Février 1962

 

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1 Février 1.962 :

37 attentats, 8 morts, 38 blessés, parmi les plus marquants :

Un gendarme et un gendarme auxiliaire assassinés à Alger.

Un harki juste démobilisé à Oran.

 Debré interdit à toute mission parlementaire d'aller en algérie (tout juste si les députés d'algérie y sont tolérés).

Jugement au tribunal militaire spécial, Formont, pied noir, membre de jeune nation, qui a gardé chez lui quelques heures des armes provenant du commissariat central d'alger, Il affirme ne savoir ni ce que contenaient les caisses ni leur origine. Un an de prison ferme. Agnor pied noir, était dans la maquis de l'ouarsenis du capitaine Souetre. Acquitté. Le commandant Vailly et jugé par contumace, il lui est reproché d'avoir été l'âme de la rebellion de la base de Blida. C'eest lui qui accueilli Challe et Zeller. Condamné à mort..

 

2 Février 1.962 :

Un avocat assassiné dans son cabinet, le receveur principal du marché dans son bureau, hold up, plastic à la préfecture de région (Alger).

5 attentats, trois morts, deux blessés à Oran.

Manifestation à mercier lacombe, la troupe tire dans le tas, 3 morts, 3 blessés.

Six ans de prison à un plastiqueur de l'O.A.S. 

 

Le tribunal militaire condamne (par contumace) à mort le commandant Vailly qui fût sur la base aérienne de Blida pendant le putsch et organisa le transfert de Challe à Alger.

 

 3 Février 1.962 :

18 tués 14 blessés.

Grèves pour "lutter contre l'insécurité", par roulement par ville et profession.

Parmi les meurtres, un lieutenant de SAS, un homme à Birmandreis, un autre à Kouba. A Oran la foule course et tue sur place le tueur d'un homme. Le Monde s'indigne.

 Le camp de Saint Maurice l'ardoise (un camp de concentration dans la belle campagne française) continue à se remplir, trente personnes depuis Alger, 17 jeunes depuis paris.

La police intervient au beau milieu d'une réunion de la Zone Autonome de Paris; elle arréte le colonel de Seze, les commandants Jaupart, Huet et Casati et 5 civils, Armand Verité, Jean-Marie L'Honnen, Patrick Japiot, Maître Roger Martin-Dupont, Ghislaine Ficquelmont.

Plastic au domicile de Deferre.

Derniére audience du tribunal spécial consacré au putsch d'avril. Il s'agit de condamner le colonel Godard, le capitaine Sergent et le pied noir Cerdan, tous trois en fuite. Il est reproché à Godard et Sergent d'avoir été les organisateurs du "complot de paris" destiné, suivant l'accusation, à prendre le pouvoir à Paris. Le fait que Challe ait demandé à Godard et à Sergent de rejoindre l'Algérie avec lui ne compte pas dans le raisonnement de l'accusation. Tous deux sont condamnés à 20 ans de detention criminelle. Cerdan, aussi en fuite, a arreté le 24 avril à sidi bel abbés un professeur de gauche, dix ans de détention criminelle.

 

4 Février 1.962 :

Trois morts à Alger, dont un harki juste démobilisé.

Les forces de l'ordre envahissent le PC de Delta 20, une villa de Bainem Falaise, ils font prisonnier son chef, le sergent deserteur Maurice Stimbre du 3 ème RPC; ils tuent Claude Pulcina, légionnaire déserteur, ils blessent Antoine Guglielmi, pied noir deserteur du GT 520., qui sucombera à ses blessures.

Deux musulmans s'échappent par la mer dont Mekaoui ben Cherki (dit "petite soupe") sans doute assassiné ensuite en métropole par les gaullistes.

Quatre morts à Oran.

Les gaullistes déportent à saint Maurice l'Ardoise presque tous les restaurateurs et cafetiers d'Alger, car là se réunissent les membres de l'O.A.S.

Jouhaud, qui maintenant contrôle complètement Oran et l'Oranie, demande à ses responsables économiques de lui faire un bilan de l'oranie.

"Les dépôts bancaires ont en moyenne diminué de moitié, le début de la baisse correspondant à la visite de de Gaulle en décembre 60, quand les gaullistes lâchèrent le FLN sur les européens. Les maisons mères de ces banques n'assurent plus aucune trésorerie, demandant à leurs filiales de se débrouiller seulement avec les ressources locales, le crédit est devenu très rare et très cher.

"Les fournisseurs métropolitains exigent pour la plupart des paiements comptant.

"La récolte a été mauvaise, le marché du vin est atone, le déficit en pluie sur les hauts plateaux incite à abattre le cheptel ovin, dans cette région on est proche de la disette.

"La consommation est faible, la foire internationale d'Oran a vu un chiffre d'affaire du tiers du chiffre normal, les consommateurs reportent les achats d'investissement (moins 60 % sur les ventes d'automobile, moins 50 % sur le meuble, moins 40 % en matériel agricole, moins 30 % en électro ménager, moins 20 % pour les engrais.)

"Le bâtiment travaux public est pratiquement arrêté.

"Même l'industrie (à l'exception du pétrole) baisse, production d'électricité, de minerai de fer, d'acier, de textile. Les indices de 61 sont tous inférieurs à ceux de 1959. "

Ce sont ces indices de 61 qui serviront de base ensuite au FLN pour comparer les "réussites" du nouveau régime.

A l'assemblée nationale, Roger Frey, qui les a initié, armé et continue à les proteger, dément formellment l'existence de barbouzes en Algérie.( J.O. du 10 février.)

 

5 Février 1.962 :

31 attentats, 16 tués, 25 blessés, 10 plastics.

Les plus notables : un commandant (CR) à Alger, le mitraillage sans victimes car d'intimidation de l'autorail qui mène chaque matin au travail à Rocher Noir les fonctionnaires subalternes qui habitent encore Alger.

 Discours de De gaulle que les algériens n'entendent pas car les postes émetteurs étaient en panne, (en fait à Oran, un émetteur avait été placé au centre d'une caserne, mais les personnels civils pour les utiliser n'étaient pas disponibles, "enlevés" par l'O.A.S.) il y dit : "nous approchons de l'objectif qui est le nôtre, la mise en place d'un exécutif provisoire.(...) L'algérie sera un état souverain et indépendant. (...) nous garderons le Sahara (...) nous protégerons les français (...) La Nation méprise ces gens qui tentent par l'assassinat, le chantage, le vol, à se saisir du pouvoir".

Bien entendu dans la dernière phrase il parlait de l'O.A.S., pas du F.L.N. Quant aux promesses, aucune ne sera tenue.

 

6 Février 1.962 :

Douze morts, 8 blessés à Alger.

Sept morts, six blessés à Oran, toujours en retrait par rapport à la capitale.

Sans doute d'autres ailleurs, mais les nouvelles ne parviennent plus qu'épisodiquement aux journaux.

Un journaliste et quatre techniciens de radio Alger, soupçonnés de faciliter les sabotage des postes émetteurs et les émission pirates, expulsés d'algérie.

Le maquis de Jemmapes (36 hommes) dirigé par Roger Holleindre ("Popeye") se rend.

Edition pirate du quotidien "l'écho d'Oran", en première page photo de Salan, éditorial de Jouhaud, l'édition s'arrache. voir photo

Katz interdit le journal trois jours, pour le punir.

 L'imam de Metz, pro français, assassiné d'une balle dans la tête.

Plastics à Montpellier, Lyon, Strasbourg.

 

7 Février 1.962 :

18 morts, 34 blessés.

Un commandant de gendarmerie, chargé de la lutte anti O.A.S., assassiné de deux balles dans la tête.

Un enfant de 16 ans, israélite, qui collait des affiches O.A.S. assassiné d'une balle dans le dos par une patrouille de l'armée française.

Le capitaine Le Pivain, qui avait rejoint l'O.A.S. est tué d'une balle dans la tête par la gendarmerie qui avait arrêté sa voiture dans le tunnel des facultés à Alger. Le même jour, ,Zanetaci (responsablede commandos) est aussi arreté, et, quelques jours plus tard, Picot d'Assignies dont la voiture était signalée ("par erreur") comme volée. Les mauvaises langues y voient des indications du FN destinées à venger Leroy et Villard

Grenade dans un café de mouzaiaville, une femme tuée.

Bombe dans le paquebot ville de Bordeaux, au quai à Bône, 4 morts, plusieurs blessés.

 Onze plastics en région parisienne, dont celui qui frappe la maison de Malraux et où une enfant est blessée. Les journaux matraqueront le plus possible cette bavure, allant jusqu'à prétendre - mensongèrement - que l'enfant a perdu un oeil. Un des premiers matraquages médiatiquo-politique du peuple français, cette méthode était promise à de nombreux autres succès.

 

8 Février 1.962 :

Une dizaine de morts.

Grenade dans la foule à Constantine, 30 blessés.

