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L'affaire Djemila Bouhired

 

Thèse des avocats Il s'agit d'une synthèse de Jacques Vergès - Georges Arnaud, plaquette "pour Djamila Bouhired" Article de F.Mauriac dans l'Express du 14 novembre 1957. Articles du Monde du 8 au 19 avril 1958 par le Collectif d'avocats. Défense politique. Maspero. 1961. P.Vidal-Naquet. La raison d'Etat. Ed. de Minuit. 1962. Les crimes de l'armée française. Maspero. 1982.

 

"Djamila Bouhired, agent de liaison du Comité de coordination et d'exécution (CCE), a été arrêtée le 9 avril 1957, au cours d'un accrochage dans la casbah, au cours duquel elle a eu l'omoplate brisée par une balle tirée par Yacef Saadi.

Elle affirme avoir été torturée sur la table d'opération du 9 au 26 avril. Elle accuse les paras d'être venus, tous les quarts d'heure, vriller un couteau dans sa plaie. Les sévices ont été constatés par le médecin du FLN Janine Belkhodja. Le médecin légiste Godard ne reconnaît pas de traces de violences. Le diagnostic officiel évoque une fistule tuberculeuse ancienne.

Elle est dénoncée pour la pose de bombe au Cafeteria par le chimiste Taleb Abderhamane, qui est opposé à l'emploi de bombes contre des civils innocents.

Djamila Bouazza, interrogée sans violence par l'OPJ Fernand le 9 mai, dénonce Djamila Bouhired pour la pose de bombe au Milk Bar.

Les avocats estiment invraisemblable qu'un agent de liaison ait été chargé de poser des bombes. Ils demandent un examen psychiatrique de Dj.Bouazza, qui donne des signes d'aliénation mentale. Ils démentent que Dj.Bouhired ait signé des aveux. Le président Roinard refuse examen psychiatrique et graphologique.

Djamila Bouhired est condamnée à mort le 15 juillet 1957. Elle déclare qu'elle est anti-colonialiste, mais pas anti-française. Elle éclate de rire à l'annonce de cette condamnation"

 

 

Thèse des médecins militaires Il s'agit d'une synthèse de Pierre Pellissier. "La bataille d'Alger. Perrin. 1995. p.210 à 230" du Docteur Brisgand. Souvenirs inédits, in Revue des enfants de troupe de La Flèche. Dans ce récit, Brisgand camoufle le nom de Djamila Bouhired, pour des raisons de secret médical. de Jean Lartéguy. "J'ai interrogé dans leur prison les condamnées à mort". Paris Presse l'Intransigeant du 11, 12 et 13 avril 1958. Le rapport du médecin-colonel Delvoye est publié dans le même journal. de Giséle Halimi: Djamila Boupacha. Gallimard. 278 pages 1962, réédité en 1981. Deux autres ouvrages de Madame Halimi apportent des données partielles sur cette affaire: Le lait de l'oranger (Gallimard 1988) sur le transfert d'Alger en métropole et la sortie de prison - Avocate irrespectueuse (Plon 2002) sur la notoriété de l'avocate liée à cette affaire. Le journaliste Pierre Péllissier a rencontré de nombreux témoins de la lOème DP, mais aussi du Service de Santé, ainsi que les journalistes Marie Elbe, Claude Paillat et Jean Pouget. Il a consulté les notes de Serge Bromberger et d'Yves Courrière.

 

"Lors de l'accrochage en casbah, les zouaves tirent en l'air; Djemila est blessée par Yacef Saadi dont elle protège la fuite et celle de Ali la Pointe; elle insulte les zouaves.

Transférée d'abord au Commissariat du 2ème arrondissement, elle est ensuite amenée à l'hôpital Mustapha, où on lui met 2 points de suture avant de l'évacuer sur l'hôpital militaire Maillot. Le premier diagnostic précise: Plaie transfixiante (c'est à dire que la balle est ressortie) sous-claviculaire à petits orifices sans signe d'hémorragie interne.

