Octobre 1961

 

1 octobre 1961:

Un poignardé à Oran.

Une grenade lancée contre une Jeep militaire tombe dans la foule, 2 morts, 15 blessés tous musulmans.

Trois assassinés à Sétif.

Un mort et 6 blessés à Bône au cours de 4 attentats distincts.

A Creteil, coups de feu contre un militaire, qui est blessé ainsi que deux passants.

un policier tué.

Un autre blessé dans le 14ème arrondissement.

Alleg, l'auteur de la "question" s'évade avec de nombreuses complicités de l'hôpital de Pontchaillou et rejoint Prague.

Le colonel Rafa Ahmed est fait général, le premier général français musulman. Rafa, pied noir, chef de bataillon en 53, commande le premier RTA, puis il est second de Challe au BEL. Il commande ensuite le 7ème RTA. Après sa nomination comme général, il refuse de prendre le commandement de la force locale crée par les accords d'évian, et prend sa retraite en 1964 en Lorraine où il doit, nous l'espérons, toujours couler des jours heureux;

 

2 octobre 1961:

A paris un officier de police et un gardien de la paix tués.

L'ordre de grève de l'O.A.S. suivi avec une belle unanimité à Alger.

Emission pirate à Oran, le discours de de Gaulle est piraté.

 

3 octobre 1961:

Deux plastics à paris.

Un harki, Belomari Mohamed, abattu par un F.L.N. toujours à paris.

On découvre le corps d'un militant du MNA, à Montreuil. Il avait déjà fait l'objet de deux tentatives en février et en octobre 1959.

 

4 octobre 1961:

5 plastics à Alger, quatre à Oran

Un officier de police griévement blessé à Kolea.

 

5 octobre 1961:

 Un assassiné à Mascara.

 

6 octobre 1961:

Le chef FLN Bennai arrêté à Alger.

Pour complaire au gouvernement français les "activistes" réfugiés en Espagne sont mis en résidence surveillée aux Canaries. La police espagnole profite d'une réunion plénière à Madrid. Ortiz, Lacheroy, Lagaillarde, Argoud sont ainsi privés de toute possibilité d'action. Leur tendance ("priorité à la lutte en métropole", synonyme dans les faits de "priorité à l'assassinat de de Gaulle") est réduite à peu de chose. Ils penseront longtemps que Salan au courant de cette réunion où il avait envoyé un agent de liaison est à l'origine de leur arrestation, on peut dire aujourd'hui que les services français avaient suffisamment noyauté les équipes de Madrid pour n'avoir eu besoin d'aucune information complémentaire.

Devant la recrudescence du terrorisme à Paris et le mécontentement de l'opinion publique, le préfet de police Papon décrète un couvre feu pour les algériens en région parisienne, entre 20 heures et 5 heures trente. Ce sera le pretexte de la manifestation de masse du 17, largement médiatisée depuis.

 

7 octobre 1961:

Rien.

 

8 octobre 1961:

L'opération bleu blanc rouge lancée par l'O.A.S. qui consiste à pavoiser toute la ville remporte un formidable succès.

A Oran un cycliste, monsieur Agullo est volontairement écrasé par une automobile. Les occupants de l'automobile achèvent le blessé à coup de revolver puis l'arrosent d'essence et y mettent le feu. Des passants rendus furieux par cette scène incendient à leur tour des magasins musulmans. Le Monde proteste contre ces actes de racisme (la mise à feu des magasins musulmans).

 5 blessés à Lyon après un règlement de compte F.L.N./MNA.

 

 9 octobre 1961:

Emission pirate à Alger.

Trois personnes blessées par une patrouille militaire française, pour non respect du cessez le feu, Slimane Belaide, madame Aulanier et Jacob Ben Zaquin, blessé qui ne survivra pas.

Un militaire retraité assassiné à Oran.

Deux automobilistes assassinés près de Sétif.

Embuscade contre un camion de militaires non loin de Blida, 5 tués.

 Discours de De gaulle à la télé, il déclare qu'il va "établir un état indépendant et souverain en algérie par la voie de l'autodétermination" formule cocasse qui souligne l'opposition entre l'autodétermination (laquelle fut au début entre trois options) et le but unique.

C'est accéder à la revendication permanente du FLN, d'abord l'independance, ensuite on verra.

on rappelle les étapes: Juin 1958 : "Français à part entière... terre française aujourd'hui et pour toujours... Vive l'Algérie française!" Octobre 1958 : la "paix des braves". Septembre 1959 : l'autodétermination à trois branches, la sécession condamnée. Janvier 1960 : "la solution la plus française". Mars 1960 : la "francisation est écartée, l'Algérie sera "algérienne". Juillet 1960 : l'Algérie aura son gouvernement. Novembre 1960 : elle sera un État. Avril 1961 : cet État sera indépendant.

Règlement de compte à Lille entre F.L.N. et MNA nombreux blessés.

Plastic à paris.

 

10 octobre 1961:

 Emission pirate, elles deviendront quotidiennes. Celle ci dénonce les tortures des gendarmes de Debrosse dans la caserne des tagarins. Tout le monde s'en tamponne.

8 plastics à Alger.

Le G.P.R.A. accepte de reprendre les négociations si on libère au préalable Ben Bella et les autres prisonniers de luxe.

 

11 octobre 1961:

Un garde champêtre assassiné à Perregaux.

Deux frères aussi dans leur ferme de Trezel.

Deux autres frères, ceux là matelots musulmans, torturés, finalement égorgés et jetés dans un ravin pour avoir refusé de faire sauter le bateau sur lequel ils travaillaient.

 Deux militants F.L.N. abattus à Lyon au cours d'un échange de coups de feu.

 

12 octobre 1961:

Arrestation à Alger des assassins O.A.S. du commissaire Gavoury, en particulier le légionnaire déserteur Dovcar qui sera condamné à mort et exécuté. Piegs un pied noir qui était complice sans avoir tué est aussi condamné à mort certains disent à le demande de la légion (qui ne voulait pas que seul un légionnaire soit condamné) et de l'Autriche qui faute d'obtenir la grâce avait souhaité une mort communautaire, et des gaullistes, désireux de montrer aux pieds noirs qu'ils ne rigolent pas. Il sera exécute avec Dovcar.

Neufs plastics à Oran.

Bagarre entre communautés à Oran, six tués 11 blessés.

Plastics à Avignon et à Paris.

A un niveau tout à fait banal d'abord, voici un Algérien qui est employé depuis quatre ans comme ouvrier à. ..la préfecture de police, au service du Matériel, où il donne entière satisfaction. Il déclare verser chaque mois 60 francs à un collecteur du FLN qui se présente à son domicile, mais dont il ne connaît pas le nom. Désireux de fuir cette contrainte, il a sollicité plusieurs interventions pour obtenir un autre logement dans un autre groupe HLM. S'il continue de la sorte à acquitter sa "cotisation", c'est qu'il s'exposerait aux représailles du FLN, qui ne tarderaient pas: après un unique avertissement, ce serait l'exécution, ou la tentative d'exécution. Quelques Algériens viennent déposer plainte et demander la protection de la police. Le 12 octobre, un Algérien récemment libéré du camp du Larzac se présente à un service de police et déclare qu'à son retour, il a été contrôlé par des responsables du FLN qui ont exigé qu'il s'acquitte immédiatement d'un arrérage de cotisations, et il met nommément en cause un de ses coreligionnaires, dont Maurice Papon propose au ministre de l'Intérieur l'assignation à résidence en Algérie - il y échappera cependant en tant que chargé de famille. Nombre d'Algériens rétifs se font tuer ou blesser par les hommes de l'Organisation spéciale.

Extrait de l'excellent livre "Police contre F.L.N." ISBN 2-08-067691-1 de Jean Paul Brunet, consacré au drame du 17 octobre 1961.

 

 

 

 13 Octobre 1.961 :

plastic dans la préfecture d'Oran.

 Deux assassinés à Longuyon.

 

14 octobre 1961:

Sept personnes arrêtées à Alger pour O.A.S.

 

15 octobre 1961:

 Les dockers d'Oran, en grève remontent du port vers le centre en traversant le quartier populaire de la marine. Les habitants se terrent dans leurs maisons. L'armée fait un barrage, des grévistes partent des coups de feu, l'armée réplique, les dockers s'égaillent et se dispersent dans des chantiers de construction où ils sont accueillis à coup de pelles et de pioches, nombreux sont les blessés; un jeune homme armé qui s'est réfugié dans une maison est lynché et mis à mort avec sa propre arme.

 

  16 Octobre 1.961:

Les affrontements entre communauté continuent à Oran le sénateur de Tlemcen musulman, demande à ses coreligionnaires de garder leur calme, le conseil général crée des comités d'entente, l'armée tire des barbelés pour délimiter les quartiers, ceux qui sont du "mauvais"coté (les minoritaires), déménagent.

Le Tac, chef barbouze, blessé à Alger.

Commando FLN à Oran (jettent de l'huile sur le feu) un tué, cinq blessés, autre commando qui tire dans un bar, 3 blessés, deux des terroristes sont abattus.

Le maire musulman de maison carré grièvement blessé par un tueur F.L.N.

Un assassiné à Bône.

Deux OAS, François Dubreuil et Henri Peropadre, arretés à un barrage de gardes mobiles ouvrent le feu. Ils en tuent deux mais sont abattus.

Un autre à Oran.

 Au sénat, Joxe reconnaît que les révélations de Challe sur sa tentative de négocier avec le FLN intérieur (si Salah appuyé par Mohand ou el Hadj) sont exactes. Il confirme que le 10 juin 1.960 (plus d'un an auparavant) de Gaulle avait reçu les chefs de la willayas 4 (Alger). Il rappelle que le lendemain de cette visite de Gaulle s'adressait de nouveau aux chefs de l'extérieur pour négocier. Il nie que ce fut un membre du gouvernement (beaucoup accusent Michelet, catho hystérique et chargé des relations secrètes avec le F.L.N.) qui avertit les membres du GPRA de ces discussions, permettant l'exécution de ces chefs. On notera que dans ses mémoires, de Gaulle "oublie" cet épisode qui explique pour l'essentiel la révolte de Challe.

 

17 Octobre 1.961:

Ratonnade à Oran, 4 tués.

Un représentant officiel du président Kennedy rencontre officiellement des membres du GPRA à Tunis.

 A Paris, date mythique: Le 6 Octobre est décrété un couvre-feu pour les travailleurs immigrés nord-africains de la région parisienne. Cette mesure est prise en raison de la recrudescence du terrorisme FLN, qui vient d'assassiner son 61éme policier depuis le début de l'année. Elle va servir de prétexte à d'importantes manifestations de masse organisées par les tenants de la subversion.

Depuis Tunis, le GPRA de Ben Khedda donne ses directives à la Fédération de France du FLN. Prenant prétexte de la mesure qui interdit la circulation des musulmans de la région parisienne, sauf munis de laissez-passer, entre 20 heures et 5 h 30, jugée discriminatoire, raciste, contraire aux droits de l'homme, l'organisation politique du FLN prépare soigneusement une opération qu'elle veut déterminante du point de vue psychologique.

En fait, l'application du couvre-feu approuvée par le Premier ministre est techniquement d'un mince intérêt. Les saboteurs, les tueurs et les agents de liaison du FLN peuvent sans difficulté, grâce à des complicités avérées, se procurer les documents nécessaires, vrais ou faux, à tous leurs déplacements. Mais le couvre-feu va provoquer une levée de boucliers de la part de l'intelligentsia et des partis dévoués au FLN, et il fragilisera la police et les forces de l'ordre par l'utilisation médiatique des heurts consécutifs aux manifestations.

