Interrogation de Yacef Saadi
Copie de la confession e Yacef, saadi ben mohamed
Ayant milité depuis 1944, époque où je versais simplement des cotisations, je devins militant actif à partir de 1947 au sein du parti du peuple algérien ( P.P.A). Ayant rendu d'énormes services au parti, par la propagande et par le recrutement, je fus muté à l'O.S. (Organisation Secrète) très dangereuse à l'époque, étant donné la structure et la discipline très sévère ainsi que son armement.
De 1947 à 1949 je fus membre instructeur (manuel du gradé) etc… J'ai dû démissionner de cette organisation ou plus exactement m'enfuir en France, rapport à quelque dirigeant usant de parti pris et n'étant pas à hauteur de leur tâche. Je passai donc loin d'Algérie les années 1949 jusqu'en 1952, date à laquelle je me suis installé définitivement ne m'occupant que du commerce que je devais gérer au nom de mon père à ALGER. Deux années s'écoulèrent paisiblement quand toutefois, vers la fin de 1954 je recevais la visite de Zoubir BOUADJADJ (actuellement détenu à MAISON CARREE), il me parlait d'une révolution toute proche. Je n'ai eu cette confirmation que le premier novembre 1954, jour où il était venu à la boulangerie m'annonçant la réussite. J'ai commencé à être intéressé par la propagande, très réussie. Il me présenta BITAT Rabah, afin que la continuation de la lutte ne s'arrête pas à cette flambée, et comme j'étais connu à ALGER, le problème de sécurité pour BITAT ne se posait plus. J'avais donc hébergé BITAT et commencé moi-même à former des éléments en leur faisant comprendre que cette lutte était en dehors des deux clans qui se disputaient le pouvoir (MNA et centralistes). Quelque temps après ce fut la venue de KRIM Belkacem et de OUAMRANE que j'avais hébergés toujours chez moi, puis quelques temps après celle de ABANE Ramdane et du docteur HAKINE ( ?)
Ensemble nous formions un état major chez moi où toutes les décisions étaient prises. L'arrestation de BITAT, le 16 mars 1955, nous oblige à nous séparer. Je me suis trouvé recherché, et j'avais à ma charge KRIM et ABANE, OUAMRANE avait regagné le maquis.
Après le déclenchement de novembre 1954, aucune ligne de conduite ne fût adoptée, il fallait pour ABANE et KRIM la persuasion que ceux de l'extérieur (BEN BELLA et sa clique) n'avaient pour rôle que de représenter ceux de l'intérieur, et que la souveraineté revienne à ceux de l'intérieur. J'entreprit un voyage en SUISSE pour toucher un membre de l'extérieur. Voyage qui avait d'ailleurs échoué par mon arrestation au lendemain de mon arrivée en SUISSE. Je fus transféré à la prison civile d'ALGER, gardé pendant quatre mois, j'ai été relâché sous condition. Je n'ai pu remplir cette condition en raison de la suspicion de l'organisation à mon égard. Je me suis donc dégagé de toute responsabilité, et je partais donc en France, précisément à TOULON .
A mon arrivée à TOULON, un Nord-Africain m'aborda et me remis un pli. Il y avait écrit qu'il fallait par tous les moyens rejoindre ALGER sous peine de mort. Je fus obligé de revenir immédiatement et depuis ce fût la clandestinité au sein du F.L.N. . Il me fallait donner des preuves et être bien compromis. Le but de ceux qui m'avaient appelé avait bien réussi, j'étais bel et bien compromis.
Pour mieux être surveillé, on me détacha comme responsable de Mustapha FETEL, qui fut arrêté quelques jours après. Après cette arrestation, ce fut le tour de BOUPACHA Belkacem qui prit la tête de l'organisation militaire à ALGER. Quelques mois après il fut arrêté. Je devins donc le responsable militaire il fallait donc ne plus reculer.
