Mai 1958

 

 

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1 Mai 1958 :

On apprend ce jour les détails de la sanglante fin de l'affaire Kobus, qui s'est produite le 28 Avril.

De son vrai nom Djillali Belhadj, Kobus est un chef MNA qui se rallie (comme beaucoup) à la France devant les coups que lui porte le FLN. Il tient un vaste secteur dans la région d'Orleansville. Très indépendant, pratiquant le terrorisme vis à vis de la population sur le modèle F.L.N. contrairement aux instructions de l'armée française, il en perd progressivement le support, (qui consistait surtout en armes et munitions). Très dur envers ses hommes il en perd aussi le contrôle. Il est abattu avec quelques fidèles (on lui plante - humour- un drapeau français dans le cœur) par son adjoint et ses troupes, 900 hommes bien armés et bien formés rejoignent le F.L.N.

Cette opération qui n'est pas dénuée de rivalités entre l'armée et les services secrets, rendra l'armée très réticente à l'utilisation trop globale de troupes entièrement musulmanes. L'armée exigera toujours d'avoir des S.A.S même dans des zones entièrement contrôlées par une population alliée.

Un instituteur qui visitait les ruines romaines près de Constantine enlevé par les rebelles.

 

2 Mai 19.58 :

Les rebelles harcèlent Bou Saada.

Cinq des membres de diverses mairies du département sont assassinés, deux d'entre eux avec les raffinements qui font le charme de cette guerre, ils sont dépecés (sans doute vivants) et leur chair est exposée comme celle d'un mouton dans une boucherie.

 

3 Mai 1958 :

Une troisiéme vague de fell passe à son tour le barrage, après les percées du 29 avril où, encerclés par le 9èeme RCP, heliporté litteralement au milieu des rebelles, le 14 ème RCP et les troupes de la herse, au total trente compagnies ont encerclé une zone de 20 kilométres de long, 170 fells ont été exterminés le 30, abandonnant des armes et des munitions destinées à l'intérieur, suivie le 1 Mai au même endroit par une nouvelle tentative, qui conduit à 80 hommes tués et de nombreuses armes saisies. Cette troisiéme vague a le même sort que les deux autres, 90 fells au tapis. Au total, le FLN a perdu 620 hommes, 46 armes automatiques, 412 armes individuelles. C'est la fin des tentatives de franchissment massif, Krim Belkacem passe la main à Boumedienne qui gardera son armée bien à l'abri et ne s'en servira qu'après l'independance pour donner le pouvoir à Ben Bella et le recupérer ansuite.

 

4 Mai 1958:

Poursuivant les soldats de Kobus ralliés au F.L.N., des soldats du deuxiéme régiment d'infanterie coloniale se sont fait accrocher près de l'école de Makabra. Quinze morts, dix blessés. Les hommes du R.l.C. s'étaient arrêtés pour casser la croûte près de l'école, ils s'étaient installés par petits paquets, les armes hors de portée de la main. Cependant, grâce à des éléments placés en protection, cette unité put réagir. Les fells ont laissé seize morts sur le terrain et ont eu de nombreux blessés.

http://www.djazairess.com/fr/lnr/68937

 

5 Mai 19.58 :

 Un cuisinier militaire assassiné à Heliopolis.

 

 6 Mai 1958 :

Bilan de la semaine (et donc y compris la bataille qui vient de se dérouler sur le barrage) 1340 rebelles hors de combat, 97 morts chez nous.

 

7 Mai 1958 :

 La police démantèle une fois de plus la willaya de France, 242 arrestations.

 

 8 Mai 1958 :

 Robert Lacoste, sentant venir l'orage, désavoué par son parti, voyage en métropole. Delbeque regagne Alger.

 

9 Mai 1.958:

Salan adresse au général Ely, chef d'état major des armées, le télegramme suivant:" Vous demande de bien vouloir attirer attention du Président de la République sur notre angoisse que seul un gouernement fermement décidé à maintenir notre drapeau en Algérie peut effacer." Le télegramme est cosigné par Jouhaud (air) Allard (terre) Massu (troupes de choc) Auboyneau (marine).

Ely transmets au président Coty, qui est en train de consulter pour constituer le gouvernment qui succedera à Gaillard. Pleven consulté, ayant entendu Salan le 26 Avril a renoncé. Coty a designé Pfimlin, plus résolu à trouver un accord avec le FLN.

Au domicile de Roger Frey (futur ministre de l'intérieur) se rencontrent les comploteurs gaullistes, du moins une des tendance, Michel Debré, futur premier ministre, Olivier Guichard (futur ministre) Delbecque qui anime l'antenne d'Alger, le général Petit. Les deux autres tendances gaullistes (Soustelle, Chaban delmas) sont absentes.

 

10 Mai 1.958:

Dans son journal du Dimanche, Alain de Sérigny, propriétaire de l'écho d'Alger, considéré comme un homme engagé pour le maintien de l'algérie dans la France, publie un éditorial intitulé "parlez mon général, parlez ".

Cet éditorial, qui a été soumis par Sérigny à Soustelle avant la publication, a été tapé au ministére de la defense (Chaban Delmas) et envoyé immediatement à Colombey. Destiné à promouvoir De gaulle comme nouveau premier ministre, considéré comme un ralliement des "activistes" aux gaullistes, il sera longtemps regretté par Sérigny.

Jouhaud, patron de l'armée de l'air en Algérie, reçoit le général Petit, gaulliste de base, qui prétend parler au nom du chef d'état major général, le général Ely. Petit demande, au nom d'Ely, que Jouhaud prenne l'initiative de regrouper en Algérie, l'ensemble des avions de transport stationnés en métropole. Une telle décision est en effet prévue en cas de tension à la frontière tunisienne, ce qui peut être considéré comme le cas, après l'assasinat légal des trois soldats français en Tunisie. Surtout, prétend Petit, vu la crise politique à Paris, et l'agitation du parti communiste il pourrait être nécessaire de déplacer sur Paris deux régiments de parachutistes. Petit explique aussi que Ely est mal placé pour prendre cette décision, qu'il vaut mieux que Jouhaud, en charge des problèmes sur la frontière tunisienne en prenne l'initiative. Jouhaud comprend bien, il donne son accord, la date du 14 Mai est convenue. Jouhaud dans ses mémoires en déduit que le coup d'état gaulliste était programmé pour après le 14, mais que l'émeute populaire du 13 a brusqué les choses.

 

11 Mai 1.958:

Le gouvernement français condamne l'exécution des trois soldats à Tunis.

Du Caire, le F.L.N. répond que toute exécution d'un algérien entraînerait l'exécution d'un soldat français. Dans ce but il gonfle les effectifs de prisonniers en sa possession, ce sera une des déceptions du gouvernement français de ne libérer que cinq militaires lors des déclarations d'intention d'évian, au lieu des 500 attendus. Le FLN a une conception toute orientale des statistiques.

Pfimlin envoit à Alger un de ses proches, le prefet Payra. Ce dernier a pour mission de faire lire aux généraux la partie du programme du futur nouveau gouvernement qui concerne l'algérie. Tous trouvent intolerable la phrase suivante: "... la France ne saurait accepter que cette guerre ait une durée illimitée. Aussi le gouvernement est résolu, dés que les circonstances lui paraitraient favorables, à donner à une date et en un lieu qu'il choisirait, des négociations avec le FLN pour arriver à un cessez le feu et determiner ls conditions dans lesquelles des élections libres pourraient avoir lieu."

 

12 Mai 1.958:

On trouvera ICI les évenements racontés par le préfet de Mostaganem.

Analyse des sentiments de l'armée par le colonel Argoud: "Les gouvernements de la République ont simplement oublié qu'entre l'armée et la nation il existe un contrat tacite. Par ce contrat, les officiers, les sous-officiers, les cadres de carrière s'engagent à sacrifier leurs intérêts, leur famille, leur vie même, quand l'exige l'intérêt du pays. Comme le centurion de l'Evangile, ils font voeu d'obéissance.

