Fevrier 1956

 

 

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1 Février 1956 :

 Depuis le premier novembre 1.954, le FLN a assassiné 4500 musulmans "collaborateurs" ou ennemis politiques en particulier du MNA, et enlevés 2500 autres.

 

2 Février 1956 :

 Le comité de liaison des anciens combattants publie un communiqué s'élevant contrer la nomination de Catroux comme gouverneur général de l'algérie.

Jacques Soustelle s'embarque, la foule en délire essaye de l'en empêcher, les gens se jettent sous les roues de sa voiture, il faut que l'armée le mette sur un char pour lui permettre de gagner le port.

Soustelle n'oubliera jamais cette manifestation, il aura toujours le sentiments de parler au nom des français (quelque soit leur religion) d'algérie.

Laissons Soustelle lui-même décrire cette scène, qui fut sans conteste le plus grand moment de sa vie:

Début de cotation :" A partir de 11 heures, pendant que s'achevaient les préparatifs, que le personnel du palais, en larmes, se massait à la porte... plusieurs coups de téléphone m'avaient averti qu'une foule déjà nombreuse convergeait vers la rue Michelet et vers le port... " Dès que la voiture dans laquelle j'avais pris place aux côtés du secrétaire général Maurice Cuttoli eut franchi ces grilles qu'un certain 13 mai rendra fameuses, " la densité de la foule massée le long des trottoirs augmentait à chaque minute: ménagères portant leurs filets à provision, mauresques voilées applaudissant, hommes et femmes de toute origine, mais surtout les humbles, le petit peuple d'Alger. " Ne partez pas! Au revoir! Revenez! " criait-on de toutes parts... Lorsque la voiture où flottait mon fanion à croix de Lorraine déboucha à la vue des Algérois massés sur le port, une clameur immense s'éleva, couvrant le rugissement du vent et de la mer ".

fin de cotation

Un triomphe à l'algéroise. Avec la chaleur, la frénésie, la démesure de ces pieds-noirs qui voient partir le seul homme politique francaoui ,auquel ils font désormais confiance. "On crie: Mendés dans l' Aurès, Mendés au poteau, Catroux à la mer! À mardi ", mardi 6 février, jour de la venue de Guy Mollet, qui doit "installer" Catroux.

Les dernières minutes sur le port d'Alger sont absolument folles : on se jette sous les roues de la voiture pour l'empêcher d'avancer. Soustelle manque littéralement d'être étouffé par ses admirateurs. Ses aides de camp, le général Lorillot en personne, le képi de travers, s'efforcent de le protéger. Honneur suprême pour ce civil dans l'âme : c'est à bord d'une automitrailleuse conduite par des soldats casqués qu'il franchit les derniers mètres qui mènent à la coupée de l'El Djezaïr: Ses derniers mots ne sont plus ceux d'un haut fonctionnaire, mais bien d'un chef politique, donnant des instructions à ses partisans: "Si vous voulez, m'écriais-je, que je continue à défendre l'Algérie Française (oui, oui !) alors, laissez-moi partir (non, non !) Je m'arrêtai, aphone. La clameur dépassait l'imagination. Cent mille voix martelaient la Marseillaise, puis scandaient: "Ne partez pas! Ne partez pas!"

Un homme froid ? Un coeur sec ? Un calculateur Soustelle? Sûrement pas le jour où cet éternel malaimé vit un triomphe comparable, peut-être, dans son esprit, à celui qu'avait connu le général de Gaulle le 25 août 1944 sur les Champs-Elysées. Et, pourtant, le cauchemar ne fait que commencer. Les pieds-noirs sont certains, en voyant partir "leur" gouverneur, que les politiciens de Paris, -à commencer par ce Guy Mollet attendu quatre jours plus tard- s'apprêtent à les "trahir" , à "les livrer au FLN". Mais tandis que l'El Djezaïr sort lentement du port, que s'estompe l'horizon familier des collines et des maisons blanches, Soustelle se jure bien de tout mettre en oeuvre pour stopper cet engrenage fatal. Compte-t-il alors, pour ce faire, sur le général de Gaulle ? Ou plutôt sur le poids politique qu'il vient personnellement d'acquérir ?

 Fidèle à son attitude résolument sectaire le journal l'Express, pris à revers car il aimait Soustelle, vaillant libéral et il haissant les pieds noirs, fachistes de naissance, écrit : "Jacques Soustelle a dû traverser Alger sur un char d'assaut pour fuir une ville ameutée contre lui."

