Janvier 1957

 

 

page de garde du site

 

on trouvera ICI une excellente synthése sur l'armée française en 1957

   

1 Janvier 1.957:

 Grande journée pour le FLN, ce jour de fête leur apporte 9 morts et 35 blessés :

 Six grenades à Alger, trois attentats ponctuels un musulman deux européens.

Deux fermiers massacrés à la hache à Perregaux.

Attaque d'une patrouille de territoriaux à Oran, deux tués, trois blessés.

Grenades dans deux cafés de Mecheria, un tué, sept blessés dont un musulman et quatre militaires.

Mort ponctuelle d'un européen au pistolet.

Grenade à Sétif, quatre blessés.

Grenade à Blida, trois blessés.

Egorgement d'un paysan à djilali ben amar dans le département de Tiaret; son fils témoigne par internet, ayant lu mon site "Dans votre chronologie des horreurs de l'aln et des moudjhidines contre les populations civiles, surtout rurale, il y a l'égorgement de x ahmèd dans la département de tiaret à djilali ben amar dans la nuit du 31/12/1956 au 1/01/1957. Ce brave homme,courageux d'une honneteé irréprochable fut assassiné parce qu'il avait tenu tête à un groupe de moudjahidines qui voulaient bruler la ferme dont il avait la garde, toute une nuit, tout seul,à l'aide de son fusil de chasse. Ils étaient une cinquantaine qui s'étaient présenté chez lui en simulant la faim et demandant le gite. Une fois mis en confiance, ils le trainèrent dehors et l'égorgèrent. ils avaient usé de cette trahison parce qu'ils étaient averti de sa bravoure et de son courage.

 

 2 Janvier 1.957 :

 Rien.

 

 3 Janvier 1.957 :

 Le train Oran- Relizane fait l'objet d'une attaque de style western, le train est arrêté, et pris d'assaut : six voyageurs sont massacrés, nombreux blessés, dont des enfants, trois jeunes femmes enlevées pour un usage que la morale ordinaire réprouve mais que la gauche accepte comme un mal necessaire à grands coups de communiqués et de portage de valise.

Bombe dans un trolleybus à Alger, 2 morts, un chrétien, un musulman.

Deux grenades dans les faubourg d'Alger (saint Eugène et maison carrée), 14 blessés.

Un assassiné à saint Arnaud.

Deux autres, dont un musulman à Bône.

Le Cheikh Bella houel Chouf , imam de la mosquée des citronniers, assassiné à Mostaganem.

 

 4 Janvier 1.957 :

 Assassinat à Blida d'un employé de mairie.

 

 5 Janvier 1.957 :

 Rien.

 

 6 Janvier 1.957 :

 Un assassinat à Alger.

Une ferme attaquée, le fermier et son gérant assassinés.

Le capitaine Moreau, patron de la SAS de Pirette (près de dra el mizan) enlevé de nuit et froidement exécuté.

Un assassiné à Mekla.

Un salon de coiffure mitraillé à Alger, un musulman assassiné.

La presse quotidienne saisie à Alger.

 Le gouvernement donne à la dixième division para la tache de rétablir l’ordre à Alger, initiant ainsi ce qui sera la «bataille d’Alger ." Les paras vont faire ce que la législation empêchait, ils arrêtent massivement les suspects et les personnes connues pour leurs opinions, et les interrogent. Jeanpierre, résistant, déporté, ancien d’Indochine réunit ses hommes et leur dit : «Les ordres reçus seront à exécuter. Que ceux qui ne sont pas d’accord pour qu’il en soit ainsi se retirent.» Le père Delarue, l’aumônier a donné son absolution, par anticipation et collective.

La bataille d’Alger, très commentée, s’est déroulée en deux phases, janvier à mars, puis septembre/octobre. Il s’agit d’abord d’une bataille de renseignement et d’infiltration de l’adversaire, suivie par son élimination. On trouvera ICI une excellente synthése

Une action similaire est menée à Constantine et à Orleansville avec des résultats également positifs.

 La seconde bataille de cette guerre fût la bataille des frontières, également gagnée.

La guerre fût perdue dans la troisième bataille, politique.

 

 7 Janvier 1.957 :

 Le général Faure, accusé d'avoir organisé un complot en vue de ramener De gaulle au pouvoir, pour sauver l'algérie française, mis aux arrêts de forteresse.

Trois assassinés à Alger, dont un militaire.

Un médecin militaire assassiné à Arris au cours d'une de ses consultation donnée dans les douars.

Le préfet Barret, sur instruction du gouvernement, remet à Massu les pouvoirs civils et militaires (sous son contrôle), en particulier le pouvoir d'assigner à résidence et pouvoir de perquisitionner de jour comme de nuit.

 Le gouvernement ne peut plus cacher que le terrorisme sévit aussi en métropole, un article de Paris Presse confirme "Le FLN a pignon sur rue (...) en Novembre il y a eu 90 nord-africains exécutés pour raison politique et 87 en décembre".

 

  8 Janvier 1.957 :

Un assassiné à el-affroun.

Deux autres à Boufarik. Toujours à Boufarik, grenade dans un café, 7 blessés.

Un charcuté au couteau à Helliopolis.

Un policier à Biskra.