Mais, de son côté, la nation s'engage à ne pas systématiquement confier à l'armée des missions incompatibles avec les moyens, humains et matériels, dont elle dispose. Elle s'engage à la défendre lorsqu'elle est attaquée, à l'honorer lorsqu'elle respecte son contrat. Or, précisément, l'armée française de 1958 a le sentiment que ce contrat n'est plus respecté. Elle se voit trahie, à peu près impunément, par les communistes, par une large fraction des élites et de l'Eglise, qui, mus par des mobiles multiples, réservent à l'ennemi, en exclusivité, le bénéfice de leur sympathie, et l'aident par tous les moyens en leur pouvoir. Tous paraissent oublier qu'en se battant l'armée ne fait qu'obéir à la volonté nationale. Elle se sent ainsi incomprise, abandonnée par l'État et par la nation. Elle impute l'essentiel de ses défaites, de ses divisions, de ses souffrances, à ses chefs civils et militaires, ceux-ci étant nommés par ceux-là. Il en résulte une grave crise de confiance, vis-à-vis du commandement et du pouvoir civil, crise qui n'a fait qu'empirer avec les années. Elle a saisi qu'elle est destinée toujours à jouer les boucs émissaires. Elle en a conçu une grande amertume. Elle se sent forte des indulgences qu'elle a acquises par tous les sacrifices consentis. Elle est convaincue d'avoir compris mieux que personne en France la véritable nature de la menace qui pèse sur le pays et sur l'Occident tout entier. Elle est exaspérée par la perspective d'une nouvelle défaite en Algérie, qui signifierait pour elle une humiliation de plus, une rupture des engagements moraux qu'elle a contractés à l'égard de la population. Se souvenant de la leçon gaulliste, elle éprouve la tentation de plus en plus vive d'intervenir dans la conduite des affaires.

De son côté, l'État a tendance, pour se dédouaner de l'opinion, à rejeter sur l'armée la responsabilité systématique des fautes commises. Conscient de sa faiblesse, il s'inquiète aussi de la voir peser d'un poids de plus en plus lourd sur la politique nationale. Mais il ne semble pas lui venir à la pensée qu'en manquant aux plus élémentaires devoirs, et en rompant son contrat, il invite l'armée à quitter la voie légale. Pour couronner le tout, défaites, divisions, crises de confiance, amertumes ont entraîné à l'intérieur de l'armée un affaiblissement général de l'autorité et, par voie de conséquence, une indiscipline chronique, qui la ronge comme un cancer. Voilà en bref les ombres et les lumières de cette armée, qui possède d'admirables vertus, mais qui est affligée de vices qui la paralysent."

 

13 Mai 1.958:

Alors que les conjurés gaullistes avaient prévu que Pfimlin non investi, une crise politique s'ouvrirait qui ouvrirait un boulevard légal à De gaulle, les activistes d'Alger (le comité des sept, Martel, chouan, son adjoint Crepin, Ortiz, cafetier populaire, authentique representant du petit peuple, Docteur Lefévre, corporatiste, Maître Baille et Goutailler, poujadistes, enfin Lagaillarde, officier de reserve, président de l'association des étudiants.) ont lancé la manifestation, prévu le sac du gouvernement général, ils attendent le général Cherriére, convoqué, qui ne vient pas.

A 18 heures, Salan et les autres généraux se frayent un passage dans la foule qui crie "l'armée au pouvoir" et déposent une gerbe au monument aux morts. Aprés leur départ, Lagaillarde, juché sur le monument lance l'assaut du batiment du gouvernement général, un GMC arrache les grilles d'entrée, le batiment est envahi, les dossiers et les machines à écrire volent par les fenêtres.

 Une manifestation pour protester contre l'assassinat des prisonniers français du FLN à Tunis dégénère, la foule envahit le bâtiment du gouvernement général, les troupes laissent faire. Le centre culturel américain est mis à sac.

Dans ses mémoires que l'association "les amis de raoul Salan" met à le disposition du public, Salan raconte qu'il a par deux fois essayé de haranguer la foule qu'il a été hué aux cris de indochine, abandon, alors qu'elle acclame Massu (le vainqueur de la bataille d'Alger) . A ce moment, Massu et Salan sont dans les bureaux du gouvernment général que Lacoste à Paris a abandonné, et sont entourés de manifestants qui réclament un "comité de salut public". Salan envoie Massu calmer la foule, Massu déclare du balcon "l'armée répond à l'élan populaire", la foule se calme, et attend la suite.

Il est 20 heures, les "insurgés" Lagaillarde et ses étudiants insistent pour la création d'un comité de salut public avec Massu à sa tête. Massu consulte Salan, Salan lui déclare "allez-y, je vous couvre", Massu s'enferme dans un bureau pour établir la liste des membres, il n'y a que la garde rapprochée de Lagaillarde, celle de Martel, pas un gaulliste. Massu ajoute trois militaires (Thomazo, du complot gaulliste, Trinquier et Ducasse).

Salan appelle Ely, le chef d'état major des armées, lui rend compte, et demande au nom de la population algeroise, la constitution d'un gouvernement de salut public. Ely annonce l'arivée du général Petit, un des comploteurs gaullistes, avec Soustelle. Petit viendra bien mais pas Soustelle, qui a préféré aux rumeurs du forum les intrigues de l'assemblée nationale. Salan confirme sa conversation avec Ely par le message suivant: "Comme suite à ma communication téléphonique et devant troubles graves qui menacent l'unité nationale en Algérie et qui ne peuvent être arrêtés sans risquer de faire couler le sang, les autorités militaires responsables estiment impérieuse nécessité de faire appel à un arbitre national afin de constituer un gouvernement de salut public en vue de rassurer l'opinion algérienne. Un appel au calme de cette haute autorité, affirmant volonté formelle de conserver l'Algérie française, est seul capable rétablir situation. j'insiste sur le fait que gravité de la situation implique décision immédiate dès cette nuit si possible. Je vous demande de porter ce télégramme de toute urgence à la connaissance de Monsieur le président de la République, du président du Conseil de Monsieur Lacoste, des présidents des Assemblées, de Monsieur Montel président de la commission de la défense nationale. Signé général Salan."

Vers 21 heures débarquent enfin les comploteurs gaullistes d'Alger, Delbecque et Neuwirth, furieux d'avoir été devancés par Lagaillarde, Martel et autres "activistes". Ils font le siége de Massu , affirment mensongérement representer Soustelle, et se font inscrire au comité de salut public, qui finit par comporter une quantité considerable de gens, tous ceux qui avaient pénétré le GG.

A Paris, Felix Gaillard, chargé des affaires courantes, réunit le gouvernement et envoit à Salan un télégramme codé :"Le général Salan est habilité à prendre toutes mesures pour la protection des biens et des personnes, jusqu'à nouvel ordre". L'armée est revenue en gros dans la légalité.

A deux heures 45 du matin, radio Alger, aux mains des émeutiers, annonce la demission de Gaillard, mais l'investiture de Pfimlin, le forum où se trouvent encore des dizaines de milliers de personnes hurle sa rage. Le comité de salut public rédige un communiqué que Salan accepte de lire:"Ayant la mission de vous proteger, je prends provisoirement en main les destinées de l'algérie française. Je vous demande de faire confiance à l'armée et à ses chefs, et de montrer par votre calme votre determination". Salan quitte le GG , se rend à son bureau de la dixiéme région militaire et rédige un communiqué (ici) qui sera diffusé et affiché le lendemain. Pfimlin l'appelle et lui confirme qu'il a provisoirement délégation du pouvoir civil.

fin de l'extrait des mémoires de Salan.

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 Oran et quelques autres villes suivent, à partir du 14. A Oran, le prefet Lambert acclamé le 13 lors d'une ceremonie en mémoire des soldats français executés par le FLN ne comprend pas que le 14, il soit defenestré.. Les neuf prefets, 9 sous prefet, 7 hauts fonctionnaires sont démis de leurs fonction par les comités de salut public, couverts ensuite par l'armée. A Oran le prefet (igame) Lambert est molesté et jeté par la fenêtre. On trouve ICI le cas de Mostaganem. Grève générale dans toute l'algérie. Ce mouvement de foule enraye la mécanique mise au point par les gaullistes, qui prévoyait que l'assemblée ne pourrait désigner un nouveau premier ministre et que, devant l'incapacité à se mettre d'accord, le président Coty ferait appel à De gaulle.