Cet exemple d'honnêteté intellectuelle sert de modèle dans les écoles de journalistes de langue française.

 

3 Février 1956 :

Rien.

 

 4 Février 1956 :

Rien.

 

5 Février 1956 :

A Oran manifestation de musulmans pro F.L.N., elle dégénère en pillage, 7 bijouteries israélites sont mises à sac ainsi que 20 autres commerces dont deux cafés vidés de leur anisette, 15 voitures, deux autobus sont renversés et brûlés. Les forces de l'ordre sont lentes à intervenir, il y a bagarres, les manifestants ont un tué et deux blessés, les forces de l'ordre 6 blessés, 13 arrestations.

A Aïn Farroun, le receveur des PTT tué par un terroriste.

 

6 Février 1956 :

Mollet malgré tous les avertissements (mais sans doute Catroux avait cru désamorcer les oppositions et lui avait demandé de venir) a tenu à venir à Alger, il est accueilli par une atmosphère d'émeute, lors du dépôt d'une gerbe au monument au mort, les tomates pas toutes mûres volent, les C.R.S. chargent, 14 blessés.

La nomination du général Catroux avait soulevé une protestation unanime, depuis ceux que l'on appelait les activistes jusqu'aux libéraux comme Jacques Chevalier.

Il avait été gouverneur général de l'Algérie en 1944, mais le fait d'avoir négocié à Antsirabé le retour de Mohammed V lui avait aliéné beaucoup de sympathies. On ne peut dire que sa nomination n'ait pas passionné l'opinion. Guy Mollet s'en apercevra lorsqu'il atterrira à Maison - Blanche. Cependant, le général Catroux s'était efforcé de dissiper les inquiétudes des Européens. Il déclarait que le plan que se propose d'appliquer le gouvernement tiendrait compte du caractère spécifique du pays avec ses deux communautés. Et de plus, qu'il n'existe aucune base historique à la reconnaissance d'un Etat algérien. Il ne pouvait en outre "être question de laisser porter atteinte aux liens qui unissent l'Algérie à la métropole". Si le gouvernement entend faire droit aux revendications de la Communauté musulmane,"il ne veut, en aucun cas, transformer le pays en un Etat national fatalement promis à l'indépendance."

Le général Catroux qui avait aussi déclaré : "Ce ne sont pas des menaces qui me feront fléchir. Si je dois mourir dans une émeute, je suis prêt à mourir" et qui affirmait "marcher au son du canon", donna, avec beaucoup d'honnêteté intellectuelle, sa démission lorsqu'il se rendit compte de l'hostilité qu'il rencontrerait et des incidents sanglants que son arrivée à Alger allait déclencher .

D'après Jouhaud, Ô mon pays perdu, Fayard, 1969.

 Les émeutes du 6 Février (comme d'ailleurs le départ triomphal de Soustelle) avaient été organisées par le Comité Républicain d'Action Universitaire, dont un des leaders était jacques Lambert. Ce dernier après la dissolution du CRAU prit la tête du Front National pour l'Intégration et la Fraternité, en 1959, fut élu maire d'Alger Centre, et fut mis en camp de concentration en 1960, suspect d'activisme. Un autre groupe, celui-là gaulliste, mené par Biaggi et à Alger par Ribaud y participe. Biaggi et Ribaud rejoindront Bidault et le FN. Les autres organisateurs de cette conduite de Grenoble furent Mario Faivre et André Achiary.

 

7 Février 1956 :

Rien.

 

8 Février 1956 :

Manifestation contre le gouvernement Mollet à Constantine.

 

9 Février 1956 :

 Mollet nomme Robert Lacoste, socialiste bon teint, Ministre résidant en algérie.

 

10 Février 1956 :

Guy Mollet revient à Alger avec Lacoste, sans soulever d'émotions particulières, il va ensuite dans le Constantinois pour examiner la situation.

Pendant son séjour, plusieurs accrochages permettent deux fells tués et 5 prisonniers.

Hocini, chef de la Zaouia Rhamania, assassiné. A cette période (55/56) de très nombreux chefs religieux musulmans traditionnels, surtout de familles maraboutiques ou des chefs de Zaouïa ont été assassinés pour cause de "collaboration". Les religieux étaient payés par le gouvernement, tradition héritée des turcs.