Le chirurgien, médecin-capitaine Brisgand, renonce à l'opérer pour des raisons esthétiques. Craignant une hémorragie, il vient la surveiller tous les quarts d'heure, puis toutes les heures. Des parachutistes viennent l'observer, sans l'interroger. Le 16 avril, le médecin-colonel Delvoye, constate que le pansement est intact et établit une feuille d'observation qui confirme : Transfixion antéropostérieure du dôme pleural gauche par balle .... Plaies cicatrisées. La plaie antérieure saigne très superficiellement sous la croûte qui la recouvre. L'intéressée a été gardée au service des détenus pendant son hospitalisation..

Le médecin-colonel, stupéfait des accusations de G.Arnaud et F.Mauriac dans l'Express, adresse le 22 novembre 1957 un rapport au général commandant le Corps d'armée d'Alger, dans lequel il relate les conditions d'entrée et de suivi, à l'hôpital Maillot, de Djemila Bouhired, qui n'a jamais formulé aucune plainte sur des sévices quelconques. Il précise que le 16 avril, jour de son départ, il lui a demandé si elle avait eu des visites de parachutistes. "Il en est venu trois", répond-elle. "Ont-ils touché à votre pansement?". "Non, ils m'ont fait comme ça". Et avec le dos de la main droite elle fait le geste de tapoter sur quelque chose.

Le docteur Brisgand sera interrogé par la justice jusqu'en 1961."

 

 

Le reportage de Jean Lartéguy

(Paris-Presse l'Intransigeant, 11 avril 1958). Le 4 avril 1958, Lartéguy a été autorisé à visiter, pour Paris-Presse l'Intransigeant, les condamnées à mort qui se trouvent à la prison de Maison-Carrée: Djemila Bouhired, Djemila Bouazza, Jacqueline Guerroudj et Zora Driff. Seule Djemila Bouhired déclare avoir été torturée, ce que dément le colonel Godard, et que Lartéguy met en doute, Djemila lui ayant menti trois fois lors de cette visite.

Texte de Larteguy: "Souriante, amusée, voilà Zora Driff, la compagne de Yacef Saadi, qui fut prise avec lui dans sa cache de la casbah le 24 septembre 1957. C'est de beaucoup la plus intelligente (elle était étudiante en droit), et celle qui montre le plus de classe. Elle a le type algérien, avec les cheveux légèrement crépelés. Elle est, selon l'expression arabe, "de grande tente". Elle reconnaît tout de suite le colonel Godard et paraît heureuse de le revoir, très heureuse même. Le colonel Godard, sans armes, était venu sommer Yacef et Zora de sortir de leur cache. Cette forme de courage plaît aux Arabes. Et ils étaient sortis les bras en l'air. Je demande à Zora: "Avez-vous été torturée après votre arrestation?".

"Je n'ai été ni frappée ni torturée, déclare Zora Driff, ces méthodes n'avaient plus cours quand j'ai été prise (24 septembre 1957). Peut être à cause de la campagne déclenchée en France contre la torture. Mais je connais des femmes qui l'ont été" ..

Le colonel se frappe sur les cuissse: "Allons Zora!"

Et je comprends que le colonel sait quelque chose, et que Zora sait aussi qu'il le sait. Je l'apprendrai un peu plus tard. C'est Zora qui déclencha la campagne contre la torture, ce fut elle qui rédigea de sa main une déclaration avec les noms en blanc, et qui fut ensuite ronéotypée. Cette déclaration fut distribuée et remplie par un grand nombre de personnes sur ordre des chefs FLN.

Je demande à Zora: "Auriez-vous posé vous-même des bombes?

"Oui, j'en avais reçu l'ordre ... comme le lieutenant aviateur qui va bombarder un douar. La bombe est un moyen de guerre, le terrorisme découle du colonialisme.

"A Barberousse étiez-vous maltraitée?

"Dans n'importe quelle prison, quand une femme le veut, elle sait se faire respecter"

"Croyez-vous que Djemila Bouhired a posé des bombes? Croyez-vous qu'elle a dénoncé Djemila Bouazza?

"Je préfère ne pas répondre à cette question, cela les regarde toutes les deux".

"Qu'allez-vous faire ici?

"Attendre tranquillement d'être libérée. Vous savez, je ne suis pas du tout anti française, mais simplement anticolonialiste ".

Quand elle s'en va, elle est toujours souriante et amusée. Dans sa cellule, les Propos d'Alain.