D'ailleurs ce même soir, deux officiers délégués par Salan à la demande d'Ely, Juille et Mouchonnet après avoir rencontré Ely et Petit, sont menés par eux auprès de Frey qui leur demande instamment de prendre à bord de leur avion militaire Soustelle et Dumont, munis de faux papiers. Ils acceptent, mais le nouveau gouvernement a supprimé tout décollage. Au contraire, effrayés par l'émeute d'Alger, présentée comme d'habitude comme des fachistes, les parlementaires nomment Pfimlin président du conseil, la partie devient plus complexe pour les gaullistes.

 Voici la version de Jean Brune (cette haine qui ressemble à l'amour, Atlantis, 2001):

On a souvent dit que le 13 mai 1958, les Français d'Algérie avaient appelé De gaulle. Rien n'est plus faux ! En ce printemps des chimères, les Français d'Algérie ne détiennent en Algérie aucun levier de commande. L'armée est partout et partout les populations dispersées dans les villages ou groupées dans les grandes cités lui vouent une affectueuse déférence parce qu'elle est le rempart vivant contre lequel bute la folie sanguinaire des rebelles. De toute façon, l'armée est seule dépositaire de la force. Elle double partout le pouvoir civil et, au fur et à mesure que l'on s'enfonce dans les "djebels" et les hauts plateaux, presque partout, le supplante et le remplace. Le pouvoir civil est légalement le maître; mais aux échelons d'exécution, c'est l'armée qui assume en fait le commandement.

 Dans la nuit du 13 mai, on a pu croire que le pouvoir civil battu en brèche par l'émeute, était passé aux mains des Français d'Algérie. Ce n'était qu'une illusion. En fait Massu, consentant à la naissance d'un "Comité de salut public", désamorçait l'émeute et s'y substituait puisqu'il contrôlait ce Comité sans pouvoirs réels et puisqu'il détenait la réalité des pouvoirs. Le 14 mai au matin, l'armée était Le pouvoir à Alger. Mais ce cadeau lui brûlait les doigts. Accoutumée à obéir, l'illégalité l'effrayait. A Paris, un journal titrait: "La République a reçu un coup de Massu." Mais à Alger, Massu tenait une conférence de presse au cours de laquelle il répétait: "Je ne suis pas un général factieux." En somme, l'armée détenait partout la réalité du pouvoir; mais comme une gérance dont elle avait hâte de se débarrasser. Elle en tendait partout les encombrants symboles à qui voulait les prendre. Le cocasse, c'est que personne ne se présentait pour recevoir l'hommage.

Ici, l'on mesure l'intérêt du petit commando gaulliste dépêché sur place par le faux ermite de Colombey-les-deux-Eglises. A Salan et Massu, anxieux de retrouver une légalité, il vient chuchoter: "Nous en avons une... Elle s'appelle De gaulle... "

De surcroît, cette "légalité introuvable" se présente coiffée d'un képi. C'est inespéré! Les généraux s'y ruent. Le destin est en marche. Mais les Français d'Algérie n'ont pas été consultés et ils n'ont pas les moyens de se faire entendre. L'armée commande. Elle a choisi. Elle ne permet pas que soit suspecté le patriotisme d'un militaire. "On ne discute pas, dit le colonel Lacheroy, la thérapeutique d'un médecin qu'on a choisi." Mais les Français d'Afrique n'avaient rien choisi.

L'armée s'était engagée pour eux, et aux inquiets elle affirmait qu'elle se portait garante du reste. C'était un nouveau serment de Sidi-Rhalem.

fin de la citation de Brune.

 

14 Mai 1.958:

A Paris une manifestation organisée par les anciens combattants (le CANAC de Gignac, en liaison avec les sept d'Alger) échoue à investir l'assemblée et se retrouve sous les fenêtres de l'ambassade des Etats Unis. Le comité de salut public d'Alger réclame la démission du gouvernement et l'arrivée au pouvoir de De gaulle. C'est lors d'un discours de Salan sur le balcon du gouvernement général, alors qu'il concluait vive la france vive l'algérie française que Delbecque lui soufle "vive le général De gaulle". Salan s'était éloigné du micro, il s'en raproche de nouveau et répete "vive le général De gaulle". Salan jugera necessaire de donner ses honneurs et une partie de sa vie pour essayer de payer cette dramatique erreur. (c'est la version de Delbecque, d'autres témoins nient qu'il ait rien soufflé).

Le soir, Salan reçoit du président Coty le message: "... chef des armées (...) je vous donne l'ordre rester dans le devoir (...)". Le message prévoit d'être diffusé juqu'à l'echelon secteur (commandant ), Salan le classe en instance.

Dans la Mitidja où domine Martell, les autorités sont soumises à des menaces, les maires de Boufarik, de Chebli, de Douera demissionnent sous la menace, le sous prefet de Blida est contraint de manifester,...

50 activistes (lisez gaullistes) sont arrêtés à Paris, une douzaine inculpés de complot; Pfimlin remanie son gouvernement, il y fait entrer Mollet mais ni Pinay ni Bidault. Challe, général de gauche qui a travaillé avec Mollet lors de l'expedition de Suez lui déclare: aucun militaire ne tirera sur ses camarades venus d'Alger. ("notre révolte")

 

15 Mai 1.958:

 Le général De gaulle déclare à Paris: "je suis prêt à assumer tous les pouvoirs de la république" (et pas eeulement la presidence du conseil).

Le gouvernement organise le blocus de l'algérie, interdisant tous mouvements d'avions ou de bateaux.

Manifestations de masse dans toute l'algérie. En particulier, à Oran, le prefet Lambert ayant demandé à Pfimlin de limiter le pouvoir de Salan au departement d'alger, et cette demande ayant été interceptée, la foule evacue le prefet, et un comité de salut public sans militaires se met en place, et se rallie à Alger. A temps car un message arrive de Paris préconisant de tirer sur la foule mais en évitant l'emploi des armes automatiques (mémoires de Salan. On pense quand même qu'il s'agissait d'un faux).

Le comité de salut public d'Alger est réduit à 34 membres, avec suppression des personnes qui étaient dans le bureau du GG par hasard, et l'adjonction,entre autres, de français musulmans et de gaullistes.

Les sahariens y compris ceux restés en Tunisie se rallient au comité de salut public.

Paira revient voir Salan. Ce dernier lui donne un message pour Pfimlin "je me fais fort de rétablir l'ordre si votre patron laisse la place à un gouvernement d'union nationale".

 

16 Mai 1.958:

Paris: l'assemblée nationale vote l'état d'urgence.

Guy Mollet déclare: "la déclaration du général De gaulle est plus inquiétante par ses omissions que par ce qu'elle contient".

Quatre organisations sont dissoutes, jeune nation, parti patriotique révolutionnaire, association des combattants de l'union française, front national des combattants de Roger Holleindre.

Paris est quadrillé par des forces de maintien de l'ordre.

Halimi et Braun, avocats du F.L.N., sont empêchés de quitter Alger.

Le général Ely, chef d'état major donne sa démission pour protester contre l'attitude de son ministre (Chevigné) qui a placé ses deux adjoints Challe et Martin, gaullistes, en résidence surveillée. Il voit le gouvernement analyser les evenements d'alger comme un putsch militaire, et sent qu'il n'a plus sa confiance quand il explique qu'il s'agit d'un mouvement populaire. Il refuse de "paraître, par ma presence, donner mon appui à des mesurees qui iraient à l'encontre de ce que je tiens pour l'essentiel". Il pense sans doute à l'unité de l'armée.

 

 Alger: Les musulmans se joignent en masse aux manifestants qui se relaient nuit et jour sur le forum. La casbah remonte, drapeaux français en tête, sous les vivats et les fleurs, la rue qui mène au forum, d'incroyables scènes de fraternisation se produisent.

Vu par jean Brune (interdit aux chiens et aux français, éditions Atlantis).: L'autre volet de la légende de mai 1958 est gravé par les mains des Algériens et des Français d'Algérie, nouées dans un crépuscule qui ressemblait à une aurore. Il est curieux de noter que presque tous ceux qui, en France, prétendent faire profession d'amour - les croyants qui pensent avoir reçu du Christ la révélation de la fraternité et les athées qui croient l'avoir héritée de la Révolution - n'ont eu que dédain et brocards pour les fraternisations de mai qui, à travers toute l'Algérie, ont jeté des millions d'hommes les uns vers les autres.