Deux agriculteurs blessés à Orleansville.

Deux agriculteurs blessés à l'Alma.

Un contremaître des mines du zaccar assassiné à Miliana.

 Un européen est tué par le FLN à Maubeuge.

 

9 Janvier 1.957 :

 Les paras fouillent la casbah, et y arrêtent 200 personnes dont cinq terroristes fichés.

Massu prend la tête des opérations à Alger.

Deux personnes blessés à Alger.

Un rappelé tué à Maison Carré par des terroristes en auto, ses collègues prennent en chasse la voiture et tuent les trois terroristes.

Deux enlèvements.

Un convoi militaire tombe dans une embuscade près de Cherchell, 20 tués, 17 blessés.

 Guy Mollet annonce un triptyque pour résoudre le problème algérien, d'abord une négociation sur le cessez le feu, ensuite la mise en application dudit cessez le feu. Après une période de calme, élections et négociations avec les élus d'un nouveau statut. Le MNA répond favorablement et ouvre des négociations, il apparaît possible d'obtenir des cessez le feu partiels dans certaines zones où il est bien implanté.

Le F.L.N. répond par la négative, il est le seul et unique représentant des algériens, et il veut d'abord l'independance, ensuite discuter.

Ce triptyque sera repris par Pleven, puis Pfimlin, puis par De gaulle lors de son discours du 23 Octobre 58 ("la paix des braves") avec chaque fois l'exigence du F.L.N. d'être considéré comme le seul représentant des algériens.

 

 10 Janvier 1.957 :

 Un commerçant assassiné à Tizi Ouzou.

Un forgeron à Boufarik.

 

11 Janvier 1.957 :

 Deux assassinés (dont une dame de 70 ans) à Alger,.

Deux gardes territoriaux blessés.

Une militante communiste expulsée d'Algerie.

 

 12 Janvier 1.957 :

 Rien.

 

13 Janvier 1.957 :

 Blessés à Oran et Constantine.

Un entrepreneur assassiné à Bordj bou Arreridj.

Garde champêtre (musulman) assassiné à Djidjelli.

Agent des PTT à Ameur-el Aïn.

 

 14 Janvier 1.957 :

 Les paras arrêtent de nombreux terroristes à Alger.

Bombe à radio Alger, dégâts matériels.

Un adjudant de gendarmerie tué de deux balles dans le dos à Boghari.

Un à Oran.

7 blessés par grenade à Constantine.

 

 15 Janvier 1.957 :

 Un chef de chantier assassiné sur son chantier à Oran.

Le grand rabbin de Guelma, grièvement blessé.

 

 16 Janvier 1.957 :

 Une roquette lancée depuis l'immeuble d'en face pénètre le bureau du général Salan et y tue son chef de cabinet, le commandant Rodier. Salan accusera toujours les gaullistes d'avoir monté cet attentat.

Le 16 janvier 1957, un peu avant 19 heures, une explosion ébranle l'état-major de la Xe région militaire, place Bugeaud. Deux obus de bazooka, tirés d'un immeuble en vis-à-vis, viennent de frapper l'étage où travaille le général Salan. Le commandant en chef a quitté son bureau, quelques minutes auparavant, pour rejoindre Robert Lacoste. Il est donc hors du champ; en revanche, dans la pièce voisine, un membre de son cabinet, le commandant Rodier, est tué sur le coup, déchiqueté par l'un des deux projectiles. Assis à sa table de travail, Raoul Salan eût connu le même sort. L'enquête progresse assez vite. La technicité de l'opération écarte le F.L.N bien que depuis Tunis, le FL.N n revendiqué l'attentat..

L'origine de l'attentat se situe dans certains milieux européens, regardés comme extrémistes, de l'Algérie française. A partir du fil qui a conduit l'electricité aux bazzokas de fortune installés sur la terrasse, en face des bureaux, la police n'a pas de mal à remonter la piste. Les principaux organisateurs et auteurs reconnus s'appellent: le docteur René Kovacs, Philippe Castille, Michel Fechoz. Arrêtés, ils ne nient pas les faits, bien au contraire. Le chef, Wattin, dit la boiteuse, non identifié, échappe à l'arrestation.

Ils se présentent en patriotes ayant agi à l'instigation de quelques personnalités. Ils citent le général Cogny. Ils déclarent avoir voulu se débarrasser d'un homme qui ne leur paraissait pas un garant suffisant de l'Algérie française. Les lenteurs de la justice aidant, le changement de régime en mai 1958 arrivera dans une procédure en partie enlisée. Un procès, expédié, condamnera les inculpés sans aller au fond des choses.

 Que s'est - il exactement passé? Qu'y a-t-il derrière les deux coups de bazooka? Le général Salan ne démêlera l'écheveau que progressivement. En 1958, après le 13 mai, deux interventions le mènent sur la piste. Le colonel de Boissieu, gendre du général De gaulle, lui demande de la part de Michel Debré, devenu garde des Sceaux du gouvernement De gaulle, de "ne pas insister pour que le procès du bazooka vienne à l'audience". Même requête, un peu plus tard, de Christian de La Malène, un proche du même Michel Debré. Salan commence à percevoir la vérité. Il estimera la connaître deux ans plus tard.