Quant à Djemila Bouazza, elle a toute sa raison, elle raconte comment Djamila Bouhired lui a remis la bombe rue Michelet, et comment elle a voulu la faire passer pour folle pour innocenter Djamila Bouhired, comédie qu'elle a accepté de jouer le premier jour du procès, mais qu'elle a abandonnée ensuite. Elle confirme que c'est Djamila Bouhired qui l'a dénoncée au capitaine Graziani."

Le témoignage du capitaine Graziani.

Le 11 avril, Lartéguy rencontre Graziani, qui réagit vivement:

"C'est moi qu'elle accuse de l'avoir torturé. La pauvre fille! Je sais bien pourquoi elle se raccroche désespérément à cette affaire de torture. La raison en est simple et pitoyable: Djamila Bouhired, après trois paires de gifles, a commencé à parler, puis elle a continué par vanité, besoin de se donner de l'importance. Elle m'a même dévoilé des choses que je ne lui demandais pas. Djamila Bouhired, dont on veut faire la "Jeanne d'Arc" de la rébellion, a livré toute son organisation au cours de son premier interrogatoire. Si nous avons pu arrêter le réseau bombes, c'est à cause d'elle. Trois paires de gifles et elle s'est mise à table, l'héroïne.

La torture, je sais ce que c'est, j'ai été quatre ans prisonnier des Vietminhs

Djamila est sortie le 17 avril de l 'hôpital Maillot, où placée sous la sauvegarde des médecins, elle n'avait pas été interrogée. J'ai interrogé Djamila pour la première fois à dix heures du soir. Elle a commencé à me traiter de salaud et de colonialiste. Je lui ai envoyé deux paires de tartes à travers la figure .... Elle m'avoua qu'elle savait une cache boulevard Saint-Saens ... une autre rue Michelet ... une au 13 rue Porte Neuve, où nous avons trouvé 13 bombes, 33 revolvers, des documents ... Elle me dit que si elle n'avait pas posé de bombes, elle en avait du moins transporté et donné à des gens .. Elle me donna le nom d'une fille qui travaillait aux chèques postaux Djemila Bouazza, qui fut alors arrêtée par la PJ et ramenée à El Biar. Giflée par Graziani, elle avoua avoir déposé les bombes de la rue Michelet et du Coq Hardi, que Djamila Bouhired lui avait remises.

Djamila Bouhired raconta qu'un jour elle avait ramené une bombe à la casbah, et Taleb, le chimiste, l'avait désamorcée 5 minutes avant qu'elle n'explose: ça s'invente ça?

Une fois, je lui ai dit "Djamila, je t'aime bien, mais je ferai l'impossible pour que tu sois guillotinée, car je n'aime pas les poseuses de bombes .. qui massacrent des innocents." Elle s'est mise à rire "Mon capitaine, je serai condamnée à mort, mais je ne serai pas guillotinée, parce que les Français ne guillotinent pas les femmes. Comme d'ici 5 ans nous aurons gagné la guerre, que ce soit sur le plan militaire ou politique, je serai libérée par mon peuple et je deviendrai une héroïne nationale"

Quand on l'a passée à la police, Djamila ne voulait pas me quitter. Elle en a fait toute une scène. Si je n'avais pas été un officier ... j'aurais pu en faire une très bonne indicatrice. Tout ce que je viens de dire, je suis prêt à le répéter devant elle et je sais qu'elle ne pourra rien nier .... Sur mon honneur, je vous affirme que tout cela est la vérité."

Fin du reportage de Larteguy.

Tout ce texte est repris sur "Conflits d'autorités durant la guerre d'algérie", ISBN 2-7575-7304-4 de Maurice Faivre

 

 On voit la méthode habituelle de desinformation du FLN, la visite du medecin militaire pour surveiller l'évolution de sa patiente est transformée en enfoncement de couteau dans la plaie (!!! ce qui ne l'empechera pas d'être guerie une semaine plus tard...) les gifles de Graziani fantasmées en scéances sadiques, obscenes et renouvellées (ce qui ne laisse aucune place à l'accueil à la cantine des paras, qui eut des dizaines de témoins).

Il faut bien qu'elle explique sa prolixité, et qu'elle s'excuse auprès de Bouazza.

 

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