Le 16 octobre, des informations parviennent au Service de coordination des affaires musulmanes: à partir du 17 jusqu'au 20 octobre, le FLN organisera des manifestations de masse dans toute la france, une grève générale des commerçants musulmans, des rassemblements de femmes. Avertie au dernier moment, le matin du 17 octobre, la population musulmane de la région parisienne tout entière, y compris femmes et enfants, reçoit l'ordre impératif de se rendre à Paris après 20 heures pour y manifester en masse contre le couvre-feu et exiger l'indépendance de l'Algérie. L'emprise du FLN sur cette population est quasi totale car ce dernier emploie ses arguments habituels: ceux qui tenteront de rester chez eux ou essaieront d'échapper au rassemblement seront exécutés. Les manifestants ne porteront ni armes ni drapeaux, la peine de mort est promise aux contrevenants éventuels. L'organisation révolutionnaire entend prouver ainsi son autorité sans partage sur la population immigrée, impressionner la population métropolitaine déjà passablement traumatisée par les attentats antérieurs. Elle espère bien que la masse des manifestants débordera les moyens mis en place par les pouvoirs publics, affirmant ainsi l'incapacité de ces derniers. Elle ne se fait pas d'illusion sur la violence des réactions de la police déjà exaspérée, traumatisée par les attaques systématiques subies depuis longtemps. Elle sait que la répression provoquera des victimes, mais la cause a besoin de martyrs.

Sans doute à la suite d'une erreur de transmission 100 à 200 Algériens entament la manifestation à huit heures dans la matinée du 17 entre Madeleine et Opéra. Ils sont arrêtés ou dispersés. Il pleut depuis le matin, il pleuvra toute la journée. La police met en place un dispositif de sécurité aux accès nord de la ville, ayant pour but l'interception des manifestants venant des banlieues; les forces de l'ordre occupent également certains quartiers comme les Champs Elysées, l'Etoile, Matignon. Pour ce faire le Préfet de police dispose de 7 000 gardiens de la paix, dont les compagnies de district spécialement chargées des opérations anti FLN, et de 1400 CRS et gardes mobiles. A partir de dix-neuf heures une marée humaine déferle sur la capitale. 30000 musulmans arrivent par le métro, les bus, à pied, avec l'intention de se rassembler à la Concorde. Les forces de l'ordre sont bousculées, il s'en faut de peu qu'elles soient submergées. L'intervention de renforts sauvera la situation de justesse. Des engagements sérieux ont lieu au pont de Neuilly, boulevard Saint- Germain, sur les grands boulevards. A vingt-deux heures, 7500 musulmans sont appréhendés, il y aura finalement 11730 arrestations.

Il est indéniable que, devant la menace représentée par cette foule énorme, théoriquement pacifique mais encadrée par les responsables de l'organisation politico- administrative du FLN, la police a réagi avec une extrême violence. A la perspective d'une submersion aux conséquences imprévisibles s'ajoute la colère, les policiers en ont assez d'être des cibles reconnues depuis des mois. Les accrochages sont particulièrement violents entre leurs représentants sur le point d'être balayés et certains groupes de manifestants particulièrement déterminés. Par la suite, des brutalités injustifiables ont eu lieu dans certains centres de rassemblement. Les chiffres officiels font état de 2 policiers blessés par balles, de 13 autres qui ont dû être hospitalisés. Pour les Algériens le nombre des victimes reste imprécis.(voir ci-dessous).

Cette situation quasi insurrectionnelle qui débute le 17 octobre est confortée, comme par hasard, par des grèves des services publics (SNCF, EDF, etc.) organisées par les syndicats pour des revendications salariales. Elle prend fin le 20 octobre par l'échec d'une manifestation de femmes musulmanes réclamant la fin de la guerre d'Algérie et l'indépendance pour ce pays. Cinq cents d'entre elles sont dispersées sans heurts dans le quartier de l'Opéra. Des tentatives de manifestations analogues, en province, le 17 Octobre, en particulier dans l'est, avortent sans violences.

La classe politique française favorable aux exigences du FLN se déchaîne et les étudiants du PS, les "non-violents", organisent des rassemblements à Paris. Frey, ministre de l'intérieur, Papon, Préfet de police, sont rendus responsables des ratonnades. Dans le secteur Puteaux- Neuilly, une trentaine de corps de Nord- Africains sont découverts dans les jours qui suivent ces événements; des informations judiciaires sont ouvertes sans qu'on puisse préciser s'il s'agit de manifestants victimes de la police ou de réfractaires auxquels le FLN a appliqué ses menaces. Pour la Fédération de France, l'affaire va se solder par des pertes importantes. Les arrestations opérées sur le terrain des émeutes provoquent des réactions en chaîne bien que, par prudence et sur ordre, les responsables importants du FLN se soient gardés de participer directement aux affrontements. Les renseignements obtenus, l'action continue des divers services de police amènent, le 31 octobre, la découverte de 9 dépôts d'armes et 210 arrestations dans Paris et en banlieue. Les manifestations FLN, prévues pour le 1er novembre, anniversaire du déclenchement de l'insurrection, n'ont pas lieu.

 Autre version, par un témoin, harki de la FAP. Début de citation La sonnerie du téléphone interrompt les retours en arrière ;le capitaine, l'écouteur à l'oreille, pose une seule question: "La source ?" et repose le combiné après avoir dit :"Merci." De Rxx l'interroge du regard : Le Front met sur pied une manifestation monstre des musulmans dans Paris, sous prétexte de protester contre le couvre-feu ; ses responsables veulent rassembler toute la population immigrée de Paris et des banlieues et la faire déferler sur la capitale. La date n'est pas encore connue, mais elle est sûrement très proche. Branchez immédiatement vos informateurs; le premier secteur paraît bien renseigné mais il faut recouper ses derniers tuyaux. L'ordre est venu de Tunis dans les premiers jours d'octobre, ensuite il a pris le cheminement classique pour ce genre de directives. Le dimanche, il passe de la région aux secteurs, le lundi du secteur aux kasmas. De la sorte il arrive aux cellules le jeudi 12 octobre. Les renseignements qui parviennent au Service de coordination des affaires musulmanes ne concordent pas toujours. Certains font état de trois ou quatre jours de manifestations. Pour les uns c'est une protestation contre le couvre-feu; pour les autres il s'agit de l'anniversaire du 1er novembre 1954. Tous sont d'accord pour faire état de la volonté du FLN d'impressionner ces chiens de roumis. Les informations confirment la présence des femmes et des enfants, la fermeture des cafés et des magasins algériens. On parle d'un rendez-vous principal à la Défense ou à l'Etoile. Le lieutenant de Rxx tente de cerner le problème, à coups de rendez-vous mystérieux, d'appels téléphoniques sibyllins et de lettres aux écritures maladroites.

Le 15 octobre un hors -cadre de la FAP assiste à la réunion des responsables de l'O.P.A. du principal bidonville de Nanterre, rue de la Garenne. Il rend compte aussitôt. A vingt heures, le mardi 17 octobre, il ne doit plus y avoir personne, sauf les malades alités, dans la médina de Nanterre. Les responsables vérifieront l'exécution des ordres tant pour le bidonville que pour les familles de la rue des Pâquerettes et de la rue Dequeant. Les présents seront exécutés. Les "chocquistes" armés canaliseront tout le monde mais resteront en retrait après les rassemblements. Le mardi, dès neuf heures du matin, des petits groupes d'Algériens se forment entre la place de la Madeleine et celle de l'Opéra. A midi ils sont près de 200 entassés au Centre d'identification du 3e arrondissement. Plusieurs sont porteurs d'un tract non signé : "Riposte générale de tous les Algériens accompagnés de leurs épouses et de leurs enfants, mardi 17 et mercredi 18 octobre. Les frères commerçants auront à observer une journée de grève, le 18. Les frères se trouveront présents à l'heure et aux lieux prévus. Ils doivent déserter leur domicile." Interdit à quiconque de porter une arme quelle qu'elle soit : "Tout se déroulera pacifiquement et dignement dans un calme absolu." Les services de la Préfecture de police sont en alerte mais sans faire preuve d'inquiétude. Ceux de la place de l'Opéra ont dû confondre huit heures du matin et huit heures du soir, plaisante un policier.

Dans l'après-midi, à Nanterre, ils sont déjà des centaines qui vocifèrent: "Vive l'Algérie algérienne" et entament leur marche en direction du carrefour de la Boule. Le barrage établi par la police au pont de Neuilly est renforcé. Vers dix-neuf heures trente, dans Paris, se constituent des rassemblements de plus en plus importants qui provoquent l'inquiétude. Des Algériens sortent de partout. Brusquement ils sont des centaines, des milliers sur les grands boulevards, sur les Champs Elysées. C'est là que cette foule devient folle tout d'un coup. Sans aucun signal, sans avertissement tout s'enflamme comme une poussière de paille sèche. Les youyous stridents, les cris déchirants des femmes hystériques se mêlent brusquement au fracas des vitrines brisées, des voitures renversées. Les hommes s'excitent en hurlant. La police charge. Il y a comme un reflux dans les clameurs mais la foule reste sur place, oscillante. Les femmes et les enfants portés dans les bras ou tenus par la main tentent de reculer, mais des milliers d'hommes les poussent vers l'avant. La mêlée se met à tourbillonner lentement sous les coups de matraques. Le spectacle est le même boulevard Bonne Nouvelle, à Saint Michel et à Saint Germain. A l'ouest de Paris, de véritables combats s'engagent à Puteaux, au pont de Neuilly, avenue du Général de Gaulle. Là, dix mille manifestants au moins se heurtent aux policiers. Au début la masse humaine est restée immobile et silencieuse devant les uniformes et puis un grondement de bête furieuse est venu de l'arrière. L'Organisation a bien sûr poussé les femmes et les enfants au contact des forces de l'ordre.

Bien que menacés d'être débordés par les harpies enragées, les policiers hésitent à frapper. Puis la peur et la folie gagnent tout le monde, les hommes s'agrippent, cognent les uns sur les autres avec des "hans" de bûcherons. Des groupes de policiers sont encerclés, malmenés, certains tirent pour se dégager. La bête grondante reflue, revient comme une marée, reflue encore. Il y a des blessés étendus, du sang, des lambeaux de vêtements, des chaussures sur l'asphalte. Plusieurs corps ont été projetés par-dessus le parapet du pont; ils ont disparu dans l'eau sale du fleuve. Des renforts de police parviennent, rudement, à rétablir la situation. Vers vingt-deux heures, seulement, les responsables de la Préfecture commencent à respirer; la masse des manifestants de la place de l'Opéra reflue en désordre vers la porte Saint Martin. Le repli s'accentue aussi vers la République, et la pluie, une pluie diluvienne, noie la ville. Des policiers ruisselants et enragés traquent les petits groupes et les isolés autour et à l'intérieur des stations de métro restées ouvertes. Des centaines de vitrines ont été brisées. Boulevard Bonne Nouvelle un passant européen, pris dans le tourbillon, a été poignardé. Au petit jour la police chiffre à 30000 le nombre des manifestants dont 11538 ont été appréhendés; des responsables de la police prétendent que la plupart Algériens ne demandaient pas mieux.

D'autres reconnaissent que leurs hommes ont eu la main lourde dans les centres de regroupement. Une quinzaine de policiers et de CRS sont hospitalisés, dont deux blessés par balle. Pour les Algériens officiellement et provisoirement, les services officiels annoncent trois morts et soixante-treize blessés recensés. Les comptes seront vérifiés plus tard car le FLN annonce la poursuite de son mouvement pour le lendemain.

