionnant. Il s'explique par des causes simples. Il est évident que les employés administratifs ne sont pas les derniers à prendre peur .Le fait de bénéficier de possibilités de reclassement et même pour certains de primes de retour, les portent à organiser leur départ par anticipation. Les premiers à le faire sont les policiers, nombreux en Algérie, et à qui l'on a indiqué que "la France ne doit plus avoir de responsabilités dans le maintien de l'ordre après l'autodétermination". Ceci les oblige à présenter très tôt leurs demandes de mutation et à préparer leur voyage. Or, c'est le mouvement du fil et de la pelote; les policiers partent les premiers, les autres suivent, persuadés que leurs tuteurs et leurs protecteurs naturels les quittent. Tous les échelons de la hiérarchie administrative se trouvent progressivement entraînés.
Parmi les causes du départ des fonctionnaires européens, il en est une que l'on oublie aujourd'hui. Peu de Français veulent se retrouver en position d'autorité après l'Indépendance par crainte de polariser l'hostilité du FLN. Ceci est évident pour le maintien de l'ordre, mais concerne aussi les postes de gestion. Comment diriger, comment assumer des responsabilités, trancher, décider, avec des gens habitués à recourir aux méthodes les plus brutales ? Bref, le FLN fait peur. L'ensemble de ces mouvements accentue le chaos et disloque l'Algérie.
Le général De gaulle dira au Conseil du 25 juillet que les fonctionnaires étaient des "déserteurs" et "qu'ils avaient fui comme des lapins" mais leur anxiété s'explique. Georges Pompidou signalera ainsi le 8 août que, "certains fonctionnaires retournés en Algérie auraient été enlevés". Les Algériens sont-ils prêts à prendre la relève ? En général non. Ca et là, des fonctionnaires sont nommés. De jeunes intellectuels musulmans apparaissent qui prennent la suite des Français. Aux observateurs, ils apparaissent pleins de bonne volonté mais aussi terriblement inexpérimentés (Le Monde du 28 juin 1962). Ils n'ont guère d'autorité et devant les troupes de l'ALN qui surgissent en ville et dans les zones rurales, ils ne peuvent que s'incliner.
La conclusion de tout cela s'énonce très simplement: chez les Européens, l'angoisse de se retrouver en tête à tête avec le FLN après l'Indépendance grandit. Le chiffre des départs triple donc en juin, mois que Bernard Tricot qualifie de "désastreux".
Monneret, " la phase finale de la guerre d'algérie ", l'harmattan, ISBN2-7475-0043-8
De gaulle assiste au mariage d'une connaissance, à Rebrechien, près d'Orleans. Bastien Thiry s'y invite et monte un attentat sur le parcours de la voiture présidentielle, De gaulle arrive en hélicoptére. ("Objectif De gaulle").
24 juin 1.962:
Le drapeau F.L.N. est hissé au rocher noir (le siège de l'exécutif français en algérie) par anticipation, les parachutistes le descendent en vitesse.
Calme à Alger, mais les enlèvements continuent, on recherche ce jour les nouveaux enlevés, vingt personnes dont six jeunes filles. Un jeune homme a été enlevé rue Michelet, le centre de la ville européenne, symbole de la main mise du F.L.N. sur l'ensemble de la ville. Il semble que le F.L.N. cible les barbus, les barbus se rasent.
A Oran l'O.A.S. annonce la reprise de la terre brûlée, quinze plastics dans la ville visant les bâtiments publics, en particulier la préfecture (on rappellera que Chevenement y était et qu'il raconte cette période sans complaisance dans un de ses livres).
A Constantine, la ville est abandonnée par pratiquement tous les juifs, qui obéissent aux consignes de leur consistoire.
RAHMOUNI Brahim,. Au 67e R.A Fait priisonnier le 24-06-1962 en Grande Kabylie après les accords d'Evian, il est détenu par le F.L.N., puis libéré le 13-03-1964. A la carte verte de prisonnier.
Stationnée aux frontières et dénonçant les tentatives des chefs de l’EMG de créer la division au sein des Wilayas de l’intérieur, une très importante réunion fut organisée à Zemmorah les 24 et 25 juin 1962 et regroupa les dirigeants des Wilayas II, III, IV, de la ZAA II, et de la Fédération du FLN de France. Bien que conviés à ce conclave, les chefs des Wilayas I et V déclinèrent l’invitation. Le refus de Tahar Zbiri de se rendre à Zemmorah était motivé, selon lui, par l’impossibilité des Wilayas de constituer un front uni. L’absence de Tahar Zbiri et du colonel Othmane traduisirent l’évolution de la crise interne du FLN ( d'aprés M Harbi )
A Aix en Provence, l'O.A.S. assassine le commandant d'aviation Kubasiak, coupable d'aider à l'épuration de l'armée en provoquant les officiers en les incitant à rejoindre l'O.A.S. Il s'était fait remarquer lors du putsch à Blida en organisant et en armant les soviets de soldats dans la base de l'armée de l'air où il était affecté. Manque de bol, il avait essayé de "recruter" un membre réel de ladite organisation. Premier assassinat ponctuel effectué en métropole, les morts précédemment attribués à l'OAS étant soit des accidents (des personnes trop proches d'un plastic) soit des morts attribués à tort (la voiture piégée d'issy les moulinaux ou celle du ministère des affaires étrangères).
Le Kérouan, paquebot de 1200 places, débarque 2630 personnes à Marseille. Un bananier qui dispose de 12 couchettes en débarque 245.
25 juin 1.962:
Alger est envahi par les musulmans venus du bled dans l'espoir de pillage, les appartements vacants sont occupés, parfois avec les animaux domestiques. (s'agit ni de chiens, ni de chats, ni de canaris).
A Oran l'O.A.S. pour marquer l'échec de son accord avec Katz, fait sauter les citernes d'essence du port, elles brûleront plusieurs jours, de très nombreuses explosions détruisent des bâtiments publics.
Le reste, attentats divers, exécutions de musulmans pro français, enlèvements, vols est masqué par la censure ou inconnu, le bled étant entièrement sous contrôle FLN.
Consternés par les dissensions au sein du F.L.N. apparues au grand jour au congrès de Tripoli, les chefs des willayas lancent un appel commun à l'unité qui ne sera pas entendu. Prévoyant un affrontement entre elles et les troupes de l'extérieur, qu'elles méprisent, les wilayas se renforcent au maximum en phagocytant la force locale.
Le 25 Juin 1962, muté à Setif, le colonel André tente une derniére fois de décider les harkis des Beni Dracene à quitter leur village. Le récit qui suit résume les témoignages d'une dizaine de survivants, recueillis à Dreux en 1992. Il sera suivi de témoignages personnels, dont certains ont été recueillis au lendemain du rapatriement.
Le 13 avril 1.962, le colonel André vient au poste 807. Il fait mettre les harkis en cercle autour de lui, et leur propose le choix: ou de rentrer dans leur village, ou de partir en France avec l'armée. Il insiste sur cette deuxième option. Mais la majorité décide de sortir - c'est-à-dire de quitter la harka - suivant leur formule. Les plus influents de la harka, dont le prestigieux Sergent Bachaga, persuadent leurs camarades qu'il n'y a aucun risque, certains affirment même que c'est grâce aux harkis que l'Algérie est indépendante. Les armes sont enchaînées, et les harkis regagnent, en civil, leurs villages, Ils perçoivent leurs primes de recasement et de licenciement, de 700 à 1000 francs selon le grade et l'ancienneté de service.
Quatre harkis seulement demandent à rester, deux reviendront sur leur décision, provoquant ainsi la colère du lieutenant de Tirailleurs. L'un d'eux, Ali Zeghmouri est égorgé par un membre du FLN quand il rentre au village.
