1 Mai 1.961 :
Poursuite de la répression en Algérie, 27 conseillers généraux, 17 maires, de nombreux fonctionnaires sont suspendus, certains expulsés en métropole, pour avoir montré un soutien verbal au putsch des généraux.
Des trois quotidiens d'Alger, seul le "journal d'Alger", quotidien "modéré" du milliardaire Blachette est autorisé à reparaître après dix jours d'interdiction. Le journal "Echo d'Alger lui, ne reparaîtra plus, son matériel servira au journal officiel "el moujahid" toujours édité, toujours en français.
Soustelle raconte : (l'espérance trahie, 1.962, Editions de l'Alma): Le début de l'année avait été marqué par le verdict du Tribunal militaire dans le procès des barricades, qu'on appelait plus communément "le procès de l'Algérie française". Pas une minute, cette longue série d'audiences n'avait cessé de conserver une dignité exemplaire. Accusés, juges, public, tout le monde comprenait qu'il ne s'agissait pas là d'un procès ordinaire, mais que les plus hauts problèmes politiques et les plus graves questions de conscience s'y trouvaient posés. Les débats ne permirent pas d'élucider le point de savoir qui avait tiré le coup de feu provocateur d'où avait découlé la boucherie du 24 janvier 1960. Ils montrèrent en revanche que les accusés n'y étaient pour rien. L'avocat général en fut réduit, par exemple, à faire grief à Alain de Sérigny, dont le journal n'avait publié que des articles autorisés par la censure, de ce que L'Echo d'Alger avait un tirage de beaucoup supérieur à celui de ses concurrents, et qu'ainsi son influence était plus néfaste! Autrement dit, expliqua avec humour un des avocats de la défense, à 25 000 exemplaires de tirage vous êtes innocent, à 40 000 vous commettez un délit, à 70.000 vous devenez criminel!
En réalité, il s'était agi de frapper Alain de Sérigny pour lui voler son journal. Ayant appris, par des renseignements très sûrs, que Terrenoire s'apprêtait à faire approuver par le Conseil des ministres une ordonnance qui permettrait au gouvernement de mettre sous séquestre n'importe quel organe de presse à condition que son directeur ait été inculpé (je dis bien: inculpé, et non : condamné) dans une affaire d'atteinte à la sûreté de l'État, j'en fis part à Albert Bayet. Indigné, celui-ci déclencha les protestations de la Fédération de la Presse. Terrenoire dut battre piteusement en retraite et déclarer qu'il n'avait jamais été question de présenter une telle ordonnance, ce que je sais être contraire à la vérité.
Mais l'objectif du gouvernement demeurait toujours le même : ou prendre ou tuer L'Echo d'Alger.
Le 2 mai, le Conseil des ministres décida de suspendre sine die la publication de ce quotidien, ainsi que celle de Dernière heure, quotidien du soir, et celle de l'hebdomadaire Dimanche-Matin (celui dans lequel Sérigny avait publié son fameux appel à de Gaulle le 11 mai 1958) les trois titres de la société de Sérigny.
Le 26 mai, la courageuse Mlle Zévaco, qui avait assumé la présidence de L'Écho d'Alger en remplacement de son père assassiné par les fellagha, eut un entretien avec Morin, délégué général en Algérie. Ce haut fonctionnaire lui fit connaître que le gouvernement était prêt à autoriser la reparution des titres interdits, à condition qu'Alain de Sérigny donnât sa démission du conseil d'administration. Aussitôt informé, Sérigny, par télégramme, donnait sa démission, espérant par là permettre la remise en marche du journal et en sauver les trois cent cinquante rédacteurs, employés et typographes. L'interdiction n'en fut pas moins maintenue. Ainsi un journal qui ne paraissait, comme tous les autres en Algérie, que sous la censure la plus étroite, était définitivement supprimé, ses actionnaires spoliés, ses employés et ouvriers jetés à la rue, parce que le pouvoir gardait une rancune tenace à son ex-directeur, démissionnaire, lequel d'ailleurs avait été acquitté par la justice.
Un tel arbitraire caractérise ce qu'il faut bien appeler la fascisation du régime.
Fin de la citation de Soustelle.
2 Mai 1.961 :
Rien.
3 Mai 1.961 :
Le gouvernement dissous le conseil de l'ordre des avocats d'Alger.
Le gouvernements suspend une nouvelle fournée de 5 conseillers généraux, dont la famille Lagaillarde.
4 Mai 1.961 :
14 CRS renvoyés dans leur foyer sans solde ni indemnités, pour avoir montré de l'amitié aux généraux du putsch.
5 Mai 1.961 :
Lors de son premier interrogatoire, Challe déclare : "je n'ai jamais songé à créer un mouvement insurrectionnel".