Hold-up à Alger et Oran.

Plastics à Bône.

Une foule immense, estimée à plus de 100.000 personnes (dans une ville de 250.000 habitants) accompagne le capitaine le Pivain, assassiné par les gendarmes, dans sa dernière demeure dans le sol algérien. Le deuil est conduit pas son père, amiral, et ses frères, officiers.

 A Paris, une manifestation "anti O.A.S." dégénère, il y a de violentes bagarres, (les policiers qui se défoulent sur les amis de leurs assassins) un groupe de manifestants est coincé dans l'entrée de la station de métro Charonne, fermée, et étouffé par la foule.

Il y a 8 morts, dont 3 femmes et un enfant, 250 blessés dont 140 policiers.

Cette manifestation, qui exploite la blessure la veille de la petite Renard lors du plastiquage chez Malraux, largement exploitée par la presse socialo-communiste et la presse gaulliste, coupe définitivement l'O.A.S. de toute sympathie en métropole.

 

9 Février 1.962 :

32 attentats, 13 morts, 13 blessés.

Sur le front des grèves c'est le tour des cheminots et des pétroliers.

Emission pirate de 30 minute à la radio.

Le député de Medea porte plainte pour tentative d'assassinat contre les policiers qui, venus arrêter son fils l'ont grièvement blessé alors qu'il ne faisait rien.

 

10 Février 1.962 :

Premier bouclage ratissage de Bab el Oued, quartier européen, par l'armée française, 5000 hommes s'en occupent, 4 morts, 13 blessés dont une enfant de 6 ans.

L'armée fouille et laisse derrière elle les appartements dévastés, elle arrête tous ceux qui protestent, et saisit tout ce qui ressemble à une arme.

Plastic à la préfecture de Bône, 37 blessés.

15 attentats, 7 morts, 6 blessés à Oran.

Un sous lieutenant assassiné à Constantine.

Au début de février 1962, sur la foi d'un informateur jugé très sérieux, des contacts auraient été noués à Lausanne avec une branche dissidente du MNA (Aïssa Abdeli, trésorier du MNA, Méchéri, ex-député de Tebessa et Naroun). Aïssa Abdeli, qui pense pouvoir compter sur 4 000 partisans armés sur l'ensemble de l'Algérie, formule une "offre de collaboration" à l'OAS sur la base d'un "programme intégrationniste" et d'une "association étroite avec la métropole". Cette question des contacts avec le MNA divise les dirigeants de l'OAS. Face à la réticence de Salan, d'autres souhaitent aller bien au-delà des "contacts partiels" déjà noués et prendre un contact sérieux avec le maquis d'Abdallah Selmi, chef de la willaya MNA, implanté au nord-ouest de Bou Saada (djebel Zemra) et les dirigeants politiques du MNA. Godard, très réservé sur le maquis, est au surplus "fermement opposé" à tout contact avec le MNA: "Je ne vois pas le profit que nous pouvons en tirer", répond-il à Gardy.

Sur le terrain, à Médéa, différents contacts ont eu lieu. Ainsi, le 10 février, Djemel Si El Aam, lieutenant de Si Selmi, et son adjoint Si Lakhdar ont rencontré un émissaire local de l'OAS du secteur de Paul Cazelles pour lui indiquer que le MNA serait prêt à apporter à l'OAS "appui logistique, protection en plein bled, relais, caches, guides" et à monter des attentats. Ajoutons qu'à Bou Saada, le commandant du sous-secteur OAS est Amar Ben Mehidid, proche de Selmi, qu'il rencontre régulièrement. Dans ces conditions, une réunion entre le responsable OAS de Médéa et Selmi est prévue pour fin février-début mars. Pour l'OAS, l'enjeu est d'importance car Selmi est crédité de 500 à 600 hommes armés et aurait la possibilité d'en recruter 3 000 s'il disposait de l'armement nécessaire. Godard, toujours réservé sur le MNA, souligne que Selmi "qui s'est raccroché successivement à toutes les bouées possibles (...) semble tout à fait disposé à revêtir notre casaque", mais il "ne faut pas exagérer son importance en volume ainsi que son autorité sur les différentes bandes qu'il prétend représenter". La rencontre prévue entre le responsable OAS de Médéa et Abdallah Selmi, chef des willaya MNA 1 et 2, s'est déroulée le 2 mars et a fait l'objet d'un compte rendu détaillés. À la question précise et brutale de savoir s'il accepterait une "intégration pure et simple aux forces du général Salan avec port de l'uniforme, des grades et du pavillon bleu blanc rouge de cette armée", Selmi a répondu avec franchise par la négative: "Après consultation de tous nos subordonnés, il apparaît que si nous acceptions votre proposition, nous casserions le MNA et nous perdrions la confiance de la moitié de nos troupes et aussi de la quasi-totalité des mousseblines [civils entraînés au combat mais non armés - 3 000 à 4 000]. Nous ne pouvons pas abandonner en deux jours ce que nous portons depuis vingt-cinq ans." À défaut d'intégration, une forme d'alliance, ambiguë, conjoncturelle et tactique se conclut contre ce que Selmi désigne comme "le chien FLN communiste": " Nous acceptons de combattre sous le commandement du général Salan, à condition que cela ne se traduise pas visiblement sur le terrain. Ainsi, nous acceptons toutes les troupes que vous nous enverrez pourvu qu'il ne soit pas trop apparent qu'elles appartiennent à l'OAS, ceci afin de ménager les sentiments de nos civils. En contrepartie, nous pouvons vous fournir des troupes pour combattre le FLN où vous voudrez et que vous équiperez comme vous voudrez, à condition qu'elles redeviennent messalistes lorsqu'elles réintégreront nos willaya." Au final, le responsable OAS, qui a également rencontré Si Aïssa Benaïssa, chef de la willaya dite du Sahara, se déclare plutôt satisfait de ces entretiens. Il propose par conséquent que la willaya de Selmi soit utilisée comme "zone de repli et de repos par les maquis et unités ralliées".

Au coeur de l'OAS, Olivier Dard; ISBN 978-2-262-03499-3

 

11 Février 1.962 :

41 attentats, 12 morts, 41 blessés.

Un européen abattu par une patrouille militaire.

Grenade sur un marché à Constantine, 1 mort, 21 blessés.

 9 plastics dont à pontivy, vannes, lanester, Toulouse, Versailles, treil sur seine, Laval, Angers, Paris.

Rencontre enfin officielle entre gouvernement français et F.L.N. algérien.

Analyse de Tripier: Après tous les conciliabules entre le F.L.N et la France, le fruit était enfin mûr pour une négociation générale, décisive et secrète, avant la consultation finale du C.N.R.A. et la conclusion officielle des accords.

La rencontre secrète prit place aux Rousses, dans le Jura, du 11 au 19 février. Elle réunit dans un chalet isolé par les neiges trois ministres français: Joxe, Buron et le prince de Broglie, et quatre membres du G.P.R.A.: Krim, Dahlab, Yazid et Bentobal, assistés par Rhéda Malek, Ben Yahia et MostefaÏ. Les uns comme les autres étaient déguisés en amateurs de sports d'hiver afin de passer inaperçus. Toutes les questions déjà examinées pourtant au cours des derniers mois par la voie suisse revinrent en discussion, chacune des délégations menant le dialogue suivant l'échelle de priorités définie pour l'une à Paris, pour l'autre à Tunis.

Du point de vue français, la jouissance temporaire des centres d'expérimentations atomiques et spatiales du Sahara ainsi que de la base stratégique de Mers-el-Kébir ne pouvait souffrir de discussion, le général De gaulle en ayant fait la condition préalable à tout accord - et force fut aux autres de s'en convaincre. Pour le reste: condition faite aux Européens d'Algérie, intérêts économiques et relations culturelles entre les deux pays ... , la consigne de l'Elysée était d'éviter de consacrer sur le papier un "bouleversement soudain" et immédiat, l'essentiel étant d'aboutir à un accord sur le cessez-le-feu et l'autodétermination. Il fallait en finir, pourvu que certaines apparences fussent sauves. Lorsque les négociateurs français prenaient un contact téléphonique avec le gouvernement, c'était pour s'entendre dire, par Debré: "Le Général s'impatiente ... Il ne souhaite pas que nous rompions", ou, le 18 février par le chef de l'Etat en personne: "c'est cet aboutissement, je répète, cet aboutissement qu'il faut réaliser aujourd'hui (Robert Buron: "Carnets politiques de la Guerre d'Algérie ", édit Plon, )".

La délégation du F.L.N. obéissait pour sa part à deux préoccupations vitales en fonction desquelles, dans son optique, les moindres détails méritaient d'être remis en cause sans limite. D'une part la période dite transitoire, commençant avec le cessez-le-feu pour s'achever avec le référendum d'autodétermination, devait être aménagée dans tous les aspects de son organisation pratique de manière à donner au Front la garantie du succès. D'autre part aucune clause n'était acceptable qui ne fût compatible à l'évidence avec une souveraineté intégrale, et pas un mot dans les accords projetés ne devait pouvoir être interprété dans un sens restrictif d'une telle souveraineté.

