Décembre 1959

 

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1 décembre 1.959 :

Ferrât Abbas, de Tunis, désigne à nouveau les prisonniers FLN (Ben Bella et consort) comme les interlocuteurs valables du gouvernement français.

A Fort Lamy, Malraux, en ballade, affirme que le gouvernement français a envisagé un regroupement des français d'algérie et une partition de ce pays. Assailli de journalistes à son retour, il dément.

Michel Debré, premier ministre, sur proposition du préfet de police de Paris, Maurice Papon, signe un décret créant une harka en région parisienne. Elle a compté jusqu'à 400 hommes, elle ne dépendait que de lui, elle était comme en algérie encadrée par des officiers. Vêtus comme les CRS, ils avaient surtout un travail d'infiltration et de renseignements en civil. 24 ont été assassinés par le F.L.N., 76 ont été blessés. Ils ont tué trente membres de la rébellion au cours d'arrestations ou d'actions de légitime défense, ils ont permis l'arrestation de 1.189 FLN dont quatre chefs de willayas. Ils ont récupéré 300 armes, dont 80 automatiques, 194 grenades et 40 bombes. Papon (et cela ne lui fût pardonné par personne) s'occupa personnellement de recaser chacun de ses harkis, beaucoup dans la police comme gardiens de la paix, mais les plus recherchés par le F.L.N. ont eu une vraie fausse identité et du travail.

(d'après le livre de Boualem, les harkis au service de la france).

On trouve ICI l'excellent article de monsieur Remy Vallat dont le livre "Les calots bleus et la bataille de Paris", ISBN 978 2 84186 382 2 passionant fait un point complet sur cette formation.

SUR LA LUTTE POUR LA LIBERATION, PAR KRIM BELKACEM, VICE-PREMIER MINISTRE ET MINISTRE DE LA GUERRE DU GOUVERNEMENT PROVISOIRE ALGERIEN.Interviouve extrait de la Revue des Affaires Internationales - Belgrade, Yougoslavie, le 1er décembre 1959

"Les jeunes gens d'Algérie se portent volontaires en masse pour servir dans l'armée. Nous accordons beaucoup d'attention aux nouvelles recrues. Elles doivent avoir les qualifications nécessaires et doivent être équipées pour accomplir des tâches exténuantes et difficiles. L'armée a besoin d'hommes qui aient fait leurs preuves. Un combattant doit être à même de résister à toute tentation. Une autre preuve de leur préparation et de leur aptitude est l'assassinat: une nouvelle recrue, avant d'être qualifiée pour servir dans l'armée, doit assassiner au moins un colonialiste ou un traître connu. Un assassinat marque la fin de la période d'essai pour chaque candidat à l'A.L.N. Les exceptions à cette règle sont considérées seulement dans le cas des personnes qui ont des capacités ou des qualités de première importance pour l' A.L.N."

Comme il y a eu au total environ 50.000 assassinats, on voit que l'A.L.N. a toujours été une toute petite armée.

 

2 décembre 1.959 :

Rien.

 

3 décembre 1.959 :

Dans le cirque des Taglaïts, un jeune lieutenant, chef d'un commando de chasse, meurt dans un accrochage. Philippe Heduy lui dressera un inoubliable tombeau dans son livre "Au lieutenant des Taglaïts" (table ronde, 1961) qui raconte fidelement la guerre au quotidien des officiers subalternes, et reporte non moins fidelement leurs sentiments. Qui conduiront plus tard au putsch et à l'O.A.S. dont Philippe Heduy et son journal "l'esprit public" furent des acteurs dans le cadre de la mission 2 du capitaine Sergent.

 

4 décembre 1.959 :

Rien.

 

5 décembre 1.959 :

 Djemila Bouhired, la poseuse de bombes du milk bar et du coq hardi est condamnée aux travaux forcés à perpétuité, non par commisération pour son sexe de la part du tribunal militaire, mais parce qu'elle a raconté tout ce qu'elle savait, et est tombée amoureuse du capitaine Grazziani qui l'avait interrogé. Le même Grazziani, mort au combat en Kabylie, que les faux témoins 2.000 du FLN accusent de torture sur Djemila. Mais les lettres d'elle à lui sont bien connues. L'affaire detaillée ICI

 

6 décembre 1.959 :

Véhicules mitraillés sur les routes autour de Blida.

