Juillet 1961

 

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Premier juillet 1.961:

La 11éme division légère d'intervention, la huitième escadrille de chasse sont ramenés en métropole. Cette décision atterre les européens.

Manifestation de masse à Alger, environ 10.000 musulmans défilent drapeaux algérien en tête, portés par des femmes et des enfants, les hommes derrière. Il y a des échanges de coups de feu avec le service d'ordre, 13 morts et 31 blessés, dont trois morts et dix blessés dans le service d'ordre.

Manifestation pro F.L.N. à Blida, mise à sac de magasins européens, piednoirade de première catégorie (ignorée des médias) 18 morts, 74 blessés.

 

2 juillet 1.961:

De gaulle en Lorraine déclare qu'un arrangement est possible sur le Sahara. Il ajoute qu'en cas de désaccord, on pourrait envisager un regroupement des partisans de la france.

 Deux plastics à Alger, aussi à Oran.

Un européen égorgé à Oran un sous officier tué à l'arme blanche à bel abbés.

Un réseau O.A.S. de six membres arrêté à Oran.

 

3 juillet 1.961:

Grenade dans un bal populaire à Oued-Taria, non loin de Mascara, 39 blessés.

Cabiro, commandant de para condamné à un an avec sursis pour son rôle dans le putsch. Cabiro était l'adjoint de Darmusey au deuxiéme R.E.P. Il enjoint son colonel de prendre parti, le colonel s'y refuse. Les capitaines font savoir qu'ils se passeraient très bien de colonel et de commandant, le commandant Cabiro prend la tête et rejoint Alger. L'audience tourne en fait au procès du colonel, la deliberation est longue, un an avec sursis peut sembler une bricole, mais bien entendu cela chasse de l'armée un homme qui en avait fait un sacerdoce et qui aura du mal, poursuivi par les foudres gaullistes à se reconvertir.

 

4 juillet 1.961:

Le FLN essaye de développer les manifestations de masse, ce qu'il n'avait jamais réussi pendant les sept ans de guerre passés, emporté par l'élan des succès politiques de Melun et les soutiens des autorités politiques et militaires françaises. Cette manifestation prévue pour le cinq, date anniversaire de la reddition d'Alger en 1.830 et de la subséquente fin de la régence est officiellement destinée à luter contre la partition dont De gaulle menace le F.L.N. Les forces de l'ordre prennent position tout autour des quartiers à majorité musulmane, acceptant la manifestation pourvue qu'elle ne se rende pas dans les quartiers "européens", renforçant la ségrégation qui depuis un an se dessinait dans les villes du bord de mer.

Embuscade près de Bougie, douze militaires tués, dix blessés.

A paris le général Mentre est condamné à cinq ans avec sursis pour sa participation au putsch. Le général Mentre commandait inter arme le Sahara. Il s'est mis aux ordres de Challe, puis après le discours de De gaulle du 23 Avril, change d'avis.

 

5 juillet 1.961:

 La manifestation du FLN contre la partition (en fait elle rappelle la prise d'Alger le 5 juillet 1.830, par de Bourmont) obtient un très grand succès, dans de nombreuses villes de moyenne importance comme Constantine ou Philippeville. Le service d'ordre, assuré par les militaires du contingent, débordé, ouvre le feu en plusieurs endroits, le bilan est lourd, 80 tués et 266 blessés coté FLN.

Dans de nombreux petits villages, piednoirade, des magasins européens sont brûlés avec leurs propriétaires, délire sanglant, le bilan est de cent tué et 300 blessé coté pied noir pour cette seule journée. Si on y ajoute les morts des jours précédents présentés comme "manifestation contre la partition" les pieds noirs ont payé de 150 tués et 500 blessés la nouvelle initiative de De gaulle.

Morin affirme que "les troupes du FLN échappent à son contrôle".

 Les journaux de la pensée morale concluent que "la partition, rejetée par le FLN s'avère impraticable". Ils n'ont pas eu le temps de remarquer que c'est dans les régions promises au FLN que la partition a fait l'objet de ces morts, les régions à forte proportion de pieds noirs restant calmes dans l'ensemble. Bien entendu, les piednoirades sont accueillies par les mêmes moraux avec le plus grand calme, et une certaine compréhension.

A paris, le colonel Cecaldi, compagnon de la Libération est condamné à cinq ans avec sursis. Commandant par interime la 10 ème division parachutiste, il reçoit le 22 avril la visite du général Zeller. Ce dernier réunit les officiers et fait un petit discours, un seul officier marque sa desaprobation. Le colonel suit donc ses troupes, il va avec sa division convaincre à Constantine le général Gouraud, dès le 24 il rentre à Djidjelli.

 

 6 juillet 1.961:

Un gendarme et un harki assassinés à Oran.

Graves incidents (magasins pieds noirs pillés etc.) à l'occasion de l'enterrement des victimes de la répression militaire des manifestations de la veille.

Deux grenades dans deux cafés de Relizane, 16 blessés dont 7 militaires, et six musulmans.

Deux plastics à Alger.

Sept O.A.S. arrêtés à Alger.

Un plastic à Paris devant l'appartement du général Vezinet, gaulliste fanatique.

 

7 juillet 1.961:

rien.

 

8 juillet 1.961:

Attentat au pistolet mitrailleur contre Ali Kohdja conseiller général, et son épouse. Ils sont grièvement blessés. Monsieur Kohdjaa ensuite milité au front national.

Un retraité de 62 ans assassiné d'une balle dans la nuque à Mostaganem.

Nombreux plastics à Alger, Oran, Bône, Constantine, Blida, Orleansville

 Le journal officiel enregistre la création du SPES (secours populaire pour l'entraide et la solidarité). D'abord nommé Secours populaire pour les Epurés et Sanctionnés, cette société charitable sera active (et à cours d'argent vu la quantité de détresses à secourir) jusqu'en 1968.

De gaulle ramène la 11ème D.L. en métropole. Elle a été constituée avec les débris de la 10 ème D.P., les troupes de choc. Cette décision rappelle à de très nombreux officiers les images des catholiques vietnamiens accrochés à leurs véhicules quand ils sont partis.