L'archevêque d'Alger a rejoint dans cette condamnation M. Jean-Paul Sartre et Mme de Beauvoir ou M. Sékou Touré qu'il n'était point habitué à rencontrer; et l'Eglise de Rome s'est en cette circonstance trouvée d'accord avec celle de Moscou. Fallait-il que les Algériens fussent maudits pour que pussent être scellées contre eux de telles alliances! A Moscou, à Rome, à l'archevêché d'Alger et dans les clubs de Paris, on a dit que les grandes houles qui avaient brassé les Français et les Algériens sur les places des villages d'Afrique avaient été "provoquées" ; mais le mot qui voulait condamner exprimait l'absolution la plus magnifique. Car l'essentiel était justement que germât dans l'esprit des Français l'idée d'aller chercher leurs frères algériens. L'essentiel était comme toujours l'intention, la démarche. L'essentiel était que des hommes s'en allassent vers d'autres pour leur dire: "Venez! ...Votre place est avec nous, à égalité sur les forums de soleil où l'on oublie les malentendus pour fonder une Algérie fraternelle." Quand déferlent les foules dans les rues de toutes les cités du monde, ces cortèges sont toujours provoqués par un appel.

Le véritable sens des fraternisations de mai, c'est que, au cours de ces fêtes données sous le soleil, les Français d'Algérie se sont lavés d'un seul coup de la calomnie qui leur avait été jetée. Allant chercher les Algériens pour les inviter , à entrer à égalité de droits et de charges dans une communauté fraternelle, ils démontraient qu'ils n'étaient pas des exploiteurs, qu'ils ne campaient pas sur la terre d'Afrique comme des pillards puisqu'ils proposaient de partager les dignités et les richesses. Le geste que les politiciens n'avaient pas osé ou pas su faire, ils l'imposaient dans l'improvisation des chansons chantées en chœur sur les places publiques. On a parlé de "nuit du 4 Août ". La comparaison n'est pas aussi insolite qu'elle le paraît. Il faut effectivement remonter à 1790 pour retrouver les mêmes offrandes collectives. Mais à Paris, elles avaient été le fait d'une élite. Ici, c'était tout un peuple qui offrait, dans une grande procession née au cœur des couches profondes où il n'est plus de calculs, mais seulement des réflexes de colère ou de joie et de générosité.

Ce qu'ont refusé de voir les censeurs: Mauriac ou Sartre, et l'archevêque d'Alger à qui son sacerdoce eût pourtant dû inspirer plus de prescience, c'est que pendant ces journées l'ivresse de donner avait fait surgir un autre être dans chacun des hommes et des femmes qui se bousculaient sur les forums. Une chrysalide muait brusquement en eux et s'éblouissait de la splendeur de ses ailes. Et s'épuisent en vain ceux qui prétendent dresser des bilans trop pointilleux des torts des Français d'Algérie depuis cent ans, et rien n'est plus méprisable que ces calculs de boutiquiers, parce que justement les coupables n'existaient plus. J'ai vu des visages de broussards modelés dans la glaise, burinés par le soleil et pétris par le vent des steppes, fondre soudain en larmes et s'éclairer d'une surprenante beauté. Ces hommes qui, depuis quatre ans, s'inquiétaient pour leurs biens et tremblaient à l'idée de les perdre, découvraient tout à coup le délire d'offrir. Tous ont été marqués par la joie grave que leur a versée cette révélation. Aucun n'oubliera jamais les jours de mai au cours desquels, pour la première fois, quelque chose les a appelés au-dessus de la condition humaine; et jusqu'au bout des années, ils vivront avec, scellée au coeur, cette nostalgie de l'être meilleur qu'ils ont entrevu une fois en eux-mêmes. Ils ne peuvent pas pardonner d'en avoir été chassés.

Les révoltes s'allument à ces sortes de frustrations monstrueuses ajoutées à la conscience d'être devenu troupeau d'otages dans lequel on puise pour soutenir les mensonges des propagandes.

Analyse plus politique de Tripier ( "Autopsie de la guerre d'algérie" de Philippe Tripier, éditions France-empire, 1972.)

Il faut se replacer dans le climat des premiers mois de 1958 pour apprécier la signification des grandes fraternisations de mai. Les incertitudes et les renoncements de la politique gouvernementale, les bruyants succès du F.L.N. sur la voie de l'internationalisation, l'humiliation pour la France des "bons offices" anglo-saxons avaient, en Algérie, rejeté la communauté musulmane dans l'attentisme, en dépit des échecs subis par l'A.L.N. sur le plan militaire. Les musulmans informés, et la masse à leur suite, tournaient leurs regards vers le F.L.N., favori derechef dans la course à la victoire. Cet état d'esprit était naturellement plus accusé dans les villes parce que les idées s'y répandent plus vite et parce qu'on y était plus sensible à la presse et à la radio que dans le bled où dominait l'actualité opérationnelle. De plus, dans bien des agglomérations, le terrorisme, même disparu, avait laissé entre les deux communautés européenne et musulmane comme une défiance réciproque, séquelle de la peur horrible qu'on avait éprouvée de part et d'autre envers l'engin de mort anonyme ou l'explosion aveugle d'une colère populaire. Ce sentiment demeurait vif dans Alger.

Or, c'est dans les villes pour commencer que la fraternisation s'est produite, et d'abord dans Alger.

Ce mouvement fut massif. Les circonstances attestent qu'il se produisit librement et que la communauté musulmane a voulu démontrer par là son immense soif de paix, sa volonté d'en finir avec la tyrannie de la terreur et son vœu de bâtir la concorde dans la France. La participation musulmane aux vastes manifestations de mai ne fut pas équivoque. Celles-ci, purement européennes le premier jour, n'avaient d'autre but que de mettre en place un Comité de Salut Public et de le faire contre l'intervention des Puissances étrangères, contre la IV· République, son irrésolution et ses démissions, et pour l'Algérie française, pour l'écrasement du F.L.N. Les musulmans qui s'y sont joints à partir du 14 mai ont donc agi en connaissance de cause.

Ils l'ont fait librement. Les habitants de souche européenne, les observateurs étrangers, les journalistes ont été également surpris par l'irruption des musulmans dans ces journées d'émeute patriotique. Les autorités civiles, le commandement militaire ont été étonnés de l'ampleur de cette participation. Les meilleurs connaisseurs de la communauté musulmane (tel Sirvent qu'on tenait alors pour le spécialiste le plus averti de la Casbah d'Alger) ont été stupéfaits au spectacle soudain de la fraternisation. Le F.L.N. ne le fut pas moins.

Le phénomène, amorcé dès le lendemain du 13 mai, éclata le troisième jour. Il y eut, le soir du 14, un petit nombre de musulmans pour acclamer les généraux Salan et Massu parmi les 50 000 manifestants assemblés sur le Forum d'Alger. Il y en eut plusieurs centaines le soir du 15, parmi les 100 000 qui entonnèrent la Marseillaise à la lecture du communiqué de presse par lequel le général de Gaulle venait de faire savoir qu'il "se tenait prêt à assumer les pouvoirs de la République".

Le 16 mai, la Casbah se déversa en ville d'Alger. Ce premier contact massif entre le déferlement arabe et la foule européenne était a priori inquiétant. Entre trente et quarante mille musulmans, selon les estimations, montèrent sur le Forum déjà couvert de monde. Européens et musulmans, plus de cent mille en tout, furent bientôt totalement mêlés. Tout à coup l'immense foule forma une chaîne d'amitié en se donnant la main, musulmans et européens saisis par une même émotion. Les visages étaient passés de l'étonnement au sourire. On s'embrassa, musulmans et chrétiens, et il y eut des larmes de joie. La voix de la foule à l'unisson chanta la Marseillaise et mille fois, scanda les mots d' "Algérie française!". Leurs cris furent unanimes et leurs ovations se fondirent pour acclamer la France et son armée. Le jour suivant, il n'y eut à Alger pas moins de cent mille manifestants musulmans venus cette fois non seulement de la Casbah mais des faubourgs et de toutes les bourgades environnantes.