Le mercredi 19 octobre, la Préfecture fait état de 5 100 nouvelles arrestations. Il n'y a pas eu de débordements spectaculaires. Le FLN baisse les bras. La haine entre les deux communautés s'est accrue de plusieurs degrés et la fureur des policiers est aussi montée d'un cran. Chez les militants du Front les avis sont partagés. Certains parlent d'échec et en rejettent la responsabilité sur ceux de Tunis. La manifestation parisienne n'a pas donné les résultats escomptés et celles de province ont lamentablement échoué. Il a souvent fallu user de menaces et de persuasion active pour lancer la foule dans la rue. Les morts sont bien plus nombreux que l'indiquent les chiffres officiels; quant aux disparus ils n'ont peut-être pas tous été expédiés manu militari en Algérie. Mais le plus grave est certainement la désorganisation de l'O.P.A. et des diverses structures d'encadrement; il faudra du temps et des efforts pour y remédier.

La police déjà traumatisée par les risques encourus depuis des années a manifestement eu peur et sa réaction a été démultipliée. A l'avenir elle ne peut qu'être encore plus impitoyable à l'égard des frontistes et même de toute la population immigrée. Après cette alerte les métropolitains ne demandent qu'à voir les Algériens rentrer chez eux. - Qu'on leur donne leur Algérie et qu'ils s'en aillent !

fin de citation. (Raymond Muelle, 7 ans de guerre en france, (quand le FLN frappait en métropole) ISBN 2-914185-04-9).

Alors finalement quel bilan? Le député Sanmarcelli parle de 92 morts. J. L. Einaudi qu'on peut difficilement classer parmi les thuriféraires de M. Papon indique dans son livre la Bataille de Paris: 74 Nord Africains tués entre septembre et novembre et 68 disparus en octobre, sans faire de distinction pour le seul 17 Octobre. Vidal-Naquet cite le chiffre de 140 tués. Ali Haroun et Omar Boudaoud de la Fédération de France parlent de 200 tués et disparus. Mahomedi Sadek atteint 327 tués ou disparus.

Plus récemment, pour essayer d'apporter une réponse objective à la propagande pro-FLN, et pour aider aux charges retenues (médiatiquement) contre Papon, les socialistes ont demandés des rapports. Le premier (Rapport Mandelkern), commandé par le ministre de l'Intérieur, M.Jean-Pierre Chevènement, intitulé "Rapport sur les archives de la préfecture de police relatives à la manifestation organisée par le FLN le 17 octobre 1961", a été rendu le 6 janvier 1998 par une mission dirigée par M. Dieudonné Mandelkern, Président de section au Conseil d'Etat. Le second, commandé par le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, Mme Elisabeth Guigou, intitulé "Recensement des archives judiciaires relatives à la manifestation organisée par le FLN le 17 octobre 1961 et, plus généralement, aux faits commis à Paris à l'encontre des français musulmans d'Algérie durant l'année 1961", a été rendu en mai 1999 par une mission dirigée par M. Jean Geromini, Avocat général à la Cour de Cassation.

L'un et l'autre ne sont suspects ni d'amour de la police, ni de convictions algérie française, bien au contraire. Après avoir étudié des centaines de pièces administratives, Mandelkern concluait que la "répression très dure" de la manifestation avait fait "plusieurs dizaines" de morts. M. Geronimi estime que l' "on peut évaluer à quarante-huit" le nombre de personnes tuées dans la nuit du 17 au 18 octobre 1961. Il ne donne pas semble-t-il la part due aux manifestants et celle due à la police. Les rapports n'ayant pas été livrés au public, il est difficile de s'en faire une idée personnelle, mais de toute façon on est loin des chiffres cataclysmique de la propagande F.L.N.

 

Acceptons la conclusion du livre "Police contre F.L.N." ISBN 2-08-067691-1 de Jean Paul Brunet (Information sur ce livre, ici); "Si l'on considérait comme certaine l'attribution à la police des 25 morts dont on a parlé (en fait 13 nous semblent certains ou quasi certains, 8 vraisemblables, 4 probables), et si on leur ajoutait les six à la rigueur possibles de ce groupe de 15 indéterminé, on arriverait à un chiffre de 31 morts légalement enregistrés.

Sans être notablement surévalué, ce chiffre constituerait un double maximum: du point de vue des homicides commis par la police, du point de vue de la répression des manifestations. Mais il faut tenir compte de la sous-estimation des morts dans les registres de l'IML. Sur le plan administratif, nous avons dit que, pour des raisons qui tiennent à des décisions de justice sur lesquelles nous ne sommes pas éclairés, des cadavres trouvés dans le département de la Seine pouvaient avoir été transférés ailleurs, par exemple dans d'autres Instituts médico-légaux, ou avoir été autopsiés dans tel ou tel hôpital sans être transférés à l'IML de Paris. En l'état actuel de la documentation, nous ne pouvons évaluer cette perte d'information qui nous semble cependant peu importante. Reste la grave question de la dissimulation de cadavres par des forces de police. Le lecteur qui nous aura suivi attentivement se rappellera nos réticences à admettre comme fondées nombre de rumeurs auxquelles nous avons fait écho - et d'ailleurs de quelques autres. Mais même si nous persistons à tenir comme peu probable et statistiquement marginale la découverte d'un certain nombre de cadavres dans d'éventuels charniers, le chiffre haut de l'évaluation doit être encore repoussé quelque peu. Au total, l'ordre d'idée qu'on peut retenir comme hypothèse provisoire varierait entre une trentaine - chiffre qui nous semble le plus vraisemblable - et une cinquantaine de morts, la probabilité diminuant à nos yeux à mesure que l'on monte entre les deux limites de la "fourchette".

Les évaluations auxquelles est parvenu l'avocat général Jean Géronimi, à partir de sources qui ne coïncident pas totalement avec les nôtres, sont très voisines de celles qui viennent d'être avancées."

 

En 2012, Hollande pleurant les morts FLN, Lugan réagit ainsi:En reconnaissant la responsabilité de l’Etat et en rendant hommage aux «victimes » de la manifestation interdite du 17 octobre 1961, François Hollande s’est comporté en militant sectaire, non en président de tous les Français. D’autant plus que, pour les historiens de métier, les prétendus «massacres » du 17 octobre 1961 constituent un tel exemple de manipulation qu’ils sont étudiés comme un cas exemplaire de fabrication d’un mythe; comme Timisoara en Roumanie, comme les «couveuses » au Koweit ou encore comme les «armes de destruction massive » en Irak !!!

Tout repose en effet sur des chiffres gonflés ou manipulés et sur des cadavres inventés. Dans une inflation du nombre des morts, les amis du FLN algérien et les porteurs de valises communistes ont ainsi joué sur les dates, additionnant aux 3 morts avérés du 17 octobre ceux des jours précédents ainsi que les décès postérieurs. Pour eux, tout Nord Africain mort de mort violente durant le mois d’octobre 1961 est forcément une victime de la répression policière- même les victimes des accidents de la circulation.

Il est possible d’affirmer cela sans crainte d’être démenti car :

- En 1998, le Premier ministre de l’époque, le socialiste Lionel Jospin, constitua une commission présidée par le conseiller d’Etat Dieudonné Mandelkern qu’il chargea de faire la lumière sur ces évènements. Fondé sur l’ouverture d’archives jusque là fermées, le rapport remis par cette commission fit litière des accusations portées contre la police française[2][2]. Or, ce rapport consultable sur le net n’a visiblement pas été lu par François Hollande.

- En 1999, Jean-Paul Brunet, universitaire spécialiste de la période, publia un livre extrêmement documenté qui démontait la thèse du «massacre » du 17 octobre (Brunet, J-P., Police contre FLN. Le drame d’octobre 1961.Paris).

- En 2003, le même Jean-Paul Brunet publia un nouveau livre (Charonne, lumière sur une tragédie.Paris) dans lequel il démontrait que le prétendu «rapport de police » faisant état de 140 morts le 17 octobre, document qui sert de point de départ à J.L Einaudi, auteur du livre sur lequel repose toute la manipulation (Octobre 1961, un massacre à Paris), n’a jamais existé. Reprenant la liste des morts donnée par Einaudi, il montre également que la majorité des décès remonte à des dates antérieures au 17 octobre et il prouve que ce dernier a manipulé les chiffres, additionnant les cadavres non identifiés reçus à l’Institut Médico Légal au nombre des disparus et même (!!!) à celui des Algériens transférés administrativement en Algérie après qu’ils eurent été arrêtés le 17 octobre. Il montre enfin qu’Einaudi a compté plusieurs fois les mêmes individus dont il orthographie différemment les noms!...

Monsieur Hollande pouvait-il ignorer tout cela ? Si oui, la nullité ou l’aveuglement militant de ses conseillers laisse pantois.

Quel est donc le vrai bilan de cette manifestation ?

- Le 17 octobre 1961, alors que se déroulait dans Paris un soi-disant massacre, l’Institut Médico Légal (la Morgue), n’a enregistré aucune entrée de corps de « NA » (NA= Nord Africain dans la terminologie de l’époque).

- Le 17 octobre 1961, de 19h30 à 23 heures, il n’y eut qu’une seule victime dans le périmètre de la manifestation et ce ne fut pas un Algérien, mais un Français nommé Guy Chevallier, tué vers 21h devant le cinéma REX, crâne fracassé. Par qui ?

- En dehors du périmètre de la manifestation, « seuls » 2 morts furent à déplorer, Abdelkader Déroues tué par balle et retrouvé à Puteaux et Lamara Achenoune tué par balle et étranglé, gisant dans une camionnette, également à Puteaux. Rien ne permet de dire qu’ils furent tués par les forces de l’ordre.

Le 18 octobre, à 04 heures du matin, le bilan qui parvint à Maurice Legay le directeur général de la police parisienne fut donc de 3 morts. Nous sommes donc loin des dizaines de morts et de « noyés » auxquels l’actuel occupant de l’Elysée a rendu hommage !!!

Certes, nous dit-on, mais les cadavres ont été déposés à la morgue les jours suivants. Faux, car ce n’est pas ce qu’indiquent les archives de l’Institut Médico Légal de Paris puisque, entre le 18 et le 21 octobre, « seuls » 4 cadavres de « NA » furent admis à la Morgue :

- Le 18 octobre, Achour Belkacem tué par un policier invoquant la légitime défense et Abdelkader Benhamar mort dans un accident de la circulation à Colombes.

- Le 20 octobre, Amar Malek tué par balles par un gendarme.

- Le 21 octobre Ramdane Mehani, mort dans des circonstances inconnues.

Nous voilà donc bien loin des 100, 200 ou même 300 morts « victimes de la répression » avancés par certains et pour lesquels M. François Hollande a reconnu la responsabilité de la France !!!

D’autant plus que le « Graphique des entrées de corps « N.A » (Nord-africains) par jour. Octobre 1961 », nous apprend que du 1° au 30 octobre 1961, sur les 90 corps de « NA » entrés à l’Institut Médico Légal, la plupart étaient des victimes du FLN. Le chiffre mensuel ne deparre pas les chiffres mensuels des mois precedents et suivant, aucune pointe n'est decelée.

Plus encore, pour toute l’année 1961, 308 cadavres de « N.A » entrèrent à l’IML, la plupart ayant péri dans la guerre inexpiable que le FLN menait contre ses opposants partisans de l’Algérie française ou du MNA de Messali Hadj. Ainsi, au mois d’octobre 1961, sur les 34 cadavres de « N.A » retirés de la Seine ou de la Marne, notamment aux barrages de Suresnes et de Bezons puis conduits à l’IML, la quasi totalité étaient des harkis, des partisans de la France ou des membres du MNA, une des méthodes d’assassinat du FLN consistant à noyer ses opposants. La police française n’est pour rien dans ces noyades.

François Hollande devra donc rendre compte au tribunal de l’Histoire car il a couvert de son autorité un mensonge, une manipulation, un montage grossier qui va être utilisé contre la France par ceux que son ministre de l’Intérieur a qualifiés d’ «ennemis de l’intérieur ».

Pour en savoir plus :

- Brunet, J-P., (2002) « Enquête sur la nuit du 17 octobre 1961 ». Les Collections de l’Histoire, hors série n°15, mars 2002.