 

11 Février 1956 :

Lors de la déclaration de politique générale, Mollet affirme : "le gouvernement lutera pour que la France reste en algérie, et elle y restera. A tous les européens nous devons rendre confiance en garantissant la sécurité."

 

12 Février 1956 :

Rien.

 

13 Février 1956 :

Rien.

 

14 Février 1956 :

Rien.

 

15 Février 1956 :

Rien.

 

16 Février 1956 :

Rien

 

17 Février 1956 :

Rien

 

18 Février 1956 :

Rien

 

19 Février 1956 :

Rien

 

20 Février 1956 :

Bouzid, marabout, assassiné dans les Aurès Nementcha.

 

Le 50e BTA était composé de rappelés originaires des arrondissements de Relizane, Mostaganem et Oran. Nous avons été maintenus sous les drapeaux (j'étais du nombre) du 27 octobre 1955 au 1er avril 1956. Après une période d'instruction à Tiaret et de nomadisation à Dominique-Luciani et ses environs, le bataillon a été réparti: une compagnie à Sebabna, une deuxième (la mienne) à Bab El Assa, une troisième à Port-Say, le long de la frontière marocaine. Deux de mes amis, Jules Hernandez, camarade du Plateau St Michel, boulevard Hippolyte Giraud et le sous lieutenant Pierre Picard camarade de l'école Montplaisant d'Oran se retrouvèrent incorporés dans un régiment de tirailleurs avec d'autres au lieu-dit Sebabna (région de Tlemcen)

Sebabna, voici un témoignage de rescapé de ce massacre: il se trouve que, rappelé en 1955 en Algérie, je me trouvais avec une section du 50e BTA à Marnia lors de cet événement. Ma section mise en alerte le matin très tôt (c'était au mois de février et il neigeait) est partie pour Sebabna à une quarantaine de kilomètres au nord de Marnia. Nous sommes restés en relève à Sebabna pendant une semaine. Ce poste était une grave erreur de stratégie, se trouvant en pleine montagne de l'Atlas et dépendant d'une piste en mauvais état. J'y étais passé quelques jours avant et avais constaté qu'il n'y avait même pas de barbelés autour du camp. De plus à l'époque les rappelés étaient mélangés avec des musulmans à peu près dans la proportion de 50/50. Le massacre a été provoqué par un sergent musulman (je pense me souvenir qu'il s'appelait Mahiedine) qui avait pris contact avec les rebelles du coin. Le soir de l'attaque il avait tué le commandant de compagnie d'une rafale de mitraillette, ce qui avait déclenché en pleine nuit l'assaut des rebelles qui ont surpris la garde et les soldats endormis. Cette attaque a coûté la vie à une trentaine de soldats et autant de blessés. Tous les musulmans ont déserté, contraints ou complices. L'un des militaires a pu se glisser dans la cheminée d'une pièce et a échappé aux rebelles. Je l'ai connu et par rapport à sa taille je me suis toujours demandé comment il avait fait. Le sergent a été tué plus tard par la Légion, quant aux déserteurs je crois qu'ils se sont tous rendus peu après. Sebabna était un douar de quelques maisons en dur. Le camp militaire occupait d'anciens petits appartements en rez-de-chaussée qui avaient servi de logements aux employés d'une société minière dans les années 1930.

La nouvelle aussitôt connue à Oran souleva l'indignation à cause de la traîtrise des exécutants et l'émotion par le nombre de familles touchées par le deuil ou la blessure de l'un de leurs membres. Les victimes de cette traîtrise fomentée par des éléments intérieurs à la compagnie furent remises aux familles à l'exception des quatre jeunes oranais qui eurent droit le 20 février 1956 à des obsèques officielles en présence des autorités civiles et militaires. Les bières recouvertes d'un linceul tricolore avaient été déposées dans une chapelle ardente au Cercle militaire. Un piquet d'honneur présentait les armes lorsque chaque cercueil fut placé sur un véhicule militaire. Le trajet jusqu'à la place Jeanne-d'Arc se fit devant une marée humaine qui avait envahi les trottoirs. Place Jeanne-d'Arc le cortège du soldat Sebban poursuit son chemin vers le cimetière israélite tandis que les trois autres véhicules bifurquent vers la cathédrale où une messe spéciale à l'italienne (face au public) sera célébrée par un capitaine aumônier en présence de Mgr Lacaste. La messe terminée le cortège se dirige vers le cimetière Tamashouet accompagné d'une foule nombreuse, stoïque sous la pluie ... Le cortège fera halte devant le cimetière israélite où, en présence des autorités, le Grand Rabbin Esquinazi prononcera une émouvante allocution.