Le général commandant supérieur, à qui était échue depuis 4 jours la responsabilité civile de fait en Algérie (et, à partir du 20, la responsabilité de droit) télégraphiait au gouvernement le 18 mai au soir, en ces termes: "Je crois devoir souligner l'exceptionnel élan patriotique des foules. Il s'opère extraordinaire révolution des esprits dans sens d'une totale fusion spirituelle des deux communautés qui constitue facteur déterminant de la situation. A Alger comme sur ensemble territoire, mouvement irrésistible porte Musulmans à affirmer publiquement volonté être Français. Dans nombreux villages et douars jusqu'alors sans Délégation Spéciale, Comités Salut Public comptant Musulmans se sont formés. Casbah d'Alger multipliant preuves patriotisme et cortège musulman sillonnant ville sous applaudissements. Groupes femmes musulmanes ont hier soir brûlé voiles disant: "aujourd'hui nous sommes françaises" (…). "Nature même de ces manifestations témoigne qu'elles émanent de la population elle-même."

Des scènes analogues se répétèrent, à Alger et ailleurs plusieurs semaines durant, avec les mêmes slogans enthousiastes et la même ferveur dans la fraternisation.

Récit d'un témoin particulièrement qualifié: "Le 20 mai, c'était à Oran (…) plus de cent mille personnes et alors là, peut-être autant de musulmans que d'européens et tout le monde acclamait la France et l'armée française.

"Et pendant trois semaines, du 13 mai au 4 juin, dans toutes les villes d'Algérie, dans toutes les petites villes, dans tous les villages, on a vu des dizaines de mille ou des centaines de mille personnes, suivant l'importance de la localité, se réunir et acclamer la France, sans qu'il y ait un seul incident, sans qu'il y ait une bombe, une voiture piégée, ou sans qu'il y ait un coup de couteau.

"Dans une ville comme Alger, il n'y avait plus de service d'ordre, il n'y avait plus de couvre-feu, c'était la liberté la plus totale."

Le 6 juin encore, à Mostaganem, c'est par une foule immense composée en grande majorité de musulmans que devait être accueilli le général de Gaulle pour la dernière étape de son premier voyage algérien.

A Alger, puis à travers toute l'Algérie, des musulmans même très repérés - donc menacés - par le F.L.N. ne craignirent pas de se constituer localement en "Comités de Salut Public" avec ou sans européens, à l'imitation de ce qui s'était fait le 13 mai à Alger à l'échelon du territoire et dans un but identique: rester Français.

Il n'est pas sans intérêt de relever parmi d'innombrables témoignages le rapport que le colonel Alain de Boissieu adressa le 27 mai à son beau-père le général de Gaulle ainsi qu'à divers parlementaires, rapport aux termes duquel "cet élan de fraternisation qui a rapproché les diverses communautés permet de reconsidérer complètement la question de l'avenir de l'Algérie. La solution de l'intégration qui semblait avoir perdu toute sa valeur, revient à la surface avec une poignante sincérité".

Le général de Gaulle - dont l'avènement se préparait en métropole dans l'incertitude et le drame - ne manqua pas d'apprécier sur-le-champ la portée de la réconciliation qui s'opérait en Algérie. François Mauriac, assistant à sa conférence de presse du 19 mai 1958, nota de lui cette seule phrase: "Les Algériens donnent en ce moment le spectacle magnifique d'une immense fraternisation qui offre une base psychologique et morale aux accords et aux arrangements de demain, base infiniment meilleure que les combats et les embuscades." Et l'auteur du célèbre Bloc-notes de commenter: "cette parole, qu'elle a retenti en moi! Et je l'écoute encore, et j'en suis comme possédé".

Qu'une telle fraternisation se fut produite et prolongée en de telles circonstances manifestait à l'évidence un courant populaire profondément étranger aux thèses du F.L.N. et revêtait pour le Front la signification d'un désaveu. Initialement la communauté musulmane aurait pu, devant l'effervescence des Européens, s'effaroucher légitimement et partant se retrancher dans la défiance qui l'habitait déjà. Mise en confiance, elle aurait pu néanmoins, dans l'incertitude extrême de l'avenir français durant ces trois semaines de rébellion ouverte, demeurer sur la réserve et préférer l'expectative par crainte des représailles d'un F.L.N. toujours présent.

En choisissant au contraire de manifester malgré l'incertitude et la peur, en bravant sciemment de cette façon l'organisation rebelle, les musulmans n'avaient pu obéir qu'à une impulsion profonde et le sentiment qu'ils extériorisaient à ce prix ne pouvait qu'être authentique.

Il est non moins significatif que le F.L.N. n'ait pas réagi à un désaveu aussi grave. Son autorité, son crédit, tout lui dictait de s'opposer à tout prix au phénomène des manifestations franco-musulmanes qui mettait si clairement en péril l'avenir même de sa cause.

S'il avait joui dans le peuple de sympathies véritables, le F.L.N. eût noyauté les foules pour les faire contre manifester en sa faveur: il ne l'a pas pu. A défaut, il pouvait sans peine recourir à la provocation - faire exploser une bombe ou une grenade anonyme grâce à l'un de ses tueurs dissimulé dans la masse - afin de métamorphoser brutalement la fraternité encore neuve en panique et en haine. Cela ne s'est produit dans aucun rassemblement, ni à Alger ni ailleurs. Le F.L.N. ne l'a pas osé.

C'est que, devant la puissance du courant populaire, l'organisation rebelle unanime a craint de se faire dénoncer et repousser. Elle a préféré préserver l'existence secrète de ses réseaux et avec ceux-ci sa meilleure chance de rétablir ultérieurement son emprise sur les populations qui, pour l'heure, lui échappaient.

Un certain faux-semblant, essentiel au F.L.N., se trouvait ainsi dévoilé. L'ébranlement massif et spontané des musulmans en faveur de la France, l'origine citadine du mouvement, la fraternisation des communautés démontraient que la rébellion algérienne avait été jusqu'alors, contrairement aux assertions de ses dirigeants, le combat d'une faction et non d'un peuple.

Non seulement l'autorité du Front à l'intérieur s'en trouvait ébranlée et son crédit à l'extérieur menacé, mais sur un plan tactique, l'événement révélait l'impuissance de l'organisation politico-militaire à contraindre les habitants dès lors que ceux- ci osaient s'unir en multitude pour crier collectivement leur refus. 

 

17 Mai 1.958:

le général Ely, chef d'état major des armées, qui a démissionné, est remplacé par Lorillot.

Pfimlin lance un appel à l'union des français.

Le gouvernement Pfimlin a vécu les quelques jours de son existence dans la hantise d'une subversion, dont les signes se multipliaient.

Le Midi de la France était touché. À Nîmes, la police avait interrompu une réunion de cinquante personnes, présidée par un ancien officier; elles étaient en train de dresser la liste d'un comité de salut public départemental. À Marseille, un comité de salut public de la Provence s'était manifesté par des tracts, rédigés dans le style de ceux des années de la Résistance. On y défendait les Français d'Algérie, en lutte pour affirmer "leur volonté d'être français". Surtout la IVe République y était critiquée: "Nous rejetons tous les hommes, de tous les partis inféodés au système", une "épuration immédiate de l'administration" et "la mise hors la loi du PC". À Nice, des tracts avaient appelé à des actions antigouvernementales.

La Bretagne bougeait. Dans la nuit du 15 au 16 mai, le comité de salut public du Morbihan avait manifesté son existence: "Nous devons nous grouper autour d'hommes courageux qui montrent le vrai visage de la France en suivant l'exemple de nos frères d'Alger."

À Paris, le 17 mai, le Comité provisoire de Paris et de l'Île de France avait remis un communiqué à des agences de presse étrangères. "La nation française" était "tout entière solidaire du comité de salut public d'Alger". Ses membres, ni fascistes ni extrémistes, se disaient prêts "à reprendre la vie clandestine", car "nous voulons une Algérie française qui n'ait rien à voir avec celle des colonialistes", et étaient déjà prêts "les moyens pour reprendre immédiatement le chemin du maquis", comme si le gouvernement avait été celui d'un ennemi en occupation! Le 17 mai, un autre tract proclamait une "entière solidarité avec le comité d'Alger" et accusait Pflimlin de rechercher "un drame sanglant".