Avant qu'ils soient définitivement démobilisés, le colonel André vient à Beni Dracene avec des camions et propose de les emmener avec leurs femmes et leurs enfants. Cette démarche n'a pas de succès. Quelques jours plus tard, des moussebelines venus de Kerrata viennent à la SAS de Beni Dracene et s'emparent du stock de médicaments, qu'ils chargent sur des mulets, Le lieutenant SAS se lance à leur poursuite et récupère la moitié du chargement sur la piste de Beni Messali.
Les moussebelines qui se cachaient ont fait leur réapparition: Hamzaoui Ali à Beni Mellah et Ayad Bachir à Ouled Aïed. C'est désormais eux qui font la loi. La gendarmerie ALN impose de fortes amendes pour des infractions douteuses. Ayad déclare de façon équivoque: "Maintenant on peut commencer", Commencer quoi? A diriger la commune, ou à se venger? Ces deux termes de l'alternative laissent les harkis partagés entre l'inquiétude et la peur. A Beni Dracene, Si Ali rassemble les harkis d'un côté, les femmes de l'autre, et leur tient d'abord des discours apaisants:
"Le passé est mort, nous sommes tous frères, le 1er juillet, vous allez tous voter pour l'indépendance de l'Algérie. Après l'indépendance vous ne manquerez de rien, vous aurez 12 kilogs de semoule par jour, le pétrole et le gaz seront gratuits... Toi Bachaga qui était sergent, tu seras lieutenant dans l'armée algérienne".
Ils subissent ainsi un véritable lavage de cerveau. Ces discours sont incroyables, mais ils se forcent à les croire parce qu'ils ne veulent pas revenir sur leur choix. Tel est leur destin, ln'ch Allah! Ils s'efforcent d'oublier les menaces voilées de leur nouveau chef Si Ali: l'allusion au fruit de la grenade dont certains grains sont pourris à l'intérieur du fruit, l'interrogation sur les responsables du meurtre de tel ou tel djoundi. Ils n'ignorent pas pourtant, que le fils de Hamzaoui a été tué par des harkis. Ils pensent s'en tirer en payant leur arriéré d'impôt FLN, et se dessaisissent d'une partie de leur prime de licenciement: 10 francs par mois de service.
Hamzaoui reste méfiant, il a peur que les harkis ne soient armés. Il ne se sépare pas de son pistolet, et garde ses distances avec Amar Benazouz, qui le défie en lui montrant son poignard. Une sorte de modus vivendi s'est établi entre Si Ali et les anciens moghaznis. Saad Makhlouche conserve ses fonctions de secrétaire de mairie. Plusieurs harkis sont embauchés pour des travaux de route qui doivent être rémunérés par la Sous-Préfecture, application probable des mesures de recasement prises au niveau du Délégué général.
Le colonel André, pour la troisième fois, vient les visiter. Sur le chantier, il émet des doutes sur le paiement des travaux. Il en prend quelques-uns à part et commente de façon imagée l'indépendance algérienne: "les mulets ne conduisent pas les automobiles". Avant de rejoindre Sétif, le colonel André a regroupé les harkis et les familles du commando Tigre de Périgotville, leur a partagé les prises de guerre du Secteur, et l'habillement restant, et les a amenés à Bougie en vue de leur embarquement. Mais il n'y a pas de bateau pour la France, certains de ces harkis, las d'attendre et soumis à la propagande du FLN, reviennent à Périgotville, où ils disparaissent définitivement. C'est pourquoi l'on voit le colonel passer par la maison forestière du Babor et par 807 avec un convoi de camions, ou survoler la région en hélicoptère, à la recherche du sergent-chef Hamdane.
Le 1er Juillet 1962 dans l'oued Berd, les harkis et leurs femmes déposent dans l'urne le bulletin vert du OUI à l'indépendance, sans savoir, disent-ils, pour qui ils votent. Ils n'ont d'ailleurs pas le choix, car à la sortie des urnes, ils doivent rendre le bulletin rouge du NON. ils assistent sans y prendre part aux manifestations de joie des habitants des villages voisins, qui se rendent à Sétif le 5 Juillet pour fêter l'indépendance.
Fin juillet, des doutes commencent à se faire jour parmi les harkis. Le sous-officier Bachaga perd de son influence.
"Tu seras le premier mort" lui dit Amar Bouchaib. Tout commence par des chansons, à la gloire des combattants de l'ALN et à la honte des traîtres. "Alors on a compris qu'on avait perdu la guerre", déclare Mansour . Puis des enfants de 14 à 17 ans parcourent Beni Dracene en jetant des pierres pour casser les toitures. Il ne fait pas de doute que cette action est commanditée par Hamzaoui, qui d'ailleurs répond aux plaignants: "Vous l'avez bien mérité", Saad Rebiha se réfugie alors avec sa famille à la caserne de Sétif.
Le 11 août, Hmnzaoui et Chlouche entraînent les habitants de Beni Messali, ceux-là même qui quelques mois plus tôt demandaient des armes au capitaine Faivre, et de Beni Mellah, dont certains s'étaient réfugiés à Beni Dracene pendant la guerre. De retour de métropole, des émigrés de Beni Dracene participent au massacre. Hamzaoui tue de ses propres mains Benazouz Lamari et Semchaoui., responsables de la mort de son fils. Le sergent Arrar Bachaga est emmené dans la nuit et ne reparaît pas. On ne tue pas dans le village, mais dans les hameaux voisins. Les harkis ne sont pas tués immédiatement, il faut qu'ils "meurent deux fois" c'est-à-dire après des supplices horribles, dans lesquels la population se déchaîne. L'état des services ne compte pas, il suffit d'avoir été harki ou moghazni un seul jour pour être livré aux coups des tueurs qui espèrent ainsi se racheter de l'attitude attentiste qu'ils ont adopté pendant des années, et de leurs compromissions avec l'armée française. "Tue un traître et tu iras au paradis", affirment les meneurs. Les massacres se poursuivent pendant trois jours.
A Tizi N'Bechar tous les moghaznis sont massacrés. L'un d'eux est torturé à mort devant son frère, dont le tour viendra après qu'il aura rendu les services qu'on attend de lui au secrétariat de la mairie. Dans l'Oued Berd, ceux qui échappent à la tuerie se sauvent dans la montagne, ils se cachent dans les broussailles de l'Amdoun. Mais la population les recherche et les poursuit pendant plusieurs semaines. Quand ils sont repris, ils sont emmenés à Ouled Moussa ou à Beni Messali pour y être suppliciés. Certains restent dans leur maison et sont momentanément épargnés, car on craint qu'ils ne soient armés. D'autres sont sauvés par l'intervention d'un djoundi en uniforme, qui menace les tueurs de son arme. Il n'est pas possible de relater ici les aventures de chacun. Les témoignages de Zaïdi, de Mansour, Kaci et Nouara, de M'Hamed et de Salah donnent des aperçus de ces jours de terreur.
Les premiers survivants réussissent à gagner Amoucha, grâce à l'aide de leur famille ou de voisins compatissants. Ils se présentent à la caserne de Sétif où ils sont accueillis par le colonel André. Mais des membres du FLN surveillent l'entrée de la caserne. Zidane Benbouda reçoit une rafale de pistolet-mitrailleur devant le poste de police. Le sergent Zeghmouri est réclamé par trois officiers de l'ALN, qui, en présence du colonel André, essaient sans succès de le persuader de regagner son village, où il ne lui sera rien fait de mal. Le maréchal-des-logis Benazouz se présente à la caserne, mais le colonel étant absent, il n'a pas confiance et repart dans le Babor, où il se cache pendant deux mois. Les harkis recueillis à Sétif sont emmenés en convoi protégé à Bône, la route de Bougie par Kerrata étant jugée moins sûre.