A Madrid, général en exil, il retrouve Castille et Fechoz, libérés de la prison Barberousse dans le tumulte des Barricades. Castille, fidèle à ses convictions Algérie Française, se prépare à se battre dans l'O.A.S. et se place sous les ordres de celui qu'il voulait naguère assassiner. Il révèle ce qu'il sait. La trame de l'affaire se remonte dès lors aisément dans l'esprit de l'ancien commandant en chef . En 1957, général républicain, Raoul Salan n'apparaît pas susceptible d'emboîter le pas à ceux qui aspirent à renverser le régime et rappeler le retraité de Colombey. Le général Cogny, commandant supérieur au Maroc, et dont l'ambition n'est pas la moindre qualité, peut être l'homme de la situation. L'idée de manœuvre est simple: éliminer Salan, le remplacer par Cogny tout acquis, disposer ainsi à Alger d'une autorité capable d'entraîner l'armée et d'intervenir sur le cours des événements.

Cette thèse est plausible. Les événements l'ont vérifiée. Par son "Vive De gaulle", le 15 mai 1958, le général Salan a ouvert les portes au retour du gaullisme. La conviction de Salan est faite. L'homme et l'équipe qui ont fomenté ce plan, qui ont provoqué mort d'hommes, s'appellent Debré et les siens. Devenu chef de l'O.A.S., Salan ne mâchera pas ses mots à l'ancien rédacteur du Courrier de la colère devenu Premier ministre: "Je vous désigne nommément comme l'assassin du chef de bataillon Rodier."

Les jurés du tribunal militaire, lors du procès Salan en 1962, épouseront-ils cette thèse? Ce n'est pas impossible. Les déclarations embarrassées de certains témoins, la déposition sans ambiguïté d'un haut magistrat militaire, le général Gardon, qui confirme l'intervention de Christian de La Malène, ne seront pas insensibles aux jurés. L'un d'entre eux, le professeur Pasteur Vallery-Radot, précisera au général Salan: "Cela vous a beaucoup servi... " Effectivement, puisque l'accusé bénéficiera de circonstances atténuantes l'éloignant de la peine capitale.

Dans ses Mémoires, Raoul Salan énoncera à nouveau ses convictions: "Le complot du bazooka, point de départ du 13 mai 1958, avait pour origine un groupe politique, derrière lequel se profilait la haute et énigmatique figure du général De gaulle et qui gravitait autour de Michel Debré et de ses amis."

D'après Montagnon, la guerre d'algérie, éditions Pygmalion, 1984, ISBN 2-85-704-171-1

 Watin dit la boiteuse, ingénieur agronome, porté à l'action directe, a enlevé, torturé et assassiné fin 56 Mohamed Chaouche, qu'il accuse de collecter des fonds pour le FLN. Bien que le véritable organisateur de l'attentat gaulliste du bazooka, il est inquiété, mais non convaincu et finalement relaxé. Il organise à partir de sa brasserie d'Alger des attentats au plastic fin 59 et début 60. Soupçonné de contre terrorisme il sera expulsé d'Algérie en décembre 1960, les gaullistes prenant prétexte de son rôle dans les barricades de début 60. A Paris où il est arrivé avec 200 kilogs de plastic, il crée tout seul ses propres réseaux, il couvre les murs du sigle de l'O.A.S. et plastique allègrement d'Avril à Octobre 61. Il est du petit Clamart, de l'école militaire, ne parvient pas à tuer De gaulle. Condamné à mort en mars 63, il est arrêté en Suisse en décembre 63, les suisses refusent son extradition (car il risque la peine de mort) il est extradé au Paraguay où il refait sa vie et y meurt en 1994.

 

 17 janvier 1957:

 Un assassiné à Alger.

A Birkadem, un agent des ponts et chaussés ainsi qu'un préparateur en pharmacie également.

A Aïn Temouchent les terroristes s'attaquent à un groupe de jeunes, ils en blessent trois de 18 et 19 ans.

 

 18 janvier 1957:

 Explosion d'une bombe à bord du paquebot "ville d'Oran" au large d'Alger.

 

 19 janvier 1957:

 Tous les membres d'une famille musulmane (15 personnes) suspecte d'amitiés pro françaises, assassinés avec les amabilités habituelles à Coléa.

Un des nouveaux prefets, nommé dans le cadre de la création des nouveaux départements, Christian Delaballe rend compte de la situation qu'il a trouvé. ICI.

Un autre est victime d'un attentat: " le 19 janvier 1957, dans l'aprés midi,eut lieu l'embuscade contre le Préfet de Tiaret lors du retour de sa visite officielle à la ville de Frenda. C'était au même endroit que l'embuscade montée le 13 décembre 1956 contre les G.M.P.R . Je fus, à cette occasion, responsable de son escorte militaire. Le convoi était formé d'une voiture peugeot 203 occupée de quatre policiers en civil,d'une autre peugeot 203 occupée par le colonel Faure, chef de la subdivision de Tiaret, commandant le 12e RA, de la DS19 occupée du Préfet Jean Faussemagne et de son épouse, de deux jeeps et d'un dodge radio ayant à leurs bords environ 15 militaires. Nous avons tous pu échapper aux tirs des rebelles grâce surtout à la vitesse accélerée de nos véhicules. Toutefois, le dodge radio fut touché, les deux pneus coté gauche crevés. La renault prairie occupée par 4 gendarmes avait emboité le convoi à la sortie de Frenda sans que nous ayons été préalablement avertis. Son chauffeur a été mortellement touché, ainsi qu'un autre passager, un autre fut blessé un autre encore contusionné par l'embardée que fit ce véhicule. Aprés avoir mis le convoi à l'abris des tirs je fis demi tour avec mes jeeps pour aller au secours des gendarmes. Leur véhicule immobilisé fut une cible meurtrière pour les rebelles qui prirent la fuite à l'arrivée des renforts. (reçu par internet, témoignage d'un participant).

