Juin 1960

 

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1 Juin 1.960 :

un harki grièvement blessé à paris, un passant est tué dans la fusillade.

Chikh Madjid, bistrotier, informateur de la FPA, assassiné rue des tanneries (13 ème).

Le conseil général d'Alger désigne son bureau, le président est monsieur bencharrir.

Un instituteur blessé par un terroriste à jemmapes.

 

2 Juin 1.960 :

A Paris, huit attentats en quatre jours font 5 tués et 3 blessés. Il s'agit soit de lutte MNA/FLN, soit d'assassinat de harkis infiltrés dans les réseaux.

Trois policiers sont agressés et blessés à Paris un est tué à Carpentras.

Un soldat français est égorgé à Lyon.

 

3 juin 1.960:

A Miliana, un agriculteur qui conduisait une voiture dans laquelle étaient trois appelés est tué, les militaires blessés, à la suite d'une embuscade sur la route.

Les moyens de police sont à nouveau renforcés par l'ordonnance du 3 juin 1960 dans le but d'améliorer la rapidité d'intervention des forces de police. Le texte aura pour finalité à Paris d'harmoniser les capacités opérationnelles des unités conventionnelles de la préfecture de police avec celles de la FPA (les harkis de paris) et des compagnies de district. L'ordonnance stipule qu'"en cas de crime flagrant, lorsqu'on a arrêté l'auteur, le coauteur, ou le complice d'un homicide volontaire ou de coups et blessures qualifiés de crimes, commis en vue d'apporter une aide directe ou indirecte aux rebelles des départements algériens, l'enquête est conduite sans intervention du juge d'instruction, conformément à la procédure des crimes flagrants". Elle permet également, si la chambre d'accusation est saisie dans le délai d'un mois après l'infraction, de transférer la personne incriminée devant le tribunal des forces armées. Le principe affirmé de l'article 79 du Code de procédure pénale, qui impose l'instruction préparatoire, est ainsi contourné.

 

4 Juin 1.960:

Témoignage de monsieur Jean Lagouche, sergent appelé du 20 ème dragon: "J'appartenais au premier escadron du vingtième dragon, stationné à Bouandas. Je suis resté en poste à la harka de Isaateten dans la commune de Bousselan, sous prefecture La Fayette, de mars 1959 à juin 1960, avec environ 45 harkis et 5 ou 6 moghaznis détachés de la SAS de Bouandas. J'étais le seul élement européen dans le lieu, radio de formation j'ocupais des fonctions trés diverses, gestion, des populations civiles etc...

Les harkis étaient commandés par l'ancien garde champêtre de la commune nommé Maréchal des logis chef, tous étaient de la même commune et souvent des mêmes familles.

Je peux dire que je fus oublié pendant plus d'un an en kabylie, puisque je ne suis resté que quelques jours avec le radio libérable que je remplaçais et que le lieutenant en place muté en même temps n'a jamais été remplacé! Ce fut pour moi une experience formidable, je pensais oeuvrer pour la paix et j'étais intégré à la population que j'ai quitté en pleurant."

 

5 Juin 1.960:

 Une grenade jetée dans une salle où se déroulait une noce fait un mort (13 ans) et 43 blessés dont 8 graves.

Arrestation à Lyon de 19 membres du FLN.

 

6 Juin 1.960:

rien.

 

7 Juin 1.960:

Belkadi Mohamed, indicateur de la FPA, assassiné à Nanterre.

 

8 Juin 1.960:

Un commando FLN, assiégé en centre ville de Constantine vend chèrement sa peau, deux sont tués, deux prisonniers, un officier et un soldat tué, 3 autres blessés.

 

9 Juin 1.960:

Une grenade dans un bar à Alger, quatre blessés.

 

10 Juin 1.960:

 Un conseiller général musulman assassiné dans son village de Sidi-Mesrich.

Crépin, nouveau commandant en chef, demande le maintien de 380.000 hommes instruit, hors harkis, et une augmentation du nombre de ceux-ci. On les lui donne mais jusqu'au début 61.

 En métropole, La police arrête un lycéen de 16 ans portant une valise remplie de billets pour 37 millions de francs. Membre du mouvement socialiste pour la non violence, il portait également la liste des exécutions ordonnées par le F.L.N. contre des membres du MNA.

 Le Comité des Affaires algériennes du jour réorganise l'information concernant l'algérie, dans le sens d'une centralisation, ça commence à ressembler à de la censure.

Le soir, De gaulle reçoit les émissaires de la willaya 4 à l'Elysée, il a endossé son plus bel uniforme pour l'occasion, il ne leur serre pas la main, accepte leur éventuelle reddition, et annonce que le 14, il tendra la main vers les membres du GPRA de Tunis. Un des officiers qui les accompagne raconte qu'ils venaient voir De gaulle comme on va voir le bon dieu, et que sa déclaration leur a fait l'effet d'une douche froide. Si Salah commente "le général va faire une démarche inutile, le GPRA ne répondra pas ou répondra à coté"

Cette réunion le soir sans témoin a été oubliée dans les mémoires de De gaulle.

Salan est mis à la retraite.

Le public, croyant aider un musulman contre le FLN empeche en fait l'arrestation d'un FLN par la police auxiliaire (les harkis de paris)

La police auxiliaire opère de deux façons: des opérations visibles (les patrouilles, les réunions d'action psychologique) et des opérations confidentielles (la collecte de renseignements, les infiltrations par les agents hors cadres, les attentats). Dès la conception du projet, le 5 juillet 1959, le capitaine Montaner définit clairement le mode opératoire de l'unité adapté à ses cibles: désorganisation des réseaux de collectes de fonds, pressions physiques sur les payeurs pour obtenir des dénonciations, pressions morales sur les métropolitains et les associations sympathisantes du FLN, lutte contre les proxénètes algériens (voire contre les prostituées elles mêmes) finançant l'organisation indépendantiste, instauration de bagarres concertées dans les établissements nationalistes ou à clientèle sympathisante, renvoi en Algérie des nationalistes arrêtés, ralliement de cadres de l'OPA et déploiement de "groupes d'action qui s'implanteraient dans les communes de banlieue, en particulier dans les bidonvilles". La FPA est une unité opérationnelle aux structures souples qui, par son expérience, devient un excellent outil policier. Son modus operandi fait sa force.