A l'issue des obsèques un tract provocateur de la CGT et de l'UGTA mit le feu aux poudres: "Les colonialistes de tout poil, les partisans de la. guerre à outrance en Algérie, versent aujourd'hui des larmes de crocodile à l'occasion de la mort de jeunes soldats oranais. Ils veulent se servir de la vraie douleur des honnêtes gens pour amener ceux-ci dans la voie du fascisme et de la dictature. Mais ne vous laissez pas tromper, etc. Seule la solution négociée est capable d'arrêter l'effusion de sang et de ramener les soldats dans leur foyer".

Les mêmes personnes, qui auparavant avaient accompagné dans le recueillement les victimes, s'érigent en cortège et veulent se rendre à la préfecture pour manifester contre la faiblesse des autorités face à ces provocateurs. Des heurts violents avec les CRS qui font usage de grenades lacrymogénes se sont produits devant l'hôtel Martinez, boulevard Lescure et dans le haut du boulevard Clemenceau. C'est la première manifestation de masse des Oranais. Elle est dirigée contre les autorités. Elle opposera les CRS avec grenades lacrymogènes aux manifestants, jets de pierre et objets divers, y compris des drapeaux lancés des fenêtres. La presse métropolitaine accordera plus d'importance au drame de Palestro qu'à celui de Sebabna. Et pourtant il s'agissait de Français dans les deux cas, sauf qu'à Sebabna ils étaient Pieds-Noirs.

Le drame de Sebabna marquera la fin des bataillons de protection, constitués à 50% de pieds noirs et à 50% de musulmans. Nous avons été envoyés "au cassee pipe" en 1955-1956; si grâce à notre matériel nous étions maîtres le jour, les fellaghas faisaient ce qu'ils voulaient la nuit. La seule embuscade montée de nuit par une section de notre bataillon est tombée elle-même dans une (contre) embuscade et le chef de section le lieutenant Roussel grièvement blessé est décédé quelques semaines plus tard. Il était oranais. J'ai été démobilisé comme les autres, fin 1956..

Repris de divers témoignages sur l'algerianiste

 

21 Février 1956 :

Lacoste, dans son premier discours à l'assemblée nationale, préconise l'industrialisation de l'algérie afin de lutter contre la misère, et par là contre le terrorisme.

Sitôt en Algérie, le ministre résidant se rendit le 21 février 1956 devant l'Assemblée algérienne pour présenter les grandes lignes de l'action qu'il entendait mener. L'essentiel de ce discours portait sur les "problèmes que pose la misère d'une grande partie de la population" et les efforts qu'il convenait de mener en faveur de "la promotion économique et sociale d'une grande partie de la population". La politique de R. Lacoste visait un objectif, réduire le sous-emploi en Algérie. Elle s'organisait autour de trois axes: faciliter l'émigration vers la métropole, mettre en place une véritable réforme agraire, promouvoir l'industrialisation du pays. Elle s'appuyait sur les conclusions du rapport du Groupe d'étude des relations financières entre l'Algérie et la métropole, créé à l'initiative de F. Mitterrand en octobre 1954, et qui avait été chargé d'étudier les moyens de rationaliser, de coordonner et d'intensifier l'aide financière de la France à la colonie. Présidé par le conseiller d'État Roland Maspétiol, ce groupe d'experts était composé de Roger Goetze, directeur du Budget, Pierre-Paul Schweitzer, directeur du Trésor, M. Simoneau, directeur des Affaires d'Algérie au ministère de l'Intérieur, Henri Urbani, secrétaire général-adjoint du GGA pour les Affaires économiques, de CI. Tixier et de H. Yrissou, inspecteur général de l'Economie nationale. Après avoir tenu six séances, entre le 18 novembre 1954 et le 27 juin 1955, le groupe remit son rapport. Débordant le cahier des charges qui lui avait été fixé, il avait formulé une série d'hypothèses de croissance économique permettant à la colonie de combler progressivement son retard par rapport à la métropole. Compte tenu de l'accroissement démographique algérien (2,5% par an) et d'une hausse prévisible du niveau de vie annuel en métropole de 3%, la réduction des écarts entre les deux pays supposait une croissance supérieure à 5,5 % par an de la richesse algérienne. Parmi les différentes hypothèses, le groupe retenait une croissance annuelle de 6,3%. Les ressources nécessaires pour atteindre cet objectif proviendraient d'une augmentation de la pression fiscale en Algérie d'un point par an pendant cinq ans et d'un concours du Trésor public, progressant chaque année pendant six ans de 15 milliards de francs, pour se stabiliser à 150 milliards de francs en 1962. Le rapport concluait en rappelant toutefois: "la réalisation du développement économique, tenue pour possible et souhaitable, ne résultera pas seulement de mesures financières. Celles-ci sont nécessaires; elles ne sauraient porter leur fruit que dans un faisceau d'actions économiques et techniques convergentes" que la commission n'avait pas étudié. À la fin de l'année 1955, un groupe de travail se constitua au sein du Gouvernement général en Algérie, hors de toute mission officielle, autour de Salah Bouakouir, directeur des Affaires économiques, et de CI. Tixier. Ce comité prolongea la réflexion amorcée par la commission Maspétiol, à laquelle certains de ses membres avaient participé, notamment CI. Tixier et Michel Piquard. Il s'attacha à définir "ce faisceau d'actions économiques et techniques convergentes" que le Rapport Maspétiol jugeait indispensable au développement de l'Algérie. Dès son arrivée à Alger, R. Lacoste chargea ce groupe de dégager les grandes lignes d'un plan décennal de développement économique et social. Ces Perspectives décennales 3 constituent, selon S. Bouakouir "le développement détaillé de l'hypothèse B arrêtée par la commission Maspétiol".