 

20 janvier 1957: 

Le tout nouveau préfet de Tiaret, en tournée dans son département, échappe par miracle à une embuscade. Deux gendarmes sont tués, la belle fille de l'un d'eux, m'écrit: "Le préfet s'en est sorti grace à la bravoure de ces 2 hommes et je vous serai reconnaissante si vous pouviez rajouter les noms de ces sacrifiés, dont mon beau pére Charrier,."

Un caporal chef du 2ème bataillon de chasseur alpin, (basé en Kabylie) qui avait pris une permission à Alger où sa mère l'avait rejoint, assassiné de plusieurs balles sous les yeux de sa mère.

 63 FLN arrêtés à paris en en banlieue, remis à la justice.

 

21 janvier 1957:

 La réforme administrative crée 1105 nouvelles communes dans toute l'algérie, essentiellement par découpage des anciennes communes mixtes où l'administrateur colonial et les caïds avaient le pouvoir.

15 communistes internés.

Un musulman assassiné à Alger.

Un agent de police musulman à Orleansville.

Deux marabouts (hommes saints et un peu sorciers) égorgés par les rebelles pour complaisance envers les autorités françaises au douar Les Riras.

Argoud prend la responsabilité du sous secteur Arba/Rivet. Il explique sa doctrine:

Au terme de longs débats intérieurs, je choisis: Je procéderai à des exécutions capitales et publiques.

Quoi que puisse prétendre une intelligentsia occidentale décadente, la peine de mort conserve au xxe siècle comme à toutes les époques, davantage encore peut-être, son pouvoir de dissuasion. Condamner des terroristes à la prison est une plaisanterie, mais une plaisanterie qui coûte cher . D'ailleurs, les lois de la guerre, communément reconnues en Occident, ne prévoient-elles pas l'exécution sans jugement des partisans en civil, pris les armes à la main? L'Algérie n'est pas en guerre, rétorqueront les casuistes. Mais ce n'est là qu'un pur alibi administratif. Je fusillerai les grands coupables. Ma justice sera donc juste. Elle répondra ainsi au premier critère d'une justice chrétienne. J'exposerai leurs cadavres comme le faisait Mustapha Kémal, non pas mû par je ne sais quel sadisme, mais pour accroître la vertu d'exemplarité. En revanche, je laisserai en liberté tous les autres délinquants. J'éviterai ainsi de remplir les centres d'hébergement, qui sont de véritables officines de la rébellion. Les exécutions capitales, dès lors qu'elles concernent des assassins, des incendiaires, des terroristes sans uniforme, ne présentent pas pour moi de problèmes sur le plan spirituel, si elles en offrent sous celui du civisme.

Mais la recherche du renseignement et la torture?

La torture a très mauvaise presse, ne serait-ce que par les odieux souvenirs de la Question sous l'Ancien Régime, de la Gestapo ou la Guépéou. Mais elle est un acte de violence au même titre que la balle du fusil, l'obus, le lance-flamme, la bombe, le napalm ou les gaz. Où commence la torture? au coup de poing? à la menace de représailles? à l'électricité? Elle se distingue des autres procédés en ceci qu'elle n'est pas anonyme. L'obus, la bombe, le gaz sont le plus souvent aveugles. La torture met, face à face, le bourreau et sa victime. Celui-là a au moins le mérite d'opérer à visage découvert.

Le général de Bollardière a passé une partie de sa vie à exterminer son prochain. Je ne lui reproche pas. J'en ai fait autant. Il ne connaîtra jamais l'identité de la plupart de ses victimes. Les aviateurs qui ont détruit Stuttgart, Hambourg, Berlin ou Dresde ne connaîtront jamais les leurs. Est-ce là pour eux un gage de supériorité morale? Certes, dans la torture la victime est désarmée, mais les habitants des villes bombardées ne le sont-ils pas?

Qu'on m'entende bien. Je ne veux en aucune manière faire l'apologie de la torture. La torture, encore une fois, est un acte de guerre, aussi abominable que la guerre, mais pas plus qu'elle. Je prétends simplement que par sa nature même elle peut devenir un acte de justice, dans la mesure où elle frappe des coupables; alors que les autres actes de guerre, sous couleur de légitime défense, ne sont souvent que des gestes de représailles collectives, aveugles et partant immoraux. Je veux ensuite dénoncer les professeurs de vertus, pharisiens ou rêveurs, dont les divagations constituent pour les nations l'invitation la plus directe à s'acheminer vers leur perte.