La FPA est une unité à fort potentiel symbolique destinée à être visible dans les rues de la capitale. De nombreuses patrouilles, qui pourraient s'apparenter aux opérations de ratissage en Algérie, descendent quotidiennement dans les quartiers où la présence maghrébine est importante. La police auxiliaire bénéficie de l'ancienne présence des commissariats et des postes de police dans les arrondissements qui tissent un maillage étroit sur l'ensemble de la capitaleo L'objectif principal de ces rondes inopinées est de perturber l'action clandestine du FLN, notamment les réunions dans les cafés et les collectes, d'interpeller les Algériens porteurs de sommes d'argent anormalement élevées, de rechercher le flagrant délit, d'identifier les nouveaux habitants du quartier: en un mot, contrôler le terrain. Sur ordre des dirigeants de compagnie, les chefs de section et de groupe définissent le parcours des pelotons dans les rues de Paris et de la banlieue et le modifient constamment afin de limiter les risques d'agression. Le responsable de groupe ou de demi-groupe mémorise ou marque sur un carnet le parcours avant l'expédition. Les unités partent depuis les hôtels réquisitionnés, ou depuis le fort de Noisy-le-Sec, soit à pied pour des trajets dans un périmètre de proximité (afin de déjouer toute agression contre les policiers auxiliaires en permission ou contre les postes), soit en car, jusqu'a un "point relais", généralement un poste de police ou un commissariat de quartier, pour des patrouilles éloignées. C'est là que transitent les Algériens arrêtés par les supplétifs avant d'être conduits, soit au CN, soit vers l'hôtel où le débit de boissons servant de poste ponctuel à l'unité, comme cela fut le cas à Nanterre et à Aubervilliers à l'automne 1961. Ces multiples postes provisoires servent de casernement pour les hommes, de lieu de détention, d'interrogatoire et de point de départ pour les patrouilles.

Après avoir été regroupée au fort de Noisy fin juin 1961, la FPA est plus présente. Le nombre des hommes sur le terrain est accru: les effectifs de deux compagnies ou plus sont parfois de service à toute heure du jour et de la nuit, laissant le reste du personnel en réserve ou au repos. L'effet de surprise des patrouilles et des opérations a été renforcé car l'isolement et une meilleure surveillance des hommes au fort de Noisy évite les maladresses et les indiscrétions susceptibles d'arriver aux oreilles de l'adversaire. Agissant avec rapidité, les hommes sont transportés - à des horaires fluctuants - en différents points du département par des véhicules collectifs de police vers les "points relais".

Sur la voie publique, les policiers auxiliaires se déplacent en uniforme et, armés de leurs pistolets-mitrailleurs, progressent en colonnes parallèles et décalées sur les deux trottoirs de la même rue, chaque file se protégeant mutuellement. Les chefs de section utilisent parfois des éléments en civil (généralement deux) pour précéder ou suivre la formation en prévention des attentats et pour écouter les impressions et les critiques orales des riverains après leur passage. (...)

Le contrôle d'identité est un des principaux atouts de la FPA. Les policiers auxiliaires parlant arabe ou kabyle détectent les fausses pièces d'identité marocaines ou tunisiennes dont les détenteurs, qui parlent l'arabe dialectal algérien, sont conduits au poste de police le plus proche. Le capitaine Raymond Montaner a donné des directives très strictes à ses hommes sur la procédure à suivre en matière de contrôle sur la voie publique afin qu'ils puissent habilement obtenir des renseignements sur l'individu tout en évitant de le condamner à la vindicte du FLN. Les vérifications sont fréquemment la source de conflits: les altercations sont nombreuses, notamment avec les ressortissants marocains, tunisiens et les métropolitains qui répugnent à être inspectés par une "police algérienne" (sic) et manifestent ouvertement une hostilité raciale à l'encontre des supplétifso Des bagarres surviennent parfois lorsqu'un suiveur ou un militant FLN est reconnu dans la foule pendant les déplacements. (...)

Le capitaine Montaner confie des missions de surveillance, de reconnaissance et de contrôle à des petits groupes d'agents en civil recherchant des informations ou le flagrant délit. C'est ainsi qu'est alimentée la psychose de l'adversaire. Le commandant envisage, en juin 1960, de généraliser et d'optimiser l'usage combiné d'agents en civil et en uniforme, voire de déployer entièrement des agents en civil, "en une multitude de petits groupes [ ... ] qui agiraient dans tout Paris, [faisant temporairement disparaître] la FPA en tant qu'unité constituée". Ce choix tactique, trop contraignant, n'a pu être totalement appliqué: il demandait trop d'effectifs et une coordination trop rigoureuse entre les groupes. En revanche, avec l'engagement progressif des 2e et 3e compagnies - et, a fortiori, après juin 1961, lorsque la FPA est entièrement casernée au fort de Noisy, ce procédé peut être ponctuellement utilisé, à une assez large échelle, mais pas avec la totalité des hommes. Ces patrouilles posent le problème de l'identification des policiers auxiliaires par la police municipale ou les civils dans la confusion des interpellations. Les témoins d'agressions, ignorant que des policiers algériens opèrent en civil dans Paris, aident, à leur insu, des militants du FLN à prendre la fuite, ce qui a été le cas, le 10 juin 1960, lorsque les consommateurs d'un café du 14e arrondissement ont entouré les policiers auxiliaires sur le point d'arrêter un suspect. Ces éléments en civil - utilisés avec succès dans le 13e arrondissement - participent à des opérations de surveillance ou d'observation, de jour comme de nuit et servent d'appât aux collecteurs de fonds du FLN, qu'ils n'hésitent pas à interpeller en flagrant délit. (...)

Contestant ouvertement l'action du FLN, le capitaine Montaner organise des réunions d'action psychologique dans les cafés nord-africains, lieux de rencontre et de diffusion des nouvelles, des rumeurs et sièges des réunions clandestines. Le capitaine, son adjoint ou un chef de section arrivent en soirée, à l'improviste, avec quelques hommes qui rassemblent les consommateurs après les avoir préalablement fouillés et identifiés. Le 16 novembre 1960, le capitaine Montaner harangue brièvement des Algériens dans différents débits de boissons de Nanterreo Ces réunions mobilisent peu de personnes (cent trente-cinq personnes environ en trois réunions le 17 novembre 1961), mais peuvent être l'occasion d'un dialogue, voire l'obtention d'indications sur la collecte. Face à l'auditoire, l'orateur développe un argumentaire de contre-propagande sur les perspectives d'une Algérie future, associée à la France:

"Nous avions un message très simple, se souvient Pierre Buxeuil de Roujoux, accompagné de tracts avec un texte en français et en arabe. Il faut arrêter cette guerre qui ne mène à rien et fait beaucoup de malheureux: une Algérie nouvelle doit émerger des événements pour bâtir un pays moderne où tout le monde doit avoir sa chance".