Premier pétrolier chargé à l'aide du pipe line Hassi Messaoud Bougie.

Debré, toujours premier ministre : "quelle que soit la réponse faite par les rebelles à l'offre de cessez le feu du général de Gaulle, la pacification sera menée à son terme".

Dépôt d'arme du FLN découvert en Belgique, à proximité de la frontière française.

 

7 décembre 1.959 :

Les rebelles investissent les bureaux d'une société d'Affreville, la CAPER et tuent tous les employés, cinq morts dont une femme.

Un gérant de ferme assassiné dans sa ferme près de Blida.

 

8 décembre 1959 :

A l'ONU, nouveau vote sur l'algérie, de nouveau la majorité des deux tiers n'est pas atteinte, mais les non s'effritent.

Krim Belkacem, à New York pour l'occasion (à l'époque les ricains toléraient les terroristes) explique à la TV : "pour être admis dans les rangs de l'ALN il faut abattre un colonialiste ou un traître notoire. L'attentat est le stage accompli par tout candidat à l'ALN". Les américains admirent et approuvent. Ce que dit Belkacem est exact, d'où la difficulté d'infiltrer les rangs du FLN, il était très difficile de monter de faux attentats crédibles. L'armée devra retourner les terroristes pour infiltrer l'ALN. Les consignes n'ayant pas changé en 61/62 quand de nombreux candidats souhaitaient rejoindre le camp des gagnants, ceci explique l'accroissement considérable d'attentats à l'époque où des esprits pondérés auraient pu penser que c'était devenu inutile.

Vaste opération dans les Aurès, 510 rebelles hors de combat.

 

9 décembre 1.959 :

A Ben S'Rour, au sud de Bou Saada , cinq morts par des mines sur la piste , un gendarme, deux harkis, un appellé et un pied noir. On trouve tous les détails sur le trés interessant blog: http://aecobois.over-blog.com/5-index.html

 Arrestation du réseau FLN de Provence.

 

10 décembre 1.959 :

 LIGNES DIRECTRICES DE LA PACIFICATION: L'instruction édictée par le Général Challe le 10 décembre 1959 est le texte fondamental sur la pacification de l'Algérie. Ce texte reproduit les principes du règlement TT A 117 mais en les insérant dans le théâtre d'opérations de l'Algérie. La France est engagée dans une guerre ouverte qui se déroule sur le territoire national; il est moins question de guerre froide que de guerre française : "Parce que ses traditions la font apparaître ...comme le champion des Droits de l'homme, la France est l'un des premiers obstacles à abattre."

Et le texte martèle "La France est en guerre", "l'Algérie est en guerre". L'Algérie n'a connu de combats classiques que très épisodiquement, lors des tentatives de franchissement des frontières par le F.L.N. pendant notamment le premier semestre 1958; et en 1959, lors des grandes opérations baptisées "Jumelles" dans les Kabylies ou "Pierres Précieuses", mettant en oeuvre à la fois plusieurs régiments et ayant conduit en quelques mois à casser la totalité des bandes rebelles. Or Challe sort de cette guerre qu'il a déjà gagnée et l'introduction de son "Instruction" garde la fermeté de style de sa première directive, en décembre 1958, qui fixait la stratégie militaire pour achever la reconquête. Mais l'esprit d'humanisme reste dans la ligne du TT A 117 pour une Armée qui a épousé la cause de la masse algérienne. La note Challe se consacre minutieusement aux directives nécessaires à la pacification, stade ultime de la reconquête. On peut cependant se demander: pourquoi n'intervient-elle qu'en décembre 1959? question d'ailleurs posée en conclusion par le rédacteur qui répond lui-même que la note reprend une série de directives antérieures pour en faire la synthèse.