Finalement, deux critères fixent pour moi les limites à ne pas dépasser:

- la violence ne sera autorisée que lorsque la culpabilité du prévenu aura été démontrée;

- elle devra respecter l'intégrité physique et morale de la personne humaine. Les procédés utilisables seront définis d'une manière précise.

Le général de Bollardière affirme qu'il est impossible de faire respecter des limites dans ce domaine. Là encore, je suis en complet désaccord avec lui. C'est un problème d'autorité. Dans le déchaînement de violence qu'est la guerre, il y a toujours eu des armées qui obéissaient à leurs chefs et respectaient certaines règles, et des hordes qui n'en respectaient aucune.

Les restrictions que je m'impose, je le sais, tombent sous le coup des critiques de Clausewitz. Elles vont me handicaper par rapport à l'adversaire. J'espère compenser ce handicap grâce à la supériorité de mes moyens militaires.

Tel sera en bref le cadre général de mon action. Pendant plus d'un an, pendant lequel j'exercerai le commandement du sous-secteur, j'appliquerai ces méthodes. Je confierai la tâche du recueil des renseignements à des officiers particulièrement sûrs et équilibrés. Je serai le seul à prendre la décision des exécutions capitales.

Copié dans Antoine Argoud, La décadence, l'imposture et la tragédie, Fayard 1974, ISBN 2-213-00148-0

 

 22 janvier 1957:

 Le car Alger- Kolea attaqué à 25 kilomètres d'Alger, 7 morts (dont deux femmes et une jeune fille de 15 ans abondamment violées avant d'être éventrées) 3 blessés laissés pour mort. Les musulmans ont tous été épargnés.

 

 23 janvier 1957:

 Enlèvement à Baraki d'une sage femme.

Attentats à Boufarik, Marechal-foch, Palestro, Meurade, Orleansville, ce jour les terroristes sont maladroits, il n'y a que des blessés.

 Un européen assassiné au pistolet mitrailleur à paris.

 

 24 janvier 1957:

 Exécution sur la guillotine du tueur tortionnaire Bouchalba Rabah.

Un assassiné à Inkerman.

Un autre, à coups de pioche, de 17ans, à Chekfa.

 

 25 janvier 1957:

 Deux gérants de ferme enlevés sur la route Perregaux- Mostaganem. On les retrouvera atrocement mutilés.

Un assassiné à Medea.

Deux autres à Tisman.

 Dans un accrochage en Oranais, 12 morts.

 

26 janvier 1957:

 Le FLN lance un mot d'ordre de grève générale de 8 jours, à compter du lundi 28, sous peine de mort pour les contrevenants.

 Pour mieux appuyer son action, il fait exploser trois bombes de forte puissance dans trois cafés d'Alger, Le Coq Hardi, l'Otomatic et la Cafétaria, trois établissements surtout fréquentés par les étudiants de l'université proche. On relève 5 morts et 60 blessés, dont 22 durent être amputés. Les bombes ont été placées dans les toilettes dame, les mortes étaient toutes aux toilettes quand elles ont explosées. L'enquête révélera qu'elles ont été placées par des jeunes filles Samia Lkhdari, Djemila Bouhired, Zorah Drif, Danièle Mine.

Ce sont les 66éme, 67ème et 68ème attentats à la bombe à Alger en moins de quatre mois, ayant fait en tout 60 morts et deux cent blessés, dont de nombreux amputés des jambes.

 En prime deux grenades dans des boutiques, deux autres à Bab El Oued dans un bar et un poste de la territoriale.

Sept grenades pour montrer que le FLN ne rit pas, dans les rues de la Casbah. Une bombe heureusement détectée et neutralisée à la sortie de la messe rue Dombasle, une autre rue Rochambeau.

 Document diffusé fin 57 par le Gouverneur Général Lacoste, socialiste :

La grève du 28 janvier était donc pour le F.L.N. une épreuve de force de première importance. Des instructions parvenues le 14 janvier de Tunisie ne laissaient aucun doute sur l'importance que le F.L.N. attachait à ce mouvement:

"Notre lutte a atteint son point culminant et notre sort va se jouer à l'O.N.U." Et, au cours d'une réunion tenue le 26 janvier à Alger, les responsables du F.L.N. étaient encore plus précis : "C'est notre dernière carte."

Ce même jour, toutes les radios arabes anti- françaises diffusaient l'appel du Front et de l'Armée de Libération nationale.

"Cette grève montrera d'une façon ferme et décidée l'adhésion totale de tout le peuple algérien au Front de Libération nationale, son unique représentant.

"Elle donnera aussi une autorité incontestable à nos délégués à l'O.N.U. et un poids à leurs arguments. Elle donnera l'occasion à ceux en qui la haine anticolonialiste est demeurée au stade sentimental, de la transformer en action concrète et évidente...tout le peuple algérien doit faire grève. Toutes les villes doivent être des cités mortes."

Et Mourade, chef du F.L.N. de la région de Geryville, signe un tract qui est diffusé à Oran et dans le Sud Oranais: "Pendant huit jours, l'Algérie offrira au monde attentif à nos réactions l'aspect d'un cimetière où rien ne bouge."