Dans ces conditions la partie était inégale. Pressée qu'elle était d'en finir, la délégation française se privait en pratique de toute position de repli. Elle en fut réduite à simuler une intransigeance de détail, de jour en jour moins convaincante aux yeux de ses interlocuteurs. Les concessions françaises permirent enfin d'aboutir, le 19 février, à un ensemble de textes, qualifiés "accords de principe" au sujet desquels Michel Debré, Premier Ministre, constata le soir même: "Le sacrifice que nous consentons est immense ... Nous avons accepté l'essentiel." (Robert Buron: "Carnets politiques de la Guerre d'Algérie" Plon éd)

Le F.L.N. avait consenti au maintien provisoire de bases et polygones militaires parce qu'il savait le général de Gaulle intraitable sur ce seul point (Cinq ans plus tard, en 1967, les bases sahariennes étaient évacuées. Mers-el-Kébir qui avait été l'une des plus importantes bases navales anti atomiques, un des plus grands arsenaux souterrains du monde, l'était également. Les "accords d'Evian" l'avaient concédée à la France jusqu'en 1977.)

Il avait souscrit à une mise en valeur commune des richesses pétrolières parce que l'intérêt de l'Algérie coïncidait en cela avec celui de la France. Mais sur le chapitre de la sécurité des populations algériennes et de leurs droits, les projets d'accord consacraient en fait un renoncement français. En effet, d'une part les musulmans attachés à la France - c'est-à-dire pour la plupart compromis avec elle - y étaient omis. D'autre part les quelques garanties accordées par ces textes aux Français de souche ne pouvaient être qu'un faux-semblant, de l'aveu même de leur principal défenseur dans la négociation, Robert Buron.

Ce ministre français, naguère en quête d'une "issue dans la voie libérale" et bientôt acquis au principe de l'indépendance algérienne, en fit la confidence à ses amis du M.R.P. dès son retour des Rousses, en une analyse qui mérite d'être retenue pour sa lucidité: "Nous avons négocié pour obtenir au bénéfice de la communauté européenne toutes les dispositions libérales qui sont de règle dans nos sociétés occidentales", or ces libertés démontrait-il, l'Algérie du F.L.N., sous-développée, promise à un régime socialiste de parti unique, ne peut les adopter sans périr ou se renier. Les dirigeants algériens devront donc, "devant l'impossibilité d'appliquer les accords, s'efforcer sinon de les violer, du moins de les tourner progressivement au détriment des Français d'Algérie, de la France et d'eux mêmes d'ailleurs. A André Colin qui résumait son analyse en ces termes: "En somme, vous avez mieux réussi que tu ne l'espérais mais tu crains que le résultat ne condamne ou l'Algérie de demain ou la validité des accords?" Hélas, c'est un peu cela ", répliqua Buron (Robert Buron : op. cit., pages 239 à 24l).

Examinés à l'Elysée en conseil des ministres, les projets d'accord furent considérés comme acceptables. Dans sa hâte d'en finir, le gouvernement admit la possibilité d'assortir encore ces textes de quelques concessions de détail pourvu qu'à ce prix on obtînt à bref délai la signature du G.P.R.A. A la fin du mois, préparant la prochaine et officielle rencontre avec le F.L.N., Joxe confiait à Buron: "Le Général n'acceptera pas que tout soit remis en question, mais bien sûr, malgré les efforts que nous avons fait aux Rousses, il reste beaucoup . de marge pour la discussion (Ibid., page 246.).

Or pour le F.L.N. les documents issus de la négociation des Rousses ne constituaient pas un accord susceptible d'être signé tel quel, mais bien un projet appelé à être encore discuté et modifié à l'avantage du Front, avant d'être définitivement acceptable.

Du moins ceux qui en avaient été les artisans les plus convaincus - Dahlab, Krim, Yazid et Ben Khedda - estimèrent-ils ces textes suffisamment élaborés et concluants pour pouvoir être soumis au verdict du Conseil National de la Révolution Algérienne, réuni tout exprès à Tripoli du 22 au 27 février 1962. "Autopsie de la guerre d'algérie" de Philippe Tripier, éditions France-empire, 1972.

Dans son livre "l'expiation" Pierre Laffont s'acharne sur le mlaheureux Buron:Le 10, aux Rousses, petite station de ski du Jura, Joxe, entouré de Robert Buron (le dernier M.R.P. du gouvernement) et de Jean de Broglie (indépendant), rencontre une délégation du F.L.N., dirigée par Krim Belkacem.

Si les Français, nommés par un gouvernement régulier et assuré de l'appui du général, sont dans une situation facile, il n'en est pas de même des Algériens. Leur peur commune est de passer aux yeux des autres membres du G.P.R.A. pour "tièdes", et chacun discute à perte de vue pour prouver son patriotisme.

Mais les instructions françaises sont formelles: il faut réussir. Debré, encore Algérie française de coeur, tente l'impossible. Il essaie d'obtenir, par Buron, que l'armée française, seule véritable garantie pour les Français, demeure le plus longtemps possible. De l'aveu même de Robert Buron, les desiderata minimaux de la France sont:

- les 500 000 hommes de troupe seront ramenés à 80000, ces hommes restant cinq ans en Algérie (afin de protéger les Français);

- Mers el-Kébir: concession de vingt-cinq ans;

- Sahara : les bases atomiques conservées.

Robert Buron s'est institué l'historien de cette rencontre. Son livre (Carnets politiques de la guerre d'algérie par un signataire des accords d'Évian, Plon 1964) est étonnant: nous n'ignorons rien de la qualité de son sommeil ni de celle du poulet du sous préfet. Mais, à la défense des Français d'Algérie, il ne consacre que deux passages: l'un pour avouer que la préoccupation essentielle de la délégation est d'obtenir qu'ils puissent automatiquement et sans formalité devenir Algériens au bout de trois ans; l'autre où il dit simplement: "les difficultés subsistant à propos des garanties dues aux minorités ... ne sont pas de nature à remettre en cause la date et le lieu d'une réunion officielle".

Dans une de ses dernières phrases, il est à la fois satisfait de lui, et sans illusions pour l'avenir: "La présence française en Algérie, pour laquelle j'ai tant lutté, risque de devenir pour longtemps un leurre." On eût aimé qu'il nous dît en quoi et comment il avait lutté, ce qu'il avait obtenu, ou pourquoi il ne l'avait pas obtenu. Il a préféré narrer comment il se levait le premier pour prendre sa douche ... Chacun son goût.

Une seule fois, il dira, parlant de ses interlocuteurs: "Ils savent que c'est une condition essentielle et préalable de toute entente et ils sont résignés à l'accepter." On aura deviné qu'il s'agit de l'usage des bases atomiques sahariennes.

Sur les clauses militaires, il avoue que le chef de l'Etat a laissé à Joxe une marge de manoeuvre assez large qui pourra servir le moment venu ... comme contrepartie à la discussion sur la nationalité. Ainsi, il faut comprendre que la délégation française s'est battue pour obtenir cela. A des compatriotes qui ont le droit d'exiger de leur pays l'aide et l'appui total, à des Français en passe de perdre leur pays natal, leur passé, leurs biens et leur vie même, on apporte ... la certitude de pouvoir devenir Arabes dans les trois ans. On reste confondu ...

Les deux délégations se séparent le 19 février. Les Algériens se rendent à la Conférence de Tripoli, les Français à Paris. Reçu par Debré, sombre et tendu, Robert Buron (j'ai l'air de m'acharner, mais je ne fais que le citer) note: "A ma surprise (sic) il me paraît avoir plus confiance en moi qu'en mes collègues pour montrer une fermeté nécessaire dans les discussions ultérieures."

Et ajoute avoir dit, le jour de son retour, à ses amis politiques, que les Algériens sont réduits à une alternative à trois termes (sic):

- ou renoncer à leurs principes socialistes;

- ou appliquer aux deux communautés des principes sociaux ou philosophiques différents;

- ou, je cite: "Devant l'impossibilité d'appliquer les accords, s'efforcer sinon de les violer, du moins de les tourner progressivement au détriment des Français d'Algérie, de la France et d'eux-mêmes d'ailleurs."

 

Que la France ait entre les mains les moyens politiques. militaires. économiques et financiers d'exiger l'application de ces accords ou, à défaut, d'annuler les avantages de la coopération, il ne semble même pas y avoir songé. Mais il est établi sans équivoque que, dès ce moment, le gouvernement savait que les accords non encore signés ne seraient pas respectés et qu'il en acceptait l'éventualité. Mierre Laffont, "l'expiation."

 

 12 Février 1.962 :

Une quinzaine d'attentats, 7 holds up.