Lorsque l'armée française quitte Sétif, les harkis en fuite se rendent en taxi et en chemin de fer à Alger ou Bône, et prennent le bateau pour Marseille. La surveillance s'est relâchée, ils trouvent des complicités dans la population, certains sont hébergés par leur famille à Alger. Le 2 novembre, Saad Makhlouche réfugié chez ses parents dans le Takitount, entend dire que 400 harkis ont été brûlés vifs à Alger pour l'anniversaire de la révolution, en l'honneur des chefs d'Etat arabes présents à Alger. Il se rend compte qu'il est impossible de survivre en Algérie et prend le chemin de l'exil.
Dans les villages de l'Oued Berd, les militants du FLN ont pris la direction des affaires. Hamzaoui occupe le bureau de l'officier SAS et continue à inquiéter les familles, qui désormais vivent dans le dénuement le plus total. Il est à la recherche des disparus et interroge les femmes avec violence pour savoir où se cache leur mari, ou leur fils. Le rapatriement des familles devra donc se faire dans le plus grand secret, mais il ne touchera que les familles des survivants. Les autres resteront à Beni Dracene, Ouled Aïed ou Tizi n'Bechar, vivant dans la misère.
Faivre Maurice, Un village de harkis l'Harmattan, ISBN: 2-7384-2938-6
La légion étrangère de Mascara prend ses quartiers à Bonifacio, sous les acclamations de la foule.
26 Juin 1.962:
Les membres du FLN qui vivent au rocher noir dénoncent les accords Susini Farés comme contraire aux déclarations d'intention d'évian. Ils attaquent en particulier le fait qu'un statut particulier serait accordé à Alger et Oran.
Les départs se poursuivent, Oran est à moitié vide, l'accès au port, encombré de dizaines de milliers de personnes cherchant à fuir est interdit au public. Monsieur Boulin confirme que tout est normal sur les quais et dans les aéroports d'algérie, que 169.000 personnes seulement sont partis en juin alors qu'il y en avait eu autant en juillet 61 et que donc cela prouvait seulement que les pieds noirs avaient avancé leurs vacances d'un mois.
Le maire de Tlemcen (le nouveau, nommé par le F.L.N.) indique que 90 % de la communauté juive est partie.
Tout (les enlèvements minimisés, les incidents entre armée et FLN passés sous silence, le massacre des harkis nié, l'exode des pieds noirs qualifié de départs de vacanciers) se passe comme si le gouvernement nie tout ce qui peut montrer que les déclarations d'intention d'évian n'étaient que du vent. Cette attitude perdure encore.
DJOUADJA Mohamed, Harki au 15e BTA, fait prisonnier le 26-06-1962 en Algérie, libéré le 26-07-1963 (ou le 28-08-1965 ?) par la Croix Rouge.
27 Juin 1.962:
Une émission pirate (en fait organisé par l'administration française) de Susini demandant aux pieds noirs de rester en algérie et à ceux qui sont partis de revenir reste lettre morte. Les compagnies de navigation acceptent enfin d'embarquer sans paiement ceux qui arrivent sans rien aux ports, ayant tout abandonné (il s'agit en particulier de personnes vivant dans le bled et qui ont dû fuir en catastrophe les pillages du F.L.N., ou de gens dépouillés sur la route.)
Le gouvernement français assiste sans mettre un seul bateau ou un seul avion supplémentaire pour assurer cet exode. De bébés meurent de déshydratation sur les aérodromes, les C.R.S. interdisant tout contact entre les files d'attente et le reste de la population. De gaulle à Peyrefitte : " le rythme de départ correspond au mois de juillet de l'année passée, ce sont les vacanciers qui partent avec un mois d'avance… "
Un groupe d'"amis, de la région de Mostaganem, campe à l'aéroport de La Sénia en attendant un avion, recit:
"Notre ciel de lit: ce sont les étoiles. Heureusement il faisait bon la nuit, en juin, dans notre belle province! Le matin arrive notre ami Robert, le prêtre dit la messe. Après les remerciements des militaires, il est invité à prendre le café avec eux et là, il a la présence d'esprit de refuser, prétextant qu'il lui était difficile de manger alors que ses amis n'avaient rien à se mettre sous la dent. "Bien joué Robert!" grâce à toi nous avons eu des sandwichs jusqu'à notre départ. Nous sommes donc mardi matin et rien dans le ciel. La journée se passe toujours sans rien sur la piste. Le ciel est encore noir à 18 heures. Les installations portuaires brûlent toujours. Il n'y a plus beaucoup de pompiers à Oran. Une nuit de plus à la belle étoile à La Sénia et, heureusement les sandwichs des militaires ... Mercredi matin le 27 juin, à 8 heures du matin, un bruit significatif qui réjouit nos oreilles se fait entendre. Miracle! C est un avion qui se pose sur la piste. On le rejoint dare-dare. Sur sa dérive une croix blanche sur fond rouge et nous de dire c'est un Suisse, c'est dommage. Mais non c'était notre salut. Un steward se pointe à la porte de queue et nous dit: "Nous nous sommes détournés de notre route sachant qu'il y avait de pauvres gens en rade à Oran. Nous venons de Casablanca pour aller à Genève avec escale à Bordeaux. Nous avons huit places vides, donc disponibles!". Nous étions sept et on a dit en chœur: "Oui! Oui! on va à Bordeaux". A peine à bord et bien installés nous avons eu droit à un bon repas.
Notre désespoir est grand d'avoir tout quitté, mais qu'il était doux d'entendre le ronronnement des moteurs et de penser revoir bientôt nos parents, femmes et enfants. Un peu avant notre arrivée à Bordeaux j'appelle le steward pour savoir comment opérer pour le règlement de notre passage et il me répond: "Messieurs vous ne nous devez rien, le vol était complet pour nous et nous ne pouvions vous laisser à l'abandon à Oran La Sénia". Après l'atterrissage nous remercions chaleureusement tout l'équipage et prenons congé de nos amis suisses.
Qu'ils en soient encore une fois remerciés car ils n'ont pas hésité à venir secourir des Français, alors que nous étions abandonnés au bord d'une piste à La Sénia par la France. Aujourd'hui, avec le recul, et fort de savoir ce qui s'y est passé le 5 juillet (massacre de près de 3000 personnes) j'en ai froid dans le dos. Mais revenons à nos moutons. En rentrant dans l'aérogare de Bordeaux - Mérignac les "flics" nous attendaient et ultime vexation nous avons eu droit à une fouille au corps, vêtus simplement d'un slip. Notre ami Robert, le prêtre, comme les copains, aurait pu cacher des armes dans sa soutane! Pour moi, j'étais en short, chemisette et espadrilles. D'un air goguenard je n'ai pu m'empêcher de leur dire que mes armes étaient restées de l'autre côté ... Et malheureusement comme tout a une fin, nous nous sommes séparés après avoir essuyé une larme et tous ensemble promis de nous revoir un jour. Si Dieu le veut. Nous venions de tourner une page de notre histoire, celle écrite de sang et de larmes ... ! Comme nos aïeux et nos parents. Pour mon frère et moi, nous avons eu la chance de pouvoir prendre immédiatement le train Bordeaux Genève (oui, encore la Suisse!) qui faisait un arrêt à Gannat dans l'Allier. Toute la famille habite encore à 4 km de Gannat, dans le Puy-de-Dôme. A 5 heures de l'après midi, nous débarquions de notre taxi, au pied de la maison où nous retrouvions toute la famille qui ne connaissait pas la date de notre arrivée. La nuit fut longue ... ! " Claude Lafabrègue 63100 Clermont-Ferrand dans l'Algérianiste 128 de Decembre 2009.
Enlevement du sergent Maurice Dutruel.
SAADI Ahmed, Harki fait prisonnier le 27-06-1962 vers Palestro après les accords d' Evian, puis libéré en 12 1962 par le F.L.N.
BRAHMI Hamed, r. (Mokhazeni). Fait prisonnier le 27-06-1962, il est détenu près de 9 mois par le F.L.N., évadé après l'indépendance le 17-03-1963.
