Janvier 1956

 

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1 Janvier 1.956 :

 Profitant de la nuit du réveillon, les rebelles attaquent le poste "cote 616", près de Marechal Foch, ils enlèvent 13 tirailleurs. 4 sont retrouvés par l'armée, 4 autres s'échappent le 3 janvier.

Alors que la famille venait de dîner, sept hors la loi se présentèrent à la ferme de El Hadjar où vivaient monsieur et madame Heffner, gérant de la ferme, leur fille de 20 ans, Jeanne et leurs deux fils de 27 et 15 ans. Ils se firent servir le café, puis trois hommes emmenèrent les trois hommes à l'extérieur, les quatre autres entraînèrent les deux femmes dans une pièce où ils pratiquèrent une tournante d'enfer.

Les deux femmes furent laissées en vie (à moitié folles) les trois hommes furent trouvés égorgés, le père avait eu les doigts coupés. Photos du père (avec ses doigts coupés) et du plus jeune des fils ici.

 Il y a 208.500 français musulmans (donc d'algerie) en france métropolitaine, presque tous vivant en célibataires, envoyant une partie de leur argent à leur famille.

 

 2 Janvier 1.956 :

 Elections législatives, mais pas en Algérie, le F.L.N. a menacé de mort non seulement les candidats mais les électeurs qui voteraient, le gouvernement juge sage d'éviter des affrontements, le F.L.N. crie victoire. Faure est désavoué, l'assemblée aura une majorité de gauche avec une cinquantaine de députés poujadistes dont le tout jeune (26 ans) Le Pen. Les socialistes feront éliminer quinze des députés poujadistes au nom de diverses erreurs de détail de ces néophytes de la politique. Avec la chute du gouvernement Faure s'annule la loi sur l'état d'urgence en Algérie car ce type de loi n'est valide que pour la durée de la législature.

Document: Tract diffusé par le F.L.N., fin 1955, à l'occasion des élections législatives du 2 janvier 1956:

" ELECTIONS pour le renouvellement de l'Assemblée Nationale Française.

" PEUPLE ALGERIEN!

" ... Le F.L.N. prenant, une fois de plus, ses responsabilités devant Dieu, devant les hommes et devant l'histoire, a décidé : " 1° - Une abstention active qui se traduira par:

a) une activité incessante de tous les patriotes (combattants de l'A.L.N., militants et sympathisants du F.L.N.) durant la période de la campagne électorale ;

b) l'emploi de la force le jour des élections.

" 2° - L'exécution des candidats à quelque bord qu'ils appartiennent.

" 3° - L'enlèvement et l'égorgement de tous les agents électoraux.

" 4° - La démission de tous les élus en place. Ceux-ci, du député au simple membre de djemâa, sont invités à se démettre de leurs mandats avant le ler janvier 1956.

"Tout élu, sans exception aucune, qui refuserait de démissionner sera considéré comme traître à la Patrie et abattu sans jugement. ... Le F.L.N. demande à tous ses militants et sympathisants de se procurer une arme et de passer à l'action directe.

" Chaque patriote se fera un devoir d'abattre son traître".

 

 3 Janvier 1.956 :

 Rien.

 

4 Janvier 1.956 :

 Trois des militaires enlevés la nuit du réveillon s'échappent et rejoignent leur base.

Au douar Beni-Marsous, près de Montagnac, accrochage, 4 rebelles tués, un soldat aussi, deux autres blessés.

Cinq pro français assassinés dans le Constantinois.

Un épicier kabyle aussi, au clos salembier, prés d'Alger.

 

5 Janvier 1.956 :

 Rien.

 

6 Janvier 1.956 :

 Le lieutenant Prax, enlevé avec ses tirailleurs du poste 616 s’échappe à son tour.

 

7 Janvier 1.956 :

 En Kabylie, trois instituteurs du bled enlevés, deux (originaires de Séte) s'échappent, le troisième, originaire de Montpellier n'a jamais été retrouvé.

 

8 Janvier 1.956 :

 Accrochage dans le Constantinois, 8 tués, tous soldats français musulmans.

Deux soldats qui gardaient une ferme assassinés.

Un chef de faction et son neveu assassinés dans leur douar, non loin de Tazmalt.

Trois pieds noirs assassinés dans l'usine de plâtre de Chetaba, près de Constantine.

 

9 Janvier 1.956 :

Hocini, chef religieux traditionnel, égorgé à Bou Djellil.

 

10 Janvier 1.956 :

 Trois grenades à Bône, 5 blessés.