Condamnation pour putsch de 11 officiers et d'un sous officier. Il s'agit de la totalité de l'encadrement du premier REP, les capitaines Besineau, Bonelli (qui s'illustrera à la tête de la société de conseil SEMA), Borel (qui fera fortune dans la restauration), Carreté, Catelotte, Coiquaud, Estoup, Rubin, de Sevens et Yzquierdo, des lieutenants Durand-Ruel et Picont d'Aligny d'Assignies et de l'adjudant Giubbi, A eux douze ils totalisent 91 citations.Il leur est reproché d'avoir obéi aux ordres de Denoix de Saint Marc, et en particulier d'avoir armé des civils (ceux qui les ont guidé dans Alger) d'avoir tiré dans un pneu de la voiture du général Gambiez qui tentait de s'echapper ("mais remarque le président, le pistolet est une arme très dangereuse") - c'est à cette occasion qu'eût lieu de celébre dialogue "de mon temps les lieutenant n'arrétaient pas leurs généraux -de votre temps les généraux ne bradaient pas l'empire) d'avoir gardé les prisonniers detenues à Zeralda, etc... . Le seul fait réellement grave est dû à l'adjudant Giubbi qui a tué le marechal des logis chef Brillant. De garde de nuit, Giubbi fit les sommations, entendit un cliquetis et tira. Saint Marc qui témoigne avoir donné ces ordres, réclame toute la responsabilité "certains officiers ont pu me suivre par estime pour moi..."

Un avocat s'adressant à Saint Marc en lui disant "mon commandant" le président le lui reproche, Condamné, Saint Marc ne l'est plus. Le général Saint Hillier qui fût mis aux arrets par les putschistes témoigne en principe à charge mais raconte qu'il est responsable de la presence dans le box du capitaine Rubens de Servens. Il y a six mois il m'avait demandé à quitter le régiment, n'approuvant pas la tâche qui lui était confiée, j'ai refusé.". Gambiez aussi témoin de l'accusation demande la clemence. Besineau, Bonelli, Careté, Estoup, Rubin de Servens, Picot d'Aligny Durand Ruel deux ans de prison ferme. Catelotte, Borel, Coiquaud et Yzquierdo un an, Giubbi dix huit mois. Tous avec sursis. Mais, bien sûr, exclus de l'armée.

Ces 12 inculpés ont été jugés et condamnés en trois jours.

 

9 juillet 1.961:

 Plastics à Philippeville, Alger, Oran.

 

10 juillet 1.961:

 5 plastics à Alger.

Un retraité de 68 ans poignardé à Palikao.

Le nombre élevé de vieilles personnes assassinés dans cette période provient du fait que les personnes rejoignant le F.L.N. (et elles sont assez nombreuses maintenant que l'avenir est clair) se voient demander de prouver leur détermination en assassinant un européen. Choisissent bien sûr les plus vulnérables, surtout si l'examinateur n'a pas confié une arme à feu, mais une arme blanche, comme c'était le cas à Palikao.

 

11 juillet 1.961:

Jugement et condamnation dans la seule matinée des officiers supérieurs du putsch toujours en fuite, tous condamnés à mort par contumace, 3 généraux (Salan, Jouhaud, Gardy) cinq colonels (Argoud, Broizat, Gardes, Godard, Lacheroy). L'après midi le tribunal s'interesse au commandant Forhan aux capitaines Vallauri, Helmer, Boisson et Mura et aux lieutenants Basset et Mertz. Boisson et Mura sont hospitalisés, leur cas est disjoint.

12 plastics à Alger, cinq à Oran.

 

12 juillet 1.961:

De gaulle causant dans le poste réaffirme que si le nouvel état algérien ne s'associe pas avec la france il procédera au regroupement des français d'algérie.

Dans la foulée il confie une mission à Peyreffitte, ce dernier raconte:

Élysée, 12 juillet 1961.

De gaulle a évoqué publiquement un "regroupement des Européens d'Algérie" qui pourrait "esquisser un partage". Je suis allé demander à René Brouillet si le Général pensait sérieusement à cette éventualité comme à un moyen de mettre fin à la guerre d'Algérie. "Très sérieusement", me dit Brouillet.

"Est-ce une idée de fond, ou une ruse? Dans un cas comme dans l'autre, il faudrait creuser l'hypothèse. L'a-t-on fait?

- Je crois que le Général ne souhaite pas qu'on fasse une étude approfondie dans une instance officielle, car ça pourrait compromettre la reprise des négociations. Mais peut-être qu'il ne serait pas fâché que quelqu'un se livre à titre privé à une réflexion personnelle. Il est seul en ce moment. Pourquoi ne lui poseriez-vous pas vous-même la question?"

Brouillet va voir le Général, puis m'introduit après un moment, comme il l'a déjà fait plusieurs fois.

"Le FLN, me dit le Général, a peur de négocier. Il a peur de faire la paix. Il a peur de prendre des responsabilités. Il ne sait faire que deux choses, entretenir des troupes en Tunisie et au Maroc et, par sa propagande, monter le plus possible de pays contre nous. Il craint d'avoir à faire ses preuves dans les oeuvres de la paix. Continuer cette fausse guerre est pour lui la solution de facilité. Il exige le divorce avec pension alimentaire. Mais il refuse de se présenter à l'audience. Nous devons trouver une poire d'angoisse qui lui rende le statu quo insupportable. Il faut qu'il en vienne à préférer la coopération négociée, devant laquelle il recule encore."

Je fais observer au Général que, si la partition de l'Algérie n'est qu'une menace tactique, elle n'aura pas plus d'effet sur les rebelles qu'un revolver à bouchons. Elle ne les dissuadera de préférer la poursuite de la guerre à des négociations que si elle apparaît comme concrètement possible. Elle devrait faire l'objet d'études précises et entraîner un début de réalisation, à tout le moins un mouvement d'opinion favorable. Il en convient. J'avance des objections; il les chasse d'un revers de main. En quelques phrases sans réplique, il me montre que la partition permettrait de regrouper les Européens, dont les trois quarts demeurent déjà près de la côte entre Alger et Oran; que cette bande de terrain serait beaucoup plus facile à défendre contre le terrorisme que la totalité d'un vaste territoire, truffé de cachettes introuvables; que les habitants voteraient bientôt avec leurs pieds, pour l'une ou l'autre des deux parties de l'Algérie, et qu'il y aurait vite plus de candidats pour la nôtre que pour celle qu'on abandonnerait aux rebelles; que le FLN, invulnérable tant qu'il était désincarné, deviendrait vulnérable quand il serait soumis à des représailles sur le sol qu'il administrerait. Quant au Sahara, habité de populations attachées à la France, il pourrait être érigé en une République autonome, directement reliée à la partie de l'Algérie qui resterait française. Ainsi seraient sauvegardés les deux points auxquels le Général attachait le plus d'importance: des garanties pour les Européens, et la disposition du Sahara (pour le pétrole, mais surtout pour la poursuite des expérimentations nucléaires).