D'après "Les calots bleus et la bataille de Paris" Rémy Valat, ISBN 978 2 84186 382

 

11 Juin 1.960:

Poursuivant l'enquête sur le mouvement non violent, la police arrête un enseignant marseillais et cinq de ses étudiants impliqués dans le soutien aux terroristes du F.L.N.

 

12 Juin 1.960:

Dans le Gard, la police arrête vingt membres du F.L.N. et saisit un stock d'arme, d'explosif et de l'argent.

A Versailles un français musulman, jugé par un tribunal F.L.N., arrive à s'échapper et à porter plainte pour tortures et séquestration

 Un homme est assassiné d'un coup de couteau dans le dos à Mascara.

Deux voitures sont mitraillées dans une embuscade près de Bougie, une femme tuée sur le coup.

 

13 Juin 1.960:

à Nice arrestation de membres du FLN.

De gaulle déclare "nous souhaitons trouver une fin honorable aux combats".

A Paris, un musulman et un chrétien sont tués rue de Montreuil.

 A Alger, verdict dans le procès des membres du parti communiste, qui avaient soutenu le F.L.N. en aidant à fabriquer et à poser des bombes, 20 ans à Akkache et Moine, dix ans à Alleg.

 

14 Juin 1.960:

Dans ce discours du 14 juin, le Président de la République lançait un nouvel appel au F. L. N.: "Une fois de plus, je me tourne, au nom de la France, vers les dirigeants de l'insurrection. Je leur déclare que nous les attendons ici pour trouver avec eux une fin honorable aux combats qui se traînent encore, régler la destination des armes, assurer le sort des combattants. Après quoi, tout sera fait pour que le peuple algérien ait la parole dans l'apaisement. La décision ne sera que la sienne." Rituellement, l'orateur se déclarait sûr que la décision des Algériens serait celle du "bon sens". Il ne semblait donc pas qu'il y eût rien de nouveau dans ce discours, et cependant... Trois mots: "le peuple algérien" annonçaient l'abandon d'un des éléments essentiels de l'autodétermination telle qu'elle avait été définie le 16 septembre.

Ce n'était plus à chaque Algérien en tant qu'individu, en tant que citoyen, qu'appartiendrait le choix, mais à une entité mythique, ce "peuple algérien" dont on peut dire qu'il n'existe pas ou qu'alors il faut admettre qu'il y en a deux, le peuple de civilisation musulmane et le peuple de civilisation française. En clair, cela signifiait que la majorité pourrait écraser la minorité. On remarquait aussi au passage qu'il n'y avait pas, dans tout ce discours, un seul mot pour l'Armée, qu'on avait jugé utile de ménager en mars; pas un seul mot non plus pour la population européenne d'Algérie; quant à l'autodétermination, saluée d'un coup de chapeau comme "la seule issue possible", elle était proprement enterrée sous les fleurs, puisque le Chef de l'État entendait lui substituer la prédétermination en faveur de l'unique solution jugée par lui conforme au bon sens, c'est-à-dire précisément de celle qui n'avait et ne pouvait avoir aucun fondement dans la réalité.

Enfin, les auditeurs de cette allocution ne pouvaient manquer d'être frappés par le sarcasme et la hargne avec lesquels de Gaulle s'acharnait contre les Français coupables, à ses yeux, de regretter l'ancienne France d'outre-mer. Tandis qu'il exaltait la Communauté (pourtant déjà en pleine dislocation), il raillait ceux qui regrettent "la douceur des lampes à huile, la splendeur de la marine à voile, le charme du temps des équipages". Toujours cette ruse qui consiste à faire passer pour rétrogrades les défenseurs d'une solution d'avenir, et à présenter comme formule de progrès le retour à l'Algérie d'avant Abd-el-Kader!

Soustelle, l'espérance trahie, éditions de l'alma, 1962.

Le discours paralyse Si Salah et ses amis de la willaya 4, qui comprennent que De gaulle ne veut traiter qu'avec les "tunisiens".

 

15 Juin 1.960:

 rien

 

16 Juin 1.960:

Le bachaga Boualem et quelques amis crée le "front pour l'Algérie Française ", parti politique de masse.

En très peu de temps, il arrive à recueillir, d'après l'Echo d'Oran de décembre, 600.000 adhésions, dont plus de 200.000 musulmans. La délégation générale plus modestement les crédite de 252.000 adhétrents, dont 60.000 musulmans. Le front sera dissous par De gaulle en décembre, pour avoir organisé les manifestations pour l'algérie française lors de la visite de De gaulle.

Soustelle, l'espérance trahie, éditions de l'alma, 1962 :

"Deux traits distinctifs caractérisent le F. A. F. par comparaison avec les "mouvements patriotiques" qui l'avaient précédé; il s'efforçait, d'une part, de s'étendre à l'ensemble de l'Algérie et d'y recruter des militants dans tous les secteurs de la population; il concentrait d'autre part son action et ses prises de position sur la seule question algérienne, se gardant de tout mêler et d'introduire la division dans ses propres rangs par des attitudes politiques inopportunes. Tant par le sérieux de ses méthodes que par le succès foudroyant de son recrutement, le F. A. F. devint en peu de temps un élément représentatif valable de la population européenne ou musulmane, qui demeurait attachée à l'idéologie du 13 Mai et à l'Algérie française. Un Etat démocratique et vraiment soucieux d'autodétermination, non seulement n'aurait pas vu d'un oeil hostile le développement du F. A. F ., mais aurait dû même saisir avec empressement cette occasion d'établir un dialogue avec ce qui constituait, à tout le moins, une "tendance". Et n'avait-on pas promis de consulter toutes les tendances? En fait, le pouvoir ne comprit pas ou ne voulut pas comprendre la contribution positive qu'un contact correct, sinon cordial, avec le F. A. F ., aurait pu apporter à l'élaboration de la solution algérienne. On préféra brimer le mouvement de mille manières, interdire ses publications, lacérer ses affiches et finalement le dissoudre en lançant des mandats d'arrêt contre ses dirigeants. Comme toujours quand on prétend gouverner par la contrainte policière et ne tenir aucun compte des pensées et des sentiments des gouvernés, le résultat de la dissolution du F. A. F. fut de fournir plus tard à l'O.A.S. des cadres et des militants enragés par l'injustice et convaincus que l'action légale était sans issue.." fin de la citation de Soustelle.