- Brunet, J-P., (2008) « Sur la méthodologie et la déontologie de l’historien. Retour sur le 17 octobre 1961 ». Commentaire, vol 31, n°122, été 2008.

- Brunet, J-P., (2011) « Combien y a-t-il eu de morts lors du drame du 17 octobre 1961 ? ». Atlantico, 17 octobre 2011.

 

D'après Bernard Lugan 17/10/12

 

On notera à titre de gaieté pour essayer de rendre plus rose ces horreurs que si quiconque voulait clouer au pilori la police parisienne, il ferait mieux de mettre une plaque au pont de Neuilly où ont eu lieu les plus gros affrontements qu'au pont saint Michel. Mais bon le maire de Neuilly voudrait pas, et à saint Michel il y a toujours des policiers de faction en face qui empêchent qu'on aille la conchier, méthode aragonesque.

 

18 Octobre 1.961:

40 plastics à Alger.

Grenade sur un boulodrome à Alger, 2 morts, 6 blessés.

Sur le reste de l'algérie, le F.L.N. tue 5 personnes et en blesse 42 en quinze attentats différents.

 Nouvelle manifestation en région parisienne, 2000 personnes à Puteaux, (d'après les journeaux, sans doute 10.000) graves incidents à Nanterre où la police tue deux manifestants.

Papon écrit quelque temps après au responsable des harkis, le capitaine Montaner :

LE PREFET DE POLICE

Paris, le 11 DEC 1961

8208 CAB/ SD

Mon Capitaine,

Je vous transmets sous ce pli, un exemplaire de la note de renseignements établie le 1er décembre 1961 par le Service de Coordination des Affaires Algériennes au sujet de la lutte menée par la Préfecture de Police contre le terrorisme algérien au cours des deux derniers mois.

Les résultats obtenus dans ce domaine sont particulièrement brillants et le mérite vous en revient au premier chef. La Force Auxiliaire de Police que vous dirigez avec une autorité, une compétence et un dévouement dignes de tous les éloges, s'est acquittée une fois de plus avec courage et efficacité de la difficile mission qui lui est confiée. Je tiens à vous exprimer ma très vive satisfaction et mes remerciements chaleureux. Vous voudrez bien en faire part à vos officiers, gradés et agents et en particulier, aux lieutenants de ROUJOUX et de CHAMPSA VIN, dont j'apprécie personnellement les mérites.

Veuillez agréer, mon Capitaine, l'expression de ma profonde sympathie et de mes sentiments reconnaissants.

Maurice PAPON

 

Capitaine MONTANER Commandant la Force de Police Auxiliaire FORT DE NOISY

 

SERVICE DE COORDINATION DES AFFAIRES ALGERIENNES Préfecture DE POLICE

cm / a Paris, le 1er décembre 1961

Au sujet des réactions de la population musulmane au lendemain des dernières opérations de Police.

Depuis l'avènement du nouveau Président du G.P.R.A., la Fédération de France du FLN qui avait déjà renforcé considérablement son Organisation Spéciale et ses Groupes Armés, est passée à l'action à la fin du mois d'août en ordonnant l'assassinat de policiers isolés ne participant ni de près, ni de loin, à la lutte contre la rébellion. En agissant ainsi l'Organisation rebelle espérait certes porter atteinte au moral des forces de l'ordre mais elle escomptait aussi un énervement de la répression dont elle ne manquerait pas de tirer profit sur le plan politique. Tel devait être l'objet des manifestations d'octobre.

Cette manoeuvre n'était pas sans danger pour l'Organisation et les hauts responsables de celle-ci l'ont déjà reconnu. La relance des attentats a provoqué ce que le FLN avait envisagé, c'est-à-dire une réaction très vigoureuse des services de Police. Mais celle-ci s'est traduite pour l'adversaire par des pertes sans précédent qui ont encore été aggravées par une détection, au nombre des manifestants d'octobre, des meneurs recrutés parmi les militants et les cadres moyens de l'organisation politique. Cela, le FLN ne l'avait pas prévu et les chiffres suivants, mieux que de longs commentaires, illustrent l'étendue de ses pertes. Depuis le 20 septembre - c'est-à-dire en deux mois :

- arrestation du responsable fédéral en Métropole - des membres de son comité ou état-major - des trois responsables au contrôle des willayas et de plusieurs chefs de willaya.

- neutralisation du réseau de soutien européen de l'administration fédérale en France.

- destruction du réseau de transmissions des fonds de Métropole à destination des willayas opérationnelles.

- arrestation de 19 responsables de l'Organisation spéciale et neutralisation de son commandant à Paris.

- arrestations de 91 responsables des Groupes Armés dont la totalité. pour la région parisienne. des chefs de willayas. de super-zones. de zones et de régions.

- arrestation et transfert en Algérie de 2.545 responsables et militants de l'Organisation Politique,

- saisie de 476 millions d'anciens francs,

- blocage dans les Banques françaises d'une somme de 96 millions d'anciens francs.

- découverte de 205 armes à feu -8.030 cartouches -103 grenades -3 obus - 8 bombes -26 pains d'explosifs.

Ces résultats ont eu des conséquences multiples pour l'organisation rebelle. Tout d'abord les attentats ont été suspendus sur ordre de la Fédération qui, dans sa Directive n° 2. prétend rejeter sur les chefs de willayas la responsabilité du meurtre de simples gardiens de la paix. Dans une directive complémentaire du 21 octobre, la Fédération expose plus clairement les motifs de l'arrêt des actions violentes contre la Police. Elle le fait en ces termes :

" Sachez aussi que l'opinion publique française est contre nous, elle ne comprend pas les attentats contre de simples gardiens de la paix, notre silence sur ce sujet et notre manque de précision quant aux causes réelles de ces attentats ont été, pour une grande partie, une cause de réprobation unanime de l'opinion française, grâce à nos actions ".

On peut tenir pour acquis que, dès le 21 octobre, les responsables fédéraux de l'Organisation ne se faisaient plus grande illusion sur le parti qu'ils pourraient tirer de la campagne menée par leurs alliés politiques métropolitains au lendemain des manifestations d'octobre. Précisément ces démonstrations qui devaient servir de support à la campagne que l'on sait et dans laquelle le FLN avait engagé la totalité de ses militants résidant en région parisienne ( des documents saisis le 10 novembre 1961 par la DST le prouvent sans conteste) ont eu pour effet direct de priver le Front de ses meilleurs éléments. Dès lors, il devenait difficile, sinon impossible, à la Fédération de relancer l'agitation dans la rue. L'échec des manifestations des 18-19 et 20 octobre lui en a administré la preuve. Elle en a tiré les conclusions qui s'imposaient et décommandé in extremis le mouvement prévu pour le 1er novembre.

Mais cela n'est pas tout. Outre le mécontentement très vif qui s'est élevé au sein de la population musulmane contre l'organisation et que traduisent parfaitement les nombreux rapports rédigés par les responsables à l'attention de la hiérarchie, les contacts entre les chefs et la base ont été en maints endroits rompus. Ce raidissement de la masse a été illustré en octobre par la chute de la collecte qui a atteint, dans certaines willayas, près de 50%. Ainsi, dans une note découverte au domicile de FARES le montant des fonds recueillis en septembre pour les willayas 1 et 1bis : 119.742.500 anciens francs. En Octobre ce chiffre est tombé à 78.600.000 francs compte tenu de la contribution à la journée nationale du 1er novembre et cela du propre aveu du responsable au contrôle des 2 willayas précités.

Dans une note du 4 novembre, les services spécialisés estimaient quant à eux que les pertes infligées à l'organisation, du seul fait des assignations à résidence en Algérie et cela avant les manifestations d'octobre étaient évaluées par les responsables à près de 2 millions de N.F. Le malaise s'est bien entendu accru au lendemain de ces manifestations. Ces difficultés ne sont d'ailleurs pas propres à la région parisienne : le dépouillement des documents d'archives saisis par la DST le 10 novembre au domicile d'un haut responsable de l'organisation en France fait apparaître un désarroi des chefs de zones, des chefs de super- zones qui craignent de ne plus pouvoir accomplir leur mission en raison de l'arrestation de la plupart des cadres de valeur .

Ce désarroi apparaît aussi très nettement au sein de l'Organisation Spéciale. Ainsi dans un rapport du 3 novembre adressé à son responsable fédéral en Allemagne, le chef de l'Organisation Spéciale à Paris écrit : "Pour l'organisation politique, on n'a pas encore repris le contact car la situation ne nous le permet pas. Les seuls qui pouvaient nous le permettre, c'était les responsables des Groupes Armés, mais malheureusement ils se sont fait arrêter. Actuellement, nous ne connaissons plus personne. Il reste 90 militants. Le reste sont, soit arrêtés, soit disparus. Deux éléments sont devenus harkis. Matériel restant: 2 P.M.- 7P.A.- 2 grenades.."

Le 6 novembre, le responsable fédéral répondant à ce rapport, écrit : "...Quelles ont été les arrestations, leur importance, les causes, les conséquences, les mesures prises ou envisagées, pour couper court à cette situation catastrophique ? " Le Chef de l'Organisation Spéciale à Paris a renseigné en ces termes son supérieur, sur la situation dans laquelle il avait trouvé l'organisation lors de son retour à Paris : "A notre retour, nous avons trouvé la situation fortement détériorée, à cause de la répression qui a été terrible. Plusieurs de nos éléments responsables sont arrêtés, c'est pourquoi il n y avait aucun contact groupe et même entre éléments, avec l'organisation politico- administrative. .";

En résumé, il apparaît clairement que dans tous les domaines les liaisons sont rompues, les contacts ont cessé. De cette situation nouvelle, les simples cotisants et même les militants s'accommodent fort bien et les informations reçues tant par les Services d'Assistance Technique que par les services spécialisés font état de la désinvolture avec laquelle, en maints endroits, les responsables sont traités lorsqu'ils prétendent imposer les consignes de l'Organisation. Cela a même donné lieu à des incidents violents ces jours derniers au Foyer Roger Semat à Saint-Denis. Un chef de section de militants et ses adjoints ont dû battre en retraite devant une vingtaine de travailleurs musulmans parce qu'ils avaient giflé l'un des leurs à qui ils voulaient imposer une forte amende.

Dans ses directives complémentaires du 21 octobre, la Fédération de France écrivait: "Le Préfet PAPON vise à faire sa bataille de Paris, comme Massu la bataille d'Alger. c'est dire si l'enjeu est grand et il nous faut gagner cette bataille sans grands dégâts ".

Pour le présent, il ne semble pas que cette bataille tourne à l'avantage du F.L.N.

Fin du rapport

On comprend mieux la haine que vouent le FLN et ses harkis français à Maurice Papon.

Un cafetier musulman égorgé à Aix.

Le cabinet de Joxe émet une "note préparatoire aux négociations" où, pour la première fois apparaît la notion d'un exécutif provisoire. Ce sera le centre des négociations, le F.L.N. obtiendra qu'il gouverne effectivement, qu'il dispose d'une force locale formée de ses troupes, et qu'il soit composé pour l'essentiel de ses membres. L'exécutif provisoire, dont les archives sont accessibles, a tenu en deux mois et demi de travail 26 réunions, toutes ou presque consacrées à nommer les préfets et à remplacer les juges "dont 90 % ont eu pendant 7 ans une conduite exécrable", et à dissoudre les municipalités. La préparation du référendum occupe aussi l'exécutif.

 

19 Octobre 1.961:

A la suite des ratonnades d'Oran, 82 personnes sont arrêtées.

Le GPRA informe que douze de ses blessés sont soignés grati pro deo dans les hôpitaux américains.

A Paris suite à la manif massive de l'avant veille, la police trie les gens regroupés dans des centres, elle continue à arrêter et à expulser en algérie de nombreux F.L.N.