Il a réplique à tout. Visiblement, il y a mûrement réfléchi. Ce plan n'a pas l'air d'être seulement un stratagème. Il développe, pour finir, un argument qui comblerait d'aise les pieds-noirs s'ils l'entendaient: "L'important pour une minorité, comprenez-vous, c'est d'être majoritaire quelque part. Si les Français de souche étaient majoritaires en Oranie et dans la plaine de la Mitidja jusqu'à Alger, ils seraient les maîtres du sol. Personne ne pourrait y trouver à redire, pour peu qu'ils laissent la population musulmane libre de s'organiser à sa guise au-delà du réduit où on les regrouperait. Les Canadiens français sont majoritaires au Québec: là, ils ont pu exister, ils ont pu se défendre. Dans les autres provinces, où ils sont minoritaires, ils sont noyés, laminés. Les pieds-noirs, et les musulmans qui voudraient rester avec eux, pourraient tenir dans ce réduit. Les deux millions d'Israéliens ont bien tenu en face des cent millions d'Arabes qui les entourent.

"Ce n'est pas l'idéal, conclut-il; des pourparlers de paix et l'établissement d'une coopération étroite seraient de beaucoup préférables. Mais il ne serait pas mauvais que le FLN se rende compte qu'on va forcément vers ça, s'il continue à fuir le contact. La solution négociée n'aboutira qu'à la condition que nous en ayons une autre toute prête. Il faut avoir deux fers au feu. Vous qui écrivez, pourquoi n'approfondiriez-vous pas cette solution dans des articles de journaux?"

En me raccompagnant à la porte, il me dit simplement: "Inutile de parler de notre entretien à quiconque." "Inutile" est évidemment une litote pour: "Interdit."

 

Banque Rothschild, 4 août 1961.

Cet exercice de politique-fiction m'intéresse et ce secret m'émoustille. Il devient d'autant plus urgent de creuser cette hypothèse que le FLN, après quelques velléités de négociation, vient de rompre brusquement les pourparlers de Lugrin. J'ai donc écrit aussitôt un article sur ce thème. Le jour où il paraît, je rends visite à Georges Pompidou dans son bureau rue Laffitte, pour l'entretenir de la marche du Comité français pour l'Union paneuropéenne. Pompidou expédie ces détails, puis m'interpelle: "Vous avez écrit dans La Vie française de ce matin (elle est ouverte sur son bureau) un article sur le partage de l'Algérie. Ça, c'est une solution! Ça permettrait à la fois de protéger les pieds-noirs et de sauver le pétrole."

Il éprouve un véritable emballement intellectuel. Il s'est levé, et dans son petit bureau aux fauteuils tapissés de velours vert, il marche de long en large, les mains dans les poches. Plus il s'échauffe, plus il trouve d'arguments. Il se rassied. Sous ses sourcils broussailleux, ses yeux de jais me fixent. Il ajoute, comme un argument suprême: "Le Général approuve votre article, mais il souhaiterait que vous fassiez quelque chose de plus important. Pourquoi pas une série d'articles dans Le Monde, qui seraient plus fouillés et qui auraient plus de retentissement, comme ceux que vous avez écrits l'an dernier sur l'Europe?"

Il avait évidemment téléphoné à l'Élysée, sans doute à Brouillet.

 

Paris, août 1961.

Au cours de ce mois, sans rien dévoiler de ma conversation avec le Général, je me suis exercé à faire réagir différents ministres, ou quelques-uns de leurs plus proches collaborateurs, sur l'hypothèse du regroupement, suivi, en cas de malheur, du partage. Elle s'est heurtée à l'hostilité résolue de Louis Joxe:

"Les Algériens sont très forts! Quand nous négocions, ils se baisseraient sous la table pour nous délacer nos chaussures. Il suffirait qu'ils apprennent que vos idées ont la sympathie du gouvernement, pour qu'ils montent sur leurs grands chevaux: ils se déroberaient peut-être irrémédiablement."

Maurice Couve de Murville a été tout aussi catégorique: "On n'échappera pas à l'indépendance, et à l'indépendance d'une Algérie unitaire, sous direction exclusive du FLN. Je l'ai dit au Général dès ma prise de fonctions, en juin 1958. Pendant longtemps, j'ai été le seul autour de la table du Conseil à le penser. Maintenant, nous sommes au moins trois, avec le Général et Joxe. N'allez pas compliquer les choses avec votre théorie! Ne vous montez pas le coup! Ce sera l'indépendance, et sans partage!

"Il est impossible que le Maroc et la Tunisie soient indépendants et que l'Algérie ne le soit pas. Ce sont les mêmes djebels, les mêmes crève-la-faim, la même intelligentsia formée par nous et qui nous déteste. En face de ces réalités-là, le juridisme ne tient pas! Ce n'est pas parce qu'on a découpé l'Algérie en départements français que ce sont des départements français. C'est un pays arabe, qui sera indépendant comme tous les pays arabes-

"Et puis, la grande politique étrangère que veut conduire le Général n'est possible qu'à partir d'une indépendance volontairement consentie à l'Algérie et assortie d'accords de coopération."

Robert Gil1et et Jacques de Beaumarchais, ainsi que Geoffroy de Courcel et Bernard Tricot, m'ont fait des variations amicales mais sans équivoque sur le même thème.

En revanche, cette hypothèse a entraîné la vive approbation du Premier ministre Michel Debré, d'Olivier Guichard et de Jacques Foccart. De même pour les principaux collaborateurs de Louis Joxe, Bruno de Leusse et Vincent Labouret, persuadés que le FLN ne renouera pas si on n'envisage pas une alternative.