Il ne variera jamais sur ce point. Ca n'empêche pas le gouvernement d'en profiter pour liquider les mouvements civils algérie française, 9000 perquisition dans Alger, 310 arrestations.
Epuration dans l'armée, destitution de généraux et de colonels, mutations vers des placards des officiers suspects.
Plastic à Nice chez un député U.N.R.
6 Mai 1.961 :
Le général Zeller se constitue prisonnier à Alger.
Le général Faure arrêté à Paris.
7 Mai 1.961 :
Dans son livre, Une guerre au couteau, Angelelli medite sur les appelés. ICI
8 Mai 1.961 :
Discours de De gaulle. Il annonce que "la justice passera sur les coupables " (il s'agit des putschistes, ne pas confondre). Il invite les pieds noirs à "renoncer aux mythes périmés et aux agitations absurdes".
Plastics à Alger, Oran, Mostaganem.
Attentat de grand style à Colombes contre un des derniers ilots MNA en région parisienne. Dix assaillants dans une camionette mitraillent et lancent des grenades, la police ne parvient pas à établir un bilan exact (un seul blessé déclaré).
Nouvelle attaque contre une patrouille de la FPA, toujours rue de la Goutte d'Or. un FLN tué, quelques harkis blessés ainsi que le commandant en second de la troupe, le lieutenant de Roujoux.
9 Mai 1961 :
Nombreuses opérations dans les fermes de la Mitidja, les gardes mobiles recherchent les militaires qui ne se sont pas rendus après le putsch.
Arrestations de militaires.
Expulsions de français soupçonnés de sympathie algérie française, en particulier la femme du général Jouhaud.
Plastic à Mostaganem, devant la villa d'un greffier connu pour ses sentiments pro gaullistes.
Une voiture des renseignements généraux a été mitraillée à Mostaganem , le chauffeur et un commissaire sont légèrement blessés
Plastic à Alger, devant l'appartement du directeur du journal d'Alger, plastics aussi à Bône, à Oran.
Attentat ciblé contre deux policiers de la FPA (harkis) en permission qui étaient sans arme dans un café. l'un est tué, Khodja Messaoud l'autre grievement blessé.
10 mai 61:
Attentat contre un café frequenté par les policiers de la FPA un blessé leger.
11 Mai 1.961:
A Maison Carrée, près d'Alger un terroriste FLN lance une grenade dans un café, faisant un mort musulman et 18 blessés dont huit européens.
Tous les journaux d'Alger (L'écho, la dépêche, dernière heure, dimanche matin) sont interdit de parution à l'exception du " journal d'Alger " le quotidien "modéré" de Blachette, le roi de l'alfa.
l'O.A.S. fait exploser cinq pains de plastic.
Plastic aussi à Bône, Oran et Sidi-bel-Abbés.
Nombreux européens partisans de l'algérie française assignés à résidence, en général en métropole.
à paris, deux plastics, l'un au ministère des affaires étrangères, l'autre dans le 18éme.
à paris deux F.L.N. attaquent une patrouille de police, sans blessés.
Trois F.L.N. attaquent un café maure, deux blessés (dont un maçon espagnol) en banlieue parisienne, à Saint Ouen..
12 Mai 61:
rien.
13 Mai 1.961:
Trois plastics à Alger.
Trois aussi à paris, l'un devant l'immeuble de Boissonet, UNR, l'autre dans les locaux du Nouvel Observateur, le dernier au palais royal, devant le parti centre républicain, fait deux blessés.
14 Mai 1.961:
Plastics à Alger, Oran, Bône et Mascara.
Une réunion rassemble la plupart des officiers du putsch qui ne se sont pas rendus (Gardy, Godard, Sergent, Ferrandi, Godot, Degueldre) ainsi que des civils (Perez, sorti de prison grâce au putsch, Zatara). On commence à se donner des infos nécessaires à la clandestinité et à parler d'avenir. Salan et Jouhaud sont littéralement sequestrés dans la Mitidja, par les équipes de Martell, on décide comment les en libérer.
Interview donné par Boumendjel au journal ABC, il est clair, le FLN n'acceptera pas d'indépendance par étapes, il ne légitimera rien de l'oeuvre coloniale française, il considère équivoque une collaboration avec la France. Le Sahara est bien entendu algérien. Le FLN est le seul représentant de tout le peuple algérien.
Les négociateurs français exultent, ils pensent que c'est la plate forme du FLN à partir de laquelle ils feront des concessions, les négociateurs français ne connaissent rien aux révolutionnaires, il s'agit bien entendu du minimum à partir duquel il faut gagner ce qui est possible.