 HISTORIQUE: Lors d'une première phase, la puissance attaquée reste passive; elle laisse l'adversaire conquérir par la terreur une population qui a quelques sérieux motifs de mécontentement. En Algérie, pendant près de deux ans, jusqu'à mi-1956, l'Armée, l'arme au pied, n'a ni les moyens en effectifs ni le pouvoir d'agir; elle intervient mais en simple force supplétive à la disposition des responsables civils du maintien de l'ordre, administrateurs lointains, juges aux procédures longues et formelles, policiers tenus de rechercher après coup des preuves accusatoires pour des méfaits sans motivation individuelle directe, tous contraints d'appliquer à une guerre révolutionnaire les règles d'une société civile non contestée.

 Dans une deuxième phase, l'excès du terrorisme adverse et l'opinion dominante qui ne souhaitait pas la guerre mais n'entendait pas pour autant en perdre une, conduit à une riposte lourde: pour l'Algérie, c'est la mobilisation partielle, la construction de barrages au frontières, le maintien de l'ordre confié à l'Armée. L'objectif prioritaire est certes la destruction de la rébellion armée. Cette forme de guerre, parce qu'elle est une contre-révolution, associe nécessairement la population: d'elle viendra notre connaissance parfaite des rebelles, les informations opérationnelles sur les bandes armées, les guides conduisant à leurs repaires, et bientôt une large part des meilleurs combattants de l'Armée française.

Mais il fallait prioritairement annuler le cycle de la violence pour arracher les Musulmans à la terreur du F.L.N. Les fraternisations de mai 1958 ont révélé une "lassitude et [un} immense désir de paix"; "il nous appartient de faire en sorte que ce désir de paix se matérialise en un désir de paix française", publie le Général Challe. Avant mai 1958, un doute continuait de planer sur ce que l'on voulait réellement atteindre: la population restait en marge du conflit dont elle était l'enjeu.

 Dans une troisième phase, le projet politique apparaît déterminé: la reconquête militaire est achevée rapidement, la reconquête de la population entreprise.

 Dans une quatrième phase, il s'agit de conquérir définitivement la population, de satisfaire ses aspirations et de lui confier une part majeure dans sa défense et dans la gestion de son avenir.

 La doctrine Challe édictée par le commandant du théâtre d'opérations après quelque dix-huit mois de Véme République et marquant donc la position officielle de la France, vise surtout le dernier stade de la reconquête, la pacification. Sa victoire militaire ne porte pas l'Armée à se bercer d'illusions: sa capacité d'adaptation à la nouvelle guerre lui a permis d'extirper l'ennemi armé de l'intérieur, mais elle sait aussi que son succès tient à la haine provoquée par le F.L.N pour la guerre systématiquement horrible qu'il a faite, et qu'elle doit transformer le succès en paix durable. Il s'agit enfin de ramener à l'intégration les Européens que la peur en éloignait car il faut "faire vivre ensemble ces communautés, avec pour moyen l'égalité des droits et des devoirs et pour objectif l'accession à la patrie commune". Ici se situe peut-être le problème essentiel: l'appartenance à cette patrie n'est mise en doute ni par les Européens, ni par ceux des Musulmans dont la fidélité ne s'est pas démentie ou qui l'ont retrouvée rapidement; mais pour ceux des Musulmans qui ont brisé cette appartenance, le retour peut être fragile comme on le verra en décembre 1960.

L'axe du texte principal, après un rappel des forces en présence, est consacré aux méthodes pour rétablir la paix française, et aux actions concernant les populations. Les volumineuses annexes de la Directive ne laissent rien dans l'ombre des moyens de la pacification: ni les structures de pacification évoluant progressivement vers la normale, ni les techniques de renseignement pour extirper toute O.P.A. rebelle, ni surtout l'organisation des commandos de chasse, élément essentiel pour engager militairement les populations.

 Physionomie des forces en présence: Sur l'ennemi, dont la situation à fin 1959 est exposée en annexe 46, la note rappelle quelques caractéristiques essentielles, ses points forts étant "l'affranchissement des lois et de la morale naturelle", ainsi que la "rusticité et la mobilité tactique" qui s'opposent à la lourdeur des troupes françaises. Ces atouts rebelles sont compensés par " l'indigence " de leur encadrement et la "fixité" de leur organisation politico - administrative qui, une fois démantelée, peut difficilement se reconstituer.