 

Malraux ne me donne pas son avis: il se projette dans la pensée du Général, il imagine ce que sera finalement sa décision. Tout de noir vêtu - il vient de perdre ses deux fils dans un accident de voiture -, il marche de long en large dans son bureau doré du Palais-Royal: "Pour le Général, toute solution est bonne qui lui permettrait d'en finir rapidement avec l'affaire d'Algérie. Le temps presse. Il veut avoir les mains libres pour engager la grande politique planétaire entre les deux blocs qu'il est seul à pouvoir mener et qui est seule digne de la France. Il est probable que votre formule reviendrait à poursuivre la guerre sous une autre forme, qui serait plus facile pour nous à soutenir que l'autre, mais qui serait une guerre quand même. C'est pourquoi je pense que le Général, même s'il est momentanément séduit par cette hypothèse, finira par la rejeter. Quand vous développerez vos idées, vous verrez que les Français se diviseront entre partageux et dégageux. Il y aura d'abord plus de partageux que de dégageux. Puis, si les négociations reprennent, les dégageux augmenteront et les partageux diminueront. Et le Général fera ce qu'il faut pour ça."

Cette vaticination me trouble. Il va plus loin que les autres: c'est l'art de deviner les ressorts de la psychologie du Général mieux que lui-même; l'art de prévoir ce que fera De gaulle, alors que celui-ci ne le sait peut-être pas encore lui-même.

 

Le secret du roi

Les rebuffades de quelques proches du Général ne m'ont pas découragé. J'ai constaté que ni Joxe, ni Couve, ni Tricot, ni même Courcel ne supposaient que le Général eût réfléchi sérieusement à cette solution. Il est donc loin de tout leur dire.

C'est la première fois que je perçois cette réalité étrange d'un secret du roi, que je constaterai bien des fois par la suite. De gaulle confie à quelqu'un, qui n'a pas qualité pour l'accomplir, une mission qu'il cache à ceux qui devraient en avoir la charge - et qui, lorsqu'ils en ont connaissance, ne la prennent pas au sérieux, puisqu'ils en ont été exclus. Au cours de ces entretiens, j'ai appris que, comme hôte de Matignon en 1958, il avait reçu une dizaine de fois Abderrahmane Farès. (C'est Guy Mollet, son ministre d'État, qui l'avait mis en contact avec cet émissaire discret du FLN, grâce auquel, en 1956, quand il était président du Conseil, il avait engagé des conversations avec la rébellion algérienne.) Farès arrivait en fin d'après-midi dans le petit hôtel occupé par le ministre d'Etat, face à Matignon. Il avait une conversation avec Guy Mollet après avoir bavardé avec son directeur de cabinet, le diplomate Etienne Manac'h. Celui-ci téléphonait à Bonneval: "Le visiteur du soir est arrivé", et venait l'accompagner jusqu'à la porte du Général.

Trois ans plus tard, Joxe, son ministre chargé de l'Algérie, n'avait pas été informé de cet épisode - et a refusé d'abord de le croire quand je le lui ai révélé incidemment.

Telle est la force du secret du roi, qu'il s'étend même à ses proches.

 

II faut montrer que c'est une solution réalisable sur le terrain

Au début de septembre. Vincent Labouret, revenant d'un comité interministériel à Matignon, me téléphone: "Vos idées l'emportent, c'est un triomphe."

Le colonel de Boissieu, rencontré quelques jours après, me confie que son beau-père, se promenant avec lui en forêt des Dhuits, a longuement analysé avantages et inconvénients de la partition, pour conclure qu'il n'y aurait probablement pas d'autre solution. Pendant ce mois d'août 1961, j'ai laissé courir allègrement ma plume sur ce thème, puis j'ai resserré mon texte en une quarantaine de feuillets que j'ai fait lire à Hubert Beuve-Méry, mon voisin de campagne en Seine-et-Marne. Il les publie en quatre articles en première page du Monde à la fin de septembre. J'en avais au préalable soumis le texte à l'Elysée. René Brouillet, directeur du cabinet, m'a transmis le "feu vert".

À peine ces articles sont-ils parus, que Brouillet me rappelle pour me dire qu'à ses yeux (c'est-à-dire aux yeux du Général), ce sujet mériterait plus que des articles: un véritable livre, avec des cartes, des documents, un rappel de divers précédents à travers le monde, une étude économique. Il ne s'agit plus d'une hypothèse d'école. Il faut démontrer que c'est une solution réalisable sur le terrain. "Mais pas un mot sur tout ça."

 

Nouvelle escalade.

Fin septembre, Racine m'appelle de la part de Michel Debré pour me remettre, sur la cassette des fonds spéciaux, une somme en espèces, afin que je fasse tirer à plusieurs milliers d'exemplaires une plaquette de mes articles du Monde. Il ne suffit pas d'attendre qu'un livre plus détaillé soit prêt. Il faut sur-le-champ diffuser largement cette brochure, en l'envoyant avec ma carte de visite aux relais d'opinion: tous les députés et sénateurs, de l'opposition comme de la majorité, principaux journalistes, directeurs de journaux, éditorialistes, conseillers économiques et sociaux, préfets et sous-préfets (il paraît que Debré tient beaucoup à ces derniers). Je fais fabriquer la brochure par l'imprimerie du Monde. Le rédacteur en chef, André Chênebenoit, a pris l'affaire à coeur, au point de faire figurer sur la couverture, à la place de l'éditeur, Le Monde en lettres gothiques: "Ce n'est pas seulement une série d'articles de vous, me dit-il. Elle n'est pas parue comme "point de vue". C'est la doctrine du Monde." Le lendemain, le rédacteur en chef - adjoint, Robert Gauthier, m'appelle, très tendu: "Ce n'est pas du tout la doctrine du Monde! Je viens de convaincre Beuve-Méry de publier sous la signature du club Jean Moulin trois articles qui combattent votre thèse. Deux jeunes maîtres des requêtes au Conseil d'Etat, Salusse et Creyssel, les ont écrits sur la suggestion de Joxe. Nous prenons à notre charge les frais de débrochage de l'actuelle couverture et de rebrochage d'une couverture blanche, sans mention du Monde."