C'est certainement la dernière chance d'un accord convenable entre les diverses ethnies de l'algérie qui a été alors sacrifié.

Le journal pro fellagha "Le Monde", partisan depuis 1955 d'un accord avec le F.L.N. jette le masque : "on objecte que tout accord avec le F.L.N. débouche tôt ou tard sur l'indépendance, cela est vrai."

 

17 Juin 1960:

Un employé des postes est assassiné par le FLN à Paris, rue de Crimée, et un contrôleur de la SNCF passage brunoy. Ou bien le tueur inexpérimenté a cru tuer des policiers en uniforme, ou bien l'apprenti tueur a préféré ne prendre aucun risque..

 Soustelle: En même temps que se fondait le F. A. F. en Algérie, le premier "Colloque de Vincennes" eut lieu le 17 juin en métropole. L'idée de ce colloque avait germé au cours d'un entretien, autour de Robert Lacoste, auquel assistaient Max Lejeune, Bidault, François-Valentin, d'autres hommes politiques, des universitaires et moi. Pierre André se chargea avec dévouement de l'organisation de la manifestation, qui se tint à Vincennes tout bonnement parce que le maire de cette commune, Quinson, voulut bien nous ouvrir son hôtel de ville. La réunion obtint un succès incontestable, que souligna dès le lendemain l'assaut furieux de toute la presse communiste, défaitiste, "chrétienne de gauche" et généralement pro-fellagha, qui, nous couvrant d'injures, appelait sur nous les foudres du pouvoir, la délation étant devenue une des armes favorites de ces pieux libéraux.

Plus de deux cents personnalités avaient pris part au Colloque autour de Robert Lacoste, Georges Bidault, Bourgès-Maunoury, Marçais, Lauriol, Laradji, Boualem, Cornut-Gentille, André Morice, Alfred Coste-Floret, etc. Parmi ces personnalités, de nombreux parlementaires tels que Robert Bichet, Roger Duchet, Bernard Lafay, Delbecque, Cathala, Béraudier, Moatti, Picard, Yrissou et pratiquement tous les élus algériens; des intellectuels et des universitaires comme Jacques Heurgon, La Hargue, Jacques Perret, Jean Chardonnet, Girardet, Bougoüin, Grosclaude; des syndicalistes comme André Lafont, André Malterre, Van Graefschaepe. Les déclarations des divers orateurs furent claires: "En défendant l'Algérie française, nous défendons la démocratie, s'écria André Lafont. Nous ne pouvons pas nous renier. Sous prétexte d'indépendance, c'est la servitude qui s'étend... " (...)

Robert Lacoste souleva de vifs applaudissements quand il déclara: "En participant au Colloque, je n'abandonne pas les idées qui sont les miennes. Aujourd'hui les événements vont vite. Il est nécessaire que les hommes qu'habite la passion de la République disent ce qu'ils ont à dire."

Après avoir dénoncé une prétendue "indépendance" qui conduirait à un nouveau totalitarisme, l'ancien ministre résidant cita et commenta le manifeste publié la semaine précédente par le "Comité de la gauche".

Soustelle, l'espérance trahie, éditions de l'alma, 1962.

L'opposition démocratique à l'action de De gaulle est ainsi organisée des deux cotés de la Méditerranée.

 

18 Juin 1.960:

Lors de la cérémonie commémorative du 18 juin, la foule à Oran crie "Algérie Française" et "A bas De gaulle".

Une note de service distribuée à tous les postes frontiéres demande d'arréter Bidault, Lacoste, Morice, Soustelle, tous anciens ministres et non inculpés, s'ils tentent de franchir les frontières. Les gaullistes adorent commemorer les anniversaires.

Jean Brune raconte la guerre en Kabylie (" Interdit aux chiens et aux français ", réédition Atlantis) Je regardais le général Faure rouler des cigarettes. Il se tenait debout, devant un immense plan en relief de la Kabylie. J'y reconnaissais à une échelle de jouet les vallées et les chaînes familières: le fossé de la Soummam coupant le Djurdjura des monts chaotiques où couraient les défilés des Portes-de-Fer, les deux grandes vallées des Issers et du Sébaou ,par où les Romains et les Turcs avaient tenté d'approcher le géant kabyle et que le maréchal Randon avait empruntées pour pénétrer dans le massif retranché derrière ses falaises rocheuses et les chemins de ronde des crêtes. Chantaient dans ma mémoire les complaintes des poètes berbères stupéfaits de voir se réaliser ce qu'ils jugeaient inimaginable.

- Ils sont venus, ils sont venus, les guerriers aux jambes rouges. Je reconnaissais aussi le piton d'Agouni-Guerane, où j'avais entendu Azem-Ouali interroger les Sages sur l'acropole de pierre. J'embrassais d'un seul regard le versant sud et le versant nord du Lalla Khedidja, où j'avais joué enfant dans les forêts de cèdres et livré des batailles rangées aux bandes de singes. Et je voyais la coulée de Tizi-N'Kouilal d'où l'on découvre, face au sud, les chaînes emmêlées qui cachent les tombeaux des grands feudataires zïrides dont les Algériens ont oublié la prodigieuse aventure. Sur ce plan en relief fait pour les hautes inspirations stratégiques, le général Faure me racontait une bataille de boutiquier. Il posait un doigt sur une crête ou au bord d'une falaise et il expliquait :

- Ici, les femmes sont venues nous voir .

C'était toujours un récit différent et toujours la même histoire. Les femmes avaient dit que les maris et les fils étaient las de courir sur les sentiers de la montagne comme des sangliers. Mais ils avaient peur que les Français ne leur gardent rancune. Ils reviendraient dans les villages si la France pardonnait et si elle consentait à leur confier des armes, parce que "les autres" tenteraient de tirer vengeance de la défection.

- Je leur ai dit d'appeler les maris et les fils. Ces débats sont affaire d'hommes et dans cette guerre il faut que chacun s'engage personnellement.