Les bombes cette sinistre besogne Je le reconnais, car j'ai toujours été conscient de mes actes, et pour le C.C.E. c'était un moyen d'exprimer les choses que l'on s'obstine à nous donner.
J'ai été toujours contre, mais, hélas, il fallait respecter les ordres. Cela avait débuté en juin-juillet 1956 où les "ultras" d'ALGER avaient déposé un obus plein de dynamite qui devait faire des morts et des blessés, environ 70 êtres, hommes, femmes et enfants. Il fallait une vengeance pour remonter le moral de la population musulmane. J'entreprit des recherches du coté de quelques chimistes dont dispose l'organisation Le premier laboratoire, rue de le Grenade au numéro 5, dans la demeure de KARSALI Abdelghane. Là le chimiste TALEB prit la tête d'une équipe se composant de KOUACHE Rachid, mort à EL BIAR, chargé des montures des réveils et des soudures des piles. ABDELGHANI, ébéniste de son métier, tout en apprenant la chimie, était chargé de confectionner les caisses où devaient être mises les bombes.
1er objectif : nous ne connaissions pas la puissance ni l'effet de ces engins. Un attentat spectaculaire devait rassurer la population musulmane et lui faire oublier ce qu'elle venait de subir.
La Cafetaria, le Milk bar, le Mauretania et un batimant avenue de la Marne. Contrairement à ce que certains ont pu dévoiler, voici exactement les personnes qui ont placé ces bombes : Cafetaria, Samia LAKHDARI ; le Milk-bar, Danielle (pseudonyme) fille de mère française et de père musulman, tous deux instituteurs, boulevard de Verdun, ALGER (sont actuellement à la prison civile) ; Maurétania, ZOUBIDA, nom pas connu, mais qui a une sœur habitant chez un médecin, rue Colonna d'Ornano ; avenue de la Marne, le groupe armé de BEN CHERIF OMAR et Ali MOULAY.
Toutes ces bombes ont plus ou moins explosé le premier octobre 1956.
Il fallait, vu les résultats, mettre sur pied un véritable "labo" et par mesure de sécurité l'éloigner de la casbah. Le nommé Saïd, tenancier d'un bar square Bresson, (Saîd SMAIL) nous offrit son domicile, qui d'ailleurs n'a pas duré, car, après mise au point des premières bombes chez lui, il y eut l'explosion, et là mourut Rachid KOUACHE, pendant que Abdelghani et le nommé BAKI salah prirent le chemin de la casbah. Il fallait un nouveau laboratoire, c'est alors que Mustapha BOUIRED (oncle de Djemila BOUIRED) fut sollicité. Il accepta avec hésitations, mais il accepta. Nous entreprîmes d'installer des abris en cas de perquisition.
Cherif DEBIN rentre en jeu : Cherif DEBIN, bien connu sous le nom de SI MOURAD avait quitté ALGER le mois de juillet 1955 après l'arrestation de BEN ? ? ?. Ayant commis une bêtise au maquis, il fut obligé de fuir pour venir à ALGER. Il fut condamné à mort par le F.L.N. Je l'avais repêché, et j'ai pu obtenir sa grâce. Soudeur de son métier il entra à l'œuvre avec l'équipe des bombes.
Cette équipe se composait donc de TALEB, Abderhamane, CHERIF DENIN, ABDELGHANE, BENREZOUANE, Saïd, Mustapha LADJALLI, et BAZI Sallah. Chacun avait un rôle, quoi qu'ils devaient tous être au courant du perfectionnement et mise au point d'une bombe prête à exploser. Le F.L.N. à cette époque avait laissé un tract où il disait que des bombes allaient exploser. Je reçu donc ordre d'activer les travaux de bombes. Il fallait que l'action continue, car les "ultra " avaient déjà préparés leur offensive, et il était temps de les freiner. J'entrepris donc deux actions destructives : bombes rue Colonna d'Ornano et rue Michelet. La première par ZHOULIKA, la deuxième par BOUIRED.Djemila.