Plastics aussi à paris devant les cabinets de deux médecins.
Plastic aussi à Nice devant la porte du journal communiste le patriote.
15 Mai 1.961 :
Un européen est assassiné à l'arme blanche à Mascara, une femme grièvement blessée à coups de hachette.
Le bâtonnier Laquiére, du barreau d'Alger est destitué par décision administrative et expulsé en france.
16 Mai 1.961:
Plastics à Alger.
Le conseil général, épuré par la répression anti "activiste " renonce à siéger, faute d'un nombre suffisant de présents.
17 Mai 1.961:
Quatre grenades lancés par le F.L.N. dans des cafés d'Alger font huit blessés.
A Bône le jeune Bousquet se fait sauter avec son plastic.
Lafont, député "libéral" d'Oran, démissionne pour protester contre le mépris dont les gaullistes font preuve à l'égard des élus de l'algérie.
18 Mai 1.961:
Diffusion par le délégué générale de la directive sur la trêve unilatérale. Il enjoint une propagande massive sur le thème : " halte aux armes, la parole aux hommes ".
Il crée un Cabinet clandestin, esquisse de la future autorité provisoire, avec des musulmans "modérés" qui se réunira cinq fois. L'affaire n'a pas de suite car les musulmans en question ne sont pas chauds pour servir de cibles au F.L.N. C'est six mois auparavant que, à l'initiative de Debré, le SDEC essaye de donner corps à une troisième force à base de Messaliste, dont il réalisera lui-même les coups d'éclat. Toutes ces tentatives de troisième force échoueront devant la détermination sanglante du F.L.N.
19 Mai 1.961:
Nombreuses explosions de plastic dirigées contre les européens "progressistes". 19 exactement, ce 19 Mai, jour de l'ouverture officielle de pourparler avec le FLN, il s'agit de bien montrer que l'O.A.S. contrôle maintenant tous les réseaux, et de renforcer le slogan "l'O.A.S. frappe qui elle veut, quand elle veut ".Plusieurs sont blessés.
57 inculpation d'"activistes".
Borgeau, fils du sénateur, symbole créé par la presse communiste du "gros colon", inculpé à Blida avec 17 autres personnes.
Un terroriste F.L.N. jette une grenade sur un boulodrome, un enfant de 10 ans meurt, 11 blessés.
20 Mai 1.961:
Annonce de la reprise des pourparlers avec le FLN. Avec en gage de bonne foi, coté français, une trêve unilatérale (annoncée pour un mois, mais qui en durera deux) et la libération de quatre mille prisonniers.
L'O.A.S. déclare dans une émission pirate, "nous défendrons Alger jusqu'au dernier homme".
Concert de casseroles à Alger, Oran, Bône, Mostaganem… Les manifestants montent sur les terrasses et scandent algérie française.
21 Mai 1.961:
Première journée des négociations d'Evian. En gage de bonne volonté, la france décide le cessez le feu de ses soldats, le F.L.N. déclare qu'il ne le respectera pas, et, effectivement, la france le fera et le F.L.N. non. Cette mesure hardie permet au F.L.N. de retrouver des militants et de reprendre en main la population.
Ben Bella et ses compagnons sont déplacés au château de Turquand, dans d'excellentes conditions de confort et de communication.
Six plastics en algérie.
Un à la préfecture d'Ajaccio.
Le général Olié, chef d'état major Général de la defense nationale
Ce premier jour de la trêve unilatérale ne marque aucune inflexion dans le rythme des attentats.
Dix attentats font 5 morts, dont un handicapé à Mascara, ce dernier à coup de baïonnette, et 12 blessés, dans toute l'algérie, dont six par l'explosion d'un obus piégé à Boghari.
Les effets de la trêve unilatérale sont immédiats et foudroyants, un convoi tombe dans une embuscade près de Miliana, sept tués, cinq blessés, et à Sidi Aïch, des harkis tuent huit soldats français et désertent en emportant leurs armes.
Plastics (trois) à Mostaganem, ils visent les biens de musulmans connus pour leur sympathie envers le FLN.
Après le putsch, au cours duquel il avait accompagné Joxe dans une tournée d'inspection, au cours de laquelle il n'avait trouvé que Fourquet, par conviction, de Pouilly, par discipline et Ailleret après de longues hésitations, Olié ayant repris ses fonctions de Chef d'Etat-major Général de la Défense nationale, ne retrouve pas la sérénité. Il constate que des décisions graves sont prises sans que lui-même et les autres Chefs d'Etat-Major ne soient consultés. Il estime que les capitaines et les lieutenants ne doivent pas être sanctionnés. Il écrit à M. DEBRÉ, de qui il dépend, à plusieurs reprises.