Étaient signalés aussi un comité lyonnais de salut public, des comités en Haute-Savoie, à Annecy. Le ministre de l'Intérieur apprenait enfin que le général Cherrière, qui avait disparu depuis le 16 mai, était passé au maquis. À Saint-Étienne, les gendarmes avaient arrêté trente-deux personnes qui détenaient un lot d'armes dont des mitrailleuses. Le général Chassin avait signé la constitution du Comité national de l'indépendance, coordonnant tous les comités métropolitains. Il proclamait sa solidarité avec le comité d'Alger, "sa confiance au général Salan pour mener le combat jusqu'à la victoire".

Une note anonyme ajoute, dans les archives de Salan, ce commentaire: "Quel qu'ait été le manque d'organisation en profondeur, le manque de coordination au sommet, le groupe d'amis qui gravitent dans l'orbite de ce comité dont les généraux Chassin et Cherrières constituaient les éléments visibles, il n'en reste pas moins que c'est autour d'eux que la préparation psychologique a vraiment existé à partir de 1954."

Rien ne pouvait surprendre, car depuis plusieurs années des petits mouvements étaient apparus, axés sur les thèmes du relèvement de la France et de la liquidation de la IVe République ou la fin du régime des partis. Lun d'entre eux, lié au docteur Martin, un survivant de la Cagoule d'avant-guerre, était actif dans un petit groupe dit Résistance à la désagrégation de la France et de l'Union française. C'était un groupe d'influence, de recrutement hétérogène: poujadistes membres de l'UDCA, monarchistes lecteurs de la Nation française, "légitimistes" lecteurs d'Aspects de la France, proches des idées de Maurras, anciens militants du RPF gaulliste, et surtout militaires. Un petit comité secret en assurait la direction.

Un autre groupement n'avait rien de clandestin, l'Association des anciens combattants d'Indochine et de l'Union française (ACUF). (repris dans "le 13 mai du général Salan, Valette, ISBN 978-2-915960-29-7)

 Dans toute l'algérie les scènes de fraternisation entre européens et musulmans se multiplient.

A la radio, madame Massu lance un appel à la solidarité feminine. Ce sera le "mouvement de solidarité feminine," totalement benevole, animé par la pied noire Janine de la Hogue, comportant en 1960 300 cercles, regroupant 60000 femmes. Il s'agit de mettre ensemble des musulmanes et des européennes, pour promouvoir des notions d'hygiéne, de couture (une opération "machine à coudre" sera montée par Pierre Bellmare et radio Luxembourg ) , de pediatrie.

Salan profite de ses pleins pouvoirs pour diffuser l'instruction sur la formation psychologique des appellés, il s'agit de leur donner des raisons de combattre (faire de l'algérie une province française, il s'agit de la reprise de l'intégration definie par Soustelle).

 

18 Mai 1.958:

Manifestations de masse dans toute l'algérie, toutes communautés confondues.

Soustelle arrive à Alger, venant de suisse, dans un avion taxi payé par de Benouville. Salan qui est chargé de tout tant par le gouvernement que par les émeutiers et par l'armée ne voit pas venir d'un bon œil un homme dont la popularité en algérie et l'engagement en faveur de De gaulle risque de lui porter ombrage. Il a raison de se méfier, Soustelle vient pour créer une rupture nette entre le gouvernement et l'algérie et pour créer ainsi une crise de régime qui ne peut profiter qu'à De gaulle. Salan va rencontrer Soustelle à l'aéroport.

"Le général Salan lui expose brièvement la situation, lui déclare que c'est lui qui commande ici, qu'il en a pris l'entière responsabilité. Il lui dit qu'il s'est fixé comme but de conserver l'unité de l'armée française dont une grande partie est attachée aux institutions légales. Il a tenté, par des télégrammes au président de la République, de l'amener à faire démissionner Monsieur Pflimlin. Il espère que son télégramme sera entendu et d'accord avec le général Jouhaud estime que l'arrivée impromptue de M Soustelle recrée un climat d'illégalité tel que les ponts risquent de se couper avec Paris, et que l'armée sera en partie assez réticente.

"{. . .) Pour lui et pour l'armée et sa cohésion, il affirme que l'arrivée imprévue de M Soustelle est inopportune à l'heure présente, car elle peut gêner les décisions de Paris et aussi entraîner des incidents fâcheux dans l'armée. Une solution d'attente est alors acceptée: "Il est convenu que Monsieur Soustelle restera à Alger (il ne peut repartir, Alger connaissant déjà la nouvelle) chez Monsieur de Serigny en attendant une ultime tentative du général Salan à Paris par téléphone." Le général Jouhaud précise combien cet entretien fut tendu, car le général Salan croyait que Soustelle venait pour "politiser notre mouvement". Soustelle ne fut "pas chaleureux", Bénouville et Massu échangèrent des "propos assez aigres". Ce fut Pflimlin qui appela, Salan lui confirmant alors la venue du député gaulliste, précisant que c'était" un événement qu'il ne souhaitait nullement mais dont il devait tenir compte".

14 h 30 - Le général Salan a une longue communication téléphonique avec Monsieur Pflimlin. Le général Jouhaud y participe.

15 heures - La radio annonce en première émission: Jacques Soustelle vient d'arriver. Tous au forum pour l'acclamer. Des camions hauts parleurs circulent en ville en reprenant la phrase de la radio

Le piège gaulliste venait de se refermer sur Salan. En effet, Bénouville avait téléphoné, dès son arrivée, à Neuwirth, un collaborateur de Delbecque, qui avait pris le contrôle des moyens de propagande militaires, parmi lesquels les camions sonorisés. " (repris dans "le 13 mai du général Salan, Valette, ISBN 978-2-915960-29-7)

 

19 Mai 1.958:

Poursuite des manifestations de masse et de fraternisation dans toute l'algérie.

A Paris, De gaulle indique qu'"il est prêt à assumer des pouvoirs exceptionnels" et qu'il faudrait "une procédure exceptionnelle". Il justifie ainsi les évenements: "L'Armée a constaté la grande émotion populaire et a jugé de son devoir d'empêcher que cela tourne au désordre. Elle l'a fait et elle l'a bien fait. Et puis, enfin, cette armée s'est mélangée en Algérie avec les populations, et par conséquent, elle ne peut pas se dérober et s'empêcher d'éprouver les mêmes sentiments que la population. Je comprends parfaitement l'attitude et l'action du commandement militaire ... Les généraux d'Algérie ne sont pas des factieux." Ce texte ne figure pas dans l'abondante production des mémoires du général mais dans son numéro 400 de mars 1980, Historia en a transcrit l'enregistrement. En juin 1962, cette action est décrite par le Chef de l'Etat comme "l'entreprise d'usurpation venue d'Alger ". (Mémoires d'espoir).

Ainsi s'écrit l'histoire.

Toujours à Paris, les généraux Challe et Martin, gaullistes, sont mis aux arrêts et des activistes sont arrêtés.

 Jouhaud raconte la visite aux "mutins" de monseigneur Duval (Mohamed) qui depuis trois jours assiste à la fraternisation dans toute l'algérie: "Ce même soir, Mgr Duval vint nous rendre visite. Le général Salan, Massu et moi-même reçûmes ce prélat, accompagné de son coadjuteur. Je ne connaissais pas Mgr Duval, bien qu'il soit d'usage, lorsqu'on prend un commandement de Région, de faire une visite protocolaire à l'évêque. Etant donné la position pro- F.L.N. du successeur de Mgr Lavigerie, tout le monde s'abstenait de le rencontrer et lui battait froid. L 'homme, ascétique, la figure ridée, les yeux fuyants, ne forçait guère la sympathie. Nous espérions de lui un minimum de compréhension, la simple honnêteté de dire ce qu'il voyait, et de faire part de ses impressions à M. Pflim1in, qui, démocrate-chrétien, ne saurait rester insensible à la voix d'un Père de l'Eglise. Hélas! Mgr Mohamed Duval, comme l'appelait Bab-el-Oued, se retrancha derrière les devoirs de sa charge. Il devait rester un arbitre, ne pas transgresser son domaine purement spirituel et se demandait comment le gouvernement jugerait un évêque qui s'immiscerait dans le domaine politique. Rien ne put ébranler sa détermination, ni la sauvegarde des populations, la fraternisation éclatante, la nécessité de mettre fin à l'imposture des fellagha. L'homme était trop marqué par ses contacts avec le F .L.N ., et par la compréhension portée aux tueurs de la Casbah, pour aider la France en pareille conjoncture. Je le voyais se retirer, édifié sur ses sentiments et écoeuré par leur spéciosité. Mgr Duval attendait de pouvoir témoigner devant l'Histoire de son admiration pour les rebelles et prendre la nationalité algérienne."

les troupes françaises d'afrique noire se rallient au comité de salut public.