BRICET Bernard,. Marin engagé volontaire, capturé en juin 1962. Sur un lamparo au large de la crique de Bouzadjar, capturé par l'A.L.N. sur un chalutier avec un équipage arabe armé. Détenu dans un camp situé dans le village de Boucourdan. Libéré le 21 juillet 1962, à Arzew.
témoignage d'un prêtre: "- Les réservoirs flambent toujours et la ville, toujours couverte par ces nuages de fumée, est de plus en plus dégoûtante. Il y a presque une semaine que les ordures ne sont pas ramassées. Les garde-t-on pour le passsage du grand défilé de la Victoire que préparent activement les troupes de l'A.L.N. à la cité Petit?
Tous les gens trop O.A.S. sont, paraît-il, fichés par la force locale et susceptibles d'être arrêtés après le 1er juillet.
L'armée nous prête trois cents lits de camp supplémentaires et des couvertures. Je passe et je médite tous les matins sur les ruines encore fumantes et toujours pillées des beaux bâtiments de l'École Normale.
Promenade en auto avec un ami d'ami. Trente ans, Arabe récemment converti au catholicisme et à la messe quotidienne. Quelle profonde philosophie chrétienne déjà chez ce garçon! Le fatalisme de sa race lui facilite l'abandon à Dieu et la confiance. Il sait et regarde en face ce qui l'attend. Il est décidé à rester et à rayonner sa foi.
9 h 30. - Curieux phénomène. Le vent rabat les nuages de fumée vers la ville. L'humidité du matin les fait descendre sur nous qui baignons dans la vapeur du pétrole, marchons sur les grêlons de mazout en fumée, et n'y voyons pas à dix mètres.
Visite d'un ami, ancien C.R.S. local vidé. Il est averti d'avoir à partir d'urgence, étant sur la liste noire de juillet.
Les quartiers périphériques, affolés exprès par l'O.A.S. en plus, évacuent vers le centre. Personne ne veut se trouver en première ligne dimanche et lundi. À Saint-Eugène, qu'une rangée de maisons encore s'en aille et nous y serons. Monseigneur ayant insisté pour que chacun reste en place, il a été assuré hier que nous y serions.
Je passe mon temps à expliquer aux gens qui vraiment ne se possèdent plus et n'en peuvent plus, pour les dérider, qu'il n'y aura jamais assez de couteaux pour nous tuer tous le premier jour et que, pendant qu'on les réaffûtera, on aura le temps d'aviser. Inutile donc de bouger. D'autant plus inutile que la ville est déjà bloquée et qu'il n'y a plus, en principe, que deux bateaux, vendredi, pour évacuer la ville.
On a beau dire aux gens qu'il est inutile de faire les invraisemblables queues imposées à longueur de journées pour n'importe quel papier, un pli est pris qui fait chercher une factice sécurité au milieu de n'importe quel troupeau. N'est-ce pas fait exprès pour finir de mater les gens et leur inoculer une mentalité de rampant? Maniement de foules, brassage de masses ... Ne plus agir ni penser que dans la foule ... Avant même le 1er juillet nous serons en plein collectivisme! Avachir les gens pour briser leurs derniers ressorts et leur imposer tout ce qu'on voudra.
Quand on est écrasé dans un centre d'accueil depuis dix jours avec sa femme malade des nerfs et sa marmaille criante et puante, à qui ne lécherait-on pas les bottes pour avoir n'importe quoi? Le temps de la révolte est dépassé, momentanément du moins.
Et, toujours, interdiction de prendre des photos et de rien dire "qui puisse donner l'idée d'une catastrophe". C'est bien toujours l'objectif numéro un. Ne pas décevoir l'immense espoir mis dans les accords d'Evian.
Pour l'O.A.S. je m'obstine: derniers soubresauts toujours. Dans lesquels on voit que les moyens sont maintenant réduits à la boîte d'allumettes.
Monseigneur fait l'admiration générale par son calme serein. Il est optimiste. Les Français resteront ou reviendront. Par conséquent le clergé en principe ne bouge pas. Il y aura des regroupements, des arrangements dont on verra le détail en septembre. Lui, personnellement, s'attend à tout, et en plaisante.
La population se détache visiblement de plus en plus de l'O.A.S. qui n'a plus de raison d'être et n'est plus guère invoquée que par des éléments très douteux pour couvrir leurs méfaits. Hier une brave dame n'a pas hésité, à Saint Eugène pourtant, à ameuter le quartier par ses cris pour empêcher un pillage. Chacun fait sa petite cuisine, au nom de l'O.A.S. quand cela peut rendre service. Tout le monde constate et commence à le dire tout bas. Pour moi, juif avec les juifs, comme dit saint Paul, et pied-noir avec les pieds-noirs. Mais certes pas plus royaliste que le roi ni plus O.A.S. que les pieds-noirs.
Tout a sauté hier aux P. et T. Il n'y a plus ni postes, ni téléphone.
A 22 heures, sur le canal son de la Télévision, le colonel Dufour, au nom de l'O.A.S., demande d'interrompre les destructions. On disait ce matin réalisé un accord Laffont-Farès.
En montant à Saint-Eugène à midi je me suis arrêté au moulin Lancé incendié hier. Le gérant M. X., me fait visiter et m'explique. Il y avait une équipe de jeunes gens très corrects. Pendant 20 minutes, dans les machines des trois étages, ils ont versé avec la poubelle, les deux cents litres d'essence de l'entreprise. Ils étaient navrés, mais c'était les ordres. Il ne fallait pas laisser cela aux F.L.N. Résultat: Pour toute la farine d'Oranie, il n'y a plus de moulin européen. Il faut aller mendier aux moulins F.L.N. Tout le quartier était furieux et s'y est mis pour éteindre.
En ville, les gens font tous des pronostics sur la semaine prochaine et se partagent en deux catégories. Ceux qui croient à l'envahissement avec massacre, et ceux qui croient à l'envahissement sans massacre. Curieuse impression, assaisonnée d'un sentiment nouveau, d'abandon et de coupure du monde entier depuis les derniers sabotages des P. et T.
Quelquefois, perce une petite pointe de curiosité sincère, Comment va être ce fameux mariage franco-F.L.N. dont les bans sont publiés depuis si longtemps et qui n'est toujours, quoique contracté à moitié, pas consommé?. Derrière la foule en fête des invités de métropole, on voudrait se glisser sur la pointe des pieds pour essayer de voir quelque chose. Et pendant que les grandes orgues de la radio écrasent tout de leur triomphante marche nuptiale, ébahissant d'aise la foule des badauds de France, on chuchote qu'après tout le temps arrange souvent les choses, et que ce viol pourrait devenir un mariage de raison ... Et peut-être, il y a si longtemps qu'on n'a vu de rose même en rêve qu'on ne se retient plus: qui sait si l'amour ne viendra pas un jour? Tout cela, pour tout bon Oranais, était impensable jusqu'à ces jours-ci. Plus maintenant.
À l'émission O.A.S. de midi: "Tout est fini. La Légion et l'armée n'ont pas marché. Adieu, Algérie. Il n'y a plus qu'à partir." Après-midi plasticage de la "Maison du colon."
L'Espagne a envoyé deux navires de guerre chercher les Espagnols. Vu ce soir un policier de la Sûreté Nationale. Ils sont tous mutés en France et viennent de passer trois jours à brûler tous les dossiers concernant les Européens compromis en quelque chose.
Madame G. aussi est venue. Elle croit son mari vivant et probablement à l'hôpital F.L.N. Elle sait que pour le faire parler, on l'a torturé et transporté là, mourant. C'est pour cela que le jour de l'échange des prisonniers avec l'O.A.S. on ne l'avait pas trouvé. Récemment le F.L.N. a redemandé de l'argent afin de le libérer. Mais ça ne prend plus. Et ce matin son fils Robert, quatorze ans, a reçu une lettre: "On va venir te chercher à la ferme. Tiens-toi prêt, et viens quand tu entendras klaxonner. Sinon, gare" ... Elle a emmené ses enfants à Oran et va les expédier à notre colonie de vacances.