Parmi les attentats, Louis Ferrein, militant de l'OAS, abattu d'une balle dans la tête square Montpensier à Alger.

Ponchardier (le gorille) chef d'une des milices personnelles de De gaulle, se rend à Alger où il rencontre le délégué général Morin avec le chef du mouvement pour la coopération (les barbouzes) Bitterlin, profondément abattu par l'assassinat de ses hommes par l'O.A.S..

On lui remonte le moral on lui promet des renforts et on l'installe à l'hôtel Radjah, propriété d'un membre éminent du FLN.

Ils y resteront six jours.

 Six plastics en région parisienne, un blessé.

Grande manifestation à l'occasion de l'enterrement des victimes de Charonne.

Les présents sont moins nombreux que lors de l'enterrement de Le Pivain, mais les articles de journaux bien plus, ceci compense cela.

 

13 Février 1.962 :

Rien.

 

14 Février 1962 :

A Oran, le FL N distribue un tract "combattez les , luttez, ne faites pas de différence entre militaires, officiers, civils, tous les français sont vos ennemis. Ne les laisser pas échapper au châtiment mérité."

Il organise une forte manifestation que l'armée réprime en tirant dans la foule, 13 morts, tous musulmans et 19 blessés dont 5 militaires.

Le général Fritsch écoeuré du travail qu'on lui fait faire, demande à être relevé de ses fonctions, Messmer nomme Katz qui a bien compris qu'il n'avait plus qu'un ennemi, les français d'algérie.

 Philippe JACQUOT. 24 ans. Lieutenant au 18ème RCP. Fils du Général commandant le Centre-europe. Interné après la révolte militaire d'avril 1961. Déserte et rejoint l'OAS à Oran. Tombé, le 14 février 1962 à la tête de ses hommes en donnant l'assaut à un PC de terroristes FLN retranchés après avoir mitraillé dans les rues des passants européens innocents. Tract OAS Zone III Diffusé le 17/2

Pour éviter l'hommage que les Oranais lui destinaient, l'armée l'enterre à la sauvette, la famille est ramassée sur l'aérodrome et conduite directement au cimetière.

A Alger, 3 deltas attaquent une villa au 64 rue Anatole France, où résident des membres de la mission C. Reperés, ils sont immediatement abatus, il s'agit de Jean Georges Menthier, de Pierre Forestier et d'un troisiéme resté anonyme.

A part ça, une dizaine d'attentats, autant de morts

150 français d'algérie qui ont gardé des attaches avec leur famille en Espagne gagnent Alicante et s'y installent.

 

15 Février 1962 :

73 attentats, 16 morts, 20 blessés.

 L'O.A.S. a posé 44 plastics dans les quartiers à majorité musulmane de la ville d'Oran, pour marquer sa présence dans ces zones "interdites" après les émeutes de la veille. Elle affirme que ce sont ses commandos musulmans qui ont agi.

Les commandos sont passé par les égouts et ont positionne les charges sur les bâtiments signalés par les militaires comme abritant des activités FLN.

 

16 Février 1.962 :

Les statistiques indiquent que ces 15 premiers jours de février, l'activité terroriste F.L.N. a fait 256 morts (dont 160 musulmans, surtout anciens harkis ou auxiliaires de la France) et 490 blessés (environ 350 musulmans). Chaque jour est un nouveau dechaînement de violences, les musulmans attentistes se ruent pour participer à la curée.

Emission pirate de l'O.A.S. à la radio.

Holds up.

5 attentats 5 morts à Alger.

Une musulmane est blessée par un explosif qu'elle posait devant une école, les parents d'élèves l'achèvent, les grandes consciences s'indignent.

Des unités représentant ensemble 20.000 hommes rentrent en métropole.

Deux assassinés, trois blessés à Blida.

Trois tués, cinq blessés à Oran.

Le vice président musulman de la chambre de commerce de Mostaganem assassiné dans son magasin.

Un tué un blessé à Mascara.

Deux agriculteurs exécutés dans leur ferme à Marengo.

 Plastic à Paris.

Arrestation de OAS dans le Vaucluse.

 

17 Février 1.962 :

 48 attentats, 35 tués, 45 blessés.

 A Alger le FLN vise les pharmacies, 6 morts, 7 blessés.

Katz imprime sa marque à sa prise de commandement, à Oran, les forces de l'ordre encerclent et fouillent un quartier, 435 logements sont ainsi mis à sac, 2215 personnes sont contrôlées, 38 arrêtées. Les personnes qui essayent de porter plainte pour vol contre les C.R.S. ou les garde mobiles se font tabasser en prime. Les jeunes de moins de 22 ans, et de plus de 17, non libérés de leurs obligations militaires sont incorporés de force dans l'armée et déportés en métropole.

Un décret discuté depuis plusieurs mois supprime les SAS, dissous les Maghzens qui les protégeaient, et donne leur fonction à des Centre d'Aide Administrative (CAA) qui ne sont qu'au nombre de trois ou quatre par arrondissement. Dans la pratique, cette "civilisation" des SAS n'aura pas lieu, ou les SAS se regrouperont entre elles.

 Plastics à Paris, Bordeaux, Montpellier.

Un algérien abattu à Aubagne par des coreligionnaires.

Buron raconte avec émotion (dans ses mémoires) la choucroute arrosée de vins fins qu'il partage avec Belkacem Krim (le bien nommé) après le succès des négociations des Rousses. Belkacem a en effet promis de n'assassiner ni les harkis, ni les européens.

 

18 Février 1.962 :

grève générale sur l'ensemble du territoire algérien décidée par l 'O.A.S. et parfaitement suivie.

Voici comment Jouhaud raconte une action de l'O.A.S. :

Nous savions que des négociations avaient lieu, mais ignorions si un accord interviendrait. Cet accord éventuel, il fallait le rendre inopérant en montrant au F .L.N .que la France était incapable de faire respecter une décision prise contre le gré des Européens.

C'est ainsi que je décidais de faire bombarder le camp F .L.N. d'Oujda. A proximité de cette ville, sur le territoire du Maroc, ami de la France de surcroît, se trouvait stationné l'état-major de la willaya 5, au camp "Ben-Mhidi ", du nom d'un leader F.L.N. mort en détention en 1957. Ce camp abritait, non seulement le commandement fellagha qui coordonnait la lutte terroriste en Oranie, mais aussi un camp d'entraînement et un parc de ravitaillement. Sans souci de sa dignité et de sa défense, la France acceptait d'entretenir les meilleures relations avec le Maroc, de lui fournir des crédits et de tolérer en même temps le stationnement de hors-la-loi à notre frontière. Mais grande était notre naïveté, ce n'étaient plus des rebelles, mais des alliés dans la lutte contre les Français d'Algérie.

Nous ne pouvions opérer que par bombardement aérien. Je fus d'abord séduit par la proposition qui fut faite à Guillaume, par la base aéronavale de Lartigues, près d'Oran, de mettre deux bombardiers Neptune à notre disposition, donc de pouvoir déverser environ dix tonnes d'explosif sur le repaire F.L.N. Je donnai mon accord à Guillaume, qui fut chargé de régler les détails de l'opération. Malheureusement son étude révéla des difficultés, en particulier la récupération d'équipages trop nombreux. Et, de surcroît, l'officier responsable du vol venait de se rendre suspect à la Sécurité navale.

Je me retournais vers l'armée de l'Air. Sur la base de La Sénia, existait un centre opérationnel de réservistes, engagé normalement, et avec beaucoup d'efficacité, contre les rebelles depuis sa création.

Composé d'officiers et de sous-officiers de réserve, ce centre effectuait des missions de combat, comme toute unité opérationnelle. Il était armé d'avions T 6, à la puissance de feu réduite, mitrailleuses et roquettes, mais non négligeable. Le personnel accepta la mission avec enthousiasme et il fallut tirer au sort les deux équipages qui auraient à opérer . Le raid fut prévu pour le dimanche 18 février. Au matin, le sous-lieutenant Hoerner et le sergent Raucoules décollaient de La Sénia, pour une mission de routine. Ils mettaient le cap sur le camp qu'ils survolaient et attaquaient à onze heures, aux roquettes Tl et à la mitrailleuse, avec plein succès. A une certaine distance de là, un dépôt important de munitions aurait pu sauter.

C'est ce que nous fit savoir, par la suite, notre capitaine Clément qui avait omis de nous donner l'objectif principal. Ainsi Clément nous avait renseigné, mais très incomplètement. Revenant en rase-mottes, nos deux aviateurs se posèrent au terrain de Nazreg, à dix kilomètres de Saïda où les attendait le commandant Guillaume qui, avec son sang-froid habituel, les ramena à Oran, bénéficiant du reste du concours de l'O.A.S. de Saïda. Et le lendemain, nous sablions le champagne avec ces deux hommes courageux et quelques officiers du C.E.R. La joie était dans l'air, car l'exploit était extraordinaire. Parfaitement exécuté, il montrait que l'O.A.S. était capable de mener toute action et, ce jour-là, l'organisation dite "subversive" remplaça les forces aériennes loyalistes, clouées au sol sur ordre.