 Mais à ces rodomontades qui évoquent la paix des cimetières s'ajoutent des instructions d'un autre ordre. La grève doit être une manifestation passive; l'insurrection, elle, doit être active. Aussi par la bouche, le papier et les ondes, l'Algérie entière est-elle inondée d'appels à la lutte armée. "Votre djihad commence... " , lit-on dans un tract diffusé à Constantine le 17 janvier au matin.

Toute la machine à tuer est prête à se mettre en branle. A Bône, des femmes musulmanes distribuent un tract bilingue incendiaire: "Frères Musulmans! tous les fellagha armés descendront des montagnes renforcer les frères musulmans qui se soulèveront dans les villes et les villages. Tenez-vous prêts: lorsque le mot d'ordre sera donné, vous vous battrez jusqu'au dernier souffle."

On a choisi la langue française pour cet autre factum: "Les hommes de l'Armée de la Libération désignés et chargés de détruire les édifices et les immeubles exécuteront les ordres au moment voulu. Frères musulmans, tous les Partisans appartenant au F.L.N. auront à détruire et à exterminer tous les européens (y compris les enfants)."

Mais la menace ne s'adresse pas seulement aux Européens, elle s'adresse aussi aux Musulmans, à qui, depuis dix ans, les efforts conjugués du Front de Libération nationale, du Mouvement national algérien et du Parti communiste algérien tentaient d'inculquer la notion d'une "discipline nationale" .

(…) Tout cela n'entame aucunement le tranchant du couteau que le F.L.N. aiguise patiemment, méticuleusement, sadiquement pour égorger le vieux coq gaulois comme un vulgaire poulet, sur la tribune des Nations Unies. Et, pour cela, toutes les radios francophobes mettent spontanément à sa disposition leur attirail de perroquets et de vipères, leurs réserves de vinaigre, de vitriol et de venin.

Damas affirme que "par la grève générale, le peuple vaillant de l'Algérie signifiera son congé à la France" .

Rabat fait, le 26 janvier, un large écho aux consignes du F .L.N. et décrit complaisamment le plan de bataille des insurgés. Bagdad jette joyeusement sa poignée de tisons sur le brasier qui s'allume: "Ce courageux peuple a repris la Guerre Sainte. Tunis prête encore une fois son micro à Laroui qui affirme: "C'est là une grève historique, rare dans les annales des peuples."

Sofia, Karachi, Djakarta font donner la grosse artillerie. Quant à la "Voix des Arabes" du Caire, elle s'intéresse à la grève des 300 000 Algériens travaillant en France, grève "qui doit avoir des répercussions sérieuses sur la métallurgie et l'industrie du bâtiment... Depuis quelques jours, une recrudescence d'attentats à la bombe et d'attaques a été enregistrée à Paris de la part de Nord- Africains et l'on pense que la situation la plus sérieuse pourrait être créée dans la capitale française même."

Fin de l'extrait.

  Monsieur Saïd Aïna Ould Laïd, qui malgré les menaces du FLN refusait d'assassiner ses patrons européens, et les a averti d'avoir à fuir est, pour l'exemple, coupé en petits morceaux alors qu'il était encore vivant, devant le douar assemblé, et son corps, délicatement orné de son sexe émergeant gracieusement de sa bouche est exposée en petit tas devant la porte de la ferme. (derniére photo).

 Dix étudiants de l'école d'administration de Seine et Oise expulsés en algérie d'où ils étaient originaires.

 

 27 Janvier 1.957 :

 Le premier prefet de Mostaganem raconte la gréve dans son département. ICI

 

28 janvier 1957:

 Deux bombes à Bab el Oued, nombreux blessés .

 La grève est un échec complet pour le FLN :

Les statistiques militaires décomptent 9.251 actions rebelles contre les personnes civiles en 1956. Elles ont été multipliées par cinq en un an et sont passées d'une moyenne mensuelle de 189 en 1955, à des chiffres mensuels dépassant 800 à partir de mai 1956, pour culminer à 972 en septembre, 1.004 en décembre et 1.492 en janvier 1957.

Dans l'agglomération d'Alger la progression est analogue: moins de 10 attentats en moyenne mensuelle au premier trimestre 1956, 40 en mai, plus de 120 en décembre, ce qui fait justice d'une légende d'après laquelle l'aimable terroriste Yacef Saadi aurait lancé ses tueurs contre les Européens, à partir de juin 1956 seulement, pour venger deux condamnés à mort exécutés à ce moment-là.

En réalité, au congrès de la Soummam, le C.E.E. a cru pouvoir s'installer à Alger et faire converger trois opérations: des attentats voulus meurtriers pour frapper l'opinion, un débat à l'O.N.U, début 1957, et une grève générale insurrectionnelle. Des chefs rebelles n'excluaient pas un succès débouchant sur une insurrection générale.

Alors, d'après Harbi, Abbane et Ben M'Hidi croient l'heure de la victoire proche Ben Khedda sans doute également qui s'est installé comme eux à Alger. Ce sera la débâcle.

Politiquement d'abord, puis militairement par voie de conséquence. Le gouvernement affecte à Alger- ville, sa meilleure division, la 10e D.P. de Massu, lequel reçoit la délégation des pouvoirs du préfet I.G.A.M.E. Barret. Il s'agit d'empêcher le projet F.L.N. C'est donc une question de vie ou de mort pour l'Algérie et pour la France en Algérie.