Deux objectifs principaux étaient retenus: "le premier est l'amélioration de l'emploi et du niveau de vie pour les habitants de l'Algérie". Le second proposait "la mise en valeur des ressources naturelles au profit de la zone franc". Pour parvenir à ce but, l'appui de la métropole est jugé indispensable et les Perspectives décennales inscrivent le développement algérien dans "le maintien de liaisons étroites entre l'économie sous-développée de l'Algérie et celle de la France, l'une des plus puissantes d'Europe qui apportera l'aide sans laquelle le développement prévu n'aurait pu être envisagé. Il n'a donc pas été nécessaire de rechercher à établir une économie algérienne qui se suffise à elle-même à l'issue de la période de dix ans envisagée, soit dans un délai relativement court. [ ... ] Un équilibre rigoureux n'aurait pu être obtenu en fin de période qu'avec un niveau de revenus privés très inférieur à celui qui a pu être prévu, donc en sacrifiant un objectif qui est apparu primordial". Ainsi, au moment même où les fonctionnaires de la rue de Rivoli s'émeuvent de la charge croissante que l'équipement des territoires d'outre-mer fait peser sur les finances métropolitaines, c'est une aide accrue de la France à ses départements nord africains que la situation politique en Algérie impose.

Daniel Lefeuvre Chère Algérie, ISBN2-08-210501-6

Près d'el milia, une embuscade particulièrement meurtrière coûte la vie à 21 soldats du 51ème R.I.

 

22 Février 1956 :

Rien

 

23 Février 1956 :

Dans les derniers 24 heures, on déplore 106 morts, dont la moitié au combat et la moitié de musulmans suppliciés pour non enthousiasme à l'égard du FLN. Ce dernier a entrepris la conquête de la population, par la terreur quand la persuasion ne suffit pas, ce qui est le cas général.

 

24 Février 1956 :

Le F.L.N. crée, le plus légalement du monde, l'Union Générale des Travailleurs Algériens (U.G.T.A.) sous l'égide du communiste Aïssat Idir, en compétition avec l'U.S.T.A. (Union des Syndicats des travailleurs Algériens) qui dépend, elle du M.N.A.

La lutte entre les deux centrales sera aussi les armes à la main, les principaux cadres messalistes seront assassinés en 58.

On estime à 4000 tués et 9000 blessés le décompte de ces oppositions.

Un membre du bureau politique du MNA, Ahmed Nesba, ensuite rallié au F.L.N., ensuite assassiné par ses anciens amis écrira "ce qui m'arrive est terrible, je passe le temps de la guerre à lutter contre des algériens."