Tout en savourant ces péripéties, je me suis remis au travail. Entre-temps, l'idée du partage de l'Algérie s'est répandue. Un véritable courant d'opinion se forme. L'Echo d'Alger et L'Echo d'Oran ont reproduit intégralement mes articles du Monde et de La Vie française. Beaucoup de pieds-noirs, jusque-là farouchement hostiles à une pareille idée, s'y raccrochent maintenant comme à une bouée de sauvetage. Les témoignages d'adhésion se multiplient. Guichard, n'ayant pu me joindre, m'écrit une lettre enthousiaste; délégué de l'Organisation commune des régions sahariennes, il voit dans le partage la solution du problème saharien. Foccart et les principaux dignitaires gaullistes me téléphonent: "Vous avez trouvé l'issue! Vous nous tirez d'un bien mauvais pas!" Il n'est pas jusqu'au recteur de la mosquée de Paris, Al Sid Cheikh Boubakeur Hamza - inconnu de moi -, qui ne m'envoie un signe amical: un colis de dattes avec une carte chaleureuse (mais sans aucune allusion écrite à mes articles). Le 28 octobre, Bruno de Leusse vient me voir à mon domicile: "On va reprendre la négociation avec les gens du FLN. Mais ça ne marchera que s'ils ont peur d'une alternative. Poussez vos études! Il faut absolument que vous publiiez votre livre avant la fin de l'année. D'ici là, dès qu'un chapitre est prêt, donnez-en les bonnes feuilles à un journal!"

J'égrène successtvement des papiers dans La Vie française, L'Echo d'Alger, L'Echo d'Oran, France-Soir, Paris-Presse et, de nouveau, Le Monde. Quatre esprits fort déliés m'aident dans mes travaux. Bruno de Leusse et Vincent Labouret, avec lesquels j'avais eu l'occasion de me lier d'amitié au Quai d'Orsay, me stimulent en sous-main dans mes réflexions. Ils sont convaincus que, si la France ne dispose pas d'une solution de rechange, propre à rabattre les prétentions du FLN, la négociation dont leur ministre a la charge n'aboutira pas; désireux de mettre davantage de cartes dans sa main, ils m'alimentent en informations et en arguments. Éric Labonne, ancien résident général au Maroc, grand connaisseur du Maghreb, et Alfred Fabre-Luce, intelligence étincelante, m'ont écrit pour me dire leur approbation. Ils ont accepté avec empressement de se livrer avec moi, au domicile du premier, à de longues séances de réflexion contradictoire. La partition offre à leurs yeux non un stratagème, mais la seule solution d'avenir, et le moyen légitime pour défendre l'Occident dans cette terre qui lui a appartenu jusqu'à l'invasion arabe et qu'il a reconquise depuis cinq générations.

Sur ces entrefaites, le contact est repris avec le FLN. En novembre, alors que j'ai déjà corrigé les épreuves de mon livre, Geoffroy de Courcel, secrétaire général de l'Elysée, m'avise que le Général veut me voir. Le plongeon dans l'eau froide ne va plus tarder.

fin de la citation de Peyrefitte.

Cette brillante stratégie justifie les émeutes des 5 juillet et suivant, cent morts pour faire joli.

Obus piégé à Mouzaiaville, deux morts.

Un ancien combattant de 74 ans, rentrant du pèlerinage à la Mecque, égorgé à Fougala.

Plastic à la télé algéroise, le discours de De gaulle est pour la première fois remplacé par un discours de l'O.A.S., du général Gardy.

Verdict: le commandant Forhan sous les ordres de Robin executa ses ordres "avec enthousiasme". Il arreta le ministre Buron et le delegué général Morin au palais d'été où le commandant de gendarmerie Guyard ne fit pas ouvrir le feu. Basset et Mertz aidérent. Vallauri chercha Gambiez à son domicile, mais il n'y était pas. Helmer escorta à In Salah le général de Pouilly. Le commandant Robin, témoin à decharge, revendique tous les ordres qu'il a donné. 5 ans de détention criminelle pour Forhan. 4 ans de prison avec sursis pour Vallauri, un pour Basset, tous deux avec sursis. Helmer et Mertz sont acquittés.

 

13 juillet 1.961:

19 plastics à Alger, trois blessés.

Forte explosion dans un quartier musulman de Mostaganem, le magasin d'un sympathisant du FLN est détruit.

Il s'agirait d'une réponse à la grenade FLN qui a explosé sur un boulodrome, ne faisant que des blessés légers.

 

14 juillet 1.961:

 Quatre plastics à paris, dont trois visent des députés gaullistes. Les militaires montés défiler à paris en ont profité.

 

  15 juillet 1.961:

 une quarantaine de plastics dans toute l'algérie.

l'O.A.S. annonce qu'elle n'hésitera plus à châtier les tueurs et les traîtres.

 

16 juillet 1.961:

rien.

 

17 juillet 1.961:

11 plastics à Alger, 3 blessés.

 

18 juillet 1.961:

L'armée tunisienne attaque Bizerte, Bourguiba réclame sa restitution à la Tunisie. Il réclame aussi une partie du Sahara, affirmant que les frontières actuelles entre la Tunisie et l'algérie résultent de sombres machinations françaises (il y a du pétrole dans la zone disputée). L'armée française riposte par le feu.

 Le sénateur de Tiaret, maire de La fontaine, monsieur El Ousseukh, assassiné ainsi que deux de ses gardes du corps, lors d'une tournée qu'il effectuait dans les villages.

Convoi dans une embuscade près de Djidjelli, 20 militaires tués.

Un européen assassiné à Constantine.

12 plastics à Oran, Bône, Alger, Constantine.

Ce 18 juillet 1961, sur le papier, le principe de l'"intégration" dans l'OAS du Front nationaliste (FN) est réglé. L'application reste difficile et le mécontentement de certains dirigeants de l'état-major de l'OAS Alger, notamment Pérez et Gardes, s'exprime à de multiples reprises et se traduit par des mises en cause régulières de Jean Jacques Susini, parrain du FN et de Michel Leroy son patron effectif (adjoint de Gardes à l'OM).