Un chauffeur de taxi musulman assassiné.

 

11 Janvier 1.956 :

 Cédant aux menaces du FLN, Khorsi Sadok, vice président du conseil général du département d'Alger démissionne.

 

 12 Janvier 1.956 :

 Rien.

 

 13 Janvier 1.956 :

 Soustelle se plaint publiquement que son rapport ait été rendu public.

 

 14 Janvier 1.956 :

 Rien.

 

15 Janvier 1.956 :

 Mokhbi, chef de zaouia à Collo, égorgé avec son fils.

 

16 Janvier 1.956 :

Mes grands parents, Dominique et Marie-Ange Champetier de Ribes, de nationalité française, ont été assassinés, ainsi que d'autres personnes, devant leurs 5 enfants à Sidi Moussa, à 20 km au sud de Oujda, au Maroc. (pâr internet)

 

17 janvier 1956: 

Prés de Maillot, le train Alger Constantine déraille à la suite d'un attentat. Grosse émotion, c'st la premiére fois qu'une ligne principale est sabotée.

 

 18 janvier 1956:

Albert Camus arrive à Alger, non seulement pour voir sa mère qui y réside toujours, mais pour une réunion prévue le 22 destinée à lancer son idée de "trêve pour les civils".

Une réunion préparatoire eut lieu le 19 dans la salle de répétition du théâtre Mahiédinne de la casbah. Ouzzegane, un des "historiques" du FLN y assiste. Lors de cette réunion, Camus demande à Emmanuel Roblés de présider sa réunion. Rossfelder fait partie de ceux qui l'aident à organiser son séjour

Camus a un accrochage verbal avec un jeune musulman qui affirme que "le FLN est justifié dans son action par la justice de leur lutte pour leur libération". Camus répond sèchement que la fin ne justifiait pas les moyens.

 Tayeb chef de la zaouia de Rahmania, assassiné au douar M'Cisna.

 

19 janvier 1956:

 Camus assiste à une réunion préparatoire à sa propre réunion, il expose son thème (trêve pour les civils, c'est à dire fin des attentats aveugles), les présents le poussent vers un franc support aux thèses F.L.N. Après la réunion, il est pessimiste, il a été en face de sympathisants du FLN alors qu'il souhaitait une assistance diverse et avec des esprits ouverts.

 

20 janvier 1956:

 Soustelle déclare à la radio, "pour garantir la sécurité, il faut des renforts, non pour faire la guerre, mais pour l'empêcher."

Soustelle a demandé à voir Camus ils s'entendent jusqu'à un certain point, Soustelle lui indique qu'il est manipulé, Camus n'en disconvient pas, mais pense que son action peut de toute façon être utile, Camus conseille à Soustelle une structure fédérale pour l'algérie (kabyles, pieds noirs…) Soustelle ne dit pas non. On retrouvera cette idée dans le statut de 1957.

Mais Soustelle refuse une "bonne" salle à Camus qui sera obligé de faire sa réunion dans une salle proche de la casbah, marquée par ses fréquents meeting pro-indépendance.

Le gouvernement Faure démissionne, Guy Mollet (socialiste) est chargé de former le nouveau gouvernement.

 

21 janvier 1956:

 Camus ne souhaitait pas rencontrer les membres du "comité des libéraux d'algérie" dont il connaissait les liens étroits avec le parti communiste. Sur l 'insistance de Roblés il assiste à une de leur réunion, (en principe incognito) où des sympathisants du FLN défendent le terrorisme. Un d'entre eux déclare que si la France ne donne pas l'indépendance immédiatement, le terrorisme s'étendra, comme personne ne proteste, Camus déclare si c'est cela, alors je me demande ce que je fais ici, et il sort de la salle.

A l'issue de la réunion, Camus, Roblés et Rosfelder (qui sera ensuite un des dirigeants de l'O.A.S.) font le point, tout va mal, pas de bonnes salles, une ambiance délétère, le FLN et les ultras prévoyant chacun une manifestation, le FLN fournissant le service d'ordre. De fausses invitations ont été imprimés, il faut en refaire en catastrophe et les distribuer de nouveau.

 

 22 janvier 1956:

 Camus tient sa réunion ( "trêve pour les civils") où ont été invité un millier de personnes, moitié européens et moitié musulmans.