Les forces de l'ordre sont de nature opposée: chargées de pacifier, elles rencontrent le terrorisme. La "morale naturelle" à laquelle elles se conforment freine leur riposte mais "à la longue, entraîne les populations". Les autorités sont empêtrées dans un respect formel de règles répressives faites pour des crimes à mobiles individuels: de même elles voient leur efficacité réduite par la "coordination insuffisante des services publics, inhérente à tout pays non totalitaire". C'est malgré ces contraintes qu'il s'agit de gagner la bataille de la pacification.

Mais la principale force latente est la population. En 1958-1959, la "guerre" a bifurqué de la chasse aux rebelles - même si elle se poursuit pour être achevée - à l'adhésion populaire - même si elle avait été antérieurement amorcée. Dès sa prise de commandement, le Général Challe, alors même qu'il lançait militairement d'ouest en est son rouleau compresseur, avait enjoint à tous les cadres de conduire désormais "leur action en fonction de la population" et non pas du terrain ou d'un ennemi.

La population est analysée par sa directive selon deux critères: son articulation ethnique, son attitude envers la France. Aux immigrés venus d'Europe, s'est agrégée la minorité juive locale. La masse musulmane, "loin d'être homogène, présente, par exemple dans les Kabylies, tous les degrés d'arabisation combinés avec de fortes particularités locales"; cette description pour être exacte n'a pas alors de portée politique globale: après un siècle d'unification musulmane parfois imposée par la France, tous les Algériens de souche non israélites se perçoivent d'appartenance musulmane même si ce sentiment religieux se diversifie à l'infini d'une région à l'autre tout en se situant aux antipodes de ce qui deviendra plus tard l'islamisme. En outre, l'Armée française ne risque pas d'être tentée, comme en Indochine, par une politique de structuration des minorités: la très forte minorité kabyle est aussi la minorité qui, du moins à l'intérieur de l'Algérie, domine dans la rébellion à laquelle elle a été réduite peut-être pour ne pas avoir été plus tôt intégrée. Mais ses moeurs proches des nôtres faciliteront des rapprochements étonnants : affinités personnelles entre rebelles et officiers lors des ralliements et retournement fréquent de responsables rebelles arrêtés.

 L'objectif stratégique: la "paix française": L'objectif est clairement défini: Rétablir définitivement la paix en Algérie mais une paix française avec l'adhésion sincère et active de tous les Algériens, y compris ceux qui sont encore égarés dans les rangs de la rébellion.

Tous les Algériens, y compris ceux des rebelles qui, déposant les armes, accepteraient la "Paix des braves" proposée par le Général de Gaulle. Donc achever d' "imposer le silence aux armes" et "consolider la paix française" - le terme est répété par le Commandant en chef.

 Première ligne directrice: que les Algériens des deux communautés prennent en main le devenir économique et social de l'Algérie, en supprimant le "fossé de méfiance ...que les rebelles s'efforcent de creuser"; ce rapprochement doit concerner prioritairement les élites, géographiquement voisines dans les villes, pour qu'elles édifient "ensemble une Algérie française moderne et humaine". On trouve ici traduits en ordres militaires des termes analogues à ceux du Président du Conseil en 1958 et la même ambivalence: l'égalité entre citoyens d'Algérie mais la non moins commune appartenance à la France.

Le même ordre combiné de parvenir à l'égalité de tous les citoyens d'Algérie, dans la commune appartenance à la France, se trouvait déjà chez Salan: C'est une véritable campagne de fraternisation et de solidarité que les élus doivent lancer à travers toute l'Algérie ...[pour faire] demain d'un bloc Algérie française une identité éclatante de vérité et riche de forces nouvelles.

Dix-huit mois ont passé depuis l'accession du Général de Gaulle au pouvoir. Les Commandants en chef successifs ont pour objectif de guerre constant l'Algérie française. La politique de la France n'a donc pas changé. A moins que le Chef de l'Etat ait négligé d'informer son Commandant en chef.

 La seconde ligne directrice à laquelle l'Armée va s'attacher plus particulièrement: "transformer en partisans les populations libérées de la contrainte". D'où l'importante annexe sur les commandos de chasse.