 

20 Octobre 1.961:

 Minuscule manifestation de femmes algériennes à Paris dispersée sans incident. Les manifestations insurrectionnelles du F.L.N. ont échoué, mais l'image qu'en retiennent les médias et qui, tel un fantôme continue toujours ont eu un impact terrible sur le cours des événements. On peut noter qu'il y a un véritable génie de la propagande dans les manifestations islamistes.

 Quatre plastics à Mostaganem.

 

21 Octobre 1.961:

Quatre attentats à Oran font trois morts et 17 blessés dont cinq européens.

Exaspérés les jeunes oranais entament une ratonnade. Le Monde les trouve excessifs.

Plastic à Alger.

Sept plastics à Paris dont au domicile de Vergés, plastics aussi à Avignon, à Lille.

 

22 Octobre 1.961:

Grèves et manifs F.L.N. peu suivies en honneur du cinquième anniversaire de l'arrestation de Ben Bella.

4 morts et 17 blessés à Alger.

Grenade contre les soldats à Batna, 3 morts un blessé.

Un assassiné à Bougie.

Une famille d'ancien combattant éradiquée à Blida.

Decés à l'hopital Mustapha d'Alger de René DESCAMPS. René a été arreté le 20 Août par le commissaire Amihaud (celui même qui suicida le jeune Daudet). Il a été interrogé à coups de crosses de revolver à la tête, puis placé au camp de Douéra où il retrouve son fils Jacques, arreté comme lui. René se plaint de douleurs à la tête depuis son arestation, il n'et pas soigné, il s'écroule le 22, est transporté en urgnce à Mustapha où le medecin constate la mort et refuse le permis d'inhumer, la mort étant due à de multiples fractures du crane.

Plastics à Alger (3) Oran (3) Philippeville (1) et Marseille contre le siège d'une section du parti coco.

Salan multiplie les assurances sur les intentions de l'OAS (lettre du 22 octobre aux députés): "Nous ne sommes pas les promoteurs d'un gouvernement de fait de la République française d'Algérie, et n'entendons à aucun moment imposer un gouvernement de notre choix à la métropole. (...) Les Français d'Algérie n'ont qu'un but: maintenir l'intégrité du territoire."

Les évêques sont sollicités, le 22 octobre également, à la suite d'une déclaration de la hiérarchie épiscopale sur "la violence devant la loi de Dieu". Salan y prend la défense des chrétiens d'Algérie et tout en assurant l'épiscopat de ses "sentiments filiaux" le met devant ses responsabilités: "Peut-on admettre qu'une communauté de plus d'un million de chrétiens - et de vrais chrétiens - consente d'un coeur léger à tout abandonner, jusques et y compris les valeurs morales fondamentales parce qu'un gouvernement, par une décision unilatérale, en a voulu ainsi?" Salan entend également faire la part des choses et hiérarchiser les responsabilités en minimisant celles de l'OAS: "Il y a des crimes, cela est certain. Il y a ceux du FLN. Il y a ceux que l'on impute à l'OAS; et ceux-là sont aussi condamnables que les autres. Le premier et le plus grave est d'avoir décrété que tout homme de ce pays qui aime la France serait hors la loi." Et Salan de reprendre son antienne et de se montrer optimiste: "C'est la lutte de tout un peuple contre un gouvernement qui ne cesse d'aller à l'encontre de ses plus légitimes aspirations. Je reste cependant convaincu que la fraternisation n'est perdue qu'en apparence et pour peu de temps. "

Au coeur de l'OAS, Olivier Dard; ISBN 978-2-262-03499-3

 

23 Octobre 1.961:

Un chef manutentionnaire du port d'Alger assassiné.

Le commandant Postes, responsable de la sécurité militaire qui a arrêté les assassins du commissaire Gavoury tué d'une balle dans la tête par l'O.A.S.

Deux assassinés à Oran.

Pour vous donner une meilleure vision de l'ambiance d'Oran à cette époque, une petite histoire survenue le 23 octobre 61, piqué à l"echo de l'oranie" que sa directrice me pardonne: Voici un extrait de sa missive: "L'événement s'est passé au début de l'après-midi, rue de Lourmel, au coin de la rue Marcel Cerdan. J'avais seize ans et j'étais venu rendre visite à ma cousine, Monique Vignal, plus douée que moi en latin pour achever la traduction d'une version de Cicéron. Elle demeurait au troisième étage d'un immeuble près de la pâtisserie Bagnos, à l'angle de la rue d'Inkermann. Nous avions été dérangées dans notre travail scolaire, par des cris provenant des rues avoisinantes. Nous nous étions précipitées au balcon pour voir des jeunes gens du quartier qui lançaient des cailloux et autres projectiles dans un certaine direction, avant de s'enfuir en courant dans tous les sens. Ils criaient de faire attention et que le quartier était bouclé depuis la place des Victoires jusqu'au boulevard Clemenceau et de la rue d'Arzew à la rue Mostaganem. L'apparition de gardes mobiles expliqua ce tumulte. Des coups de feu allaient brusquement éclater. Ils semblaient provenir de la rue de Mostaganem et du haut de la rue de Salles où se trouvait le cinéma Mogador. A ce moment-là, une 4 CV Renault, grise, je crois, d'après mes lointains souvenirs, s'engagea en klaxonnant pour signaler sa présence dans la rue de Lourmel. Les gardes mobiles, sans la moindre sommation, ouvrirent alors le feu dans sa direction. Terrorisées et sermonnées par ma tante, nous étions rentrées précipitamment. Peu après, les tirs s'étaient tus, mais de la rue montait un brouhaha d'insultes tandis que des gens criaient et dévalaient dans l'escalier. Nous étions revenues sur le balcon. Je me rappelle que le pare brise de la 4 CV avait volé en éclats et que derrière, se voyait, nettement, même du haut du deuxième étage, un panneau "Presse". Un voisin de l'immeuble avait pris à bord de sa D.S. Citroën, le passager de la Renault. Il avait le visage en sang, soutenu par M. Bonjour, le patron du magasin de machines à écrire. La D.S. avait démarré en trombe et remontait, tout Klaxon dehors, la rue de Lourmel, en direction de l'hôpital .M. Bonjour, dans une violente colère, s'en prenait, à l'officier des gardes mobiles. Il nous avait crié que le blessé était un journaliste de "l'Echo d'Oran", qu'il s'appelait Yves Henry et qu'il était son voisin à Clairefontaine, sur la Corniche oranaise. A son retour, le conducteur de la D.S. nous informa que, par miracle, le journaliste n'avait eu qu'une partie du nez arraché par une balle. le quartier avait retrouvé son calme et nous, après ces émotions, notre version latine".

Je tiens à remercier Gilberte. M., je suis bien le journaliste en question et contrairement à son auteur latin préféré Cicéron, je n'ai jamais eu un pois chiche sur le nez, nécessitant pareil remue ménage. Le rappel de cette anecdote serait restée au niveau du souvenir de la stupide réflexion de Katz, (votre journaliste a mis son nez où il ne fallait pas, tant pis s'il l'a perdu) si une circonstance n'était venue s'ajouter ce jeudi 24 mai 2001, à Nîmes. En effet j'ai rencontré dans la sente menant à la Chapelle de Santa Cruz, un couple d'Oranais qui a évoqué, à son tour, cet incident personnel de la rue de Lourmel. Ils me rappelèrent le nom du conducteur de la D.S, louis Villon, dont je ne me souvenais pas bien: Il est vrai que j'étais quelque peu dans le "cirage", à ce moment-là. Louis Villon m'avait transporté à l'Hôpital et ensuite à "l'Echo d'Oran". Ces doubles circonstances, lettre et rencontre, m'amènent donc, quelques quarante années plus tard, à faire le reportage, plus que vécu, de cet événement me concernant au premier chef, et que je n'avais pu faire, ce jour-là, pour des raisons indépendantes de ma volonté.

A cause de cet abruti de "Gauleiter" Katz et de ses insipides mercenaires gardes rouges, je suis ainsi entré dans l'Histoire de la guerre d'Algérie, en devenant le seul reporter blessé par balle en huit ans de conflit, alors que je n'avais ramené, des combats dans les djebels, durant mes deux rappels sous les drapeaux, que deux blessures superficielles, (éclats de grenade aux mains à Tlemcen en 1.955,et balle par ricochet au dessus du genou, a la frontière marocaine en 1959). Deux membres de la rédaction de "l'Echo d'Oran" avaient été blessés auparavant dans des situations différentes: Michel Lavite, journaliste d'informations générales, ( je le retrouverai 15 ans plus tard au "Dauphiné libéré" à Grenoble) atteint à la cheville et au mollet par des éclats de grenades lacrymogènes lancées par les gardes mobiles sur des manifestants, rue d'Arzew; et Gaston Leondredi, chargé de la page départementale, miraculeusement rescapé d'un attentat terroriste F.L.N. Le tueur lui avait pourtant tiré, à bout portant, une balle dans la nuque, alors qu'il attendait, son trolleybus dans le lotissement de la Cité Petit. Mon ami Gaston a terminé sa carrière au "Monde", à Paris. Tous deux, plus anciens que moi dans la profession, mais aussi plus âgés, avaient participé en 1945,au sein de l'Armée d'Afrique, à la libération de la France.

Revenons donc à ce 23 Octobre 1961, qui devait entraîner, en dehors de l'ambiance dramatique, des conséquences que je trouve - des années étant passées - plutôt cocasses. J'en dédie le récit, en particulier à Gilberte. M.; à la famille Bonjour qui comptait un garçon et deux filles, l'une, si ma mémoire ne me fait pas défaut, se nomme Odile et a épousé un ami d'enfance, (Lycée, "Clichy", G.C.O., et Unités territoriales): J. Fuentes; ainsi qu'à la famille de mon "ambulancier": Louis Villon !.

Le lendemain, "L'Aurore" et "Le Parisien Libéré", alimentés par leurs correspondant locaux- qui ne se déplaçaient jamais sur les lieux d'accrochages ou attentats- avaient parlé en deux phrases de ma blessure et plus longuement, d'une fusillade entre commandos de l'O.A.S. et un escadron de gardes mobiles qui intervenait, pour arrêter des groupes de jeunes européens qui molestaient, soit disant, des passants français musulmans. Ce qui n'était que la propagande habituelle visant à noircir les pieds noirs et à magnifier la guerre civile menée par Katz. En réalité ce jour là, Katz avait lancé cette opération dans le centre- ville pour tenter d'appréhender un officier de l'O.A.S., venu d'Alger, qui participait à une émission pirate depuis un poste émetteur installé dans un l'immeuble voisin du cinéma "Mogador", dans la rue de Salles.

Tout le quartier avait été bouclé par les blindés des gardes mobiles, dès 13 heures, à la fin de l'émission pirate, diffusée en lieu et place du bulletin "France V" de la R.T.F. Des barbouzes avaient entamé des perquisitions dans les immeubles repérés par la voiture goniomètre de service. De jeunes manifestants les accueillant par des projectiles divers avaient gêné leur action et permis à l'orateur de s'évanouir dans la nature, hors de toute atteinte, par un périple de repli établi de terrasses en terrasses. Fous de rages, ils avaient tiré, y compris sur une ambulance, rue de Salles, ce qui avait entraîné une riposte de commandos de l'O.A.S. J'avais été averti, par un coup de téléphone, de ces manifestations et de l'arrivée des unités spéciales de Katz alors que je m'apprêtais à rejoindre avec Jean Borie, le patron du "Clichy", pour aller disputer, un match de tennis, sur les courts du G.C.O, (Gallia Club d'Oran) près du faubourg de Lamur. Mon informateur du G.A.D., (Garde au drapeau- Une partie des commandos militaires de l'O.A.S.), m'avait d'autre part, signalé que l'officier en question pouvait être le colonel Garde. Plus question donc d'aller jouer au tennis!