Le 22 mai 1961, il constate que des mesures délicates et essentielles: l'élimination des officiers dits "rebelles", l'adaptation de l'armée à ses tâches prochaines, la revalorisation de la condition militaire, sont prises sans consultation du Haut Commandement. Il n'a pas reçu le rapport du Général Noiret sur les responsabilités des putschistes ....
L'année de 1961 risque ainsi de perdre confiance dans la Nation et dans l'Etat, en elle-même et dans ses chefs. Elle comprend mal sa mission actuelle et ne connaît pas sa mission future ... L'élimination de certains cadres pourrait être suivie de la démission des meilleurs des officiers ... Les Armées doivent être informées par leurs chefs. Il faut redonner toute sa responsabilité au haut Commandement.
Dans une Note personnelle du 8 juin 1961 à l'attention du Premier Ministre, il approuve la position prise par le général Puget, s'opposant à la procédure accélérée et sans formalité prévue pour l'application des sanctions. Le cas de quelques dizaines d'exclusions ne justifie pas le recours à une procédure exceptionnelle, d'autant plus que la Loi du 19 mai 1834 donne au Ministre la possibilité d'éliminer tout cadre, sans convoquer un Conseil d'enquête. Il donne donc un avis formellement défavorable et suggère que le général Noiret soit consulté.
Sa lettre du 14 juillet souligne le déphasage entre les missions de l'armée et les données actuelles du problème algérien. Dans un rapide survol de la guerre d'Algérie, il évoque les deux premières périodes: les tâtonnements de 1954 à 1958, puis l'expansion de mai 1958 à juin 1960, marquée par l'espoir d'une option des populations après le 13 mai, l'unité d'action entre Challe et Delouvrier, les résultats de la pacification militaire du plan Challe, l'absence ou la faiblesse de l'effort civil. La 3ème phase est celle du désengagement, concrétisé par l'interruption des opérations offensives et la libération de nombreux prisonniers, l'ouverture d'un front urbain, la déflation des effectifs, alors que l'on s'engage vers un Etat algérien indépendant.
Cette situation est pleine de contradictions pour l'Armée, qui attachée à l'Algérie, court sur sa lancée. Depuis mai 1958, elle a pris des engagements, en suivant d'ailleurs les instructions du Pouvoir. Il faut changer la mission de l'armée, faire effort sur la sécurité et réduire les tâches de pacification L'Armée et la nation doivent être informées sans tricherie de notre politique militaire en Algérie. Une campagne d'action psychologique devrait précéder la déclaration du gouvernement. Par discipline, l'Armée se résoudra alors à "se désengluer" des problèmes non militaires. La nouvelle directive sur les missions doit suivre la définition nette, précise et ferme de la politique du gouvernement.
Le problème qui se pose est celui de la politisation de l'armée. Les conflits d'Indochine et d'Algérie ont été politisés. Les gouvernements ont accepté que les militaires accomplissent des tâches non militaires. L'action psychologique a été acceptée par le commandement et le gouvernement. On ne peut reprocher aux exécutants d'avoir fait cette guerre politique, et d'avoir voulu la gagner.
Le Comité de Défense devrait étudier:
- dans l'hypothèse de l'association, les besoins de la défense en Algérie et au Sahara (bases de souveraineté - stationnement des forces)
- dans l'éventualité d'un regroupement sans association réelle, les besoins minimum de la Défense en Algérie, et la définition de la politique française au Sahara. .
Le général Olié note enfin l'acuité des problèmes maghrebins. Il estime que nos diplomates, et l'amiral AMMAN, ne tiennent pas assez compte de la "duplicité musulmane". Les ambitions de Hassan et de Bourguiba sont démesurées. Alors que le Maroc fait pression face à Béchar, et revendique le Touat, Gourara et la Mauritanie, la position de Bourguiba sur Bizerte est inadmissible. Il ne faut pas lui céder.
Il semble que le général Olié avait été convaincu par De gaulle de la nécessité d'abandonner le boulet de l'Algérie. Sa lettre du 14 juillet 1961 ne semble pas cependant envisager la solution qui sera finalement retenue.
La rupture avec le Général De GAULLE intervient en juillet 1961, à la suite d'une intervention d'Olié en faveur du colonel COUSTAUX. Le Chef de l'Etat le reçoit le 28 juillet, puis lui adresse un message verbal, dans lequel, après avoir pris connaissance d'une lettre de M. MESSMER au Secrétaire Général de la Présidence, ainsi que du dossier COUSTAUX, il écrit que:
1° le colonel COUSTAUX a été un participant actif et considérable à l'insurrection militaire d'avril,
2° cet officier doit de toute façon passer devant la justice,
3° ce n'est pas la lettre d'un Officier Général, si éminent soit-il (Olié), qui change quoi que ce soit à la culpabilité de COUSTAUX. Un témoignage de moralité n'est pas une disculpation.