 OBJECTIFS INTERMEDIAIRES ET DISPOSITIFS TRANSITOIRES: 

Premier objectif: protéger la population: La protection de la population implique d'atteindre le double objectif d'anéantir les bandes et les organisations clandestines "tout en maintenant la garantie des frontières" qui a encagé la rébellion; la destruction de l'O.P.A. même n'est pas suffisante si on ne la remplace pas par une "infrastructure politico - administrative ayant la confiance des populations et favorable à la France". En bref, parvenir à "faire changer la peur de camp", selon l'expression du Cardinal Salièges reprise comme idée-force dans la stratégie retenue par une commission de l'Ecole Supérieure de Guerre, et ainsi qu'on y est très tôt parvenu dans l'Algérois, dès mai - juin 1957, à la fin de la première phase de la Bataille d'Alger; la libération de la population se manifeste alors par le fait que les rebelles lui dissimulent leurs mouvements et leurs caches.

Mais la protection passive aboutirait "à une dispersion de nos moyens", ainsi que cela avait d'abord été fait lors de l'arrivée du contingent en 1956 avec l'implantation d'un quadrillage de postes. C'est pourquoi "la solution réside dans l'autoprotection de la population ...[par] la mise en autodéfense des habitants", ce qui achève d'asphyxier l'adversaire. La protection doit donc s'adapter au degré local de sécurité: protection directe là où les rebelles sont encore en force, transfert progressif de la protection à la population au fur et à mesure de son engagement auprès des troupes de pacification.

La nouvelle directive différencie les dispositifs de sécurité selon trois grands types de régions définies en fonction de leur géographie et de leur densité démographique.

Dans les villes, "le meilleur champ d'action du terrorisme" jusqu'en 1957, et dans les campagnes riches et peuplées (la Mitidja, la vallée du Chéliff, la plaine oranaise, celle de Bône), le rapport de forces est devenu "écrasant en notre faveur" grâce à la densité des garnisons militaires, à la présence de forces de police, au renfort des U.T.(Unités Territoriales), constituées par des réservistes locaux. Les bandes ont disparu, mais subsistent des organisations clandestines noyautant des organisations de surface, qu'il faut continuer de démanteler. La protection de ces régions ne relève plus que d'un dispositif de "type police-secours ".

Les montagnes présentent des caractéristiques communes: elles servent de refuge aux rebelles même si les katibas ont disparu ou ont éclaté en groupes aux effectif réduits, mais dont la dispersion facilite la survie. C'est le domaine alloué aux commandos de chasse qui traitent les zones interstitielles entre les agglomérations. Et dans les zones habitées de Kabylie à forte densité de population, les postes ont mission d'éclater en petits noyaux appuyant les auto-défenses. Dans les montagnes dépeuplées du Hodna, de l'Ouarsenis ou de l'Atlas Saharien, zones privilégiées des rebelles, "l'autodéfense de la population exigera souvent que celle-ci soit préalablement regroupée".

Enfin, sur les hautes plaines de parcours facile mais peu peuplées, la surveillance est attribuée à l'aviation, aux héliportages et aux unités motorisées, complétée auprès des tribus par des unités montées de Spahis ou de Harkis, vivant avec elles et assurant leur protection rapprochée comme lointaine.

 

Deuxième objectif: engager et guider: L'engagement de la population suppose qu'on la connaisse, l'informe, l'éduque et l'organise. On retrouve ici, adaptés à l'Algérie, les grands axes de démarche du règlement sur l'Arme Psychologique.

L'information 53 porte sur les préoccupations de la population: paix, progrès, "respect de la force, de la justice, de la dignité humaine"; sur nos buts: "l'Algérie de plus en plus française par la fraternité et le progrès". Le même thème doit être modulé selon les milieux : Tout le monde veut la paix, c'est-à-dire le retour à la vie normale, mais les hommes veulent le travail, les femmes leur évolution, les jeunes un avenir, les Musulmans leur dignité, les Européens une certitude politique, les Musulmans une détermination dans l'action.