Hoerner et Raucoules sont deux noms qui ne seront jamais oubliés dans le combat que nous menions et, si le sort les favorisa en les désignant, ils ne marquèrent aucune hésitation, au dernier moment, pour accomplir leur retentissante prouesse. Le raid eut un écho profond dans la population européenne et musulmane, surtout chez cette dernière. L'"Ouasse" montrait sa force, sa détermination, son courage, son audace et aucun Musulman n'est insensible à ces qualités fondamentales.

Je prenais la parole à la T.V. pour exalter les qualités morales de mes deux aviateurs et assurer mes camarades de mon affectueuse reconnaissance.

 Copié dans Ô mon pays perdu, Fayard 1969 ISBN 35-05-5094-01

 22 plastics à Oran.

L'O.A.S. emporte 200 bazookas, 83 mitrailleuses, 3000 fusils de l'arsenal militaire. Les percuteurs manquent, tous les ateliers d'Oran les fabriquent.

Une des rares action ponctuelle monté en métropole, celle-ci pour achever Le Tac dans son hopital parisien échoue.

 

19 Février 1962 :

40 attentats, 23 morts, 2 3 blessés.

Le 18 février, deux half-tracks de l'armée, pilotés par des commandos delta de "Jésus" de Bab el Oued attaquèrent l'hôtel Radjah, siège des barbouzes, à la mitrailleuse lourde.

Leurs adversaires durent se réfugier dans une caserne de gendarmerie à Maison Carrée, puis ils revinrent occuper le Radjah passablement ébranlé. Le lendemain, répartis en deux voitures, certains d'entre eux se rendirent à l'Hôpita1 Maillot pour s'y faire soigner. Prévenus par leur service de renseignements, des commandos de l'Armée Secrète les y attendaient et les mitraillèrent. Une des voitures ayant ses pneus crevés percuta un mur. Les commandos fusillèrent ses occupants à bout portant. Les habitants du quartier, apprenant qu'il s'agissait des "barbouzes", arrosèrent le véhicule d'essence et le firent flamber.

Cette fois-ci, c'était la fin. Michel Debré décida d'arrêter définitivement l'opération. Les rescapés de l'aventure furent renvoyés en France.L'OAS fera sauter ce qui restait de l'hôtel Radjah.

 A Paris De gaulle reçoit les ministres Joxe, De Broglie, Buron, retour des Rousses où ils discutèrent avec le F.L.N., et trouvèrent des interlocuteurs aimables et souriants. Dans ses mémoires, Buron rappelle les dures conditions des 8 jours passés à négocier, où il devait faire lui-même son lit.

Les points de désaccords portent sur la définition de la nationalité algérienne (le FLN exige des musulmans seulement) sur la force locale (le F.L.N. la veut à sa botte) sur l'amnistie des musulmans engagés aux cotés de la France (refusée, sera au cas par cas).

Le Sahara n'est plus un problème il sera algérien.

 A Montreuil et Saint Ouen, les amis des si sympathiques interlocuteurs des rousses liquident des MNA, 4 morts, 7 blessés.

 

20 Février 1962 :

 40 attentats, 20 morts, 40 blessés.

8 morts à Alger, deux à Oran (dont un enfant de 14 ans) un à Kolea (adjoint au maire) un garde champêtre à Bel-Abbés, un couple et un de leurs amis à Trezel.

L'armement de toute les SAS de la région de Mostaganem, qui avait été retiré des moghaznis et harkas des sas et regroupé à la SAS de Mostaganem est enlevé par l'O.A.S. Il faut cinq camions pour emporter le tout. Le préfet est persuadé qu'il y a eu des complices parmi les militaires, et arrête le colonel responsable de la garde mobile qui était (circonstance aggravante) en mission à Oran ce jour là. Voir matraquer un colonel par ses propres hommes au nom de la lutte contre les partisans de l'algérie française fût un plaisir rare.Le coup avait été monté par le capitaine Favarel, patron de la SAS, qui était insoupçonnable car en permission dans le Gers à cette date. Les armes sont rendues aux moghaznis et harkis (du moins ceux engagés avec l'O.A.S.).

  

21 Février 1962 :

 47 attentats, 19 tués, 35 blessés, 15 plastics.

 Alger 5 morts, Oran 5 morts.

Les syndicats CGT et CFTC des chantiers de Mers El Kebir se mettent en grève pour protester contre la politique du gouvernement. (8000 ouvriers, dont de nombreux métropolitains).

Les nouveaux renforts de gendarmes octroyés à Katz sont obligés de réquisitionner l'opéra d'Oran pour y caserner, tous les autres endroits possibles étant déjà occupés

Le conseil des ministres approuve les grandes lignes des accords négociés avec le FLN aux Rousses. Selon M. Buron, dans son livre "carnets politiques de la guerre d'algérie, page 179, De gaulle répond au Secrétaire d'Etat mademoiselle Sid Cara, qui s'inquiéte du sort réservé aux musulmans qui n'ont pas d'attirance pour le FLN:"Croyez-vous, Mademoiselle, que sauf les exceptions dont nous avons le devoir de nous occuper aujourd'hui, dont nous devons nous préoccuper demain, la grande majorité des musulmans ne soit pas favorable à l'indépendance ... ?". Sid Cara croyait pas, mais bon on ne discute pas avec le général. Dernier intervenant du "tour de table", Michel Debré exprime son "appréhension pour le sort demain des musulmans compromis avec nous".

22 Février 1962 :

 40 attentats, 20 morts, 22 blessés.

Parmi eux, un officier de police à Mostaganem, deux gendarmes tués à Oran par des musulmans qui brûlent ensuite leurs cadavres, deux terroristes du F.L.N. assassinés par l'O.A.S. dans le fourgon cellulaire qui les menaient à la prison où ils devaient attendre leur grâce ou leur exécution.

 A Tripoli, du 22 au 27 février le FLN examine le résultat des négociations. C'est l'occasion d'un affrontement entre ben Khedda et Boumediene, et entre Belkacem et Boumedienne mais l'accord se fait sur le fait qu'il faut profiter des concessions obtenues, reporter à plus tard les différents et masquer les divergences..

Tripier commente: La session de l'assemblée souveraine, capitale puisqu'elle seule pouvait décider ou refuser la paix, ouvrait la voie aux censures et aux surenchères: celles-ci ne manquèrent pas, inspirées par la conviction doctrinale et la méfiance ou suggérées par la rivalité et l'ambition. Outre la critique négative de quelques anciens dirigeants écartés du pouvoir et de plusieurs délégués porte-parole du Caire, les projets d'accord se heurtèrent au désaveu venu de Ben Bella ainsi qu'à une opposition systématique de la part du colonel Boumediene - appuyé par certains militaires de son clan - : on vit alors que ces hommes, prenant ainsi la vedette, sauraient le moment venu se désolidariser publiquement des signataires de la paix pour mieux transgresser les accords et tirer profit des résultats obtenus. Dans le cours même des débats le nom de Ben Bella fut avancé comme devant être appelé à prendre la présidence en remplacement de Ben Khedda, dès sa libération.

La discussion du projet de paix se trouva néanmoins facilitée par un souci commun à tous les délégués: celui du problème posé par l'O.A.S. Si le "pouvoir gaulliste" devait s'avérer impuissant à réduire l'insurrection générale des partisans de l'Algérie française, l'obstacle ne serait-il pas également insurmontable pour le F.L.N., même mis en possession théorique d'une Algérie indépendante? Deux solutions furent envisagées pour l'immédiat: ou bien entrer en contact avec les Godard, les Gardes, les Salan (D'après certains documents des contacts avaient déjà été pris entre le F.L.N. et l'O.A.S., sur l'initiative de Boussouf notamment. .-C. Duchemin: "Histoire du F.L.N. ~, édit. de la Table Ronde.), en vue de rechercher une entente directe avec l'O.A.S. sur la base d'un programme révolutionnaire commun pour l'Algérie (Boussouf et Ouamrane soutinrent cette possibilité); ou bien exiger du gouvernement français - en lui opposant au besoin l'alternative précédente - une collaboration officielle et complète entre l'appareil politico-militaire du F.L.N. et les forces de l'ordre pour liquider la révolte. L'acuité du problème inclina la majorité vers une entente avec la France.

Quoique critiques elles aussi à l'égard des négociateurs des Rousses, les interventions de délégués tels que Ferhat Abbas et Mehri, de ministres tels que Boussouf, furent néanmoins assez réalistes et positives pour amener enfin le Conseil National à prendre en considération les projets d'accord, moyennant de substantielles modifications à leur apporter. Notamment les suivantes:

D'une part, certaines clauses relatives à l'indépendance ¨statut des Européens, assistance économique et culturelle, durée de location des bases militaires - devaient être rendues conformes au principe de souveraineté et précisées.