 

25 Février 1956 :

Sur la route entre Tablat et Sakamody, un autocar Satac qui effectue le service quotidien avec Bou Saada est arrêté par un fort parti de rebelles. Ils font descendre les passagers, assassinent un sous officier musulman qui en faisait partie, fouillent les voyageurs, les obligent à basculer le car dans le ravin et les laissent partir à pied, sans argent. Une aronde Simca où se trouvait cinq personnes, des touristes venus de Bretagne est ensuite arrétée. Le mari garrotté a pu voir sa femme, sa belle-mère et sa petite fille de sept ans abondamment violées puis éventrées. (photo de la gamine, le bas ventre couvert de sang ici). Il est à son tour émasculé et égorgé. La 403 qui suit, occupée par un architecte pied noir et son employé musulman est également arrêtée et les deux hommes égorgés.

Enfin un camion est à son tour arrêté, un artisan maçon avec quatre ouvriers musulmans, les ouvriers demandent sa grâce, "c'est un bon patron", les fells (commandés par un adjudant déserteur aujourd'hui glorifié comme un héros de la révolution) lui tire une balle dans la tête en commentant que c'est une grâce de pas être égorgé.

 

26 février 1956 :

Mezianne Larbi, agha du douar Ouzellaghen, qui a refusé de démissionner comme le lui demandait le FLN est enlevé avec ses deux fils et le facteur, qui lui non plus n'avait pas voulu démissionner.

Le 28, on retrouve sur la route les quatre têtes, soigneusement posées sur la carte d'identité de chacun, les corps n'ont jamais été retrouvés. Photo extrêmement pittoresque des quatre têtes.

Ferhat Abbas est convoqué chez le juge d'instruction. il est entendu au sujet d'un rapport d'activité trouvé le 21 Juin 1955 dans lequel il est indiqué qu'il livrera des médicaments à la rébellion et qu'il fera soigner ses blessés.

Ce rapport avait été diffusé dans "aspect de la france" la revue d'action française, en juillet 55.

Et entendu aussi au sujet des déclarations d'un Amara, en décembre 55, qui affirme avoir eu des entretiens avec Abbas et son beau-frère le docteur Francis sur la meilleure façon de coordonner l'action souterraine du F.L.N. avec l'action politique de l'UDMA. Abbas nie toute véracité au rapport comme au témoignage, et le 28 gagne le Caire avec son beau-frère.

Comme le ralliement de Abbas est jugé suspect par les durs du F.L.N., Michelet, ce grand ministre français, ce saint laïc, adressera en 1959 copie du dossier d'instruction au Caire, pour bien prouver qu'Abbas a eu raison de gagner l'étranger.

 

27 février 1.956 :

A l'arba une bande de F.L.N. fait un exemple en torturant à mort un musulman partisan de la France. On lui coupe d'abord le nez, puis dès qu'il reprend connaissance les lèvres, puis les paupières (tache minutieuse). Quand le malheureux s'évanouit à bout de sang il est enfin misericordieusement égorgé.

Tout le monde à l'arba a bien compris que le FLN ne plaisante pas. Photo disponible.

Route barrée, deux automobilistes assassinés.

  La lettre ci-dessous, d'Albert Camus à André Rosfelder, qui est reproduite pages 17 à 20 du bulletin de l'association "les amis de Raoul Salan", numéro 29, deuxième trimestre 2011, , est écrite le 27 février 1956, un peu plus d'un mois après la réunion sur la "trêve civile".

Cher Rosfelder

Je m'en veux de n'avoir pas répondu plus tôt à votre lettre. Je voulais vous écrire aussitôt rentré pour vous remercier de votre amitié active là-bas pendant ces jours d'Alger. Et puis l'accablement où je me trouvais devant ce que je prévoyais, et qui se réalise point par point, m'a ôté toute autre énergie que celle de me jeter dans mon travail personnel, pour oublier mon impuissance. J'ai quitté "L'Express" , presque aussitôt, pour deux raisons, apparemment contradictoires, mais qui définissent ma position: l'adhésion de Mauriac à France - URSS et l'exhibition de Mollel à Alger. (C'était une erreur de nommer Catroux mais ajouter une démission à une faute achevait de déconsidérer ce qui restait d'autorité à la France.)