4° il est déplorable à tous égards que le Général CEMGDN ait pu à ce point confondre ses sentiments à l'égard d'un homme et son jugement au sujet d'une faute aussi grave.
Je l'ai dit formellement au Général Olié. S'il devait être fait état de sa lettre au cours de l'audience du tribunal, sa position dans son poste actuel, voire en activité, deviendrait sans doute impossible.
Le même jour (28 juillet), le Général OLlÉ écrit à M. DEBRÉ. Il lui fait part de son entretien douloureux avec le Chef de l'Etat, et des reproches qui lui ont été infligés. Au-delà de cet incident, écrit-il, le problème s'élargit pour moi. Aux soucis précis de santé dont je vous ai fait confidence s'ajoute la conviction que les choses, l'organisation, les hommes étant ce qu'ils sont, je ne suis pas, je ne suis plus à ma place.
Le 16 août, après avoir reçu la lettre de démission d'Olié, le Général De GAULLE lui adresse une lettre manuscrite dans laquelle il se déclare navré et très ému. C'est l'état de votre santé, écrit-il, qui vous détermine à m'adresser cette demande ... .J'apprécie votre hauteur d'âme .... Venez me voir à votre retour à Paris. Si votre décision est irrévocable, (je voudrais) voir avec vous comment les choses devront se passer dans l'intérêt de l'armée.
Alors que M. DEBRÉ et M. MESSMER essaient de le faire revenir sur sa décision, de nombreuses personnalités expriment leurs regrets au général Olié: Gal Dodelier le 17 août, Gal de Rougement le 21 août, Gal de Vemejoul le 22 août, Gal Partiot le 29 août, Gal Martin et Amiral Cabanier le 27 octobre, Gal de Boissieu le 30 octobre (très personnelle). Dans une lettre du 29 novembre 1961, le Chef de l'Etat fera l'éloge de la personnalité éminente d'Olié; de sa capacité militaire exemplaire, et exprimera le regret qu'il a de le voir partir "pour de graves raisons de santé ".
Ce n'est évidemment que le prétexte officiel, que le Général OLlÉ se gardera de démentir. Mais à côté de son désaccord sur les sanctions infligées aux officiers qui n'ont fait qu'obéir à leurs chefs, le colonel FESNEAU estime que le Général Olié ne voulait pas prendre la responsabilité de désengager la France de l'OTAN, mission que lui avait confiée le Général De GAULLE. Il dira qu'en cas de conflit entre sa conscience et les ordres reçus, il faut toujours choisir la voie de sa conscience.
Après son départ, il constatera que son courrier et son téléphone sont surveillés, et que Madame Olié n'est plus reçue. En 1962, il conseillera au Général PARTIOT, commandant la Subdivision de Versailles de refuser de désigner un peloton d'exécution pour le Général Jouhaud. Il s'occupera également du lieutenant GODOT (lettre de remerciement de ce dernier)
Il refusera d'écrire ses Mémoires, fera quelques travaux de géopolitique, et n'acceptera pas les hautes fonctions qui lui seront proposées: ambassade en Amérique du Sud ou en URSS, poste de Grand Chancelier de la Légion d'Honneur.
Faivre Maurice, Conflits d'autorités durant la guerre d'algérie, ISBN 2-7575-7304-4
23 Mai 1.961:
Une section d'appelés tombe dans une embuscade F.L.N., 11 morts, 10 blessés.
Plastics à Alger et à Oran.
24 Mai 1.961:
4 charges de plastic à Alger.
Toujours à Alger, un mort et 10 blessés par une grenade dans un café.
Un français musulman assassiné par le F.L.N. à Oran.
Un chauffeur routier à Blida.
Une grenade dans la rue à Blida, trois blessés.
Un blessé au poignard à Sidi-bel-Abbés.
Deux assassinés au poignard à Mascara, dont Bensimon, 70 ans.
25 Mai 1.961:
Manifestation pro algérie française à Oran.
Plastic chez le correspondant du Monde à Alger.
Le 25 mai 1961, vers 22 heures, un groupe frontiste attaque, au carrefour des rues Myrha et Stephenson, une patrouille de la FPA par jet de quatre à cinq grenades et par tir d'armes automatiques en provenance des toits. Quatre policiers auxiliaires sont blessés par les éclats des projectiles: deux sont transférés à l'hôpital Lariboisière et deux autres à la maison de santé des gardiens de la paix. Six passants sont également blessés. La police municipale détache des véhicules pour essayer de retrouver les agresseurs qui se sont divisés en deux groupes. L'effectif du poste de la Vigie, embarqué dans un car PS, fait l'objet d'un tir de quatre Algériens dissimulés derrière des véhicules en stationnement: il s'agit d'un des groupes en retraite. Ils prennent la fuite en direction de la gare du Nord par la rue de Maubeuge.