J'avais pu franchir les barrages de la rue d'Arzew, avec mon coupe-file et avec le panneau "Presse", placé derrière mon pare-brise: il n'avait plus qu'une demi heure à vivre. A hauteur de la rue de la Fonderie, un commando O.A.S, en uniformes kaki et en armes, faisait mouvement en direction du "Mogador". Je décidais donc d'emprunter la rue de Lourmel pour me rabattre ensuite, par la rue Marcel Cerdan, vers le cinéma. Le quartier m'était parfaitement connu puisque j'habitais rue de la Bastille, à côté du consulat d'Espagne, et que je prenais, chaque jour, mes repas au restaurant "Chez Thomas" ou à la brasserie du Golf. J'entamais, au volant de ma 4 CV, (effectivement grise, Gilberte. M.), l'ascension de la pentue rue de Lourmel. Des cris et des bruits de grenades offensives ou lacrymogènes provenaient des rues adjacentes. Des échanges de coups de feu et des claquements de rafales de mitraillettes provenaient de la place Hoche. Une certaine panique avait gagné les îlots d'immeubles du quartier. Les brasseries et les commerces se vidaient de leur clientèle qui, à l'image des piétons, cherchait refuge dans les couloirs d'immeubles. Les voitures ne circulaient plus. L'accrochage avait l'air sérieux, mais il était difficile de le situer exactement. Je demeurais le seul à continuer à rouler lentement, en klaxonnant pour m'ouvrir la route. A l'angle de la rue Marcel Cerdan, je m'étais arrêté pour regarder si je pouvais m'y engager, le corps penché vers ma vitre droite baissée et le visage de profil. Cette position me sauva la vie. La rafale de 9m/m du P.M. Mat 49. devait faire voler mon pare-brise en éclats: une balle m'arracha le nez, une seconde me déchira le gras de l'épaule, les autres se perdirent fort heureusement à l'intérieur de la voiture. J'avais eu le réflexe de couper le contact et, abandonnant mon véhicule au milieu de la rue, de plonger dans un couloir.

Ce n'était pas la première fois que l'on me tirait dessus: mes séjours dans les djebels n'en avaient pas été avares, mais , c'était la première fois que j'étais sérieusement blessé. Une violente douleur entre la base du nez et la lèvre supérieure jusque dans le palais, me faisait penser que la balle était entrée dans la bouche. Seul dans la pénombre du couloir, je me souviens que je disais "Merde! Merde !" pour me rassurer sur la présence de ma langue. J'entendis alors le hululement d'une ambulance suivi de rafales d'armes automatiques. Puis plus rien: Le silence! La fusillade avait cessé ! Je décidais de sortir dans la rue. Je constatais dans la vitrine du magasin, les dégâts: visage en sang, mon nez qui pendait, tee-shirt et veste vert clair couverts de sang. C'était du Grand Guignol, cependant je n'avais pas le coeur à en rire d'autant que la douleur croissait et que la vitrine renvoyait, en même temps, derrière moi à une dizaine de mètres, devant la rue Marcel Cerdan, l'image d'un garde rouge, debout, dont la mitraillette fumait encore. Instinctivement, je m'étais retourné en levant les bras en l'air et en gueulant: "Cela ne vous suffit pas, envoyez m'en une autre, tant que vous y êtes: Espèce de lâche !". Beaucoup de gens m'entouraient, j'entrevoyais, dans un nuage, mon ami de Clairefontaine qui avait agrippé la veste d'un officier des gardes mobiles et je l'entendais vociférer: "Vous êtes complètement fou de tirer sur des civils. En plus c'est un journaliste et il est officier tout comme vous". Le peu de lucidité qui me restait encore, me laissait à penser que le "barbouze" devait s'en ficher éperdument ! C'est alors qu'intervint Louis Villon, propriétaire de la D.S. Il n'hésita pas à m'embarquer sur le siège arrière dont les coussins allaient rapidement se couvrir de sang. J'avais eu le temps de lui glisser à l'oreille de récupérer mon revolver, un P.38, qui se trouvait dans la boite à gants de ma voiture. Cela se passa sans problème.

La situation cocasse de mon aventure allait passer du Grand Guignol à la Farce Médiévale, dès le démarrage sur chapeau de roues et la conduite de Louis Villon, tout Klaxon dehors, vers l'hôpital. Peu rassuré, j'avais demandé à mon "ambulancier" volontaire de lever le pied: après avoir eu la "Baraka", de mon côté, face aux mitraillettes des gardes rouges, il n'était pas utile d'avoir maintenant un accident mortel de la circulation. En moins de temps qu'il me faut pour l'écrire, je m'étais retrouvé au pavillon des urgences, avec d'autres blessés de cette fusillade, notamment les miraculés de l'ambulance mitraillée par les forces de l'ordre. L'interne de service m'avait fait servir, sans doute en raison de ma pâleur, un cognac par une de ses ravissantes infirmières dont le beau-frère, Roger Andréoletti était un camarade, linotypiste de "L'Echo d'Oran", mais aussi réputé culturiste et pelotari de "L'Oranaise"; désormais retraité à Toulon. Le sourire et le cognac m'avaient remis du baume au coeur, car je n'en menais pas large devant subir une piqûre contre le tétanos et ne sachant pas ce qu'on allait faire de mon nez. Après un pansement rapide, l'interne me conseilla de me rendre le plus vite possible chez un chirurgien. Pendant ce temps-là, des rumeurs propagées par le traditionnel tamtam oranais - toujours au courant de tout- étaient arrivées jusqu'à l'hôpital. Elles faisaient courir en ville, tour à tour, que j'avais été grièvement blessé d'une balle dans la tête par les gardes mobiles, que j'étais mort, abattu par un terroriste F.L.N...et j'en passe! Cette note burlesque m'énervait et j'avais prié mon dévoué "ambulancier" de me déposer à "L'Echo d'Oran" pour calmer le jeu.

Le comble m'y attendait lorsque je fis mon entrée, le nez enrubanné, le bras en écharpe, dans le bureau du directeur, Maurice Gailhoustet. Il se leva d'un bond, tout heureux, pour me prendre dans ses bras, criant aux deux personnes qui se trouvaient là: "Qu'est ce que vous racontez? : Regardez, il est debout et bien vivant. Sortez, je ne veux plus vous voir!" Devant ma mine abasourdie, il m'expliqua que ces deux hurluberlus étaient venus annoncer qu'ils m'avaient ramassé mourant dans leur bras avant mon transport à l'hôpital. Après avoir trinqué, scotch en mains, à ma santé, il m'avait informé que Pierre Laffont avait été scandalisé par la réponse téléphonée de Katz alors qu'il lui demandait des explications et des excuses sur cette bavure.(Katz avait répondu, "votre journaliste a mis son nez là où il ne fallait pas") Pour ma part, cela ne m'étonnait pas du tout de la part de cet ignoble individu. Maurice Gailhoustet me conduisit, lui-même, chez le chirurgien Paul Fieschi, camarade de judo et de chasse sous-marine.

Avant de m'opérer, il m'avait fait offrir un nouveau remontant alcoolisé, par son assistante, une tenniswoman du L.T.C.O, fiancée alors au vice-consul d'Espagne. A ma sortie de la clinique, rue d'Arzew, ressemblant au colonel Thomazo, je rencontrais un de mes anciens stagiaires de la P.M. Para, qui me présenta, sans se rendre compte de ma blessure, à sa petite amie, comme étant le grand reporter de "L'Echo d'Oran" qui avait interviewé Brigitte Bardot. Une information qui fit s'exclamer la jeune fiancée: "Quel beau métier, vous faites, Monsieur !". Sans commentaire, avec ma tronche au carré et mon nez de cuir, (sic !). Arrivé à la maison, où m'attendaient mon ami Sergio Montalbano, un ancien du 1er B.E.P. du colonel Jeanpierre en Indochine, son épouse ainsi qu'une amie institutrice de Choupot, les copains commencèrent à défiler ainsi que les toasts portés à ma résurrection. D'où des conséquences rapides sur le vaccin anti-tétanique, que j'avais complètement oublié. Une fièvre carabinée voisine des 40° nécessita la venue d'un médecin, avec une piqûre à la clé qui me plongea dans un profond sommeil.

Cette aventure ne devait pas s'arrêter là. Un envoyé spécial de l'A.F.P. avait expédié une information annonçant ma mort, reprise par une gazette du Morbihan. Mes tantes, âgées respectivement de 72, 80 et 90 ans firent célébrer une messe à ma mémoire en l'église de Kerbourgnec. Du fait que j'étais devenu le dernier des Henry, après le décès de mon père quinze jours plus tôt à Oran, deux ex-voto avaient été scellés sur le caveau familial, comme le révéla la lettre de ma cousine germaine à la direction du journal pour savoir les causes de mon décès. En avril 1962, alors que j'avais migré en France, pour échapper à Katz, (encore lui !), j'avais rendu visite à la dernière survivante de mes tantes qui tomba en syncope en m'ouvrant sa porte. La vérité rétablie, je fis enlever mon ex-voto. Heureusement que je n'avais ni le nez de Cyrano, ni celui de Cléopâtre, sinon toute ma famille y serait passée.

L'épilogue fut apportée par une intervention en plastochirurgie réalisée par le docteur Delerme, dans sa clinique de la porte de la Muette, à Paris en 1964, alors que j'oeuvrais aux côtés d'un camarade d'Oran, (excellent nageur de la G.M.O). François Goerens - son frère Philippe avait été mon condisciple au Lycée Lamoricière - alias François Janin, (spécialiste des sports automobiles), au service des sports télévisés de Raymond Marsillac. Le magazine féminin "Marie France", dans une présentation des journalistes sportifs de la Télévision, devait offrir une tirade sur mon nez, sous la plume de son rédacteur en chef, lui aussi, ami d'enfance et ancien élève du lycée d'Oran: Jean Pierre Reider. Cela fait donc, quarante ans que j'ai échappé de justesse aux balles des gardes rouges et que je survis avec une âme toute neuve grâce à la foi de mes tantes de Bretagne. Quoiqu'il en soit, cela fait aussi quarante ans que je conserve toujours dans ce nez le maudit gauleiter Katz.

Yves Henry

 

24 Octobre 1.961:

Un conseiller général de Batna, médecin musulman assassiné dans son bureau par une équipe de 5 tueurs.

Un assassiné à Alger.

Un cadavre defiguré, égorgé, lardé de coups de couteau dont 7 à la tête est retouvé sur le glacis du fort de Noisy où stationne la FPA. Il s'agit sans doute d'un informateur, mais il n'a pu être identifié.

 

25 Octobre 1.961:

 Plastic (deuxième, plus gros) à Paris au domicile de Brisson dit l'eau tiède, directeur du figaro.

 Bilan des piednoirades d'Oran: Le FLN a tué 13 personnes et en a blessé 27, toutes européennes. Les ratonnades ont fait 10 morts (dont trois européens) et 66 blessés (dont 11 européens). Dans les journaux seuls les sept sont considérés comme anormaux.

 

26 Octobre 1.961:

Un assassiné à Alger, un autre à Oran.

Accrochages dans les djebels, 66 F.L.N. mis hors d'état de nuire.

 Le général Olié (chef d'état major) démissionne.

Les espagnols transfèrent aux Canaries les "activistes" qui étaient en résidence surveillée aux baléares.

Le GPRA réuni en séance extraordinaire à Mohamédia, publie un communiqué énergique "afin de briser l'action de groupes colonialistes et fascistes". Ces décisions se concrétiserons dans la mise sur pied de commandos motorisés qui mitrailleront les cafés de la mitidja (nids de colonialistes) et surtout dans la re-création de la zone autonome d'Alger (elle avait été dissoute après la bataille d'Alger et la prise du pouvoir par le capitaine Leger) qui sera contrôlée par les kabyles, sous l'autorité de si Azzedine (retourné par les français puis re-retourné) et Oussédik. Les deux hommes seront infiltrés par les gaullistes en janvier 62 avec de vrais faux papiers dans un avion d'air france. Ils entameront une fructueuse collaboration anti O.A.S. avec les gaullistes.