Et selon les caractéristiques psychiques de ces milieux : La foule est passionnelle, l'individu rationnel; le Musulman aime les fables, l'Européen les faits; le Musulman a un parent dans le djebel et veut son retour sans le renier; l'Européen est l'ennemi du djebel...

L'éducation prolonge l'information, émission unilatérale, et en diffère donc puisqu'elle implique la participation du sujet. Elle comprend d'abord les "notions élémentaires d'instruction générale (lecture, écriture, calcul, hygiène...)" pour lesquelles la directive sur la pacification renvoie à des directives particulières qui l'ont précédée, la veille même. L "'éducation civique et nationale des populations" porte ensuite sur la connaissance de la France et de l'adversaire; puis sur "ce que serait l'Algérie indépendante" et "ce que sera l'Algérie française". Le programme est complété pour les responsables par des disciplines adaptées à leurs responsabilités: participation au renseignement, autodéfense, formation professionnelle, secrétariat de mairie, animation de cercles féminins. La formation spécialisée est complétée dans des centres ad hoc en Algérie et en métropole. L'éducation doit enfin s'exercer aussi bien dans l'Armée que sur les Européens; elle doit plus particulièrement viser les élites musulmanes.

 L'adaptation du dispositif militaire: La régression de la guerre militaire et le développement des activités de pacification entraînent la mise en place d'un dispositif militaire à évolution constante: d'abord pour diluer notre implantation quand la dispersion de l'ennemi le permet; puis pour confier à nos partisans la charge de la guerre résiduelle puis de la paix; enfin pour rétracter nos forces en fonction de la qualité atteinte par l'organisation populaire.

 Les unités de réserve générale, 10e et 25e D.P., Divisions parachutistes, et l1éme DI, Division d'infanterie, de plus en plus appuyées par les régiments de secteurs qui peuvent être désimplantés, conservent leur missions: les grandes opérations pour achever de réduire les dernières unités rebelles ainsi que l'alerte "Balançoire" qui les porterait à la défense de l'une ou l'autre frontière; elles-mêmes seront souvent diluées dans les zones montagneuses plus pour empêcher qu'elles ne servent de refuge aux derniers rebelles que pour protéger une population rare.

Mais les actions décentralisées prennent le pas sur les opérations avec une organisation allégée et souple, le commandement militaire territorial coïncidant rigoureusement avec les circonscriptions administratives au moment où l'activité de l'Armée se "civilise", en perdant ses unités implantées pour ne disposer que d'unités mobiles d'effectifs moindres; progressivement les secteurs ne conserveront qu'un ou deux commandos de chasse.

A l'échelon militaire le plus bas - le "Quartier de pacification" - ne subsisteront, sauf là ou existe une brigade de gendarmerie, que des forces d'origine locale: un Goum et le Maghzen de chaque S.A.S.

Une annexe 59 détaille le scénario de mise en place: le secteur exemple comprend une partie montagneuse refuge des bandes rebelles, "marquée par un commando de chasse" qui précède l'intervention d'unités de réserve générale; après leur passage et la destruction du gros de la bande, la zone montagneuse est livrée au commando de chasse (chaque commando de secteur comprenant quatre sections de vingt Harkis, chacune encadrée par un officier et huit métropolitains, sous officiers et hommes de troupe) qui s'appuie sur de nouveaux postes implantés dans l'ex zone rebelle. Parallèlement sont recrutés de nouveaux Harkis, implantées de nouvelles S.A.S. dotées de Maghzen,( Le goum du quartier est composé de 162 Harkis, 17 militaires européens, encadrés par 1 officier et 10 sous-officiers.) et relayées par des autodéfenses. Progressivement gendarmerie et police reprennent leur place et participent au système d'alerte de type "police-secours". Les S.A.S se substituent alors à l'Armée pour la responsabilité du maintien de l'ordre. Ce schéma théorique suppose l'adhésion progressive de la population dans laquelle les Harkis doivent être recrutés.

En quelques mois, les effectifs musulmans vont dépasser 200.000 hommes, permettant ainsi de confier la sécurité à des unités à dominante locale.