Le car se lance à leur poursuite mais les policiers perdent momentanément de vue les fuyards. Ils reprennent contact avec les commandos rue Denain. Lorsque le brigadier commandant la patrouille descend du véhicule, les deux Algériens font usage de leurs armes. Les vitres du car volent en éclats. Commence une course-poursuite entre les effectifs de police et les deux hommes. Le premier fuyard part boulevard de Magenta, en direction de la gare de l'Est. Les gardiens lui tirent dessus au pistolet mitrailleur mais il parvient à éviter les balles et à disparaître. L'autre court boulevard Denain, en direction de la gare du Nord et continue à tirer pour couvrir sa fuite. Il réussit à distancer les policiers et à se confondre dans la foule des voyageurs de la gare du Nord.
L'autre groupe, composé de quatre hommes, fuit vers la rue Cavé, puis la rue Myrrha, suivi de près par des éléments de la FPA. Un premier engagement se déroule rue Cavé (jet de grenades, tirs d'armes automatiques) au cours duquel deux supplétifs sont blessés. Un second se déroule rue Myrrha. Quatre civils, dont un enfant, sont blessés par le tireur FLN qui cherchait à atteindre le policier à sa poursuite et qui a esquivé en se jetant à terre. Bilan de l'attaque: cinq policiers sont blessés, principalement par des éclats de grenades.
Sensiblement à la même heure, vers 22 h 05, dans le 13e arrondissement, un second groupe frontiste, en provenance du passage Raguinot (12e arrondissement), lance une grenade et ouvre le feu sur une patrouille de la FPA, à l'angle du boulevard de la Gare et de la rue Nationale. Un policier est blessé. Une course-poursuite s'engage avec des supplétifs à pied et des éléments motorisés de la police municipale. Du côté du FLN: un terroriste est arrêté, un deuxième est tué, deux autres sont blessés, arrêtés et leur armement récupéré.
Mohamed Zouaoui, représentant de la fédération en métropole, est inquiet de la dérive violente et incontrôlée d'éléments des groupes armés. Dans un rapport organique du FLN du mois de mai 1961, il se plaint de ne pas être informé des "activités entreprises en dehors de [sa] connaissance ". L'énervement de la base militante explique le durcissement des affrontements. Les groupes armés sont usés rapidement par l'arrestation ou la perte au combat de leurs hommes remplacés par des éléments, certes courageux et volontaires, mais inexpérimentés.
La fédération de France va alors, pour ses coups de main, recourir à des appelés du contingent maghrébins et mettre l'accent sur la qualité de la formation des commandos jugée insuffisante. Dans l'attente de la disponibilité d'éléments mieux entraînés, le FLN recourt à des attaques terroristes avec des appelés occasionnellement requis pour cette mission, contactés pendant leurs permissions et encadrés par des militants de 1'0S. Ces recrues participent, dans la nuit du 4 au 5 juin 1961, à l'accrochage qui les oppose à des policiers métropolitains chargés de la surveillance du périmètre de protection des postes de la police auxiliaire, au carrefour de la rue de Clisson et de la rue du Château-des-Rentiers. Les commandos, dissimulés à bord de deux camionnettes, sont interceptés avant une attaque programmée contre les postes de la FPA du 13e arrondissement. Trois appelés algériens sont tués, trois blessés et treize mis sous écrou; l'OS dénombre six tués et quatre interpellés par les forces de l'ordre. Le groupe opérationnel est quasiment détruit ou mis hors d'état de nuire au cours du premier affrontement ou dans les heures qui suivent, neuf pistolets-mitrailleurs, treize pistolets automatiques et quatre-vingt-une grenades sont saisies.
Enfin, dernier coup dur pour l'OS, un de ses militants intègre la FPA et identifie, le 27 juin, le chef de la wilaya 1 et 2 de l'OS arrêté deux jours plus tôt par la BAV suite à un renseignement communiqué au capitaine Montaner par le capitaine Parrent5.
D'après "Les calots bleus et la bataille de Paris" Rémy Valat, ISBN 978 2 84186 382
26 Mai 1.961:
Le préfet de police d'Oran est pris à partie par des manifestants européens lors d'une cérémonie officielle.
Trois plastics à Alger.
Un français musulman assassiné à Mascara.