Document 23 Tract distribué à Oran le 26 octobre 1961 OAS ZA 3 T 531

" Nous savons combien il est pénible, douloureux de voir assassiner lâchement un ami. Nous savons aussi que la vengeance aveugle contre des musulmans souvent innocents et pro - français est injuste. Elle ne fait que creuser le fossé entre les deux communautés. Or, un des buts de l'O.A.S. est de retrouver la fraternité du 13 mai. Aussi nous adjurons la population de ne pas tomber dans le piège tendu par le FLN, par les communistes et souvent les pouvoirs officiels, qui excitent les jeunes gens indignés par le meurtre d'un ami à exercer des sévices sur les musulmans. Que les musulmans membres de l'O.A.S. préviennent les attentats du FLN, que les Européens de l'O.A.S. évitent le pire et n'oublient pas que de nombreux militants combattent à leurs côtés, et particulièrement dans certains maquis, pour le maintien de l'Algérie dans la souveraineté française. Les populations européennes et musulmanes ont mieux à faire qu'à s'entre-déchirer. I1 est demandé par 1'OAS aux deux communautés de conserver leur sang-froid, leur dignité. Toute manifestation de tendance raciste est formellement désapprouvée par l'O.A.S. '. "

1. Ce tract se situe après les incidents sanglants qui opposèrent à Oran, le 23 octobre 1961, Européens et musulmans.

2. L'OAS multipliera par la suite les mises en garde: " [L'OAS] n'admettra pas les ratonnades, elle abattra en pleine ville si cela est nécessaire ceux qu'elle aura authentifiés comme meneurs. : " (Tract distribué à Oran au début du mois de décembre 1961.) (N.R.)

Le FLN continue à provoquer une population qui n'avait pratiquement pas connu le terrorisme pendant les six ans de guerre qui avaient précédé, et qui, trop souvent tombe dans le piège de la représaille collective.

 

27 Octobre 1.961:

Plastic à hydra, qui vise la villa de Salan. C'est la première manifestation des barbouzes de Bitterlin.

Vague d'attentat F.L.N. à Oran il essaye de relancer les heurts entre les communautés, six blessés.

 Explosion de plastic à paris, Arles, Nice.

Par note officielle, le service Action du SDECE (la fameuse main rouge) informe tout le gouvernement qu'il a retiré ses hommes du FAAD et qu'il a cessé tout support logistique du même.

 

  28 Octobre 1.961:

Emission pirate à Alger.

Un assassinat à Oran, un autre à Alger (un suisse de la synagogue). A Valmy, petit village proche d'Oran et où l'aéroport de la Sénia pourvoit à l'essentiel des emplois, un maraîcher est assassiné au volant de son camion, premier attentat depuis le début de la guerre. Les habitants ne peuvent que mettre cet acte en relation avec l'évolution de la situation, et le triomphe annoncé du FLN.

7 plastics à Alger.

 

29 Octobre 1.961:

Un assassinat à Sétif, un autre à Oran, plastics à Alger, Oran Bône. --

M. Belhadi, ancien délégué à l'Assemblée algérienne et l'un des dirigeants importants du MNA est contacté en septembre 1961 par le cabinet de Michel Debré, les choses se précisèrent, au mois d'octobre 1961: Un plan d'action fut établi: M. Belhadi en tant que personnalité nationaliste connue préparerait la réunion d'une vaste table ronde à laquelle seraient invitées toutes les tendances européennes et musulmanes d'Algérie. Le thème en serait le suivant: nous voulons la paix. Nous ferons la paix entre Algériens. Nous construirons entre musulmans et Français de souche une République franco-musulmane.

C'était à peu près certain que le "GPRA", en tant que tel refuserait de participer à la Conférence, par contre on était assuré de la participation de représentants de maquis MNA et autres groupes armés non FLN et de celle de responsables de certains maquis FLN importants.

À l'issue de la Conférence un organisme provisoire aurait été constitué que la France aurait pris tout de suite en considération pour la préparation de l'autodétermination. Un appel solennel pour la paix immédiate aurait été lancé par la Conférence auquel Paris se serait associé.

Un financement très important fut proposé à M. Bellhadi pour la mise en œuvre de ce plan.

Le projet est abandonné à la fin octobre 1961 mais en contact avec le cabinet de Michel Debré depuis 1959, Bellhadi joue un rôle essentiel dans la création d'une troisième force, le Front algérien d'action démocratique (FAAD). Dans une série d'articles publiés dans son organe L'Algérien, le FAAD affirme son hostilité au communisme et à tout accord avec le GPRA. Il soutient activement le Plan de Constantine et il définit clairement ses objectifs:

"Pour le moment ni le gouvernement français, ni le FLN de Ferhat Abbas, ni le MNA de Messali Hadj, ni le FAAD, ni n'importe quelle autre tendance ne peuvent à eux seuls prétendre être "le dépositaire exclusif de toute l'Algérie [ ... ] l'autodétermination dans la liberté et la démocratie ne veut pas dire livrer l'Algérie au totalitarisme tyrannique du FLN ou de n'importe quelle autre tendance. Le peuple algérien croit en la sincérité du général de Gaulle qui se refusera à livrer l'Algérie à des drames plus effroyables et catastrophiques que vit l'ex Congo belge."

"L'immigration algérienne en France des origines à l'indépendance" (en fait une hagiographie du MNA et de Messali, par Jacques Simon, ISBN 2-84272-082-2

 

30 Octobre 1.961 :

 Le FLN appelle à la manifestation pour le premier novembre, anniversaire de l'assassinat du caïd Sadok, de l'instituteur Monneret, du colon Laurent et du viol de l'institutrice femme de Monneret.

Un assassiné à Alger.

50 plastics.

 En métropole un mouvement de fond rallie au FLN toute l'intelligentsia, les églises et les polices.

 

  31 Octobre 1.961:

 Nuit O.A.S., 56 plastics à Alger, 30 à Oran, d'autres dans toute l'algérie. C'est la nuit blanche, après les drapeaux à afficher aux fenêtres (nuit bleue car il s'agissait des drapeaux O.A.S. bleus). Tout le monde attendra la nuit rouge qui ne viendra jamais.

Chevallier, maire d'Alger, rencontre Salan, dialogue de sourds.

Un assassiné à Oran.

Le délégué général Morin rencontre Bitterlin, chef des barbouzes envoyés par le ministre de l'intérieur frey. Morin n'aime pas cette idée d'une police parallèle anti O.A.S. Les projets de Bitterlin ne séduisent pas, il demande de l'argent, Morin lui en donne un peu et lui demande de faire ses preuves sur Alger et Orleansville avant d'étendre son action à toute l'algérie.

 Le sénateur Lafay, pour convaincre ses collègues du niveau de collaboration des avocats du FLN ("le collectif ") avec les tueurs du même parti raconte que lors d'une arrestation, le brigadier de police Grandjouan avait en flagrant délit arrêté le tueur de son collègue Drolet. Son témoignage figurait dans les pièces du procès, pièces qui n'avaient été communiqués qu'aux membres du tribunal et aux avocats. Or Granjouan fût assassiné quelques jours après que les pièces aient été communiquées aux avocats, éteignant l'action de la justice.

Lors de la séance du Sénat tenue le 31 octobre, Bernard Lafay, qui était en possession d'informations très précises, sans doute en provenance du ministère de l'Intérieur et de la préfecture de police, devait s'exprimer en ces termes: "J'ai sous les yeux le règlement intérieur de la fédération de France du F.L.N. Il y est dit que le Front de libération nationale est "l'expression suprême de l'autorité" et que "toute dérogation à la discipline entraînera une sanction". Les retards aux réunions, les absences non motivées sont des fautes simples punies d'une amende de 1000 francs [il s'agit d'anciens francs]. Les indiscrétions, la violation de la voie hiérarchique, la mauvaise conduite personnelle sont des fautes graves imposées à 5000 francs. Pour les fautes très graves, les sanctions sont décidées par le comité d'organisation, et vous savez qu'elles vont de la correction physique à l'exécution sommaire. Je vous prie de noter que la désertion - c'est le terme employé - est punie de mort. Qu'est-ce que la désertion? C'est l'attitude d'un Algérien qui tente de se soustraire au contrôle de l'organisation politico-administrative en changeant clandestinement de domicile ou de lieu de travail". Et un peu plus loin: "Telle est l'organisation redoutable qui forme actuellement, mes chers collègues, un Etat dans l'Etat, une police contre la police, une administration contre l'administration. Elle a ses écoles, ses commissions de justice et de trésorerie, ses organes de secours et de renseignements, sa presse, son fichier de mobilisation qui lui permet d'affecter ses hommes en mission de renfort d'un bout à l'autre du territoire. Elle contrôle les gares de Paris où pas un musulman ne peut débarquer sans produire un laisser-passer délivré par la région d'où il vient, ou fournir son identité et ses explications au service de surveillance clandestin. Elle contrôle les prisons et les camps d'internement où les groupes de choc - il en existe là aussi - imposent une discipline de fer et n'hésitent pas à sévir contre les tièdes et les récalcitrants".

Les archives de la préfecture de police ne permettent pas pour l'instant de confirmer l'exactitude totale de ces propos, mais à l'exception peut-être d'une formulation dramatisée, ces derniers semblent tout à fait vraisemblables.

Synthétisant une série de sources de police, sans doute des Renseignements généraux, Benjamin Stora décrit "la lourde main du Front" qui s'est abattue sur les Algériens de France: "interdiction de s'éloigner du quartier sans autorisation; obligation d'annoncer toute visite; interdiction de changer d'emploi; autorisation nécessaire pour aller au cinéma ou pour rendre visite à un cousin habitant un autre quartier ou hospitalisé". ..

A mesure que s'écoule l'année 1961, la police judiciaire éprouve de plus en plus de difficultés à identifier les cadavres d'Algériens retrouvés sur la voie publique, dans la Seine ou les canaux de la région parisienne. Les victimes, avant leur exécution, ont été systématiquement dépouillées de leurs papiers et de leur argent. Un objet oublié dans une poche met parfois les enquêteurs sur la voie de leur identification. Ces derniers notent d'abord que les membres les plus actifs des mouvements nationalistes algériens changent fréquemment de domicile afin d'éviter d'attirer sur eux l'attention des services de police, de leurs adversaires ainsi que du voisinage; de là la difficulté de leurs investigations.

Mais les policiers mettent surtout en cause la terreur qui règne dans la population musulmane et qui la retient de s'exprimer. Ils se heurtent ainsi au mutisme d'hommes ou de femmes qui, tantôt feignent de ne pas savoir parler français, tantôt répondent qu'ils ne savent rien ou se cantonnent dans des généralités - alors qu'entre originaires d'un même douar, il est peu de secrets.

Exemple entre cent, R. est repêché dans la Seine à Gennevilliers le 19 octobre. L'autopsie établit que sa mort a été"consécutive à une strangulation et à des lésions de violence crânienne effectuées à l'aide d'un instrument contondant". Son corps a été identifié et son frère le reconnaît. Mais l'enquête conduite sur commission rogatoire ne débouche sur aucune conclusion, ni même sur aucune hypothèse. Les deux officiers de police judiciaire soulignent in fine dans leur rapport: "Tous les témoins contactés ont été assez réticents. Son frère [...] n'a pu recueillir aucun témoignage sur les circonstances de sa mort. Ses cousins [ ...] n'ont voulu faire aucune déclaration. Ils ont simplement précisé qu'ils n'avaient pas vu leur cousin depuis le lundi 16 octobre".