Je recevais ce jour là un blâme. Le C.C.E. me disait d'être plus sec que le moment est favorable pour que la minorité européenne reconnaisse nos droits. Vingt jours après, j'avais établi un plan bombes dans des paquets de journaux. Je fus obligé de les faire sortir de la casbah pour faire croire que le "labo" était quelque part en banlieue. Cette action échoua rapport au mauvais fonctionnement du détonateur et le dereglage en cours de route. Les éléments chargés de cette mission furent obligés d'abandonner les paquets un peu par-
pour juger de la bonne foi de cet excellent terroriste on notera que:
20 juin 1956:
Bombe à Bab El Oued, quatre morts, 16 blessés. (suivant des sources non publiques il y a eu en fait une dizaine d'attentats causant la mort de 49 personnes). Les terroristes laissent des tracts expliquant que s'ils tuent au hasard c'est pour venger les deux terroristes guillotinés l'avant veille, "justification" pieusement reprise par toutes les grandes consciences, qui approuvent ainsi qu'on frappe au hasard des dizaines de personnes pour venger la mort d'assassins démocratiquement condamnés.
10 Août 1956.
Explosion dans une maison de la casbah d'Alger, 16 morts, 32 blessés. On sait maintenant qu'il s'agissait d'une opération de contre terrorisme gaulliste, menée par Castille, lequel, le 16 janvier 1957 , toujours gaulliste, essayera de tuer Salan, général trop républicain à leurs yeux.
Ainsi donc, Yacef Saadi raconte dans ses tracts que les bombes du 20 juin, vengeaient deux terroristes qui avaient été guillotinées deux jours avant (les bombes étaient donc prêtes...), puis quelque mois aprés dans sa déposition, il explique que c'est parce que Castille avait fait exploser une bombe le 10 Août, deux mois plus tard.
Il n'a pas la mémoire des dates, mais ce qui est sûr c'est qu'il fait que se venger.
-tout, au lieu de les mettre comme convenu dans les couloirs.
Arrivage du plastic, par la voie du maquis de la wilaya 5 (Oranie). Nous avons alors décidé d'abandonner l'ancienne poudre et cela nous permettait aussi de réduire les modèles de carcasses.
Première action au plastic : je me rendais compte de la puissance de cet explosif. J'entrepris donc son utilisation pour des objectifs ne touchant pas l'être humain. Ce fut les attentats contre le Grande Poste ; les tris postaux , radio-ALGER et Veuve Cote. Je prenais soin pour ces objectifs de choisir l'heure ou le jour.
Je fus de nouveau harcelé par le C.C.E. (BENKHEDDA). C'est alors que pour repartir les taches, j'ai du créer des réseaux s'occupant de ces bombes : réseau BENKACEUR dit " Toufik " élément en contact à l'époque avec les groupes communistes convertis au F.L.N. (voir YVETON).
HATTAB, Mohamed, AMMADJI, OMAN ADER, et BENCHERIF Omar. Vu l'importance et le développement de l'organisation, je fus mis en contact avec le nommé CHERGUI Brahim, élément politique avec qui je collaborais en définissant les lignes de conduite politique. Notre contact nous réunissait à trois, BEN KHEDDA, CHERGUI et moi, et pour toute autres travail (décision) BEN M'HIDI prenait tout en charge. BEN M'HIDI se décida à rejoindre la casbah pour mieux contrôler nos actions et s'assurer de leur exécution. Une fois par semaine, BEN M'HIDI allait faire sa réunion avec le C.C.E. Notre proposition ne changeait guère, il fallait toujours attaquer. Vers le mois d'octobre, je fis la connaissance de DRIF Zohra qui m'a été présentée par le dénommé KHECHIDA, Abdallah, dit " Mourad ". Cette fille devait se charger des liaisons. Quelques jours après c'est même Abdallah qui me présenta MASSINA bent BOUALI, elle était recherchée. Je devais la prendre en charge et la mettre dans un abri sûr chez Djemila BOUIRED. Djemila BOUIRED en même temps que DRIF, Zohra, me servait d'agent de liaison. Djemila BOUIRED était en contact avec BHOULIKA qui lui transmettait des courriers destinés aux autres filles.