D'autre part l'organisation prévue pour la période transitoire était à réviser sous bien des aspects.

Avant tout et dès la proclamation du cessez-le-feu les détenus devaient être libérés et les frontières s'ouvrir, si possible aux bataillons de l'A.L.N. extérieure et, à tout le moins, aux cadres administratifs et politiques destinés à prendre en mains les populations ainsi qu'aux moyens de transmissions préparés à cet effet.

En second lieu le G.P.R.A. devait effectivement exercer son pouvoir sur l'Algérie à travers les institutions mises en place à titre transitoire, lui-même demeurant en fonction en tant qu'organe et suprême refuge de la souveraineté, et ce jusqu'aux élections générales qui suivraient l'indépendance. Parmi les douze membres prévus pour l'Exécutif Provisoire, non seulement six d'entre eux devaient représenter le F.L.N., mais les six autres devaient être positivement acquis à sa cause. La compétence de l'Exécutif devait être en outre strictement délimitée.

De même pour les forces appelées à relever l'armée française dans les tâches de "maintien de l'ordre": l'A.L.N. des Wilayas resterait libre de ses mouvements, indépendante de l'Exécutif Provisoire et intacte, conservant ses armes, sa structure, son, encadrement; quant à la "force locale" subordonnée à l'Exécutif Provisoire, le G.P.R.A. devait faire en sorte de pouvoir exercer le contrôle le. plus circonspect sur sa composition, son encadrement, son emploi.

Enfin la France devait rendre effective la souveraineté algérienne immédiatement après le scrutin d'autodétermination.

Quant au problème particulier de l'O.A.S., la position officielle du F.L.N. ne pouvait être que d'attribuer à la France l'entière responsabilité de le résoudre. Et en aucun cas, il ne devait servir de prétexte pour étendre abusivement la compétence de l'Exécutif Provisoire.

De l'ensemble de ces exigences, - les unes impératives, les autres sous certaines réserves -, le Conseil National de la Révolution Algérienne faisait la condition à laquelle il donnait, par son vote final, mandat au G.P.R.A. de mener la négociation à son terme et de conclure un cessez-le-feu sans avoir à consulter de nouveau l'assemblée suprême.

C'est donc dans la perspective d'y parachever sa victoire que le G.P.R.A., réuni de nouveau à Tunis, décidait, le 3 mars, de reprendre la négociation, officiellement cette fois, avec la France; ce que Ben Khedda commenta en ces termes: "l'Algérie engage actuellement une importante bataille pour réaliser son indépendance".

"Autopsie de la guerre d'algérie" de Philippe Tripier, éditions France-empire, 1972.

  

23 Février 1962 :

Verdict au procès des assassins de Popie (des "activistes") réclusion à perpétuité, deux personnes jugées par contumace sont condamnées à mort..

 48 attentats, 30 morts, 42 blessés. Je rappelle que ces chiffres sont peu fiables, et pour l'essentiel sur Alger, où les journalistes continuent à ramasser les infos dans les commissariats, le bled étant en grande partie abandonné au F.L.N. et les autorités masquant les exactions commises.

 Hols up, émissions pirates, plastics.

Salan signe l'instruction numéro 29, preconisant la création de zones insurectionnelles.

 

24 Février 1962 :

 A Alger seul, 32 morts, 13 blessés.

Parmi les victimes, un médecin, une femme de 72 ans, un typographe.

Le F.L.N. essaye de forcer les européens résidant encore dans des quartiers à majorité musulmane à les quitter, mettant ainsi en oeuvre sa fameuse politique de la valise ou du cercueil, par quartier.

Une des victimes est un chauffeur de taxi de Bab El Oued, très populaire, monsieur Angélo Victori dit Lolo (ou Georges heritier? ou les deux?). Après son assassinat les habitants de Bab El Oued se livrent à une ratonnade, faisant six morts parmi les passants musulmans. Cette ratonnade est soigneusement montée en épingle par toutes les grandes consciences françaises.

Un couple d'agriculteur (70 et 60 ans) assassinés dans leur ferme prés de Philippeville.

Un commerçant dans son magasin à Blida. Toujours à Blida, le docteur Paul Boilet, responsable OAS de la ville, invité à aller accoucher une musulmane en banlieue ne revient pas. Il a été enlevé par le FLN, certainement renseigné sur ses activités, par qui?

Georges L1CHTLÉ. Né à Agen et mort au combat le 24 février 1962, à 32 ans. Georges fit de la boxe. Service militaire dans l'aviation. Il s'engage dans les CRS, à Tizi Ouzou. Il déserte pour l'OAS et va servir sous les ordres de Liégeois qui se fera tuer lui aussi à son tour. Il opère au sein du BCR d'Alger Centre (Champ de Manœuvre - Bellcourt - Le Hamma - Le Ruisseau). Au cours d'une mission il fut tué boulevard Thiers, après avoir transmis les renseignements, par un commando FLN de la Zone Autonome d'Alger (ZAA). Sa tâche fut quand même couronnée de succès: Liégeois, grâce au travail exécuté par Georges Lichtlé, réussit à anéantir et le commando et sa logistique.

LIÉGEOIS. Le Maréchal des Logis Chef Liégeois fut nommé Chef du Bureau d'Action Opérationnelle (BAO) du Secteur Centre d'Alger, au sein de l'Organisation. Remarquable par son esprit de décision, sa détermination et, surtout, la lucidité qui l'animait dans toutes ses entreprises. Il fut vraiment l'exemple de ces cadres subalternes frappés par la grâce, à qui de longs développements n'étaient jamais nécessaires pour qu'ils comprennent les raisons de leur action. Il est mort parce qu'il a refusé la défaite. Il fut mitraillé par des gendarmes gaullistes qui l'attendaient au chemin Laperlier, à Alger: il fonça sur le barrage plutôt que de se rendre. Il faut savoir que Liégeois représente le type de ces sous-officiers de l'Armée dite régulière, un sous-officier du Train, ni parachutiste, ni légionnaire, pour qui, faire la guerre, c'était et ce ne pouvait être que se battre pour la grandeur de la Patrie et la défense de son Honneur.

Georges Soler et Jean Mousseau

Le délégué général Morin diffuse une note expliquant que les musulmans conserveront la nationalité française, sauf s'ils font la demande inverse. Dès le 13 mars, Debré explique que c'est tout le contraire, tout musulman sera réputé algérien, sauf s'il en fait la demande contraire.

Grève générale à Bône.

A Bougie un plastiqueur maladroit se fait sauter.

 A Marseille les CRS fouillent sans succès le paquebot "djenne" où, d'après leurs renseignements se trouverait le colonel Argoud, échappé de sa résidence surveillée aux Canaries.

 

 25 Février 1962 :

 48 attentats, 28 morts, 51 blessés.

Parmi les neufs morts d'Alger, une enfant de quatre ans.

Prés de Mouzaillaville, un commando FLN intercepte une équipe O.A.S. et abat ses 4 membres, Gilbert Cortés, Jean Fourvel, Jacques Friburger, et Jean-Pierre Germain.

 

 26 Février 1962 :

 37 morts, 49 blessés.

Les agriculteurs d'Oran décident d'arrêter de cultiver leur terre, suite "au désarmement des groupes d'auto défense, et au retrait des armes qui leur avaient été confiés pour protéger leurs fermes".

Citation: A partir du 26 février 1962, les commandos d'Alger entreprirent des attentats non sélectifs contre les Musulmans algérois. En quelques jours, les quartiers européens se vidèrent des autochtones qui y travaillaient. On ne peut rattacher l'évolution née ce jour-là, à une métamorphose stratégique de l'Armée Secrète.

Il faudrait plutôt y voir une mesure pragmatique, effroyable dans son principe comme dans ses conséquences, destinée à répondre à la désagrégation de la situation qu'elle affrontait.

Ces attentats systématiques n'avaient plus rien à voir avec les exactions aveugles nées de la colère ou de la peur qui suivaient parfois les assassinats perpétrées par le FLN. Il s'agissait d'une tactique nouvelle apparemment destinée à chasser les Musulmans des quartiers centraux et des hauteurs d'Alger. A partir de ce moment-là, franchir la limite de la zone européenne devint extrêmement périlleux pour un Musulman. (Il en allait de même depuis longtemps pour un Européen entrant en zone musulmane).

Jusque-là, la ligne directrice de l'O.A.S., pour autant qu'elle ait existé, avait paru être celle du "pourrissement". Il s'agissait de créer une situation où l'appareil de l'Etat eût été mis dans l'impossibilité de fonctionner correctement, ce qui eût fait naître une crise politique. Européens et Musulmans devaient s'unir pour maintenir l'Algérie dans la France. De ce point de vue le général Salan s'était exprimé clairement: "Le pouvoir veut creuser le fossé entre les communautés. Là aussi, par notre compréhension, nous ne lui donnerons pas matière à succès".