Les capitaines à la démarche de félins étaient allés accueillir les repentis à l'orée des villages. Le général Faure les attendait sur les places de terre battue d'où l'on domine les grandes perspectives incohérentes des crêtes sous la perpétuelle dérive des nuages. Rien dans ces scènes ne rappelait l'humiliante soumission des vaincus venant offrir leur reddition. Des hommes libres avaient pris un parti. Ils convenaient de leur erreur. Ils ne souhaitaient pas rendre leurs armes. Ils priaient qu'on les leur laissât pour continuer la guerre dans un autre camp lui aussi librement choisi.

- Je leur ai demandé: "Quels gages offrez-vous?"

Ils n'avaient pas d'autre gage que leur parole et ils le disaient, tout droits dans leurs burnous aux plis lourds, comme des statues sculptées par un artiste romain. Le général Faure posait son doigt sur les crêtes.

- Maintenant, ces villages tiennent. I1s ont été attaqués. Ils se sont défendus. Ils ont fait honneur au pacte scellé oralement. Du même coup, ils sont engagés. Et leurs voisins les observent. Nous attendons le ralliement de ceux-ci et de ceux-là. Les capitaines leur ont envoyé des émissaires. Je sais qu'un jour les femmes descendront... Le général roulait des cigarettes sans quitter la carte du regard, comme un paysan eût supputé, face aux lopins voisins, ceux qu'il serait bientôt en mesure d'acquérir.

- Il faut attendre.

C'était une bataille de fourmis. Chaque fraction, chaque village fournissant la clé d'une autre fraction et d'un autre village. C'était une tapisserie lentement, obstinément tissée point par point, dans une lenteur à l'échelle de ces terres où le temps ne se mesure pas. Et cette reconquête individuelle des hommes était bouleversante parce qu'elle ne pouvait être que le fruit de la sollicitude et de l'amour. Les montagnards murés dans leur silence observaient les capitaines pendant de longues guirlandes de jours. Et quand ils avaient reconnu en eux le guerrier qui leur était familier, mais aussi l'homme de patience et de paix qui les déconcertait, ils descendaient de leurs repaires à l'heure où le soleil forgeait des pointes de lance incandescentes sur les pitons. Ils venaient dire qu'ils avaient choisi et que désormais ils feraient la guerre avec les moines-soldats.

 

19 juin 1.960:

rien

 

20 juin 1.960:

Le GPRA accepte les négociations proposées par De gaulle.

En effet, dès le 26 Mars il a été averti par Michelet de la proposition de cessez le feu de Si Salah, et s'il accepte officiellement cette négociation limitée aux conditions d'un cessez le feu c'est uniquement pour torpiller les accords possibles avec Si Salah. Michelet a-t-il trahi en accord avec De gaulle dans l'espoir insensé de faire plier le FLN, cela reste une question non résolue. C'est mon hypothèse que le général lui-même ait suscité ces fuites, croyant que l'état lamentable de la rébellion algérienne (voir ICI) pousserait le G.P.R.A. à céder. Crédible incompréhension d'un homme du XIXème siècle à l'égard des révolutions et des révolutionnaires.

Les negociants de Melun racontent que les consignes données par De gaulle (seulement discuter les modalités du cessez le feu, jamais de politique) ont disent-ils empéché un accord possible.

"Autopsie de la guerre d'algérie" de Philippe Tripier, éditions France-empire, 1972. 

"Par son communiqué du 20 juin en forme de réponse à l'appel du général de Gaulle, le G.P.R.A. se déclare tout d'abord "persuadé que si l'organisation du référendum était entourée de toutes les garanties de sincérité indispensables, le choix du peuple algérien se porterait sans aucun doute sur l'indépendance". Puis il annonce: "... désireux de mettre fin au conflit et de régler définitivement le problème, le G.P.R.A. décide d'envoyer une délégation présidée par M. Ferhat Abbas pour rencontrer le général de Gaulle. Il dépêche un responsable à Paris pour organiser les modalités du voyage".

Cet envoyé préliminaire est Boumendjel, accompagné de Ben Yahia - comme lui fidèle d'Abbas - et assisté d'un secrétaire, homme-lige de Boussouf. Avocats de leur état, Boumendjel et Ben Yahia sont également qualifiés pour parlementer, le premier étant le conseiller politique et l'alter-ego du "ministre de l'information" Yazid, le second directeur de cabinet du président du G.P.R.A.

En fait, - dans l'optique du F.L.N. tout au moins -, il s'agit moins de négocier que de faire un geste de bonne volonté, tout en procédant à une exploration réciproque dont on sait bien de part et d'autre qu'elle n'aboutira à nul accord. Isolés pendant cinq jours (25 au 29 juin 1960) dans la préfecture de Melun, les représentants du F.L.N. y exposent à leurs interlocuteurs français les conditions politiques posées par le G.P.R.A. en préalable à tout apaisement, tandis que la délégation du gouvernement français - que conduit le Secrétaire général aux Affaires algériennes Moris - refuse de se laisser entraîner sur ce terrain et se borne à définir en quels termes la France conçoit la conclusion d'un cessez le feu militaire ... Dialogue de sourds.

Les deux délégations se séparent donc le 29 juin en constatant leur désaccord. Le G.P.R.A. conclut qu'on exige de lui une reddition pure et simple. "L'attitude du gouvernement français constitue en fait un refus de négocier" déclare le communiqué publié à Tunis le 3 juillet par l'exécutif rebelle; celui-ci renonce dans ces conditions à persister dans la recherche d'une issue négociée.

 

En Algérie, l'événement fit choc. Et ce qu'en retint l'opinion, ce n'est pas seulement l'issue négative de l'entrevue de Melun, mais plus encore le fait qu'elle ait eu lieu. Pendant deux semaines le peuple souffrant s'était grisé de l'illusion d'une paix imminente: la porte fermée au soir du 29 juin fut pour lui une déception cuisante. Mais ce qui frappa davantage tout musulman réfléchi, c'est que la France puissante, en s'abaissant pour la première fois à causer avec son adversaire, eût assumé délibérément une attitude de vaincue.