 

20 Mai 1.958:

 L'assemblé nationale confirme que l'armée a tous les pouvoirs civils et militaires par 425 voix contre cent.

Le général Salan déclare que "de toute l'algérie s'élève un cri de patriotisme et de foi".

Le comité de salut public déclare "qu'il n'y a en algérie que des français à part entière".

 La ligue arabe vote un budget de deux milliards de francs au FLN.

 

21 Mai 1.958:

Le Pen, Demarquet et Berthommier, trois députés poujadistes, parvenus en avion à Alger via Madrid, sont refoulés et repartent pour Madrid.

Salan confie au colonel Godard la direction de la sûreté en algérie. Outre les forces de police, cette direction regroupe les 36 antennes de renseignements et les 18 Dispositifs Opérationnels de Protection (DOP) où sont interrogés par des équipes mixtes, militaires, gendarmes, policiers, les suspects. Ces DOP sont habituellement présentés comme des centres de torture institutionnels. Dans cette direction on trouve aussi les centres de tri et de transit, où sont regroupés les personnes assignées à résidence.

Lacoste fait parvenir un rapport secret à Salan, explicitant les manoeuvres du gouvernement Pfimlin:

"1 Pour l'Algérie, tactique du grignotage. Spécialement faire revenir Salan ou le couper.

2 Une disposition législative additionnelle à la Constitution pour qu'il n'y ait plus de crise ministérielle sans motion de censure et programme de remplacement.

3 Pflimlin a obtenu une troisième investiture; la rue ne bouge pas, tout va bien; il suffit d'attendre, le temps travaille pour le gouvernement."

Le gouvernement sait que l'armée n'a qu'une dizaine de jours de stock (en particulier essence) et que la banque d'algérie n'a pas assez d'argent pour payer les soldes des militaires.

 

22 Mai 1.958:

 Entretiens Pinay de Gaulle.

A Oran, Salan, Soustelle, Sid Cara sont acclamés par 100.000 manifestants fraternellement unis.

A l'instigation de Soustelle, Pascal Arrighi, député de Corse, gaulliste lance sur radio Alger un appel en langue corse, appelant à l'insurrection, "faites vous honneur"

Salan harcéle quotidiennement le gouvernement au sujet de l'embargo: réactions des appelés privés de courier, des libérables pas libérés, des pétroliers attendant lur equipement, des mandats des travailleurs en métropole... rien n'y fait. On comence à manquer de propane et de butane, de sucre. Salan proteste contre le brouillage de radio Alger, réalisé en ne brouillant plus les émissions de la radio du Caire et de Bagdad.

 

23 Mai 1.958:

Sid Cara et Massu sont élus président du comité de salut public algérie sahara.

Le cargo italien Missina, arraisonné au large de Philippeville est déchargé de neuf tonnes d'armes et de munitions destinées au FLN.

 

24 Mai 1.958:

A 5 heures et quart du matin, un avion portant Pascal Arrighi, député de corse, Hubert Paldacci, le commissaire de police Renucci, Belgodére, homme des corps francs et le capitaine Bauer atterrit à Calvi.

Ils sont accueilli par le capitaine Mantei, commandant le 11 ème choc, Bauer est son prédécesseur. L'avion vient d'Alger, ces hommes sont chargés de faire passer dans les faits l'appel à l'insurrection, "faites vous honneur" de Pascal Arrighi.

Le 11 ème choc est l'unité d'intervention des services spéciaux, la "main rouge" ce sont eux, ils ne veulent pas des bons office. Ils obéiront sans problème. En corse il y a aussi des tirailleurs algériens, commandés par un colonel qui dépend de Marseille.

Mais il y a surtout Henri Maillot, cousin de Charles De gaulle, qui se charge de faire bouger la foule. Il a monté une grande manifestation à Ajaccio, pour cinq heures du soir.

Paris a été alerté, et le préfet a l'ordre de consigner le 11 ème choc dans ses cantonnements, le colonel de tirailleur qui a sauté le pas s'entremet, la troupe viendra empêcher les heurts entre police et manifestants.

Paris envoie deux avions bourrés de CRS, ils doivent arriver à Ajaccio à 17 heures. La route entre l'aéroport et la ville est barrée par des camions, les paras prennent la préfecture à 18 heures quinze, un comité de salut public tout prêt prend le pouvoir. Quand les CRS arrivent, ils n'ont plus d'interlocuteurs, ils garderont l'hôtel de ville.

A Bastia, (qui à l'époque n'est qu'une sous-préfecture) un adjoint au maire Casalta, communiste, cherche à organiser une contre manifestation à 21 heures, il n'y a presque personne, le sous préfet n'est pas chaud, le président du conseil général non plus, pendant la nuit des manifestant pro De gaulle ouvrent les porte de la sous-préfecture et y installent un comité de salut public. 60 hommes du onzième choc arrivent à trois heures du matin, avec Arrighi, il trouve trois comités de salut public, suivant les clans bastiais, il faudra la journée du 25 pour les fusionner.

Le 26, Dimanche, on se repose quand arrive à Bastia un avion avec le colonel Thomazo, Delbecque, Frey, de Serigny, Vinciguerra, presque tous gaullistes. Ils entrent dans la mairie où résiste toujours le communiste Casalta. Ce dernier exige d'être expulsé par la force, finalement il sortira seul en chantant la Marseillaise, le dernier bastion légitimiste de Corse vient de tomber.

Thomazo, nommé gouverneur militaire et civil par Salan, remettra ses pouvoirs le 13 Juin au préfet Lamassoure, nommé par De gaulle. Lorsque ce dernier fût appelé par Coty le 28 mai toutes les armes corses tirèrent des salves d'honneur et cela jusqu'au premier Juin.

Arrighi résistant et gaulliste, sera traité par De Gaulle comme les putschistes et ecarté du pouvoir, conformement aux promesses que ce dernier a fait à Mollet. Arrighi deviendra un membre éminent du F.N.

Cet épisode Corse fût determinant dans la débacle de la quatriéme république. Les CRS n'ont pas obei, l'armée s'est revoltée, la prefectorale a été tiéde.

L'historiographie officielle en parle peu, car il est difficile de ne pas y voir la main de De gaulle et de continuer à faire croire à une révolte spontanée.

A Alger, Soustelle, Delbecque et autres conspirateurs gaullistes dînaient ensemble, Massu avait invité Salan, Jouhaud, Allard, Auboyneau, toute la crème de l'armée française. Ils seront tous très surpris de cette insurrection corse, (ou feront semblant) non organisée par eux, et qui était la première rupture officielle de l'ordre républicain puisque Salan représentait officiellement Pfimlin à Alger, et couvrait tout ce qui s'y passait.

Les manifestations de masse et de fraternisation continuent dans toute l'algérie.

Un député de la seine arrivé à Alger clandestinement est refoulé sur paris.

 

25 Mai 1.958:

 Poursuite des manifestations dans toute l'algérie, le nom de De gaulle a maintenant partout remplacé celui de Massu ou de Soustelle.

Salan fait parvenir une lettre à De gaulle, l'adjurant de prendre position pubique en faveur du mouvement de salut public.

 

26 Mai 1.958:

De gaulle rencontre secrètement Pfimlin à Louvecienne.

Salan fait acclamer De gaulle par des foules énormes sur le forum.

 

27 Mai 1.958:

De gaulle publie un communiqué dans lequel on lit :

"J'ai entamé hier le processus régulier, necessaire au retablissment d'un gouvernement républicain, capable d'assurer l'unité et l'independance du pays. (...) J'attends des forces (...) présentes en algérie qu'elle demeurent exemplaires sous le commandement de (...). A ces chefs, j'exprime ma confiance, et mon intention de prendre incessamment contact avec eux."