Michel de Laparre "journal d'un prêtre en algérie" ISBN 2-84764-019-3
Le 27 juin, devant l'hostilité persistante de leur action, les membres du groupe FLN de l'exécutif provisoire donnent leur démission au GPRA et lui adressent un texte en forme de mise au point tout à fait éclairant. Il rappelle les différentes étapes de l'accord et récapitule le contenu du mandat donné aux négociateurs, notamment à Mostefaï: "À la suite d'une initiative de Farès et de propositions positives paraissant faites par Chevallier et Farès, trois membres FLN du groupe (Farès, Benteftifa et Mostefaï) se rendaient à Tripoli, puis à Tunis pour en informer le gouvernement. À Tripoli, les ministres Ben Bella et Mohammed Saïd étaient touchés individuellement; à Tunis étaient contactés à leur tour les frères Khidder, Bitat, Aït Ahmed, Ben Khedda, etc. Puis le GPRA, saisi de cette question en réunion à Tunis, nous recommanda de demander à l'OAS de "proclamer le cessez le feu", "soutenir politiquement les accords d'Évian", et "condamner tout acte de violence". Lors de ces contacts individuels, ou en audience du GPRA, les deux points de l'amnistie et de la participation des Européens au maintien de l'ordre avaient été expressément soumis et n'avaient soulevé aucune objection formelle à aucun moment et par qui que ce soit. Plus précisément, le Président, en présence de Ben Tobbal, et à la fin de la réunion du gouvernement, nous notifia son accord sur le principe de l'amnistie et sur la possibilité d'utiliser des éléments européens pour le maintien de l'ordre dans le cadre des accords d'Évian". Le contenu de l'accord tel qu'il ressort de la proclamation de Mostefaï s'inscrit pleinement dans le cadre du mandat fixé. Sa dénonciation par différentes factions du FLN tient donc moins à son contenu qu'à ce que Mohammed Harbi appelle "l'atmosphère ( ... ] viciée" dans laquelle baignent les différentes factions et leurs dirigeants au sein du FLN. La remise en cause de 1'"accord" FLN/OAS est donc un abcès de fixation de la "querelle entre le GPRA et la coalition benbelliste". De même que l'exécutif provisoire, le GPRA peine à s'imposer. Prolongeant les analyses de Mohammed Harbi, Gilbert Meynier souligne que "la crise née des accords Mostefaï-Susini attisa la défiance des willaya(s] contre l'exécutif provisoire et le GPRA et (...) fut un ultime épisode de la lutte entre activistes populistes et politiques".
Le capitaine Memain, du génie aéroporté, déserte de son unité à Pau pour animer un réseau O.A.S. local composé uniquement de militaires. Il sera arrêté en 1964 à Bruxelles.
28 Juin 1.962:
Que peut-on dire qui ne soit pas derisoire quand tout un peuple essaye de quitter sa patrie, dans l'indifférence de ses compatriotes?
Le 28, Charles Micheletti a tenu à s'adresser pour la dernière fois à la population dans une déclaration où il relate, à sa façon, l'échec de l'OAS oranaise et l'explique par la trahison: "(...) Après avoir perdu la bataille de l'Algérie française, les patriotes oranais s'apprêtaient à livrer celle de l'Algérie indépendante, rattachée à l'Occident, et à établir une plate-forme territoriale qui devait en demeurer le dernier bastion. Leur espérance était justifiée. N'avaient-ils pas montré leur détermination et leur courage dans ces batailles de rues où, à positions découvertes, à un contre dix, ils avaient fait fuir les blindés rouges? Leur espérance était justifiée car à leur côté devait venir cette légendaire Légion (...). Leur espoir était justifié car de semblables plates-formes devaient être créées un peu partout dans les villes d'Oranie." Or, une série de lâchetés et de trahisons auraient accablé l'OAS oranaise, officiers légionnaires qui "n'ont pas craint de faillir à l'honneur et de manquer à leur parole", "camarades algérois [qui] ont négocié avec l'ennemi", "morts vivants de la Santé [qui] se mettent eux aussi à parler ou que l'on fait parler". Une "résistance" s'imposait même pour un "combat sans issue" mais pas "sans signification". Il s'agissait de montrer au "monde entier", et d'abord aux "nations dites civilisées", qu'il "existait une poignée d'hommes qui ont lancé un appel désespéré afin de ménager ici le réduit qui sauverait peut-être l'Occident. (...) Il n'y aura pas de réduit, il n'y aura bientôt plus ici d'Occident. Il entre en agonie avec la mort de l'Algérie. L'Algérie est morte. Adieu Algérie! Et que soit faite la volonté de Dieu!".
A Oran, l'évêque préside coté européen une "commission de réconciliation" à laquelle participent des éléments du F.L.N. Elle se réunira encore les 29 et 30. Un des thèmes abordé est de voter "oui" au référendum du premier.
Le Monde constate qu'à cette date, 38 000 des 40 000 européens de Constantine sont partis, que 90 % des fonctionnaires restant ont demandé leur mutation, et que sur 20000 juifs il en reste mille.
Jean Brune: De l'autre côté de l'Algérie, dans les Aurès où l'on s'attend toujours à rencontrer les cavaliers parés de plumes d'autruche qui ont inquiété Rome et tué Okba, une fraction a refusé de rendre les armes. Ces Chaouias montagnards sont des guerriers- nés, pour qui les fusils ont une valeur de talisman. On ne restitue pas une amulette dont dépend la vie et la mort. Les hommes ont gravi les hautes falaises crénelées de cèdres et l'état-major- tintin leur a dépêché, sanglé dans une jaquette de chasse noire, un beau commandant que les femmes ont attendu à l'orée du village en terrasse mi-bâti, mi-creusé au flanc de la montagne.
Il y a une nuance de dédain et une intention de blesser dans ce geste qui commet à des femmes la réception d'un ambassadeur. Mais le beau commandant n'était pas accessible à ces subtilités. Il descendit de sa Jeep face aux filles dévoilées selon la coutume berbère, et qui portaient sur leurs robes, leurs bijoux, les tatouages gravés sur leur visage, la marque ineffaçable de Tanit survivant à Carthage. Le commandant avait demandé où étaient les hommes. Les femmes avaient ébauché un geste pour montrer les sommets. Alors le commandant s'était fâché. Il parlait fort. Il était question d'armes confiées et dont il exigeait la restitution. Les femmes se taisaient, méprisantes. Quand le commandant eut fini de parler, l'une d'elles s'avança. Elle tenait un paquet à la main; quelque chose noué dans un foulard jaune à longues franges d'or. Elle le tendit au commandant qui le déposa sur le capot de sa Jeep.
- Les hommes ont emporté les armes ; mais ils nous ont ordonné de te rendre ça. De sa main tatouée de triangles bleus, la femme montrait le paquet. Le commandant dénoua les pointes du foulard, découvrant des médailles de bronze accrochées à des rubans multicolores... des Légions d'honneur, des Croix de guerre.
- Les hommes ont emporté les armes, mais ils nous ont ordonné de te rendre ça.
Ici on mesurait la débâcle à ces croix et à ces médailles dérisoires que des hommes à peine surgis des âges bibliques jetaient à des officiers trop élégants qui avaient cessés d'être des soldats. A Vincennes, le colonel Bocquet qui, de sa main valide gantée de blanc avait distribué tant d'armes aux notables figés devant lui sous l'ondée de cuivre des trompettes et le claquement d'aile des étendards froissés par le vent, avait accepté de juger le lieutenant Roger Degueldre, coupable d'avoir voulu tenir le serment prêté sur les acropoles sauvages des djebels par Bocquet. tintin...