L'observateur perspicace qu'était Hocine Aït Ahmed, membre nominal du G.P.R.A. en prison à l'île d'Aix, l'avait fort bien prévu dans le rapport qu'il adressait à Tunis six mois plus tôt: "La présence à Paris de dirigeants de la révolution écrivait-il, par son caractère officiel et public, produira des répercussions politiques profondes ... Elle dramatisera - par une présence concrète, donc irréfutable - cette politique d'abandon ... " (que l'auteur escomptait de la part du gouvernement français) (21 décembre 1959 - Hocine Aït Ahmed - ~ La guerre et l'après· guerre l>. Editions de Minuit.)

Le doute quant aux intentions de la France, depuis longtemps diffus dans l'opinion musulmane, plus lancinant cependant depuis le 16 septembre, s'était fondé jusqu'alors surtout sur des discours, des mots, ou sur des attitudes somme toute secondaires. Maintenant c'était bien autre chose. Des hommes s'étaient officiellement rencontrés qui représentaient non moins officiellement le gouvernement de Paris et le G.P.R.A. Le plus significatif n'était pas que leur conférence ait été un dialogue de sourds: n'avaient-ils pas débattu ensemble des moyens de mettre fin à la guerre? Avant Melun le F.L.N. était tenu officiellement pour un groupement de hors-la-loi, et le G.P.R.A. pour une fiction. A présent il ne pourrait plus jamais en être de même. Non pas en paroles mais en acte le gouvernement de la France avait en quelque sorte reconnu le G.P.R.A., et c'est cela qui comptait.

C'est en acte également que le général De gaulle venait de démontrer son aptitude à évoluer. Lui naguère encore si méprisant à l'égard de ce qu'il nommait " l'organisation extérieure ", il s'était fait solliciteur pour obtenir la rencontre de Melun. C'est lui qui avait demandé l'entrevue. Le G.P.R.A., au contraire, s'y était présenté en invité; il avait pris acte des concessions françaises et n'y avait répondu que par l'affirmation de son objectif intangible: l'indépendance.

Avec ce choc bien des esprits en Algérie, jusque-là dans l'expectative, franchirent alors le seuil d'une prise de conscience: Melun n'était que le début d'un dialogue; ces pourparlers rompus ne pourraient pas ne pas reprendre; un jour ou l'autre un accord se ferait, - et même si on prétendait en limiter les effets à une sorte de trêve, il donnerait fatalement une certaine forme à la paix. Comme l'écrivait justement "Sirius" dans Le Monde: "on objecte que tout accord avec le F.L.N. débouche tôt ou tard sur l'indépendance, et cela est vrai".

Un accord avec le G.P.R.A., l'indépendance, l'Algérie aux mains du F.L.N.: c'était tout un dans l'esprit des Algériens. On le vit, dans les semaines qui suivirent, à la transformation de leur comportement. Le général De gaulle perdit d'un coup son prestige déjà entamé. "C'est lui qui fait obstacle à la paix" renchérissait d'ailleurs la propagande du F.L.N., qui disait encore: "Melun est une victoire de nos armes." Des musulmans de toutes catégories: élus, harkis, notables, chefs de confrérie, bourgeois et petites gens des villes, jusque-là favorables à la France ou indifférents, adoptèrent dès ce moment une attitude équivoque, même dans certaines régions parmi les plus complètement pacifiées. Et tandis qu'en cet été 1960 se développait en Métropole une campagne tonitruante pour exiger du gouvernement la paix - une paix à tout prix - les autorités françaises constataient qu'en Algérie l'idée d'indépendance, qui n'avait encore au printemps qu'une résonnance limitée, cheminait, désormais, dans les esprits.

On conçoit qu'à cette mutation d'optique les complices et les membres de la rébellion eux-mêmes n'aient pas échappé. Civils ou "militaires", les serviteurs les plus tièdes du F.L.N. se soucièrent dès lors de "se dédouaner" par quelque marque de zèle. Les hésitants se rattachèrent en hâte au camp qui maintenant promettait la victoire. Dès la deuxième quinzaine de juin, le courant habituel des ralliements de combattants rebelles aux forces de l'ordre diminua de moitié, pour se tarir presqu'entièrement au cours des mois suivants.

 

Du coup, le G.P.R.A. - qu'il en ait eu conscience ou non sur le moment - reprit sur les Wilayas l'autorité qu'il était en passe de perdre. "

"Autopsie de la guerre d'algérie" de Philippe Tripier, éditions France-empire, 1972.

 Craignant des troubles à Alger, à l'annonce officielle de l'arrivée à Paris d'un représentant du F.L.N., Delouvrier ramène sur Alger des troupes du bled.

 

21 Juin 1960 :

Le colonel Jacquin, patron du renseignement en Algérie va chercher le patron de la willaya 4, Si Salah et quelques uns de ses hommes pour organiser sa réunion avec Mohand ou el Hadj, le patron de la willaya 3. Il les conduit à Tizi Ouzou, puis les laisse dans le bled, à la nuit tombante. Mohand pense que, puisque de Gaulle a lancé des discussions avec le GPRA, la paix des braves à l'intérieur n'a plus de sens et qu'il faut attendre le résultat de cette négociation. En traversant Blida, Si Salah poste trois lettres destinées à l'écho d'Alger, au journal d'Alger et au Monde, dans laquelle il communique "la wilaya 4 a décidé de cesser toute action contre des civils". Ceci sera respecté pendant un mois. Au passage, Si Salah, habillé en harki, dîne avec Jacquin au mess des officiers du général de Camas.

Jacquin ramène Si Salah dans sa willaya, ses cadres sont ébranlés par les négociations en cours avec le GPRA, ils le remplacent à la tête de la willaya et le mettent dans une position de conseil sans autorité.

 

22 juin 1.960:

rien.

 

23 Juin 1960 :

A la suite de la lettre de Si Salah, une conférence de presse à Alger annonce que la willaya 4 arrête les attentats et pratique la paix des braves. De gaulle est furieux. Il considère que ça braque ses interlocuteurs de Tunis. Il sermone les militaires.

 

24 juin 1.960:

rien.

 

25 juin 1.960:

 Les premiers entretiens entre le gouvernement de la france et le F.L.N. se déroulent à Melun. Coté F.L.N. on note Boumendjel, accompagné de Ben Yahia et de Ben Amar. (tous de second niveau, ils seront tous passés à la trappe avec Abbas et les autres "bourgeois").

Du coté français, aussi deuxième niveau, Roger Moris et le général de Gastines; ils ont reçu des ordres sevéres, il ne faut négocier que la remise des couteaux au vestiaire, De gaulle semble-t-il donne au G.P.R.A. l'occasion de couvrir la redition de Si Salah.