Devant le Conseil municipal de Paris, Maurice Papon évoque lui-même le cas du cadre du FLN Benmeddour, dont on a repêché le cadavre le 29 septembre dans le canal Saint- Denis. Il affirme que "libéré du camp de Larzac quelques jours plus tôt, il avait subi le sort de plusieurs autres internés de ce camp qui appartenaient à la fraction dite des neutres". Maurice Papon avait-il des informations plus précises que celles de l'enquête judiciaire? Cette dernière en tout cas se conclut un an plus tard sur l'incertitude la plus totale, et l'enquêteur souligne le mutisme auquel il s'est heurté à Aubervilliers, avant d'ajouter: "Pour qui connaît la psychologie musulmane, cela implique que "l'on sait", mais qu'on ne veut rien dire aux Français parce que c'est une affaire entre musulmans, donc un règlement de compte politique".

La terreur qui plane sur la population musulmane se lit clairement dans l'attitude des blessés qui survivent à une tentative d'assassinat. La quasi-totalité observent la "loi du silence", même si parfois, pensant sans doute que leur dernière heure est arrivée, ils donnent quelques informations aux témoins qui les secourent. Le 11 septembre vers 22 heures 30, un Algérien est blessé de trois balles et jeté dans le canal de l'Ourcq à Pavillons-sous-Bois. Secouru par un marinier et un chauffeur employé municipal de cette commune, il demande à ce dernier de ne pas prévenir la police, se contentant de dire: "Ils m'ont volé tous mes papiers!" Lors de son audition à l'hôpital Tenon, il répond de la façon la plus évasive au policier qui l'interroge et refuse même d'apposer sa signature sur le procès-verbal.

Trois jours plus tard, peu avant 18 heures, dans une rue passante de Puteaux, la police est appelée auprès d'un Algérien blessé dont des témoins précisent qu'il a été agressé et étranglé par deux coreligionnaires qui ont pris la fuite. Auditionné à l'hôpital le lendemain, il déclare: "Je n'ai pas été victime d'un accident de voie publique, je n'ai pas été agressé par qui que ce soit, je ne sais pas ce qui s'est passé hier; j'étais seul, c'est tout".

Le 22 octobre, quai de la Gare, un Algérien est repêché dans la Seine par un inconnu qui le laisse sur la berge. Admis à l'hôpital de la Pitié dans un état peu grave, il se refuse à toute déclaration.

 

On pourrait multiplier les exemples. Qu'on nous permette d'en donner un seul autre, car les déclarations du blessé disent concrètement le martyr de tous ces hommes. Il s'agit d'un maçon de trente ans, L., domicilié à Nogent-sur-Marne où il vit dans un dortoir et où il partage un lit avec un camarade. Le 13 octobre, il a dîné dans le restaurant de son logeur, est allé regarder la télévision dans un café, puis est rentré se coucher vers 23h30 ou minuit; son compagnon dormait déjà. Vers une heure ou une heure 30 du matin, il est réveillé, dit-il, par deux hommes masqués, dont l'un tient un pistolet à la main. "En français, il m'a dit: "debout". Mais cette simple parole m'a fait comprendre que l'homme était nord-africain musulman [. ..] La scène se passait dans le noir; elle n'était éclairée que par la lueur des allumettes que les deux hommes allumaient l'une après l'autre. Je me suis habillé et une fois en tenue, j'ai eu les mains liées et la bouche bâillonnée". On le contraint alors à monter dans une Citroën noire, où un troisième homme masqué est au volant. Il doit se coucher au pied de la banquette arrière et les deux hommes mettent leurs pieds sur lui. Le trajet dure peut-être dix minutes. On le fait enfin descendre de la voiture. "Je ne me souviens plus exactement de ce qui s'est passé. Mais je me souviens d'une grande douleur lorsque j'ai eu la gorge tranchée. Ensuite j'ai perdu la mémoire". Ce récit n'est pas forcément exact en tous points. On peut penser que la mise en cause d'hommes masqués est surtout destinée à éviter les questions trop précises des policiers. En effet cette pratique n'est guère utilisée par les hommes de main du FLN (le MNA ne semble pas avoir recouru à ce type d'enlèvement et d'assassinat): quelle utilité de se masquer le visage puisque la victime va mourir? Pour sa part, L. a eu la chance extrême que le rasoir n'ait pas atteint le centre de la trachée et qu'il n'ait pas succombé aux suites de ses blessures, car on ne l'a retrouvé que le lendemain à 14h20 dans un verger de Champigny. Mais après les déclarations auxquelles nous avons fait écho, il répond aux policiers qu'il a oublié ce qui s'est passé. Quant à son compagnon de lit, il soutient sérieusement: "Je n'ai rien remarqué d'anormal au cours de la nuit. Je vous dis que je dors très bien et lorsqu'un événement insolite se passe dans notre dortoir, il faut que mes camarades me réveillent, sinon je dors toujours"

 

Dans certains cas, les rescapés mettent d'abord en cause des Nord-Africains, puis des agresseurs non identifiés mais dont ils font des descriptions rocambolesques et ils finissent parfois par accuser la police elle-même. En voici deux exemples assez nets, car des témoins ont déposé dans le cadre d'une procédure judiciaire. Le 29 septembre, peu après minuit, un employé de la RATP qui traverse le pont sur la Marne dit du Petit Parc, qui relie Champigny à Saint-Maur, a son attention attirée par un bouillonnement dans l'eau et des appels étouffés. Il aperçoit un homme qui se débat et il réussit à le ramener sur la berge. Sa bouche est baîllonnée par un mouchoir et ses mains sont liées sur le devant par une cravate. A son sauveteur, l'homme, un nommé H., déclare spontanément qu'il a été amené en taxi et agressé par des Algériens qui l'ont jeté dans la rivière après lui avoir attaché les mains, l'avoir bâillonné et frappé derrière la tête. Il se serait débattu dans l'eau "pendant une heure environ". L'homme, qui "avait une peur atroce" et "était à moitié dans le cirage", lui indique qu'"il ne voulait pas payer et qu'il ne paierait jamais". Au brigadier des gardiens de la paix B., de la circonscription de Saint-Maur, arrivé sur les lieux à Oh30, H. fait la même relation des faits. Mais entendu le même jour à 2h5O, à la Salpêtrière, il prétend avoir été interpellé par "deux hommes vêtus d'imperméables sombres munis de pistolets de fort calibre", qui avaient deux complices à l'intérieur d'une voiture et qui s'exprimaient en français. Le 6 janvier 1962, il devait persister dans sa deuxième version et donner des détails plus précis sur ses agresseurs, tout en affirmant qu'ils n'appartenaient ni à la police parisienne, ni à la force auxiliaire de police.

Le cas de M. est analogue. Le 6 octobre, vers 7 h du matin, un automobiliste qui passait dans le bois de Boulogne à la hauteur de l'hippodrome vit un homme se lever en titubant et s'approcher de la route. "Il avait la gorge ouverte - déclara le témoin. Il parlait peu, mais il m'a dit qu'il était à cet endroit depuis la veille, il m'a dit qu'il s'agissait d'un règlement de compte FLN". Mais à son arrivée à l'hôpital Foch de Suresnes où le conduisit l'automobiliste, le blessé - selon le rapport du brigadier et du gardien de la paix dépêchés sur les lieux - déclara "qu'il avait été attaqué par quatre individus sans autre indication" qui lui avaient "dérobé son portefeuille avec ses papiers". Auditionné un peu plus tard par les officiers de la police judiciaire, M. modifia encore sa version, et parla d'une interpellation effectuée par "des hommes habillés en gardiens de la paix", qui l'auraient battu et étranglé. Il aurait repris conscience au milieu de la nuit, se serait aperçu qu'il était blessé au cou et aurait marché dans le bois. Il déclara ne pouvoir dire si ses agresseurs étaient nord-africains ou non, car "la lumière était éteinte dans la voiture".

D'autres affaires mettent beaucoup plus directement la police en cause. Gravement blessé par balle au ventre le 2 octobre, le nommé C. aurait indiqué à un employé de l'hôpital Beaujon, avant de sombrer dans l'inconscience, qu'il avait été attaqué, dépouillé de ses papiers et de son argent, puis jeté à la Seine par des Nord-Africains. Quand il put être entendu par le commissaire principal de la circonscription d'Asnières, seulement le 2 novembre suivant, il mit en cause d'une manière quelque peu évasive trois cyclistes "habillés comme des agents", mais "dont il ne pouvait dire si c'était bien des agents"; comme il faisait nuit, il avait mal vu ses agresseurs et pouvait seulement indiquer que l'un était assez gros et l'autre plus mince. Entendu le 29 janvier 1962 par un fonctionnaire de l'IGS dans le cadre d'une commission rogatoire, C., qui était sorti de l'hôpital depuis un certain temps, se montra au contraire très précis et donna le signalement de plusieurs gardiens de la paix de la circonscription d'Asnières. "Chez la plupart des individus, la mémoire s'estompe au fur et à mesure que le temps s'écoule. Il semble en être différemment pour C.", commente avec un humour grinçant le commissaire de l'IGS qui signale que C. n'est pas le premier à agir de la sorte et qu'il a parfaitement pu se faire renseigner sur le signalement des gardiens de la paix. En effet les archives de police nous montrent, ainsi que nous le verrons au prochain chapitre, que les policiers étaient parfois suivis par des hommes du FLN qui, dans la perspective d'un attentat à commettre, s'efforçaient de recueillir le maximum de renseignements sur leurs habitudes. Toutefois le commissaire de l'IGS n'écarte pas entièrement l'hypothèse selon laquelle les policiers seraient les coupables - dans l'absence de certitude, nous pouvons nous aussi adopter cette attitude, mais si tel était le cas, il écrit qu'il leur trouverait des excuses, de bien curieuses excuses en vérité, sur lesquelles nous reviendrons.

Le cas de A., blessé le 2 octobre au cours d'une agression où son compatriote G. trouva la mort, est analogue. Les deux hommes habitaient dans un hôtel de Gennevilliers qui était connu des services de police pour être - comme beaucoup - "un repaire particulièrement actif du FLN", et l'agression dont ils furent victimes fut commise à proximité de l'hôtel. Entendu le 2 novembre, A. mit en cause deux hommes en civil qui circulaient dans une 15 CV Citroën, puis il incrimina "la police", enfin il donna un signalement très précis d'un de ses agresseurs policiers. Tout en soulignant qu'il est peu probable que les circonstances exactes de l'affaire soient jamais connues, le commissaire de l'IGS qui rédige l'enquête de police note que l'accusation finalement portée contre la police, "outre qu'elle détournait les soupçons", "risquait d'être favorablement accueillie par une opinion publique bernée et savamment conditionnée par une campagne de presse décidée à tout pour saper le moral des forces de l'ordre engagées dans la lutte contre la subversion algérienne". Faut-il suivre le commissaire dans ses certitudes? Le dossier laisse le lecteur dans le doute. On se demandera dans un prochain chapitre si des groupes de policiers ou de para-policiers n'ont pas pu exercer leurs méfaits à l'époque. En l'occurrence, cette éventualité ne semble pas à rejeter. Inversement il faut prendre en compte l'indéniable volonté du FLN de monter l'opinion contre la police au moyen d'accusations fallacieuses.

En 1961, le FLN est sans aucun doute un mouvement à visées totalitaires. S'il n'est pas encore pleinement totalitaire, c'est parce qu'il n'a pu encore développer les principes qu'il a affirmés; c'est aussi qu'il a en face de lui une police qui lui mène la vie dure et à laquelle il ne se fait pas faute de rendre la pareille.

Pour comprendre le drame d'octobre 1961, il est donc indispensable d'évoquer cette lutte inexpiable et sur laquelle planent encore trop d'erreurs d'interprétation et de malentendus.

"Police contre F.L.N." ISBN 2-08-067691-1 de Jean Paul Brunet, consacré au drame du 17 octobre 1961.

 

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