Roger Degueldre avait été condamné à mort, ce 28 juin 1962.
Jean brune " interdit aux chiens et aux français ", édition Atlantis.
29 Juin 1.962:
Une émission de la radio gouvernementale donne la parole à Susini qui appelle à voter oui au référendum sur l'indépendance de l'algérie.
De même à Oran, le colonel Dufour demande d'arrêter la politique de la terre brûlée, et informe que le jusqu'au boutiste Gardy a quitté Oran. En fait la veille l'OAS avait tenu sa dernière réunion d'état major, les comptes avaient été approuvés (une somme forfaitaire pour chaque membre des commandos, pour les familles des morts et des prisonniers, cinq millions de francs nouveaux sont mis de coté pour être portés au Conseil National de la Résistance). Gardy ne quitte Oran (avec l'accord de Katz) que ce jour, sur un voilier, alors que le reste de l'état major part en chalutier.
La desorganisation de l'O.A.S. Oran est telle que , pour diffuser le message de Dufour, il a fallu que les militaires simulent une emission pirate. (Laffont dans "l'expiation").
A Marseille débarquent d'un paquebot des grands blessés en cours de traitement évacués des hôpitaux d'Alger.
témoignage:
1er jour
Fin juin, brusquement, j'ai réalisé que le drapeau vert allait dans quelque jours remplacer le drapeau tricolore, et j'ai décidé, à dix-sept heures, en cinq minutes, après un coup de téléphone d'un membre de l'armée secrète, que je n'avais plus rien à faire ici. Tout était consommé! Je ne voulais pas assister à ce navrant spectacle. L'Algérie devait rester pour moi sans tâches. Le tableau que je voulais garder de ce pays était celui de sa vie intense, de ses immenses créations, de cette vitalité extensive qui faisaient pousser les buildings dans les quartiers périphériques d'Oran, et non l'image d'une régression dans la liesse populaire en célébration de l'inattendu retour des vaches maigres.
J'ai immédiatement appelé Suzanne Cuisinier, professeur de psychologie à l'Ecole Normale d'Instituteurs, puis des amis, Cazeau et sa femme, et nous avons décidé de partir ensemble. Yvan Martinelli, nous conduirait à l'aéroport. Nous avions, chacun, bouclé une petite valise dans la nuit, fermé au petit matin la porte de nos appartements et, sans transition, nous nous sommes trouvés au milieu des autres, en plein cœur de l'exode. Nous étions le 29 juin 1962. J'avais alors 23 ans. A notre arrivée, l'aéroport de la Sénia est entouré de files de voitures abandonnées, gardées par des soldats en armes, comme si leurs propriétaires devaient revenir un jour! Derrière les hauts grillages austères, cernés de gardes mobiles avec leurs mitraillettes, nous voyons beaucoup de gens assis dans l'herbe et quelques tentes. Le grillage passé, nous sommes surpris par le silence pesant.
Les files de hangars abritent quelques familles installées sous leur ombre. En face de nous, vers le bâtiment central, les nouveaux arrivants se pressent les uns contre les autres sans échanger un mot. Nous avançons comme des somnambules, nos valises à la main, vers la grappe humaine qui déborde du grand hall. Sur la plate-forme de ciment qui ceint le bâtiment central, des groupes sont placés au hasard, les uns sur des chaises longues ou des lits de camp, d'autres sur des valises, d'autres encore à même le sol, jeunes, vieux, nouveaux nés, adultes, qui nous regardent avancer en silence. Nous nous asseyons au milieu d'eux.
Une stimulation stomacale nous tire de notre léthargie. Nous commençons à réaliser que notre imprévoyance risque de nous plonger dans les affres d'un jeûne austère. Pas un instant nous n'avions songé, dans la précipitation, à nous munir de provisions. Nous apprenons qu'il y avait bien eu des départs ce matin, mais avant notre arrivée. Depuis, le calme plat! Tout s'est arrêté. Pas un avion en vue, pas le moindre ronronnement de moteur annonçant un atterrissage. Ce n'était plus un aérodrome, mais un parc à bestiaux, dans lequel nous vivions, enfermés, les dernières heures de l'Algérie française. Sept mille personnes entassées, sept mille personnes en attente, et la foule, dehors, pressée contre les grilles, que les militaires empêchaient de rentrer faute de place à l'intérieur pour l'accueillir. De gaulle avait décidé d'arrêter les rotation aériennes, les pieds-noirs n'étant pas souhaités en Métropole.
Quelqu'un nous dit qu'il faut aller prendre un numéro d'ordre pour le départ, ce que nous nous empressons de faire. Nous pénétrons dans le hall central où nous attend une véritable cour des miracles. Sur les banquettes de l'aéroport et les lits de camps, côte à côte, disposés par l'armée, des corps gisent tête-bêche. Les visages sont creusés, blêmes, et les traits tirés nous font augurer un séjour éprouvant. Je remarque une jeune fille au visage verdâtre, bouche entrouverte, yeux mi-clos parfaitement immobile. Il a fallu qu'elle se tourne brusquement pour que je sache qu'elle n'était pas morte. Une vieille femme respire bruyamment, étendue sur le dos, n'est-elle pas en train de râler sous nos yeux sans que nous nous en apercevions? Nous savons que quelques personnes âgées et quelques nouveaux nés sont morts en ce lieu.
Nous ne sommes pas les seuls à ressentir l'éternel appel de midi. Des bruits de papier déchiré, ça et là, attirent notre attention. Des gens plus prévoyants commencent leur repas. Par un phénomène naturel de contagion, les corps inertes commencent à remuer, les mains fouillent les sacs, les mâchoires s'activent, l'image a définitivement perdu sa fixité. L'estomac a redonné vie au troupeau. Nous quittons le hall et allons prospecter l'esplanade couverte de tentes disposées par l'armée. Une chance! Nous en trouvons une que personne n'avait repérée et qui venait d'être abandonnée par une famille ayant bénéficié du dernier départ, juste avant notre arrivée. Ce sera une résidence de rêve pour nos nuits d'attente. Deuxième chance! Nous remarquons qu'un peu plus loin, des militaires vendent des sandwiches.
2ème jour
.30 juin! Nous sommes réveillés en sursaut: "Mr ...est appelé d'urgence à la banque de renseignements" Toujours la même formule ridicule, sans cesse répétée, qui dans cette atmosphère chargée d'impatience, finit par forcer l'attention d'une façon crispante. Elle revient comme un leit-motiv. La tente n'est pas très pratique. Nous l'occupons à quatre: Cazeau et sa femme, Suzanne et moi. Nous sommes serrés les uns contre les autres, recroquevillés pour certains, sans aucune possibilité d'étendre les pieds car il a été nécessaire pour s'y loger tous les quatre, de procéder à un découpage géométrique de l'espace, mais elle constitue quand même un bon abri.
Les nuits sont encore fraîches et humides, si les jours sont suffocants de cette chaleur lourde des juillets d'Oranie. Nous nous sommes glissés sous la tente et avons obstrué les ouvertures avec nos quatre valises. Entre la toile et le sol, il y reste peu d'espace à l'air froid pour s'insinuer dans notre dortoir. Dehors, c'est toujours la même litanie, le haut-parleur n'arrête pas.
"Mr ...est appelé d'urgence à la banque de renseignements"
Aucune information ne peut être obtenue sur l'éventualité d'une reprise des vols. les pistes sont toujours désespérément désertes.
Une rumeur! Il y a deux jeunes derrière les grilles qui cherchent à entrer, mais que les militaire refoulent comme les autres. Je vais les voir. L'un d'eux me dit:
- Nous sortons du camp d'Arcole. Ils nous ont libérés trop tard pour pouvoir circuler librement. Ils nous ont lâchés hier seulement. L'avant veille du référendum sur l'indépendance! Il y a des barrages F.L.N. sur toutes les routes et des contrôles en ville. S'ils nous interpellent nous sommes foutus, nous n'avons même pas de pièces d'identité. Les flics les ont gardées, ils ne nous les ont pas rendues quand ils nous ont relâchés. Si nous nous faisons contrôler notre compte est bon. Je m'étonne car il y a des "internés d'Arcole" dans l'aéroport.