 Janvier- février 1957, la débâcle politique du F.L.N.:  Le 27 janvier au matin, la grève est totale. Elle n 'est déjà plus totale l'après-midi. Sans doute quelques magasins ont-ils été rouverts manu militari, ce qui a suffi pour affranchir les commerçant de la pression du F.L.N. De même pour les ouvriers qui, dès le premier après-midi, reprennent le chemin du travail par milliers. Sans doute a-t-il fallu bousculer quelques règles habituelles, faire irruption dans les premières maisons et pousser quelques hommes dehors; les autres ont suivi et ne devaient pas être des grévistes fanatiques: ils ne se dispersent pas vers leurs lignes de transport et leurs ateliers, chacun un pistolet-mitrailleur dans le dos. En deux jours, la grève est totalement brisée et pour le F.L.N., la bataille perdue.

La défaite sociale immédiate va être prolongée par la défaite scolaire et la défaite diplomatique. Le F.L.N. avait interdit l'école aux enfants. Au début de la grève, la fréquentation scolaire était tombée à zéro; Le 28 février les écoles reçoivent trente mille enfants sur trente-cinq mille; les écoles d'Alger n'en avaient jamais reçu autant. Enfin, l'O.N.U. n'est pas au rendez-vous. Son ordre du jour encombré n'a laissé place à l'affaire algérienne que la grève brisée depuis deux semaines; et l'Assemblée générale se borne au voeu pieux d'une solution "pacifique, démocratique et juste".

Les chefs F.L.N. tirent les conséquences de leur défaite politique et abandonnent Alger, anticipant sur leur défaite militaire. Abbane se dirige vers une mort prochaine: il sera liquidé par ses pairs un an après; Krim ne sera assassiné qu'après l'indépendance. Ben M'Hidi est arrêté et se fait suicider. Mais Ben Khedda recevra l'Algérie des mains du gouvernement français.

 Copié sur l'excellent Kayanakis, algérie 1960, une victoire trahie, Editions Atlantis, ISBN 3-932711-16-5

A l'arba petit village au sud d'alger, Argoud raconte:

Le 28 janvier, la grève générale, soeur jumelle de celle qui vient d'éclater à Alger, débute à l'Arba. Je suis prévenu depuis plusieurs jours, et j'ai mis les commerçants de l'Arba en garde contre une fermeture éventuelle. On m'annonce à 8 heures 30 que tous les magasins de la ville, européens et musulmans, ont leurs rideaux baissés. C'est l'épreuve de force. Céder, il n'en est pas question. Requérir la gendarmerie et faire ouvrir les magasins les uns après les autres m'apparaît dérisoire. C'est le moment où jamais d'appliquer les méthodes de Mustapha Kemal. Je me rends personnellement au village. Les rues sont désertes. Je fais avancer une automitrailleuse. Je la fais poster face à un magasin de radio, tenu par un musulman. La rue a quinze mètres de large. La bouche de canon de 75 est à dix mètres de la devanture.

Je fais effectuer les sommations. Pendant que se déroulent ces opérations, je puis voir, derrière des angles de maison, apparaître des visages. La curiosité l'emporte sur la crainte. Je donne l'ordre d'ouvrir le feu. Trois obus trouent la devanture du magasin. Quelques minutes plus tard, le propriétaire arrive en courant. Il m'assure de ses bons sentiments. "Tu es mon père, tu es ma mère." Une demi-heure après tous les magasins de l'Arba sont ouverts. Je leur ai fourni un excellent alibi. La grève est brisée, sans effusion de sang. La seule victime (sur le plan matériel) me témoignera une fidélité sans faille.

Le lendemain 29 janvier, j'apprends qu'à Rivet, village situé à sept kilomètres à l'est de l'Arba, quelques magasins sont clos. Je m'y rends et je recommence l'opération, cette fois au détriment d'une boutique de primeurs. Même scénario. Cette fois, j'ai beaucoup de mal à faire écarter les curieux, qui ne me témoignent aucune hostilité. J'en profite pour leur faire une courte déclaration, dans laquelle j'invoque la malédiction d'Allah contre ceux qui me résisteraient. Incident tragi-comique : après le tir du deuxième projectile, l'un de mes adjudants, qui est assis dans une jeep auprès de moi, me dit à voix basse. "Mon colonel, j'ai reçu un éclat dans la cuisse." Personne ne s'en est aperçu. Je frémis en pensant à ce qui serait arrivé, si c'est moi qui avait été blessé, et visiblement.

Ces deux mesures s'avérèrent les plus efficaces des actions psychologiques.

Par contre, en métropole, la grève est bien suivie, on note des bagarres et des incidents à Paris, Marseille et dans le Nord .

 

 29 Janvier 1.957 :

 Six personnes sont arrêtées à la suite de l'enquête sur l'attentat contre le général Salan, parmi eux Ortiz qui fait ses débuts dans la gloire médiatique.