 L'implication de l'Armée culmine : Alors l'Armée dispose des pleins pouvoirs. Cependant elle ne s'opposera pas au retour à la séparation des pouvoirs avec le remplacement de Salan par Delouvrier, Délégué Général, et Challe, nouveau Commandant en chef. Or c'est sous le commandement de ce dernier que l'Armée entre mentalement en dissidence, parce que moralement obligée: la Directive Challe transforme tous les officiers en artisans responsables de l'Algérie française qu'ils cautionnent personnellement auprès des populations, en recrutant de surcroît des dizaines de milliers de partisans. l'Armée, avec la pacification, s'installe en Algérie, et ce ne peut être que définitivement : "une fois l'ordre et la paix partout rétablis, ...il restera, pour longtemps encore sinon toujours, à les sauvegarder".

Et elle a déjà, un an plus tôt, reçu pour consigne de ne pas se préoccuper des intentions contraires que les journalistes prêtent au pouvoir : "Nous n'avons pas à chercher dans la presse l'interprétation de la pensée du gouvernement - sauf pour y déceler les campagnes qui menacent son entreprise. Nous sommes lancés dans une entreprise de longue haleine." Les officiers sont prévenus de ne pas avoir à imaginer leurs ordres à partir des contorsions politiques de la presse parisienne même s'ils se doutent un peu, et à défaut les pieds-noirs le leur rappelleraient, comme aux barricades d'Alger en janvier 1960, qu'elles doivent bien ne pas être toutes dépourvues de signification ni de menace. Mais ils seront directement confirmés dans leur mission de paix française par le Chef des Armées, Chef de l'état, venu dire, par exemple, le 3 mars 1960, après ces barricades, à tous les officiers de la 25e D.P. réunis à Redjaz : "Achevez de prendre leurs armes aux rebelles. La France ne quittera jamais l'Algérie" .Les officiers n'ont pas pour habitude de douter de la parole d'un officier.

Et en effet les ordres exprimés par la Directive Challe ne changèrent pas, pas même après le putsch d'avril 1961.

 Toujours copieusement copié sur Nicolas Kayanakis, " Algérie 1960, la victoire trahie " Editions Atlantis, ISBN 3-932711-16-5

OPn trouve ICI le résultat de cette action, l'échec total de l'A.L.N.

 

11 décembre 1.959 :

Rien

 

 12 décembre 1.959 :

Un caboteur sous pavillon hollandais, le Jess Bosch arraisonné au large de l'algérie, portait 250 tonnes d'explosifs à destination du FLN.

 

13 décembre 1.959 :

Premier numéro du journal "l'esprit public" qui durera jusqu'en mai 1964. Ce journal, légal, est l'expression de la future O.A.S., on trouve dans son comité de rédaction de nombreux membres de cette organisation, Laudenbach, Brune, Girardet, Laurent, Marçais, Monnerot. Le rédacteur en chef est Heduy, rappelé saisi d'amour pour l'algérie. On y lit Perret, de Saint Pierre, les hussards.

  

14 décembre 1.959 :

Rien.

 

15 décembre 1.959 :

 Rien.

 

16 décembre 1.959 :

Ouverture à Tripoli du congrés du CNRA, huis clos et crépage de chignons, tous les détails ICI

 

17 décembre 1.959 :

Un agriculteur assassiné à Sétif, un juge de paix à El Millia.

 

18 décembre 1.959 :

RAS

 

19 décembre 1.959 :

RAS

 

20 décembre 1.959 :

 Sur la route entre Kerrada et Saint Pierre Saint Paul, les rebelles arrêtent la voiture de la femme de l'adjudant chef de la SAS, et l'égorgent après les viols rituels.

A Alger, coup de couteau dans le dos d'une étudiante, coup de rasoir à un coiffeur. Les deux s'en sortent. La rébellion manque tellement d'armes que l'examen de passage pour entrer dans l'ALN doit se faire à l'arme blanche, plus difficile.

L'autocar Alger - Tiaret saute sur une mine, 3 morts, 5 blessés.

Un assassiné à Lambese.

Cette fois à Rabat, et toujours pour Noël, le F.L.N. delivre trois des quatre prisonniers qu'il detenait, ne gardant qu'un otage qui ne sera rendu qu'au cessez le feu.