- Ils ont relâché la majorité des gars avant hier, mais ils ont gardé tout un lot un jour de trop. Ils l'ont fait exprès, les salauds! Pas moyen d'aller jusqu'à Sidi Bel Abbès se mettre sous la protection de la légion comme d'autres ont pu le faire.
Je me rends dans le bâtiment central, au comptoir de la fameuse "banque de renseignements". Là, je fais appeler le responsable des internés du camp d'Arcole, mais il n'a aucun moyen d'agir. Il a déjà essayé de parlementer avec les militaires, sans succès. De toute façon, qui est-il? Il n'a aucune représentativité sinon celle que lui reconnaissent ses anciens codétenus. Je reviens vers les grilles avec un message décevant. J'avais un peu d'argent sur moi. Je leur en propose.
- Non, merci, nous avons ce qu'il faut. On nous en a déjà donné.
3ème Jour
1 er juillet au matin, je suis réveillé par les propos d'une femme indignée.
- Vous vous rendez compte, ils nous auront jusqu'au bout! C'est inadmissible.
- Quel scandale !
Le soleil brille déjà au dehors. Il est huit heures et demi. Nous avons dormi si longtemps! Il fait encore plus frais sous la tente qu'à l'extérieur car la température n'est pas encore trop chaude dehors. Dans quelques minutes ce sera irrespirable là-dessous. Tout autour il semble qu'il y ait une certaine agitation. Pas d'effervescence pourtant, malgré la réputation des pieds-noirs.
- Que se passe-t-il ? Du nouveau pour les départs?
- Non, c'est à propos de la nourriture. Il n'y a plus rien à manger dans l'aérodrome et ils n'ont pas été approvisionnés par la ville.
Il n'y a plus de pain à Oran. les gendarmes mobiles ont laissé un monsieur sortir le temps d'aller en acheter. Il lui a fallu courir jusqu'à Valmy pour en trouver. Les Oranais restés en ville montent jusque dans les faubourgs pour essayer de s'en procurer. Ce monsieur a vu aux grilles, des arabes qui vendaient des légumes et du pain au marché-noir. Maintenant les gendarmes ne veulent plus autoriser quelqu'un à sortir et sous leurs yeux, les arabes vendent la livre de pain à quatre cent francs! Plus rien à manger! C'est quand même inadmissible. Laisser sept mille personnes sans ravitaillement, sans avions, avec des femmes, des vieillards, des enfants, des nourrissons. Pour nous, cela peut aller, mais d'autres doivent commencer a s'affoler. D'autant qu'avec la chaleur étouffante, la situation risque de devenir dramatique.
4ème jour
2 Juillet:
- Schhh... schhh... Les numéros du... au..., au départ, s'il vous plaît.
- Crashhh... Les numéros ...
La nuit commence à s'estomper lentement, dans la fraîcheur de l'aube. L'annonce pénètre peu à peu dans nos sens endormis, dans le vide de nos cerveaux fatigués par la tension des derniers jours. Nos oreilles entendent, enregistrent par habitude, comparent les numéros, sans que nous ne devions réfléchir.
- Nous répétons: pour Marseille les numéros de... à... au départ, s'il vous plaît.
J'ai appris que l'homme qui fait office de personnel d'accueil et qui joue les organisateurs avec deux ou trois autres, n'a rien d'un professionnel dépêché pour canaliser l'exode. Il s'agit d'un volontaire venu comme nous pour partir et qui, voyant qu'il n'y avait aucune structure aéroportuaire, avait décidé de rester le temps qu'il faudrait pour aider ses compatriotes. Est-ce la fatigue? Je me demande si j'ai bien envie de quitter cet aéroport sur la terre algérienne. Je suis bien, ici, avec les autres. Je me suis habitué à cette vie en commun avec Suzanne et le couple Cazeau...
- Et les autres, veulent-ils partir?
- Ça y est c'est à nous! Suzanne me tire de ma réflexion. Le haut-parleur vient d'annoncer nos numéros. Nous prenons nos valises et avançons vers les bâtiments. Des bénévoles contrôlent les tickets et nous nous trouvons dans une queue sur une piste avec une foule de gens charriant des impedimenta de toute sorte. Cela n'avance pas. Soudain, un bruit nous agresse: des coups de Klaxon nous font entendre leurs ti-ti-ti ta-ta. Des camions font le tour des grillages avec des grappes humaines sur les plates-formes brandissant des drapeaux verts avec l'étoile et le croissant. Je suis sidéré. Nous sommes le 2 juillet, jour de la proclamation de l'indépendance. Ce "détail" me revient, mais je me demande à haute voix pourquoi les arabes klaxonnent Algérie française? Un voisin se retourne et me dit:
- Ce n'est pas Algérie française, mais Algérie yah-yah, vive l'Algérie!
Vision hallucinante pour ceux qui s'en vont. Point final pour cette partie de notre vie! Je vais quitter l'Algérie, le jour où elle bascule.
L'attente est encore longue. Des tronçons de notre file s'embarquent dans des avions, nous rapprochant du moment où nous-mêmes nous serons prêts à quitter ce sol. Enfin nous y sommes. Mon tronçon embarque dans une caravelle. Une hôtesse nous annonce que les bagages ne pourront pas être embarqués car il n'y a pas de personnel au sol pour les mettre dans les soutes. Je propose de le faire et demande à Suzanne de monter dans la carlingue. Je grimpe dans les soutes à l'aide d'un rétablissement et chacun, du sol, me fait passer ses bagages que je range dans le ventre de l'avion. Les "colonialistes" me tendent toutes leurs richesses: des valises en carton ficelées, des cantines bosselées, une table de camping et 4 chaises pliantes toilées... Je pense à l'idée que se font des Pieds-noirs, les métropolitains... Une bonne heure se passe et tout est engrangé. Je descend et monte dans la cabine.
- Il n'y a plus de place, me dit une hôtesse, nous sommes complets.
- Vous plaisantez ?
- Non, regardez, aucun siège n'est vide.
- Attendez, j'étais dans les soutes, volontaire pour charger les bagages de tout le monde. Je ne suis pas le dernier dans l'ordre d'arrivée. Vous ne pouvez pas m'expulser comme ça!
- Je ne peux rien faire, vous ne pouvez pas voyager sans être assis et ceinturé.
Je ne bouge pas.
- Bon, je vais voir le commandant de bord, me dit l'hôtesse.
Elle disparaît dans la cabine. Finalement le commandant lui demande de m'installer dans la cabine de pilotage. Suzanne est rassurée. Elle m'avait dit qu'elle ne me laisserait pas et était prête, malgré mon refus, à descendre avec moi si j'étais expulsé. Le commandant me signale un siège qui se trouve devant un mini tableau avec une dizaine d'interrupteurs.
- Asseyez-vous là! Il n'y a personne, nous ne sommes que trois au lieu de quatre.
- J'ai de la chance!
- Non! De toute façon je ne vous aurais pas laissé sur place. Il y a deux hommes au fond, des responsables de la Croix-Rouge. Ils passent leur temps à voyager pour se donner de l'importance. Si je n'avais pas eu cette place, je les aurais fait descendre...
Nous nous apprêtons à décoller. Le commandant de bord me demande d'appuyer, lorsqu'il me le dirait, sur un bouton qu'il me désigne. Les moteurs tournent. Point fixe. Puis l'avion prend de la vitesse en vacillant un peu. Je vois l'équipe un peu tendue. Finalement nous décollons. Le commandant me demande d'effectuer ma mini-tâche. Nous sommes maintenant loin du sol. L'équipage a l'air soulagé.