Je recevais donc ces ordres directement de BEN M'HIDI, installé chez le Bachaga BOUTALEB, où furent réglées trois bombes. Cette fois-ci, en dehors de mes connaissances, AMMAR, Ali fut chargé de l'exécution de cette action ; bombes stades, reglées par SI MOURAD, qui fut appelé par AMMAR, Ali et envoyé par moi.
Avant son arrestation et son départ de la casbah, BEN M'HIDI m'avait signifié le départ hors d'algérie, en compagnie du C.C.E. Donc, officiellement, je devais assurer le commandement de la zone autonome d'ALGER.
Ce fut à cette époque le démantèlement de tous les réseaux politiques et militaires. Il ne restait plus personne, certains avaient regagné le maquis, d'autres se sont terrés.
Pour moi, et ceux qui sont demeurés toujours avec moi, nous étions harcelés et nous échappions de justesse à chaque fois. Il y avait en ma compagnie, Djemila BOUIRED, Zohra DRIF, MASSINA Bent BOUALI, Cherif DENIN, AMMAR, Ali. Il fallait réorganiser, et je fis appel à ceux qui avaient échappé aux recherches.
HATTAB, Mohamed, accepta de reprendre ses activités, MEL HAFFAF et Cherif DENIN devaient reconstituer les maillons détruits. Chacun avait son rôle. Celui de DENIN était provisoire dans le domaine politique. Un nouveau recrutement pour remplacer ceux qui étaient partis. Parallèlement, une organisation militaire fut mise sur pied, dirigée par HAMEL. J'avais encore quelques bombes et j'avais ordonné à HATTAB de mettre à l'œuvre une bombe pour marquer notre présence F.L.N. Bombe qui explosa dans un couloir avenue de la Marne.
Pour mieux consolider l'organisation, il fallait une période d'accalmie. J'avais rétabli et mis sur pied les liaisons du maquis.
HATTAB, en dehors de ses fonctions politiques, avait organisé un réseau bombes comprenant neuf personnes, qui n'étaient connues que de lui. Ce réseau se chargeait aussi d'attentats au revolver (voir attentat caïd OKBA de l'ALMA).
L'accalmie fut troublée: Affaire MELOUZA-WAGRAM. Les atrocités de MELOUZA et WAGRAM ont soulevé les consciences humaines. A ALGER, nous étions dans le
doute. Quels étaient les véritables instigateurs? Un cas de conscience s'était posé pour moi, j'avais juré que si cette boucherie était l'œuvre du F.L.N., de me rendre auprès des autorités et d'inciter tout ALGER à se rallier.
Après enquête auprès des responsables des wilayas, j'avais la confirmation que cette oeuvre était en dehors du F.L.N.
HATTAB me proposa des bombes qu'il voulait régler à l'heure qu'il m'avait indiquée. Ce furent les bombes (5) des lampadaires. Quelques jours après HAMEL par l'intermédiaire de MOULAY, Ali proposa une bombe, ce fut celle du casino.
D'autres attentats à la bombe devaient être effectués, dirigés par HAMEL et que ses chefs de région, ZEROUK, MOULAY, et (Hani ?) devaient faire déposer par leurs éléments.
Ce fut des actions plutôt psychologiques, pour montrer la présence du F.L.N.
Les actions qui se succédèrent avaient pour but de mettre fin par ce moyen aux exécutions des condamnés à mort.
Dès lors, aucune bombe ne fut mise à l'action, pour des raisons politiques.
..................Transcrit par..................................................... L'intéressé,
Le gendarme NOGUEIRA, O.P.J.A.......................... YACEF, Saadi
...................Signature............................................................. Signature