Le virage inauguré le 26 février dans les rues d'Alger marquait une évolution importante. Depuis toujours, l'O.A.S. et les partisans de l'Algérie Française s'étaient réclamé de la fraternité franco- musulmane du 13 mai 58.

Désormais on s'engageait dans l'affrontement des communautés.

Il n'est pas facile aujourd'hui d'éclairer cette évolution de l'organisation clandestine. Il en est ainsi pour plusieurs raisons dont l'une des plus importantes est que l'on oublie en 2000, le climat dans lequel se sont déroulés ces événements. Ce climat est celui de la psychose collective qu'engendre l'angoisse de se trouver face à l'impensable: la victoire du FLN, malgré les morts, malgré les promesses. C'est un monde qui s'écroule, l'atmosphère est celle d'un crépuscule tragique. Le sang coule et beaucoup de ceux qui font parler la poudre ont abandonné le terrain de la réalité pour ne plus vivre que la colère et le meurtre.

Lorsqu'on interroge les dirigeants survivants de l'O.A.S., pour essayer de comprendre ce qui s'est passé alors et comment les clandestins ont pu être emportés, la vérité demeure difficile à saisir. Il apparaît clairement qu'elle n'a rien à voir avec les directives du général Salan contrairement à ce qu'affirme Courrière. D'une manière globale, les chefs militaires étaient hostiles aux actions systématiquement dirigées contre les Musulmans. Montagnon et Branca, les capitaines, membres de ce groupe intermédiaire qu'on appelait le "soviet" nient totalement qu'il y ait eu de telles instructions de la direction de l'Armée Secrète. Ils mettent en cause l'autonomie des commandos, la dissolution de l'autorité, l'anarchie, en bref, qui régnait dans les échelons de base.

Une note de Vaudrey (archves de Susibi) signale qu'il ignore qui a pu faire cele et disculpe les hommes sous ses ordres.

C'est un son de cloche différent que l'on recueille toutefois chez d'autres dirigeants tels le docteur Perez ou Jean-Jacques Susini. Tous deux admettent qu'à partir d'un moment les attentats ont cessé d'être sélectifs. Tous deux mettent en cause l'énorme pression du service d'ordre. La sévère multiplication des perquisitions, des bouclages, des arrestations opérées par la Gendarmerie et les gardes mobiles commençait à être payante. Le bled étant progressivement dégarni, des bataillons nombreux se trouvaient libérés pour effectuer en ville des gardes statiques ou des contrôles aux barrages. Les unités spécialisées dans la répression avaient une marge de manoeuvre accrue et elles agissaient sur renseignements avec efficacité. Les dirigeants clandestins sentaient peser sur eux des menaces très sérieuses au point que le général Salan envisageait de passer au Portugal.

Le docteur Perez estime que le FLN recueillait beaucoup de renseignements sur l'O.A.S. par l'intermédiaire des Musulmans présents en milieu européen. Ces renseignements étaient transmis aux forces françaises chargées de lutter contre l'Organisation. Ceci sera confirmé ensuite par Si Azzedine, chef de la Zone Autonome d'Alger du FLN.

Voici ce que nous a dit sur ce point Jean-Claude Perez, le 21 mai 1988 :

" Le seul moyen d'échapper à la pression était qu'ils [les Musulmans] ne viennent plus, pendant quelque temps en tout cas, dans le quartier européen. Nous ne pouvions pas faire comprendre à chacun, dire: "il vaut mieux que tu ne viennes pas... que vous ne veniez plus... Parce que il vaudrait mieux "

Il y a eu des actions de masse qui visaient à nous faire libérer momentanément de cette pression, de l'étouffement par tout ce système de renseignements qui était organisé. Le docteur Perez précise toutefois qu'il n'a jamais donné l'ordre de " tirer dans le tas".

 Que dit de son côté le docteur Susini que nous avons interrogé séparément et qui s'est toujours mal entendu avec le précédent ? La convergence est remarquable.

" Il est tout à fait exact qu'à partir d'une certaine date, les actions ponctuelles menées, perdent leur caractère sélectif et ont tendance à devenir des action plus globales. Une première raison tout à fait fondamentale: nous sommes à ce moment là sur une voie de recul. Cette voie de recul sur le terrain s'accompagne d'un sentiment d'infériorité de plus en plus évident. Je prends un exemple très simple. Vous connaissez la configuration d'Alger; il fut un moment où des barrages FLN se sont installés Place du Gouvernement et la configuration de la ville était telle que l'on pouvait couper les quartiers européens les uns des autres. Il y a eu l'offensive dont nous étions l'objet à ce moment-là de la part du gouvernement français et du FLN, offensive qui se manifestait par une pénétration de plus en plus importante de la population musulmane. Cette population musulmane qui avait hésité, qui avait été très contradictoire, très déchirée qui à un moment, en 1958, était globalement pro- française, était depuis fin 1960 très travaillée. Et à partir du moment dont nous parlons, c'est-à-dire à la fin de l'hiver 1961/62, les réseaux FLN commençaient à la prendre en main.

Toutes sortes de faits nous alertent: des dénonciations effectuées par des employées de maison musulmanes, des dénonciations d'appartenance à l'O.A.S., de clandestins. Donc, il y a d'abord un problème de sécurité pour nous. Ce problème finit par prendre une importance très grande, c'est-à-dire qu'il finit par orienter différemment l'action que nous menons, et ensuite, il y a un sentiment d'étranglement des quartiers européens. Donc, il y a un moment où la politique de l'O.A.S. est une politique de maintien des quartiers européens dans leur indépendance, dans leur autonomie, de maintien des villes européennes d'Algérie, dans la mesure où cela pouvait se faire, à l'intérieur de remparts. On édifie des remparts et ces remparts conduisent fâcheusement à séparer les communautés d'origine. Mais nous ne pouvions plus savoir sur qui nous pouvions compter et, d'autre part, nous savions que, d'un jour à l'autre, les quartiers européens risquaient d'être totalement isolés les uns des autres".

Monneret " la phase finale de la guerre d'Algérie " édition l'Harmattan, ISBN 2-7475-0043-8

Bien noter qu'il ne s'agit que d'Alger.

 

 Quatre plastics à Paris, dont l'un chez Messmer, ministre des armées.

 

27 Février 1962 :

 62 attentats, 24 morts, 51 blessés.

 Les européens évacuent le bled, dans les fourgons de l'armée.

Les harkis commencent à être bouillis dès que l'armée a le dos tourné.

L'escadrille d'aviation légère, formée de réserviste de La Sénia et d'où deux aviateurs avaient décollé pour mitrailler Oujda est dissoute.

 L'affaire Petitjean (Citation) :

En interrogeant le nommé Salord, le groupe MPC (la façade officielle des barbouzes) d'Aïn Taya avait appris que le réseau auquel appartenait son prisonnier (rappelons qu'il s'agit de barbouzes et que le prisonnier en question - s'il survit- doit porter plainte pour torture et séquestration arbitraire- sans espoir d'être entendu) , avait à sa tête un nommé Petitjean. Ce dernier, ancien parachutiste était un cadre important des usines Berliet à Rouiba, ingénieur des Arts et Métiers, il exerçait des fonctions au service du personnel. Nous savons qu'il était le beau-frère d'un général ayant exercé de hautes responsabilités dans l'Armée française, au cours des années 70 et récemment décédé.

Cet homme était bien connu à Alger où on le voyait fréquenter des lieux plutôt huppés comme le restaurant de l'Hôtel Aletti ou la piscine du RUA (Racing Universitaire Algérois). Petitjean était un métropolitain, venu travailler Outre- Méditerranée où conquis par l'atmosphère du pays, il était devenu un ardent défenseur de la présence française. Selon Courrière, que reprend Rémi Kauffer, l'ingénieur "n'avait que le tort de se vanter d'appartenir à l'O.A.S.". Certains ont cru, à partir de là, pouvoir affirmer qu'il était soupçonné "à tort" d'être dans l'Armée Secrète. On trouve cette affirmation notamment dans le numéro spécial d'Enquête sur l'Histoire, consacré à l'O.A.S. (printemps 1993,N°2).

Ceux qui ont connu Petitjean insistent sur sa discrétion et contestent qu'il ait été un vantard ou un hâbleur. Le docteur Perez a indiqué qu'il était membre de l'O.A.S. et l'adjoint de Jean Lalanne au Bureau Central de Renseignements (Debout dans ma Mémoire, op. cit., page 106). Ceci nous a été confirmé par d'autres membres importants de l'Armée Secrète.

Or le 27 février, des "barbouzes" dont plusieurs Vietnamiens, firent irruption dans les locaux du service du personnel des Usines Berliet à Rouiba, brandissant des cartes de police (nous avons vu que le MPC possédait des cartes de la Sûreté, périmées il est vrai). Ils emmenèrent Petitjean. Nul ne devait le revoir vivant.