 

21 décembre 1.959 :

RAS

 

22 décembre 1.959 :

RAS

 

23 décembre 1.959 :

Bilan des opérations militaires, 41 rebelles hors de combat.

Le 23 décembre 1959, la 4ème compagnie du 6ème Bataillon de Tirailleurs est attaquée par un failek (bataillon) de l'ALN, sur le djebel Mzi, entre le barrage et la frontière marocaine. Frapppé à mort en même temps que son ordonnance BEN DAOUD, le sous-lieutenant BERTHAUT, commandant la compagnie par interim, trouve la force de transmettre sa position par radio et de donner ses derniers ordres. Mais les renforts sont loin. Dominés par les positions de l'ennemi, qui dispose de lances-grenades et de mitrailleuses, choqués par la mort de leur officier, les tirailleurs sont harcelés par les cris des assaillants les appelant à déserter.

C'est alors que le sergent-chef ABAD, vieux soldat couvert de palmes, relève le courage de sa section d'un anachronique "baïonnette au canon". Les voltigeurs ennemis refluent dans les rochers et refusent de repartir à l'assaut. La nuit tombée, ils décrochent vers le Maroc. Toute la journée, les tirailleurs restent maîtres du terrain, sur un tapis de douilles, avec trois tués et cinq blessés. Ils n'ont pas perdu une seule arme.

Cet épisode est révélateur de la fidélité et de l'esprit de corps de ces unités de tirailleurs, endurcis par un siècle de combats sous toutes les latitudes.

D'après Jean Brna, l'Algérianiste de mars 1995.

 

24 décembre 1.959 :

Une voiture piégée explose devant le grand magasin "les galeries de france" où la foule effectue ses derniers achats de Noël, 2 morts, 41 blessés.

Une fermière assassinée dans sa ferme.

Le train Bougie Alger saute sur une mine, plusieurs blessés.

 

25 Décembre 1.959:

Le 25 décembre 1959, le contingent de 80 premiers harkis destinés à Paris, qui vont rejoindre leurs 20 camarades recrutés sur place quitte l'Algérie pour Marseille, puis Paris. Le capitaine Montaner profite du trajet pour se rapprocher de ses hommes et les préparer à leur mission en France.

"Pendant toute la traversée, se souvient l'officier, je suis resté avec eux dans la partie du bateau qui nous était réservée. Le soir, je les ai réunis autour de moi. Je leur ai parlé de notre mission mais longuement, aussi, sur la façon misérable dont vivaient en général les musulmans en France: bidonvilles, ghettos, hôtels sordides sans commodités, caves dortoirs où des paillasses à même le sol étaient louées à la nuit. Je le faisais, parce que je savais que c'était dans ces endroits que nous accomplirions notre mission. " - Comme moi, vous serez déçus. Mais, si vous acceptez de rester avec moi, c'est pour que tout cela change. Je vous dis bien, si vous restez avec moi. Parce que, dès à présent, à chacun de vous, je donne le droit de me quitter après un mois de réflexion. Si au bout de trente jours à partir du moment où je vous parle, vous désirez retourner en Algérie, vous serez rapatriés gratuitement par avion." Tous sont restés.

D'après "Les calots bleus et la bataille de Paris" Rémy Valat, ISBN 978 2 84186 382 2

 

26 Décembre 1.959:

Rien.

 

27 Décembre 1.959:

Rien.

 

28 Décembre 1.959:

La trêve de Noël est finie, les militaires reprennent les djebels.

 

29 Décembre 1.959:

Un forage dans la région de sidi-mahdi, dans le grand sud, près de Touggourt permet de mettre en place un puits artésien qui pourra irriguer une vaste étendue de terres nouvelles.

 

30 Décembre 1.959:

Rien.

 

31 Décembre 1.959:

 2657 tués, 6447 blessés chez nous, 26339 tués, 11108 rebelles prisonniers, bilan de 59.

2200 classes ont été ouvertes, portant à 800.000 le nombre d'élèves, à peu de chose près, les primaires sont scolarisés à 100 %.