Un message collectif rédigé par Gardes le 11 août 1961 synthétise l'essentiel des griefs adressés au FN. Gardes rappelle pour commencer certains faits originels: "À [s]a connaissance, alors que Pauline [Pérez] donnait l'ordre aux éléments FNF de s'intégrer dans une OAS encore faible mais existante, le FN s'est constitué sous l'impulsion de Janine [Susini]. Ce FN dispose d'éléments armés, d'un SR, de collecteurs de fonds, d'un service de propagande. Tout ceci lui étant propre et pratiquement non intégré à l'OAS pour l'instant. Jusqu'à ce jour, nos décisions prises effectivement en comité sont restées lettres mortes ou du moins n'ont pas été rigoureusement appliquées. "Pour le patron de l'OM, cette situation est inacceptable. Il est "décidé à tout briser par la plus grosse des folies si les gens ne se plient pas rigoureusement aux décisions que nous avons prises ensemble". Il exige donc que ses ordres concernant la branche OM, que ce soit pour les éléments armés (commandos Z) ou les questions financières (les "collectes FN doivent être rigoureusement stoppées" et les fonds versés à la caisse OAS), soient exécutés.

Cette volonté de mise au pas du FN se double d'une profonde méfiance à l'égard de Michel Leroy auquel les membres de l'état-major reprochent régulièrement de faire cavalier seul et de manquer par trop de rigueur en matière de discrétion. Sans préjuger de l'avenir tragique de Michel Leroy au sein de l'organisation (il a été liquidé en janvier 1962), il importe de souligner qu'il fait l'objet d'une violente polémique à l'automne 1961 et que Gardy réclamait alors dans un message collectif à l'état major "qu'un pareil insensé soit mis immédiatement hors circuit".

Au coeur de l'OAS, Olivier Dard; ISBN 978-2-262-03499-3

PV de réunion de la Nahia 333, (Kabylie) le 18-7-61 Toutes les femmes qui décideront de se marier, ou mariées déjà avec les goumiers et les harkis, seront condamnées à mort. Les renseignements nous parviennent rarement du coeur de l'ennemi. Les goumiers n'ont pas changé. Ils sont poussés par leurs chefs colonialistes à faire tout le mal à la population. Par contre les auto defenses se montrent plus aimables qu'avant, en voyant 2 d'entre elles dissoutes après le désarmement par nos éléments de 6 d'entre eux. Leur faire comprendre qu'il n'est pas trop tard pour racheter leur honneur en travailIant pour l'ALN.

Repris sur Faivre "les combattants musulmans de la guerre d'algerie" ISBN9 782738 437419

Un plastic à Ajaccio.

 

19 juillet 1.961:

A Alger, le conseiller général, maire de fort de l'eau assassiné dans sa ferme par l'O.A.S.

 Le tribunal militaire condamne les putschistes Branca pied noir, Amet et Montagnon(reconverti comme excellent historien) à un an avec sursis, acquitte le capitaine Desvougues. Il n'en est pas pour autant réintégré dans l'armée. Tous quatre étaient du 2ème REP, leur colonel (Darmuzey) tardant à se décider, ils prirent sur eux de se mettre à disposition de Challe à Alger. Branca et Amet allérent remettre de l'ordre à la base aérienne d'alger maison blanche. Branca raconte "nous sommes tombés sur une sorte de meeting, ça chahutait mais ça ne se defendait pas. (...) je leur ai parlé (...) " Montagnon a joué un rôle semblable à Aïn Taya, "je leur ait dit on ne se tire pas dessus entre français, mais si vous voulez la guerre vous savez que vous avez en face de vous les parachutistes. ils ont trés bien compris ils sont allés se coucher". Quatre autres officiers du même régiment ne sont pas poursuivi.

Lagaillarde est déchu de son mandat de député.

Plastic devant l'appartement de Sartre, aussi chez les sénateurs Yvon, Bonnefous, d'Argentlieu et le député Savary.

 

20 juillet 1.961:

 Un détachement de l'ALN tombe dans une embuscade. Identifiant les membres tués, l'armée reconnaît dans un homme enchaîné Si Salah, qu'ils emmenaient sans doute être jugé à Tunis.

 De gaulle déclenche enfin l'opération prévue depuis 58 par Salan contre les rebelles F.L.N. en Tunisie, mais c'est pour défendre Bizerte que les Tunisiens attaquaient. Le F.L.N. compte les points. Les tunisiens sont exterminés. on parle de 6000 morts.

 Le gouvernement publie ses statistiques sur les attentats en France des six premiers mois de 61, 417 tués (dont 342 musulmans, 24 civils, 11 policiers) 570 blessés (dont 432 musulmans, 70 civils, 32 policiers, 6 militaires). Depuis 1956, quand le F.L.N. a décidé de porter la guerre en métropole, 3291 tués, 7077 blessés musulmans, 112 tués et 587 blessés civils, 50 policiers tués et 326 blessés. Bien entendu il y a de très nombreux disparus, et beaucoup de blessés FLN ne sont pas comptabilisés car soignés dans des installations clandestines.

Le tribunal militaire special consacre sa journée au cas du commandant Camelin. Ce dernier, pied noir en charge du 2 ème R.E.I. car son chef était absent, n'hésita pas à se mettre sous les ordres de Challe et d'obéir à sa consigne de s'assurer du général Ginestet, Ginestet, témoin de l'accusation pense qu'une mesure disciplinaire suffirait. Le tribunal condamne cependant à trois ans de prison avec sursis.

 

 21 juillet 1.961:

Accrochages dans le djebel, 34 rebelles au tapis.

Six plastics à Alger, Bône, Oran, Sidi-bel-Abbés.

On annonce la mort de Si Salah, ancien chef de la willaya 4 et de son adjoint Si-Boudjema. Au cours de son procès Challe avait raconté comment de Gaulle avait refusé de signer la paix des braves avec si Salah, qui lui proposait d'arrêter les opérations dans quatre willayas sur six.

  

22 juillet 1.961:

A Mostaganem, deux européens assassinés.

Un autre à Bône.

 A Nancy, bagarre entre paras et algériens, deux algériens tués. Depuis le retour du 1er RCP (puni car putchiste) de nombreux accrochages avaient eu lieu entre militaires et musulmans. La veille, 21, deux paras avaient été blessés à l'arme blanche. La gendarmerie intervient et raméne le calme, arretant trente dragons. Dans la nuit du 22 au 23, à Montigny les Metz, le FLN ouvre le feu sur un dancing frequenté par les paras. Certains sortent, ils se font tirer comme des lapins, deux paras sont tués, dont le jeune Soro, qui aurait feté ses 20 ans le 30 juillet.