Le gouvernement français a fourni deux maîtres d'hôtel stylés, tous deux des services secrets, ils n'apprendront rien, le FLN n'est pas venu là pour négocier, mais pour torpiller l'affaire Si Salah.

Le gouvernement français assigne à résidence en france le Pen, Biaggi, Lejeune, Bidault, Valentin, Arrighi, Soustelle, Lacoste, Thomazo, Challe et Zeller. On les retrouvera tous soit/et au Putsch, à l'O.A.S. ou bien plus tard au FN.

 

26 Juin 1.960:

Réunion à huis clos à Melun entre le FLN et le gouvernement français.

 

27 juin 1960 :

rien.

 

28 Juin 1.960:

rien.

 

29 Juin 1.960:

Les émissaires du FLN quittent Melun et rejoignent Tunis par avion, escortés entre Melun et Paris par la gendarmerie nationale. C'est un échec, mais beaucoup pensent que le GPRA n'avait accepté cette négociation que pour couper les ailes à celle bien plus sérieuse engagée avec les combattants de l'intérieur (affaire Si Salah).

C'est en particulier l'avis de Jacquin (Henri Jacquin, la guerre secrète en algérie, Olivier Orban 1977, ISBN 2-85565-055-0).

Il estime que l'envoi par Michelet à Belkacem d'informations sur les propositions de Si Salah avaient été faites en accord avec De gaulle. Qu'ensuite, devant l'échec de cette tentative de faire pression sur le GPRA, le gouvernement a fait de son mieux pour camoufler l'histoire. Il aurait, en particulier, facilité la venue dans la willaya 4 de Ben Cherif, chargé de l'épurer pour le GPRA. Jacquin cite une déclaration de Belkacem en 1965 qui indique que Ben Cherif a été muni en Mai d'une carte de travailleur migrant, lui permettant de rejoindre Alger depuis Tunis. Qu'il a été reçu par un haut responsable du ministère de la justice à Alger, lequel l'a transféré dans la willaya 4. Il note que Ben Cherif a violemment épuré la willaya 4 de ses éléments pro Si Salah. Qu'arrêté en Octobre, alors qu'il allait être exécuté, un ordre venu de Messmer demande de le transférer à Paris où il aura la vie sauve.

Jacquin souligne aussi que Michelet envoie au procureur général Besson lors du procès de Challe une lettre lui enjoignant de réclamer la mort et de ne pas parler de l'affaire Si Salah. Que finalement Challe ne sera pas condamné à mort, mais que l'affaire ne sera pas évoquée au procès. (par allusion, si). Jacquin conclut "la guerre d'algérie pouvait cesser en 1960."

Dans Historia magazine (spécial algérie numéro 313) il donne plus de détails: Retour à Médéa le 11 juin après avoir vu De gaulle. Si Salah, qui a réfléchi, me dit, soucieux: "Le général De gaulle va faire une démarche inutile: le G.P.R.A. ne répondra pas ou répondra à côté."

Le colonel Mathon me glisse: "J'ai l'impression que c'est raté!"

"De toute manière, dit Tricot en a parté, de belles "purges" se préparent." Que faire en attendant l'allocution annoncée pour le 14 juin? Que proposera exactement le général? "Bien malin, dit Tricot, qui peut savoir ce que le général va dire. Personne n'a envie de le lui demander. En tout cas, nous ne pouvons rien faire qui puisse le gêner dans sa politique."

Nous convenons de nous revoir après le 14 juin. Le 12, le colonel Drion, seul, rencontre tous les chefs de la wilaya dans une mechta de la montagne. Ils sont entourés de combattants, pas autrement surpris de voir ce colonel français au milieu d'eux: l'idée du cessez-le-feu a fait son chemin. Pourtant, Si Salah et ses amis ont réfléchi, ils expriment leur déception: "On les a bien reçus, mais on n'a rien conclu. Au contraire, on passe la parole au G.P.R.A..."

14 juin. Le chef de l'État dit: "Une fois de plus, je me tourne, au nom de la France, vers les dirigeants de l'insurrection. Je leur déclare que nous les attendons ici pour trouver avec eux une fin honorable aux combats qui se traînent, régler la destination des armes, assurer le sort des combattants. Après quoi, tout sera fait pour que le peuple algérien ait la parole dans l'apaisement. La décision ne sera que la sienne."

Le 18 juin, nouvelle réunion à Damiette. Convaincu que le G.P.R.A. ne se prêtera pas à une négociation sincère, Si Salah propose de se rendre en Kabylie pour contacter Mohand Ou el-Hadj. Pouvons nous l'aider? Oui; j'accompagnerai personnellement Si Salah en Kabylie. Nous prenons rendez-vous. Si Salah repart pour sa montagne. Il est 18 heures. Le soleil décline, la fraîcheur revient sur ce petit village de Damiette. En face du mess, une modeste ferme aux effluves campagnards. Devant nous, un vieux paysan, un Européen au visage tanné, fait virer, tirée par deux boeufs, une odorante charrette de foin. Tricot et moi nous nous dévisageons. "Eh oui! murmure-t-il après un bref silence, les Européens. C'est un grave problème! C'est le seul problème!"

Le 21 juin, nous cueillons (Je suis accompagné du colonel Bouchard, chef du 2ème bureau du C.A. d'Alger, pour aplanir les difficultés qui pourraient survenir) Si Salah près de Médéa, sur le bord de la route. Il est escorté de Halim et d'un garde du corps, tous en tenue de para et armés sous un haïk immaculé. A 18 heures, nous prenons un en-cas dans une annexe du mess des officiers de Tizi-Ouzou. La nuit approche. Nos deux voitures empruntent la route conduisant au Tamgout. Une pointe de regret dans la voix, Si Salah constate: "Il y a deux ans, nous serions vite tombés dans une embuscade!"

A 25 km de Tizi-Ouzou, près d'un groupe de mechtas où nous savons qu'un guide peut les conduire jusqu'à Mohand Ou el-Hadj, nous lâchons nos "amis" qui plongent dans la nuit. J'ai confié à Si Salah deux adresses de postes où il pourrait se faire reconnaître et me toucher. Je ne reverrai plus le chef de la wilaya 4. Avant de quitter l'Algérois, Si Salah poste, à Blida, à l'adresse du Monde, du Journal d'Alger et de l'Écho d'Alger, un communiqué: " La wilaya 4 décide de mettre un terme aux attentats contre les civils." Les journaux d'Alger publient; le Monde interroge la Délégation générale, bien embarrassée; elle ne peut rien expliquer mais ne veut pas non plus décourager le Monde, si attaché à tout ce qui peut favoriser la paix: il passera donc le communiqué de la wilaya 4.