Argoud, amer et désabusé, qui ne s'est pas mêlé à la constitution de l'O.A.S. rejoint la métropole par un avion du SDECE où il a gardé des amitiés. Il rejoindra Madrid. Au contact de Lagaillarde et de Ortiz, il décidera de reprendre le combat, mais en métropole considérant que la lutte en algérie est vouée à l'échec.
Un commando FLN attaque à Belleville une voiture de police. 3 policiers blessés et un F.L.N. tué.
Chibane, speaker des émissions en langue arabe à l'ORTF est assassiné près des champs Elysées.
Un français musulman est assassiné à Douai.
Des commerçants français souchiens, craignant d'être pris dans une embuscade entre FLN et harkis, demandent en délegation au maire du 13 ème arrondissement le depart des harkis.
L'O.A.S. se structure, chaque français d'algérie (quelque soit sa religion) se fait un devoir d'aider de son mieux, ainsi le B.C.R. (bureau central de renseignement) mis en place par Susini est dès à présent d'une efficacité redoutable, basée sur la collaboration des employés des postes qui lisent les dépêches des correspondants des journaux, qui écoutent les communications téléphoniques privés des chefs civils et militaires.
Messieurs Frey (ministre de l'interieur), Michelet (ministre de la justice) et Messmer, ministre des armées convoquent le procureur général Antonin Besson (qui est militaire et donc depend de Messmer).. Ce dernier raconte, dans des notes que Tournaoux (Jamais dit, Plon) a publiées en 1971.
"Monsieur Messmer me demande, sur un ton doucereux, quelles sont mes intentions en ce qui concerne la peine que je me propose de requerir contre Challe et Zeller. Sa façon de me questionner, avec des silences inquietants et des réferences suggestives me surprend et me déplait. Je réponds... je réponds parce que je n'ai rien à cacher de ma pensée. Et cette réponse est que je ne requerrai pas la peine de mort, pour des raisons que j'expose.
Après des objections faites par monsieur Messmer, celui-ci me donne explicitement son accord. Il me demande seulment d'être plus sèvère pour Zeller que pour Challe. Je promets d'examiner le dossier à nouveau. Les autres participants à cette réunion donnent leur approbation. La réunion prend fin vers 19 heures."
28 Mai 1.961:
Une grenade dans un café de bord de mer à Fouka marine, 12 blessés.
Une grenade à Douada, un mort de six ans, musulman, et 6 blessés.
Un moniteur musulman d'un centre de formation de jeunes égorgé.
A Aubervilliers un policier est assassiné par des tueurs du F.L.N.
A Boulogne, ange le doran est assassiné par le F.L.N.
A la goutte d'or, aussi assassinée madame Hullmann.
A Lille, un musulman idem.
Besson est de nouveau convoqué, ce Dimanche 28 Mai au soir: "J'arrive à 19 heures trente à la chancellerie, où le rendez-vous m'a été donné. Les trois ministres sont là, qui m'attendent et me donnent l'impression de constituer un véritable tribunal de l'inquisition. La façon dont je serai interrogé me le confirmera, car je vais être soumis à des entretiens qui procédent du lavage de cerveaux.
Monsieur Messmer ataque le premier. Il a reflechi, et il dit se faire l'écho de la pensée du chef de l'état. Voici la substance de ses propos: Il n'y a plus lieu de distinguer entre le cas de Challe et celui de Zeller. Tous les deux méritent la même peine et c'est la peine de mort. (On se rappelle que, la veille, il avait fini non sans hesitation, par se rallier à mon point de vue qui était hostile à cette peine).
Alors que j'avais été abasourdi le samedi, je regimbe violemment dimanche. Je dis à nouveau les raisons qui me font décider de ne point requérir la peine de mort contre les deux accusés. Et ce sont les mêmes arguments que ceux de la veille qui me sont opposés. Le code pénal prèvoit la mort, et l'on ne voit pas dès lors pourquoi je ne la requerrai pas.
Inutile de dire que la carriére du procureur sera brève.
29 Mai 1.961:
Challe et Zeller comparaissent devant le haut tribunal militaire.
Parmi les défenseurs, Arrighi, Varaut, Madelin.
Trois grenades à Alger, deux cafés et un cinéma, 7 blessés.
Plastics à Oran, Bône, Affreville.
Un assassinat à Oran.
30 Mai 1.961:
Une grenade dans une brasserie à Alger.
Une grenade dans un café à Oran.
Un homme tué à Constantine par un musulman.
Un tué dans un camion qui saute sur une mine près de Tenés.
Un musulman assassiné à Sidi bel Abbés.
Un gérant de ferme assassiné à l'arme blanche avec les usages habituels à Medea
On déplore depuis la trêve unilatérale (une semaine) 113 attentats qui ont fait 85 morts (62 musulmans, 20 militaires, 3 européens) 4 enlevés et 121 blessés (dont 70 musulmans). C'est plus du triple de l'année passée.