On trouve tous les détails dans l'excellent site du frére de Fréancis Soro

http://www.hemaridron.com/mort-pour-la-france.html

Dans la nuit du 23 Juillet ratonade tue par toutes les grandes consciences (la ratonade est une specialité pied noire), 4 musulmans sont assassinés, 27 blessés gravement atteints.

 

23 juillet 1.961:

trois plastics à Alger.

Le conseiller général adjoint au maire de bel abbés, Monsqieur Hamed Barkat égorgé ainsi qu'un européen.

Une personne assassinée à Constantine.

Grenade à la sortie d'un cinéma de Bône, 27 blessés dont trois qui doivent être amputés.

L'O.A.S. revendique dans un tract les assassinats de Schembri, Khodja et Palacio.

 

24 juillet 1.961:

Trois personnes assassinés à Oran.

Quatre charges de plastics aussi à Oran.

Un agriculteur assassiné à Berard.

Le capitaine Ferrandi, fidèle parmi les fidèles du général Salan, inspecte les réseaux "activistes" d'Oran, tous montés par des civils. Il les trouve "solidement structurés, bien tenus en main, au financement abondant et à la comptabilité soignée". Bien mieux qu'à Alger.

De vrais partisans de l'algérie française, sauf que l'un des réseaux (la Garde au drapeau, les territoriaux rendus à la vie civile) déclare ne vouloir bouger que sur l'ordre du patron militaire officiel de la région, un autre (Bonaparte) refuse de rien dire sur son implantation et ses effectifs.

 A saint palais, plastic dans la villa de pineau, ex-ministre socialiste.

 

25 juillet 1.961:

 Témoignage recueilli en octobre 2011 d'un lieutenant apellé du 18 ème R.C.P.

Tous les officiers, sauf le très petit nombre resté à Batna pendant le putsch, ont été mis aux arrêts de forteresse. Nous avons été embarqués à bord de Nord-Atlas depuis la base de Télergma et avons atterri à Villacoublay. Le comité de réception composé de gendarmes mobiles était imposant. Nous sommes montés dans des cars et, escortés par des motocyclistes, nous avons été conduits au fort de l'Est pour y être internés. Nous y avons retrouvé les officiers du 1er R.E.P du commandant de Saint-Marc, du 1er R.E.C. du colonel de La Chapelle, du 14èm R.C.P. du colonel Lecomte, du Groupement des Commandos Parachutistes de Réserve Générale du commandant Robin et de bien d'autres unités, en tout de l'ordre de 180 officiers. Nous, les officiers subalternes, étions logés en dortoir. J'ai passé là-bas entre deux et trois mois. Le général Ducournau est venu nous voir. Il a reçu les officiers individuellement. Il avait aussi perdu un fils, comme mon père; ils se connaissaient très bien.

Je lui ai dit: "Vous n'avez pas honte de faire ce travail?" et lui ai demandé une seule chose: ne pas retourner en Algérie - je n'étais qu'à 17 mois de service. Il m'a rappelé pour me dire que j'étais affecté en Algérie.

Je lui ai répondu: "Merci pour l'amitié portée à mon père!". Il m'a dit: "Choisissez votre unité." J'ai demandé le 22ème R.I. stationné à Ténès, le régiment que mon père avait commandé jusqu'au début de 1960 et que commandait le colonel Arnold.

 

A.R.S. : Donc, vous avez dû retourner terminer votre temps de service militaire en Algérie. Quelle a été votre affectation?

J'y suis retourné en juillet 1961. On m'a donné un poste dans les faubourgs de Ténès, un autre poste sur les hauteurs de Ténès et, de plus, la fonction d'officier de renseignement basée à Montenotte.

A Montenotte, j'étais très bien noté par le commandant. J'ai monté une harka à cheval avec uniquement des anciens fellaghas ralliés, sûrs et durs. J'ai stoppé l'usage de méthodes violentes de renseignement après les avoir testées sur moi. Il y avait des saboteurs dans la région. Pour eux, pas de quartier quand ils étaient pris.

A la fin de février 1962, j'étais libéré de mes obligations militaires. On m'a demandé de continuer. J'ai accepté, dans l'idée de sauver mes harkis.

J'ai fait un saut en métropole chez mes parents, à Saint Cassien dans la Vienne, pour voir comment on pouvait les accueillir. Dès après le 19 mars 1962, j'ai cherché à les embarquer mais il fallait aller chercher leurs familles dans leurs douars. Un jour, je suis parti avec deux half-tracks pour ramener les familles. En arrivant près d'un poste fortifié isolé, le sous-officier qui le commandait a pris peur: il a cru que c'était un commando de l'O.A.S. qui se pointait. Il a appelé l'armée de l'air en soutien; elle a envoyé des T6 qui ont piqué sur nous. Par radio nous nous sommes expliqués et cela ne s'est pas mal terminé; j'ai pu aller chercher les familles des harkis.

Nous sommes arrivés à Alger, une cinquantaine de personnes. C'était en mai 1962, nous avons tous logé dans un lycée. Il n'y avait pas de bateau disponible. La ville était devenue folle. J'ai prévenu l'O.A.S. afin qu'il n'arrive rien à mes harkis.

Finalement, après huit jours, en jouant à la fois d'intimidations et de tractations, j'ai réussi à les faire embarquer sur un bateau en partance pour la métropole, ceci malgré l'interdiction formelle du ministre des armées Pierre Messmer. J'ai envoyé un télégramme à l'un de mes frères, Yannick Lallemand, futur aumônier à la Légion: "Paquet arrive à Marseille". Yannick a affrété un car, qui s'est trouvé archi-plein et tous sont arrivés à Saint Cassien. Mais mon père, qui était à la retraite depuis 1960, était en prison à Poitiers pour activités au profit de l'O.A.S. Deux officiers de la sécurité militaire, un peu piteux, sont venus m'interroger à Montenotte, sans qu'il n'y ait de suite apparente.