- Il y a un problème ?
- J'ai décollé avec un vent violent! Je n'aurais jamais eu l'autorisation de décoller dans des conditions normales, s'il y avait une tour de contrôle. De plus, j'ai 500 kg de trop dans les soutes. Aucune compagnie d'assurance ne m'aurait couvert en cas de pépin. Mais je n'ai pas eu le coeur de faire abandonner leurs bagages à ces pauvres gens.
Il appelle une hôtesse :
- Apportez-nous une bouteille de champagne en cabine et servez un verre à tous les passagers. Si la compagnie ne veut pas payer, je règlerai la note.
Il se retourne vers moi:
- Ce doit être terrible pour tous ces gens de quitter leur pays comme cela! Vous croyez que cela leur fera plaisir de revoir la ville?
- Je le pense! Ils y sont tous nés. C'est sans doute la dernière fois qu'ils la voient.
- Je vais en faire le tour
L'avion entreprend un virage lent autour du plateau mort recouvert de petits cubes blancs. Les artères centrales, si vivantes d'habitude, sont figées par l'altitude. Sous les ailes de l'appareil, la ville tourne lentement sur elle-même. Nous voyons chaque quartier venir se placer sous nos yeux. Le bourdonnement des moteurs, trop sourd et trop régulier, la fatigue de quatre jours, le manque de sommeil et l'ivresse de l'insolation, m'isolent dans un silence cotonneux, laissant se dérouler devant moi la grande révolution de cette cité morte, vestige d'une vie maintenant pétrifiée. Oran, pour moi, appartient dès lors au passé. Le commandant de bord me tire de ma contemplation.
- C'est peut-être un mauvais service que je leur rends. J'ai ravivé des plaies, finalement...
- Je ne pense pas, s'ils sont tous comme moi; la fatigue, la chaleur, les quatre jours que nous avons passés entassés sur l'aérodrome, nous ont plongé dans un état de léthargie qui nous insensibilise! Je vois ma ville sous moi, comme quelque chose d'étranger, comme si j'étais détaché de ce spectacle. J'ai l'impression de voir un film du temps du cinéma muet. Je me dis: c'est ta ville, tu y es né, tu la vois pour la dernière fois, mais je ne réagis pas. Je ne comprends pas ce que je vois. Ils sont probablement tous comme moi; ils ne sentent rien, ils regardent hébétés.
On voit tout là-dessous: le pont Saint-Michel avec sa voie ferrée, où les trains ne passaient jamais sans siffler sur le thème d'Algérie Française, la grande route qu'il enjambe et qui serpente depuis Saint-Eugène jusqu'au lycée Ali Chekkal au lampo d'essence pour donner sur la route du Port qui descend jusqu'aux quais et le boulevard Front de Mer bordé de palmiers. On voit Carteau à droite, au bord du "ravin", la route de la Calère à gauche. Accrochés au flanc de la montagne, les bas quartiers, le vieil Oran, datant de la conquête espagnole, avec ses labyrinthes de ruelles étroites, ses rues en escaliers. On voit Santa-Cruz, les Planteurs. Puis maintenant la Ville-Nouvelle, la piscine du Gallia, le Dar-el-Laskri, l'hôpital civil, le cimetière Tamashouët où est enterré mon père, le Petit-Lac, les Castors. Nous atteignons la fin de cette lente révolution de la cité fantôme. Le port revient vers nous et nous happons la mer. Tout est consommé! Le soleil éclatant rejaillit des murs blancs. Cette lumière crue déchire nos yeux, séchés par le souffle ardent d'un été en colère. Maintenant Oran est morte à jamais, brûlée par cette fournaise; c'était notre ville, elle a vécu!
NOTA:
Je voudrais rendre hommage à ce commandant de bord et à son équipage avec qui j'ai eu largement le temps de discuter pendant mon voyage. Lui et ses collègues étaient des volontaires bénévoles pour assurer les navettes entre l'Algérie et la France. Ils faisaient des rotations qui dépassaient les temps de vol autorisés pour faire rentrer un maximum de rapatriés, contre tous les règlements de la profession. Le commandant de bord ne mâchait pas ses mots pour me dire ce qu'il pensait du Général De gaulle. J'ai senti, pour la première fois la solidarité de métropolitains. J'en rencontrerai par la suite quelques autres qui me témoigneront de leur indignation pour l'épreuve sentimentale et physique qu'on avait fait subir aux Pieds-noirs.
Eric STRULLU .
Ce texte est paru dans "l'écho de l'Oranie" le journal des anciens de la région d'oran et de leurs amis, 11 avenue Georges Clemenceau, 06000 Nice. Abonnement annuel 25 euros.
Degueldre est condamné à mort par la cour militaire de justice (ne pas confondre avec le haut tribunal militaire) il sera exécuté le 5 juillet 62, service rapide, cette cour n'ayant ni recours, ni grâce.
Dans le même esprit d'élimination definitive des vaincus, Djouani Saïd indicateur de la FPA en 1960 et début 1961, quand la police auxiliaire était implantée dans le 13 ème arrodissement de paris, est retrouvé assassiné après tortures à Orly.
30 Juin 1.962:
Fouchet annonce que "…personne ne doute du résultat du référendum, ce sera la collaboration avec la france…".
L'armée commence à évacuer les militaires et les familles d'officier avec ses moyens, dans d'excellentes conditions de confort et de sécurité. En particulier un paquebot chargé à mort de pieds noirs est vidé manu militari pour laisser la place à une unité qui quitte le bled.
Plus personne n'est à même de compter les meurtres et les enlèvements, souvent pour voler la voiture des assassinés ou des enlevés. Aucune administration ne fonctionne, c'est la panique la plus totale, dans l'indifférence de l'armée.
Un bilan fait en janvier 63 indique que dix mille musulmans (hommes femmes et enfants, soit environ 2000 chefs de famille) ont été rapatriés par les moyens officiels. Sur plus de 200.000 hommes adultes, plus d'un million de personnes, qui se sont engagés aux cotés de la France. Sur les six premiers mois de l'année, 1377 harkis seulement ont désertés, dont 503 en mars et 550 en avril. Dans la même période, 6055 appelés et engagés ont désertés, et 25000 armes ont été remises à la force locale qui les a porté au FLN.
328 000 personnes ont quitté l'algérie en Juin, portant à 490000 les départs depuis le début de l'année, et à 690000 depuis le début de la guerre. Il reste à peine 300 000 pieds noirs, dont beaucoup dans les aéroports et les ports.
Il y a eu (au moins) 471 enlèvements en Juin, portant à 1107 leur nombre depuis le début de la statistique le 17 avril.
Trois cafés maures mitraillés à Paris, les règlements de compte entre musulmans s'exaspèrent à l'approche de l'indépendance.
Dans une tentative pour conserver le pouvoir malgré les décisions du congrès de tripoli, Ben Khedda destitue Boumedienne de son poste de chef des forces armées de l'extérieur. Boumedienne déclare cette décision illégitime et conserve son poste, ses officiers ne mouftent pas. Finalement deux clans s'affrontent, le GPRA peut compter sur certaines willayas -la 2, la 3 (Kabylie) la 4, la 6 et la 7 (métropole), la zone autonome d'Alger, un certain nombre d'historiques dont Boudiaf, une partie des modérés (Farès, Mostefaï, Yazid, tous kabyles).
Ben Bella et Boumedienne ont l'armée des frontières, les willayas 1 et 5 (dont les chefs, depuis longtemps ne vivaient plus en algérie), quelques modérés (Abbas, qui n'a jamais pardonné à Ben Khedda de lui avoir piqué le poste de premier ministre, Francis, Boumendjel). Ces deux groupements sont hétéroclites, et il s'agit bien plus de luttes de clans que d'opinions.
Arrestation à Paris de Henri d'Armagnac, de l'O.A.S. métro. Il était à la tête de seize commandos.