 

 30 Janvier 1.957 :

 Texte du Gouvernement Général, dirigé par le socialiste Lacoste:

 Déjà, nombreux dès le deuxième jour sont les Musulmans qui ne cachent pas leur désir de reprendre le travail et, dès le lendemain, les camions militaires trouvent leurs "passagers" rasés et habillés dès le matin, prêts à se rendre au travail. Les premiers volontaires commencent à se présenter au centre d'embauche du port. Cependant, quelques grévistes qui s'étaient risqués le matin à reparaître au travail, s'abstiennent de venir l'après-midi.

A l'extérieur, la campagne d'excitation bat son plein et les commentateurs des postes de radio dévoués au F.L.N. n'ont pas assez d'hyperboles pour saluer cette grève "gigantesque" : "Ils sont restés bouche bée, ahuris par le succès de la grève générale et totale... Poursuis donc la grève, ô peuple glorieux... le monde entier observe avec admiration et respect ta grève de solidarité et de protestation." "Le peuple algérien s'est élancé pour jeter à la mer les souillures des agresseurs et des exploiteurs et purifier son sol et ses terres des tyrans français, ces résidus de l'humanité, sans honneur et sans dignité."

"Nous demeurons attachés à ces principes, même si le sol du pays doit être entièrement jonché de cadavres" , dit un autre radioteur qui n'a rien de plus à redouter pour sa précieuse vie que le Père Okba qui parle devant un micro marocain et peut, en toute quiétude, aller jusqu'à la provocation, dans le plus pur style héroïque.

"O avions, faites pleuvoir sur nos têtes, nos villes et villages, ce que vous voulez, comme bombes et détruisez ce que vous voulez comme villes, villages et douars! Nous vous promettons de ne pas nous cacher, bien au contraire. Nous nous rassemblerons, hommes, femmes, enfants et vieillards pour vous faire face, sans peur aucune."

Il y a gros à parier que les habitants de la Casbah ne partageaient pas tout à fait le point de vue du Père Okba.

"Même les enfants abandonnés, dit Laroui, à Tunis, prennent part à la lutte."

Enfin, la délégation extérieure du F.L.N. éprouve le besoin de crier victoire et de féliciter le peuple algérien: "Ton comportement, pendant la première journée de la grève générale, a soulevé l'enthousiasme du monde entier."

Cependant, incapables d'exercer leurs talents en ville, les tueurs du F.L.N. visitent la campagne. Le 29 janvier, à 3 kilomètres de Boghni, un Musulman est découvert pendu avec, sur son cadavre, un papier épinglé: "Traître à la soeur Patrie" .Un ouvrier agricole au travail est blessé de deux coups de feu dans la vigne où il était. Un autre Musulman est enlevé à Duperré parce qu'il avait ouvert son magasin. La liste des réfractaires capturés est interminable. La plupart seront d'ailleurs retrouvés égorgés.

Pourtant, la reprise du travail amorcée dès le deuxième jour va chaque jour croissant. Elle se manifeste d'abord dans l'arrondissement de Blida."

 Fin de l'extrait du document émis par la G.G.

 

31 Janvier 1.957 :

Le commandant Hélie Denoix de Saint Marc écrit:

Nous avons été envoyés à Alger à la fin du mois de janvier 1957. La tension était palpable au moindre coin de rue. Chaque jour, les morts se comptaient par dizaines, les blessés par centaines. Quand on entendait l'explosion d'une bombe, puis le hurlement des sirènes, chacun se demandait si un ami ou un parent n'était pas parmi les victimes. Le moindre retard d'un enfant suscitait des mouvements de panique. Les manchettes des journaux rivalisaient de titres sur cinq colonnes. La Casbah pouvait être grouillante de monde puis, dans la minute, devenir secrète. Personne ne s'y risquait plus seul.

Nous vivions dans une atmosphère exacerbée par le danger. Entre deux hécatombes, Alger explosait de vie. La fureur des attentats décuplait la fièvre amoureuse et sensuelle. A l'approche du printemps, les plages étaient bondées. La musique montait, le soir, des balcons ouverts sur le port. Parce que chacun pouvait mourir le lendemain, les Algérois profitaient de la vie sans mesure. La mer semblait plus pure encore que le ciel. Etrangement, l'insouciance se mêlait à la peur. Les projets les plus fous naissaient dans l'effervescence. La jeunesse algéroise, même pendant les heures terribles de la bataille d'Alger, s'enivrait dans des fêtes débridées, de plages en surboums - comme on disait alors -, qui me laissaient songeur. Confronté aux réalités de la guerre, je trouvais qu'elle n'assumait pas ses responsabilités, alors que les menaces s'amoncelaient chaque jour davantage autour de son bonheur. Mais ils avaient vingt ans. Leurs corps étaient parfumés d'absinthe et de roses blanches. Aucune jeunesse, je crois, n'aurait résisté à cette ivresse du soleil et de la mer.

"Toute une vie" ISBN 2 912485 77 0

Le chiffre des exactions rebelles contre des personnes civiles atteint son maximum en janvier 57, 1492. Elles étaient de 189 en moyenne 55, sont passées à 800 à partir de mai 56, puis 972 en septembre, 1004 en novembre. Il faudra attendre la kermesse sanglante de l'indépendance pour retrouver des chiffres analogues (sans doute bien supérieurs, mais les statistiques manquent). Bien entendu il s'agit pour l'essentiel de civils musulmans.