Trois plastics à Bône.
Deux plastics à Alger..
Un plastic à Orleansville
Plastic à Mont-de-Marsan.
31 Mai 1.961:
Challe et Zeller condamnés à 15 ans.
Au cours des audiences, Challe révèle l'affaire si Salah, le chef de la willaya quatre qui proposait la paix des braves et se faisait fort de rallier les willayas trois, cinq et deux. Il raconte que si Salah a été amené en france faire ses propositions à De gaulle, que De gaulle n'en a pas voulu, qu'il a été renvoyé dans son maquis et après quelques jours arrêté ainsi que ceux au courant de cette affaire et exécuté par le FLN. Challe révèle qu'un ministre de De gaulle (sans doute ce saint laïc de Michelet, qui a réclamé sa mort) qui a des relations avec le F.L.N. a raconté l'histoire. Avec ou sans l'accord de De gaulle, qui aurait ainsi pu espérer faire céder le GPRA, cela n'est pas encore tranché.
40 ans plus tard, son avocat, Maître Jean Marc Varaut se souvient:
Au contraire de ce que pouvait être, en face, la stratégie de Jacques Vergès, je n'ai jamais voulu pratiquer, dans ces affaires, une défense de rupture en faisant l'éloge de mes clients, et l'apologie de l'Algérie française. J'ai cru, à l'école de Tixier- Vignancour, que la fonction de l'avocat est d'abord de défendre efficacement son client, et donc d'éviter les provocations destinées aux livres d'Histoire. Tixier, en défendant Salan, est resté continuellement en demi-teinte. Il n'a pas profité de la tribune qui lui était offerte pour faire le procès retentissant des reniements gaullistes. Pour laisser au juge la possibilité de faire preuve de modération. C'est ainsi qu'il a sauvé la tête du général Salan. Le rencontrant, le lendemain, à la prison de la Santé, Isorni en a convenu d'emblée :
- "Si c'était moi qui avait défendu Salan, il aurait été condamné à mort."
- "Alors, a répondu Tixier, tu comprends combien j'ai souffert."
Cette attitude me semble exemplaire. C'est elle qui a permis que, dans les affaires que j'ai eu à connaître, la peine de mort ait été requise à quatre reprises, et jamais prononcée. Cela ne va pas sans cas de conscience. Après le procès du général Challe, on nous a parfois reproché d'avoir insuffisamment exploité l'affaire Si Salah. Nous ne l'avons pas fait, parce que, si nous pensions qu'effectivement, Si Salah avait été dénoncé aux dirigeants du FLN après être venu en secret à l'Elysée offrir la paix des braves, ce qui lui avait valu d'être assassiné à son retour dans le maquis, nous n'en avions pas la preuve formelle. A l'Elysée, cependant, on s'attendait à ce que nous évoquions l'affaire, on le redoutait. Edmond Michelet, le garde des Sceaux, a personnellement écrit au procureur général Besson, qui occupait le ministère public, pour exiger qu'il réclame la peine de mort.
J'ai eu, depuis, la lettre entre les mains, et elle m'apparaît comme un sérieux obstacle au procès de béatification qu'on a cru bon d'ouvrir à son sujet. Le président Patin, qui présidait le Haut Tribunal, est, lui aussi, intervenu auprès du procureur pour qu'il réclame la peine de mort. En entrant dans la salle d'audience, alors qu'il s'apprêtait à prononcer son réquisitoire, le procureur s'est tourné vers moi et m'a dit: "Vous allez voir ce que c'est qu'un magistrat". Je n'ai compris ce qu'il voulait dire que lorsqu'il a terminé ce réquisitoire par une phrase qui a été occultée dans la sténographie du procès, mais que j'ai gardée fidèlement en mémoire: "Malgré les menaces et sollicitations de tous ordres qui m'ont fait comme une escorte d'honneur jusqu'à cet instant, je ne peux pas demander la peine de mort." Le Tribunal n'a pas osé, dans ces conditions, condamner le général Challe à plus de quinze ans d'emprisonnement.
Quelques jours plus tard, le procureur général Besson était démis de ses fonctions et nommé conseiller juridique du gouvernement, conseiller qui ne sera, jusqu'à sa retraite, jamais consulté.
Un gardien de prison poignardé à Mascara.
400 policiers de l'algérois sont mutés, beaucoup en métropole.
La marine arraisonne un bateau chargé d'armes.
Trois plastics à Alger.
Profitant de la trêve unilatérale, le FLN a assassiné 85 personnes dont 62 musulmans, ciblant les possibles représentants de la "troisième force".