A la tribune, Camus avait exigé la présence d'au moins un musulman F.L.N., mais les membres du F.L.N. présents (Ouzegane, Amrane, Lebjaoui) ne souhaitaient pas se mettre en avant et dévoiler ainsi leur appartenance, les "neutres" craignaient les représailles du FLN (qui avait diffusé un tract interdisant de participer à cette réunion - sans doute pour s'en réserver l'exclusivité). Finalement se dévoue le docteur Khaldi partisan d'une troisième force, qui fut ensuite condamné à mort par le F.L.N. Ferhat Abbas, pas encore rallié au FLN, est présent dans la salle.

Lebjaoui confie à Camus sous le sceau du secret son appartenance au F.L.N., et prétend être partisan de la trêve que défend Camus. Camus est tout d'abord heureux, mais il se rendra vite compte qu'il est manipulé et que rien n'est fait pour arrêter les attentats. Camus prend la parole et lit son discours, un peu hâtivement car une contre manifestation a été organisée par les gaullistes et la gendarmerie protège au mieux la salle, d'où on peut entendre des cris "Camus au poteau".

Le lendemain, le "journal d'Alger" publie le texte de l'intervention de Camus, ce qui lui vaut d'une part des coups de fil de manifestants de la veille, s'excusant et regrettant leur manif "si nous avions connu le texte de votre discours avant, nous n'aurions rien fait" et une entrevue avec Soustelle, sur le départ, qui le remercie de son intervention, mais lui signale la difficulté de séparer civils et belligérants dans cette guerre "pas question , dit Soustelle, d'épargner ceux qui conduisent la charrue le jour et prennent le fusil la nuit."

En Mars, Roblés va voir Camus à Paris, il note cette dernière remarque du grand écrivain sur l'algérie : "Si un terroriste jette une grenade sur la marché de Belcourt que fréquente ma mère, et qu'il la tue, je serais responsable dans le cas où, pour défendre la justice j'aurai également défendu le terrorisme. J'aime la justice, mais j'aime aussi ma mère". Il reprendra cette formule publiquement lors de la remise du Nobel.

Camus s'interdira pour le reste (trois ans) de sa vie toute intervention publique (il en fit à titre privé, en particulier pour défendre des amis). Début 1958, avant la prise de pouvoir des gaullistes, dans Actuelles III il défend une solution communautaire, dans une france unique (y compris donc les départements algériens) où les representants musulmans sont seuls à décider des problèmes les concernant. La publication de son roman inachevé "le dernier homme" montre bien quelle était cependant sa sensibilité.

 

23 janvier 1956:

 Boudriga, responsable de la zaouia de Sidi Moussa de Tifra, égorgé. Les Zaouïa sont des institutions musulmanes traditionnelles, des sortes de club de pensée et de soutien mutuel.

 

 24 janvier 1956:

 rien.

  

25 janvier 1956:

 rien.

 

26 janvier 1956:

 Le nouveau premier ministre, Guy Mollet nomme le général Catroux gouverneur général de l'algérie. Deferre ("gastounet") est ministre de la france d'outrtemer, son directeur de cabinet est Pierre Messmer, un gaulliste.

Grenade sur le marché d'Aïn Touta. 4 blessés, tous musulmans.

 

27 janvier 1956:

 Six militaires enlevés lors d'une patrouille en Oranie sont retrouvés atrocement mutilés il s'agit de six français d'algérie, dont trois musulmans.

Un sergent et deux tirailleurs blessés près de Bordj Menaiel.

 Mandouze, professeur d'histoire de l'Afrique ancienne à l'université d'Alger, co- fondateur de Témoignage Chrétien rencontre Mendés-France à la demande et mandaté par le F.L.N. C'est lui qui, dans le numéro d'automne 55 de sa revue, Consciences Maghrébine a publié le manifeste du F.L.N. Du coup Lacoste le fait expulser d'algérie, et poursuivre. Il est condamné à une peine de principe, mais ne rejoindra jamais l'algérie. En 1998 il publie un livre dont il vole le titre à Bidault ("d'une résistance à l'autre").

 

 28 janvier 1956:

 rien.

 

29 janvier 1956:

 rien.

 

30 janvier 1956:

 Opérations dans toute l'algérie, 83 rebelles hors de combat.

La famille Cruet est assassinée dans sa ferme, avec les attentions ordinaires, photo ici.

 

 

31 janvier 1956:

 Bilans des trois derniers mois : 523 fermes détruites par les rebelles, 60 écoles, 88 maisons forestières, 80 sites industriels. Il s'agit d'entrainer dans la rebellion des hommes, en commençant par leur faire commetre des actes reprehensible mais point encore sanglants.