Nouveau bluff d'un spécialiste, qui n'a rien entamé du tout, mais seulemnt rencontré en secret le président du conseil pour échanger des idées sur les évolutions possibles de la situation.

Fureur de Pfimlin, qui considerait son entretien avec De gaulle comme purement informatif. Consternation des autres ministres. Le gouvernement est par ailleurs bombardé de nouvelles faisant état d'une arrivée des paras en métropole et de la révolte des troupes un peu partout.

Ce même jour le commandant Vitasse, chargé par Salan de donner le top départ de résurrection pour le 30 Mai, et qui est accompagné par le "mutin" Lagaillarde, découvre que les chefs d'état major des trois armes ont décidé de reprendre l'affaire en main, sans prélèvement de troupes d'Alger. Vitasse refuse cette modification du plan, tout le monde va à l'arbitrage de Debré, Debré arbitre en faveur du plan initial.

Les militaires français en Tunisie, commandés par le général Gambiez se rallient au comité de salut public.

 

28 Mai 1.958:

Le président de la république Coty demande aux présidents de l'assemblée (le Troquer) et au président du sénat (Monerville) de prendre contact avec De gaulle. L'entretien avec Le Troquer a des allures de vaudeville, Le Troquer hurlant sa rage. De gaulle rejoint Colombey, où il reçoit secrètement le général Dulac. Dulac lui présente les grandes lignes de l'opération "résurrection" telle que mise au point avec Debré, qui consiste à faire venir les paras sur Paris, De gaulle trouve que les moyens sont faibles, puis conclut : "faites le nécessaire". De retour à Alger, ces mots sont considérés comme un accord, et Salan commence la mise en oeuvre du plan.

Le président Coty force la demission de Pfimlin en faisant lire devant les deux chambres réunies un communiqué où il indique "je me suis tourné vers le plus illustre des français... un gouvernement de salut national...une réforme de nos institutions..." Les conditions de De gaulle sont acceptées.

Pfimlin démissionne; la quatriéme république aura duré 12 ans et consommé 19 premiers ministres, chacun restant en moyenne en poste 7 mois...

Soustelle avait donné à Dulac une lettre de Debré qui prévoit "Résurrection" dans trois cas, refus de l'investiture, investiture mais fortes réactions dans le rue, coup d'état communiste. Sur le plan politique Dulac rapporte que De Gaulle lui a dit "L'intégration est une chose dont les européens parlent, hé bien, moi, je la ferai."

Attentat à le grenade dans la région de Sétif, pendant une des innombrables manifestations de fraternisation, c'est le premier attentat depuis des jours, 20 blessés, la plupart musulmans. La foule (musulmane) lynche les terroristes. Il ne s'agit donc pas d'une ratonnade.

Sanglante embuscade d'un convoi de ravitaillement du 22 ème B.C.A. qui gagnait le poste de T'ikjda, sur les flancs du Djurdjura en grande kabylie. On déplore 9 morts (dont le lieutenant commandant le convoi et un medecin tous deux dans la jeep de tête) et 9 blessés. Les fells perdent 7 hommes, dont le responsable de l'attaque, Laouri. On trouvera là http://laouari.unblog.fr/si-lahlou-frappe-fort-a-tikjda/ la chapelle memoriale et un bilan gonflé à la façon habituelle, et là http://tamelaht.unblog.fr/2007/09/08/ahnif-pendant-la-guerre-5462-3/ ce qui semble une copie du journal de marche du 22 éme BCA pendant cette période, et qui raconte l'engagment en détail.

Brillante opération à Tarhirt, (Aurés) où le 4 ème bataillon de chasseurs à pied, la premiére compagnie du 10 ème de même, le commando de chasse d'Arris, les GMS et des harkis d'Arris sont accrochés lors d'une opération de bouclage ratissage au petit matin. Après toute une journée de marches et d'actions , dont plusieurs interventions de l'aviation, la troisième compagoe du 10 ème B.C.P. héliportée, submerge les derniers rebelles. Le bilan est de 27 rebelles abatuus, 2 prisonniers, 2 fusils lmitrailleurs et de nombreuses armes de guerre recuperées. Nous deplorons la perte de deux officiers et de 3 sous officiers.

 

29 Mai 1.958:

  L'opération "résurrection" destinée à porter De gaulle au pouvoir par la force comprenait: Un groupement blindé, quatre compagnies de CRS, un régiment d'infanterie, trois compagnies de Joinville, 200 camions du train. Ils sont chargés de sécuriser les aéroports militaires en région parisienne, le temps que les avions d'Alger arrivent. A Villacoublay étaient prévus les paras de Mont de Marsan et le troisième RCP d'algérie. Au Bourget, les paras de Pau, et le 1er RCP Ces troupes doivent occuper les différents points stratégiques de Paris. Tout est prêt pour la nuit.

Le matin, le commandant Nicot, chargé par Salan de coordonner l'affaire, avait exigé que l'on téléphone devant lui (il est rue de Solferino, les bureaux gaullistes parisiens) au général De gaulle, il veut être sûr que ce dernier est d'accord. C'est Lefranc qui appelle, vers onze heures. Il raccroche et déclare à Nicot; "Le général donne son accord complet pour que l'opération soit declanchée sans plus attendre." (Témoignage de Nicot reproduit par Jouhaud dans le livre "serons nous enfin compris?" Albin Michel 1983).

Pour ne pas attirer l'attention, les avions de transport destinés à amener sur Paris les paras de Pau et de Mont de Marsan décollent trois par trois. A 16 heures, De gaulle accepte de former le nouveau gouvernement, les avions de la base d'Orléans qui rejoignaient Pau pour y charger les paras retournent à Orléans. Contrairement à la légende, "Résurrection" a bien eu un commencement d'execution.

A l'annonce de la nouvelle, trois cent mille algérois (dans une ville qui fait à peine 500.000 habitants, mais les voisins étaient venus) dansent et chantent à la lumière de flambeaux sur le forum.

Quand, le lendemain, la composition du gouvernement sera connue, avec tous les leaders de la quatrième (Mollet, Pfimlin, …) et pas Soustelle, il n'y aura personne sur le forum, qui avait vu les foules défiler depuis le 13, sans interruption.

Tout le deroulement de l'affaire du treize Mai, ne peut laisser aucun doute sur l'implication personnelle forte du général De gaulle dans les diverses actions. Son dédain ultérieur des "factieux" n'inclue pas ses groupies, Debré, Massu, Frey,...

 Mort du colonel Jeanpierre, figure emblématique de l'armée, au cours d'une opération dans le secteur de Guelma. Né à Belfort en 1912, fils d'officier, Jeanpierre s'engage en 1930, et est tout de suite nommé dans la légion. Résistant, arrêté en 44, déporté à Mathausen, il en est un des deux seuls rescapés. En 48, en Indochine, sur la RC 4 il sauve 28 personnes sur les 500 de son régiment. D'Indochine en algérie, il commande en 55 le premier REP sous les ordres de Massu. Suez en 56, la bataille d'Alger en 57, il est blessé de plus de cent éclats de grenade lors de l'arrestation de Yacef Saadi. Avec son régiment, il "nettoie le désert" afin d'assurer le bon fonctionnement du pipe-line, puis il va diriger la partie sud de la bataille du barrage, où il trouve la mort, son hélicoptère abattu. Quand les légionnaires virent tomber leur colonel, sans ordre, comme un seul homme, ils se ruèrent à son secours, mais il était trop tard.

Le 31 Mai la population de Guelma, en immense majorité musulmane, suivait son cercueil.

 

30 Mai 1.958:

De gaulle réunit chez lui, à Colombey les deux églises, tous les leaders politiques français.

Au cours d'une opération dans la région de Moliére, 128 rebelles sont tués.

Un algérien est découvert dans la seine, étranglé, ligoté.

 

31 Mai 1.958:

 La confiance est votée à De gaulle par 329 voix contre 224.

Son gouvernement ne comporte ni Soustelle à l'Algérie, ni Bidault nulle part, par contre Mollet, Pfimlin, les déconsidérés de la quatrième.

De Gaulle remercie, puis réclame les pleins pouvoirs pour six mois.