Par les intelligences que le capitaine Léger entretient dans son entourage, nous apprenons que Mohand Ou el-Hadj a réservé à Si Salah un accueil cordial. Le "Vieux" n'est pas un fou furieux; nous avons, l'an dernier, libéré sa femme, arrêtée dans une opération de nettoyage. Nous interceptons son fils, "lieutenant" de l'A.L.N. (et que je fais également libérer), qui confirme que son père, après sondage des cadres, accepte de se joindre à la démarche de Si Salah ... mais il convient d'attendre ce qui sortira de Melun!

Le 20 juin, en effet, le G.P.R.A. "décide d'envoyer une délégation présidée par Ferhat Abbas pour rencontrer le général de Gaulle. Il dépêche un responsable à Paris pour organiser les modalités du voyage". Très vite, ce responsable, Boumendjel, prétend transformer sa mission préparatoire en une tournée de propagande. Comment pouvait-on nourrir des illusions?

Boussouf, dans un télégramme intercepté en novembre, ne disait-il pas: "Si, des pourparlers s'ouvraient, le G.P.R.A. n'a pas l'intention de les mener à bien, mais de les rompre dès qu'une ou deux garanties auraient été obtenues. Les colonialistes seraient obligés de les reprendre. On ne discutera du cessez-le-feu que lorsque toutes les garanties politiques et économiques (C'est la première fois que le F.L.N. évoque des "conditions économiques". Il s'agissait, dans son esprit, de réparer les dommages de cent trente années d'occupation ...) auront été acceptées par la France."

Le 26 mars, quarante-huit heures avant la première réunion de Médéa, Michelet a fait savoir à Krim Belkacem que la wilaya 4 proposait un cessez-le-feu séparé (Confidence de Krim Belkacem faite, en 1965, en présence du lieutenant-colonel Ali Ahmed.) Compte tenu de l'état de ses relations avec cette wilaya, le G.P.R.A. n'est pas trop surpris. Il décide d'envoyer sur place le chef de son 2e bureau, Ben Chérif , pour enquête ... et épuration (Ben Chérif, d'une grande famille de notables, aspirant au 1er R.T.A., avait déserté après avoir égorgé, de sa main. une vingtaine de ses soldats qui avaient refusé de le suivre en dissidence. Chef du 2e bureau de Krim, il avait participé à la répression du "complot" des colonels de la base de l'Est. Les combattants l'appelaient le "bourreau de Den-Den", un camp d'internement de sinistre réputation. Ben Chérif a ensuite commandé la gendarmerie algérienne.).

Pour le F.L.N., il s'agit donc de gagner du temps. Si Salah nous avait prévenus, "une acceptation du G.P.R.A. ne pourrait être qu'une feinte".

Et Melun est un échec. En wilaya 4, la situation évolue très vite.

L'apparition de Ben Chérif déclenche un processus de rétractation qui tourne au drame. Nous savions, sans en connaître les motifs, la prochaine arrivée de Ben Chérif. Paris en avait été averti le 14 avril. On l'arrêtera près d'Aumale en octobre. Il prétend être arrivé en wilaya 4 le 25 août. Or il porte au doigt une alliance ayant appartenu à Halim et aux pieds des pataugas ... que nous avions fait tenir à ce dernier! Confondu, il avoue avoir assassiné Halim ... Il donne de son périple en Algérie un itinéraire fantaisiste. Or Krim Belkacem, en 1965,. affirmera que Ben Chérif, aidé par un avocat et doté d'une carte de travailleur émigrant, avait quitté Tunis en mai, en avion, pour Paris, puis Alger, où un musulman, membre du cabinet du procureur général, devait lui fournir laissez-passer et facilités ...

La rapidité des hautes interventions en faveur de Ben Chérif arrêté donne corps aux révélations de Krim Belkacem. Alors que le colonel Leguay, commandant le secteur d'Aumale, se prépare à faire fusiller au petit matin l'officier félon et assassin, Paris, averti, intervient. Le général De gaulle donne l'ordre de transférer Ben Chérif d'urgence, par avion, sur Rennes ... où il ne sera jamais jugé (A un officier s'étonnant devant lui de cette mansuétude, Messmer répondra: "Le G.P.R.A. nous a fait savoir que si nous exécutions Ben Chérif, il procéderait de son côté à l'exécution d'otages qu'il détient.")(voir note ci dessous) ...

Mohamed, l'adjoint militaire, tourne casaque. Lakhdar et Abdellatif sont exécutés à leur tour. Si Salah sera arrêté à son retour de Kabylie. Il ne tiendra pas compte de mes mises en garde. Peut-être a-t-il choisi de ne pas se dérober, de s'expliquer sur ses projets.

L'opération "Tilsit" est terminée.

C'est - pourquoi ne pas en convenir? - une occasion manquée; une occasion qu'on dissimulera longtemps sous le voile d'un secret d'État. Au moment du procès Challe, Delouvrier me dira: "Croyez-vous que la réussite de cette affaire aurait mis un terme à la guerre d'Algérie? "

"Si le général De gaulle n'était pas convaincu de son importance, pourquoi a-t-il, dès lors, reçu lui-même Si Salah et ses adjoints? La négociation pouvait rester au niveau de Tricot. Les chefs de la wilaya 4 n'ont jamais demandé à voir le général en personne."

Le général De gaulle savait que le G.P.R.A. avait été averti de ces contacts. N'en a-t-il pas brandi secrètement la menace pour amener le G.P.R.A. autour du tapis vert? On a lâché la proie pour l'ombre qu'aura été Melun.

Note: Effectivement en novembre, le soldat Lanfroy, du trentiéme dragon, sur la herse coté Maroc, est fait prisonnier avec trois camarades au cours d'une terrible embuscade, le 13 juillet 1959. En décembre, ses camarades sont rendu, mais lui reste prisonnier. Fin décembre, deux autres viennent le rejoindre. En novembre 1960, Lanroy est officiellment averti qu'il sera executé si Ben Cheriff l'est.

 

30 Juin 1.960:

 rien.