Je comprends le désarroi de vos amis. Et vous pourrez leur dire que je ne leur en veux pas une seule seconde de leur manifestation à mon égard. Mais cela doit les faire réfléchir. La situation actuelle, les ignobles massacres de civils et d'enfants par les terroristes donnent des arguments valables à la faction "dure" des Français d'Algérie. Mais il faut bien dire que l'aveuglement et la bêtise trentenaires de la même faction dure ont créé de toute pièce cette situation. La démission de la métropole est un fait, à bien des égards. Mais cette faction a contribué à saper l'autorité de la métropole en imposant sans relâche sa volonté, en s'opposant sans trêve à des réformes timides, qui auraient été conformes à l'intérêt national.

Aujourd'hui, le cœur me manque de voir l'Algérie livrée en même temps aux Sérigny et à ces hommes de "gauche" qui applaudissaient, il y a quelques jours à la Mutualité, le drapeau fellagha.

Il y a en ce moment en moi quelqu'un qui meurt de honte. Si je croyais une action possible, même la plus folle, je la tenterais. Mais nous dévalons vers l'abîme, nous y sommes déjà. L'opinion française, par une évolution que j'ai essayé de faire prévoir aux Arabes de bonne et de moins mauvaise volonté, et qui me vaut, je suppose, leur méfiance, admet peu à peu l'idée de la guerre. Et ce n'est pas l'affaire de Sakamody qui freinera cette marche. Il faudrait maintenant un miracle pour empêcher le pire.

Le programme de vos amis est valable en gros. Il est, à l'heure actuelle, strictement inutile. A moins qu'il ne coagule très rapidement un très fort mouvement et qu'il s'impose ainsi à la métropole elle-même. Et à la condition qu'il soit sans cesse défini sur ses deux frontières contre la faction aveugle et contre l'esprit de démission. Ce qui ne me rassure pas, c'est la référence constante à Soustelle en qui, après réflexion, je n'ai aucune confiance.

Je crains que vous ne trouviez rien de réconfortant dans ma lettre. Mais je n'ai pas le cœur à mentir sur ce que j'éprouve. Peut-être ai-je trop vécu et depuis trop longtemps la tragédie de notre pays . Je l'ai servi, je voudrais le servir et je sens à ce point mon impuissance que je ne veux plus rien écrire ni dire à son propos. Vos amis sont jeunes. Ils découvrent d'une certaine manière la réalité algérienne. Ils auront peut-être la fraîcheur qu'il faut pour relancer l'Algérie hors de cette ornière. A vrai dire, je fais confiance à leur énergie. Mais il faudrait plus que l'énergie: la lucidité, la générosité incessante, qui est l'autre nom de la force, et l'esprit d'invention. Si je peux vous aider, je le ferai. Mais il faut me dire comment et me persuader que c'est possible. Vous pouvez faire état auprès de vos amis de ce que je vous dis. Qu'ils essaient seulement de comprendre qu'un homme comme moi, qui n'a jamais connu le découragement et qui a horreur de toute complaisance ne vous écrit pas ceci sans raison. Je suis déchiré, voilà la vérité.

Pardonnez-moi, mon cher Rosfelder, cette lettre accablée et accablante. Mon amitié pour vous, et mon estime, n'ont cessé de se renforcer depuis que je vous connais. Et je me suis ouvert à vous, fraternellement. Je vous serre la main. Albert Camus

Si vous pouvez m'écrire, faites-le. J'ai besoin d'être informé.

 

28 Février 1956 :

Discours de Guy Mollet :

"votre vie et vos biens seront protégés, mais vous devez accepter la politique de progrès qui a été définie. Il faut que les armes se taisent et des élections libres seront alors organisés. "

Six militaires tués dans une embuscade.

Accrochage dans le Constantinois, 26 rebelles tués, 33 prisonniers, les forces de l'ordre ont six morts et six blessés.

Les marocains et les tunisiens servant dans l'armée française sont perturbés devant l'évolution de leurs pays, quelques uns désertent (33) l'armée les regroupe en France, la plupart s'engagent dans l'armée française ( 26.000 hommes utilisés en métropole ou en Allemagne).

Le moral des français musulman est variable suivant les unités, deux régiments de tirailleurs algériens sont dissous deux autres sont transférés en métropole, il reste en Algérie, 17 bataillons de tirailleurs et six de spahis.Ces unités ne seront plus entièrement composées de musulmans, des appelés y seront amalgamés en proportion variable en fonction de l'évolution politique.

Il y a eut 2500 attentats en février, la plupart contre les biens (routes coupées, poteaux électriques ou télégraphiques, bétail abattu, matériel agricole détruit…)