Une grève fut déclenchée par le Syndicat des Transporteurs pour obtenir la libération de l'ingénieur. En vain. M. Camatt directeur de l'usine multiplia les démarches. Sans succès. Un mois plus tard, des petits bergers arabes jouant dans un terrain vague entre Orleansville et Charon alertèrent la gendarmerie. Ils venaient de découvrir un sac en plastique contenant le corps d'un homme découpé en morceaux. Les gendarmes venus sur les lieux, identifièrent la victime: Petitjean. Ils firent un rapport et reçurent l'instruction de ne pas ébruiter l'affaire.

L'un des gendarmes ayant mené les investigations était un sympathisant de l'O.A.S. Il prévint les amis qu'il avait dans l'Organisation et transmit des photos du corps supplicié. Une journaliste de L'Echo d'Alger les reproduisit et constitua un dossier de presse qu'elle envoya à ses confrères français et étrangers. La responsabilité des "barbouzes" fut mise en cause. L'affaire fit du bruit à Alger. En métropole, la plupart des journaux se contentèrent de petits entrefilets.

La Délégation Générale publia un communiqué où sans évoquer le cas Petitjean elle réaffirma qu'il n'y avait pas de polices parallèles en Algérie. A l'époque où fut faite cette déclaration, aux environs du 16 mars, ce n'était pas inexact, en ce sens que l'équipée du MPC était terminée et que les survivants avaient été réexpédiés en France.

 Qu'était-il arrivé à Petitjean ? Pour le savoir, il faut se référer au livre de Souvenirs qu'a écrit Si Azzedine le chef de la Zone Autonome d'Alger du FLN : " Et Alger ne brûla pas" (pages 276 et 277).

" Aux usines Berliet régnait, comme partout à cette époque, un climat de tension dû naturellement aux événements qui touchaient le pays. L'entreprise avait été implantée dans le cadre du Plan de Constantine, et, à en croire Si Azzedine, elle cotisait alors tant au FLN qu'à l'O.A.S. Ainsi, les directeurs des succursales d'Alger , d'ouargla et de Constantine circulaient très librement sur le territoire algérien. Selon le chef nationaliste, cette situation irritait l'O.A.S. qui voyait dans cette unité de production, une adepte du double jeu.

L'organisation secrète soupçonnait ses dirigeants de vouloir faire valoir ses atouts économiques, en dehors, au besoin, de la souveraineté française. Berliet avait négocié avec le GPRA. Elle aurait donc fait pression sur la direction de Berliet pour qu'elle renvoie ou rétrograde les cadres musulmans de la maîtrise. C'est Petitjean, toujours selon le FLN, qui exerçait cette pression au nom de l'Armée Secrète."

 Les explications données par Si Azzedine dans son livre sont loin d'être claires. Si l'on comprend bien son point de vue, cela signifierait que l'O.A.S. voulait empêcher que soient formés des cadres algériens susceptibles de remplacer les Français et de faire fonctionner l'usine sans eux, dans une Algérie indépendante. Nous disons: si l'on comprend bien, car, les explications fournies sont elliptiques et il est évident que Si Azzedine ne dit pas tout ce qu'il sait.

Petitjean se retrouva visé, car aux yeux du FLN il passait pour un "élément dangereux". Or, l'ingénieur ne savait pas qu'un de ses subordonnés, C était un adjoint de Si Azzedine à la Zone Autonome. Marié à une française, C fit surveiller Petitjean par son épouse, employée du Service Social de l'usine. Il n'hésita pas à lui confier des filatures dans le quartier d'Hydra où son physique européen n'éveillait aucune suspicion. C'est Mme C... qui servira d'agent de liaison entre le FLN et les "barbouzes" pour cette affaire. En effet, Si Azzedine a décidé de ne pas faire intervenir ses hommes aux usines Berliet et de confier le cas Petitjean aux gens du Talion (ex MPC), alors abrités à l'hôtel Radjah.

Pourquoi ? Le chef nationaliste ne le dit pas, il se contente d'une phrase lapidaire: "Impossible pour nous d'intervenir sans mettre en jeu l'équilibre fragile de nos relations avec Rocher Noir". Que veut-il dire ? Nous en sommes réduits aux hypothèses: nous sommes encore à un mois des Accords d'Evian et de l'annonce du cessez-le-feu, mais d'ores et déjà, ceux qui sont encore des adversaires théoriques se ménagent car ils prévoient le moment où ils deviendront partenaires à part entière. Ce que ne dit pas Si Azzedine, mais qui se devine, c'est que des accords tacites existent pour ce qui concerne la production industrielle. De même qu'on ne touche pas au pétrole, et que la libération des techniciens de la SN Repal a été ultra rapide, de même ne faut-il pas toucher à Berliet. Du côté français, on songe aux futures exportations, du côté algérien, au développement économique dans le futur état indépendant.

Alors les commandos du FLN n'interviennent pas, mais leur chef croit pouvoir agir par des intermédiaires. L'enlèvement de l'ingénieur fera l'objet d'un rapport au Conseil Zonal du FLN, où les époux C prendront la parole. Si avare de détails en d'autres cas Si Azzedine en fournit cette fois. Il indique que c'est Mme C elle-même qui conduisit les hommes des "barbouzes" aux usines Berliet. Elle fut appelée ensuite par eux à l'hôtel Radjah pour l'interrogatoire du prisonnier, "en tant que témoin" précise-t-il.

Voici décrite la scène à laquelle elle assista : Il (Petitjean) est attaché à une chaise. Sur son front de l'acide coule goutte à goutte d'une boîte de conserves suspendue au-dessus de sa tête. La confrontation a lieu. Michèle reprend mot pour mot la conversation surprise dans le bureau du directeur et les menaces relatives à la solution définitive pour le personnel algérien. Petitjean nie. L'acide coule, creusant d'atroces rigoles (page 278)".

L'affaire Petitjean ne servit pas le prestige du Talion déjà écorné à l'époque. L'atmosphère de scandale qui la suivit a pu accélérer leur disgrâce.

L'épilogue fut résumé par une dépêche A.F .P .du 23 mars 1962. Elle annonçait que le directeur des établissements Berliet avait fait connaître sa décision d'interrompre toute activité du groupe jusqu'à nouvel ordre. On peut lire le texte dans Le Monde du 24 mars 1962, en dernière page. En voici un extrait : "Un ingénieur de notre société M. Petitjean a été appréhendé aux fins d'interrogatoire dans nos établissements le 27 février. Malgré nos protestations énergiques et réitérées auprès des différentes autorités, il n'a pas été possible de connaître les raisons de son arrestation et le lieu de sa détention. Nous apprenons aujourd'hui que son corps aurait été découvert, le premier mars, à Charon dans la région d'Orleansville... "

Dans le même journal on peut lire une déclaration de M. Mestre, à l'époque porte-parole de la Délégation Générale, aujourd'hui ancien ministre : "Il est possible que M. Petitjean ait été victime d'un règlement de comptes au sein de l'O.A.S.".

Ce texte sur l'affaire Petitjean a été volé à Monneret "la phase finale de la guerre d'Algérie" édition l'Harmattan, ISBN 2-7475-0043-8

  A Tripoli, le CNRA (conseil national de la révolution algérienne) l'espèce d'assemblée qui en principe contrôle le gouvernement provisoire, conclut sa réunion en acceptant la négociation et les grandes lignes des futurs accords d'évian. Boumedienne patron des forces armées de l'extérieur est le seul à avoir soulevé de nombreuses objections (pardon des harkis, maintien des européens). Boumedienne va se réfugier dans le QG des armées, en Tunisie pour y préparer la décision inverse, trois mois plus tard, en gagnant à sa cause Ben Bella, par l'entremise de Bouteflika chargé des liaisons.

 

  28 Février 1962 :

 48 attentats, 65 morts, 93 blessés

Parmi les attentats, deux explosions au village nègre, le quartier musulman maintenanyt sous contrôle F.L.N. D'aprés les sources militaires il s'agirait de deux obis de 105. Les dirigeants de l'O.A.S. ne revendiquent rien. Par contre la propagande F.L.N. dénonce deux voitures piégées ayant causé un massacre, mirage;oriental ou voitures mal mises au point par le FLN?

 Six hold ups.

Plastics.

L'armée française est toujours aussi efficace, sur les 2000 villages qui étaient en auto- défense il n'en reste plus que 910, les autres ont été désarmés.

9200 pieds noirs ont quitté définitivement l'algérie en février, s'ajoutant aux 200.000 qui ont fait de même depuis le début de l'insurrection.

 Deux parlementaires français Thomazo et Lacoste Lareymondie, chargés d'une mission d'inspection des troupes en Allemagne par la commission de la défense nationale, empêchés contre toute règle de quitter le territoire français, ils sont refoulés à Strasbourg.