J'ai ainsi pu renvoyer personnellement en métropole 40% de mes harkis; j'avais fait engager les autres 60% dans l'armée française - progressivement - dès avant la proclamation du prétendu cessez-le-feu du 19 mars 1962 et aussi après cette date.

Fin juin, début juillet 1962, le régiment a embarqué pour Marseille. Nous sommes arrivés par voie ferrée à Reims. J'ai pris une permission puis j'ai été libéré. En arrivant à Saint Cassien, mon père était en prison à Poitiers et deux de mes frères étaient en fuite, en fait cachés dans une abbaye: une imprimerie de l'O.A.S. avait été trouvée par la police dans une grange de la ferme familiale. Je me suis donc occupé de la ferme et des harkis. En six mois, je leur ai trouvé logement et travail. Dispersés un peu partout dans les villages des environs, ils se sont bien intégrés.

Il m'arrive encore d'en rencontrer de temps en temps et ils me disent: "Mon lieutenant, tu m'as donné cinquante ans de vie supplémentaire ... "

Journal des Amis de Raoul Salan, numéro 30 nouvelle série.

 

26 juillet 1.961:

Le tribunal militaire acquitte deux officiers accusés d'avoir participé au putsch. Il s'agit du colonel Buchoud et du capitaine de Roquefeuil. De Roquefeuil, du 4éme R.E.I. avait été preté à Buchoud, commandant le secteur de La Calle. Buchoud prit langue avec son chef direct Ailleret qui refusa de se rallier au putsch. Devant sa fermeté, il n'entreprit aucune action. Le tribunal lui reproche d'voir brisé une rebellion du 14 éme bataillon de chasseur alpin. De Roquefeuil fut arreté par les mutins "à cause de ma tenue camouflée. Ils m'ont mis leurs armes sur le ventre aux cris de vive la quille. Ils agissaient sur ordre du capitaine Leclève. J'ai demandé à le voir et je lui ai expliqué qu'officier de légion, mes hommes viendraient surement me delivrer. Il me laissa partir.". Buchoud raconte: "Ils m'attendaient jambes écartées, bras croisés. Je leur ai parlé, ils se sont rangé sous mes ordres; mais le soir ils ont refusé de partir en opération, et je n'ai pu envoyer que les musulmans." Buchoud rejoint immediatmeent l'OAS métro.

Une imprimerie FLN démantelée en région parisienne, son propriétaire, un français membre d'un réseau de soutien a disparu.

Deux policiers assassinés à Constantine.

Douze fermes brûlées en oranie.

Huit "activistes" expulsés d'algérie, dont le propriétaire de l'excellente anisette Liminiana, que vous pouvez vous procurer chez Auchan, fabriquée qu'elle est maintenant en Espagne.

 

27 juillet 1.961:

5 plastics en région parisienne visent des députés UNR (devenue depuis RPR, puis UMP, faut fuir les connotations).

Un FLN évadé de prison, sur le point d'être rejoint, tue une mère de quatre enfants qui passait par là.

Le tribunal spécial militaire juge ce jour le lieutenant colonel Emery. Patron des commandos de l'air, sous les ordres du général Bigot qui a rejoint le putsch, Emery réunit ses officiers et leur propose de suivre leur général. Seuls deux d'entre eux refusent, Emery leur laisse le choix entre un départ en permission ou une mise aux arréts, ils choisissent les arréts. Trois ans de prison avec sursis.

 

 28 juillet 1.961:

Plastic au domicile de Catone, maire PSU de Boissy saint leger.

Sortie du premier numéro du journal de l'O.A.S., "Appel de la France" tiré pour cette première fois à 10.000 exemplaires.

Trois musulman assassinés à Douai.

Dans la plus stricte intimité, Michel Debré reçoit Khelifa Kalifa, un responsable du MNA. Il s'agit de mettre au point la participation du MNA sous l'etiquette FAAD, à l'algérie nouvelle, Une cooperation militaire est déjà, depuis août 1960, entre le SDECE (capitaines Zahm, Puille et de Marolles) et les forces residuelles de Bellounis dans le sud algérien, une pleine reussite. Debré enterine le programme "une algérie démocratique, associée à la france, anticommuniste et favorable à l'occident". Ce programme (contre l'avis de Messali, plus islamique) a été approuvé en mai lors d'un congrés tenu en Suisse. Pour montrer leur bonne foi, les militants MNA assassinent quelques FLN à Paris et à Alger, tout baigne quand le 28 août le journaliste Paoli croit savoir que le FAAD discute aussi avec l'OAS. Les officiers du service action qui suivaient cette affaire sont rapatriés en octobre et toute collaboration est interdite. Entre temps il est vrai le FLN avait fait savoir qu'il n'acceptait aucun compromis avec le MNA. Le FAAD privé de soutien logistique se desagrége, la plupart rejoignent le FLN, certains l'OAS seule la petite bande de Selmi poursuit jusqu'en mars 1962 un combat independant, il faut l'intervention de Farés, du prefet Mahiou et du général Rouyer quelques primes de demobilisation pour qu'ils déposent les armes. Selmi et sans doute la plupart de ses hommes auront le sort des harkis, l'extermination.

 8 plastics à Alger.

16 O.A.S. arrêtés à Oran.

 

  29 juillet 1.961:

Grenade dans un bar de Bône, un mort cinq blessés.

Une SAS est attaquée par le F.L.N., qui bénéficie de complicités à l'intérieur, douze militaires dont deux européens sont tués, des armes sont emportées.

Plastics (3) à Alger et à Bône (2)

 

30 juillet 1.961:

Grenade dans une kermesse à Bône, deux tués (dont une enfant de 8 ans) et 82 blessés.

Deux fermes brûlées à Blida (la recrudescence des fermes brûlées correspond au retrait des troupes françaises du bled).

38 membres du F.L.N. arrêtés à Constantine.

 A Longwy, deux musulmans tués au pistolet par des coreligionnaires.

 

31 juillet 1.961:

 Tout le monde sait que le général Jouhaud, dans la clandestinité, va ce jour prendre la route et le commandement de la zone d'Oran, la population dresse des arcs de triomphe, les gendarmes des barrages, Jouhaud est rattrapé de justesse par l'OAS, il ne rejoindra Oran que le 20 Août dans la discrétion.