Decembre 1955

 

 

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1 décembre 1.955 :

Rien.

 

2 décembre 1.955 :

Rien.

 

3 décembre 1.955 :

Vers minuit, au douar Tameskalet (c.m. Remchi, départ. Oran), un groupe de l'A.L.N se présente chez deux cultivateurs: Benfeddal Belkheir ould ben Kaddour et Gharbi Boumedienne ould el Hadj; les militaires enfoncent la porte, maîtrisent leurs victimes et leur sectionnent totalement le nez, le premier d'un coup de couteau, le second d'un coup de rasoir, sous les yeux de leurs épouses. Recalcitrants.htm

 

4 décembre 1.955 :

Rien.

 

5 décembre 1.955 :

 Les rebelles attaquent le petit village de Lamy, au bord des Aurès, près de la frontière tunisienne. Il s'agit pour eux d'organiser des chemins de ravitaillements. Quarante tués, en majorité des musulmans pro français.

 

 6 décembre 1.955 :

Rien.

 

7 décembre 1.955 :

Rien.

 

8 décembre 1.955 :

Rien.

 

9 décembre 1.955 :

Rien.

 

10 décembre 1.955 :

 Rien.

 

 11 décembre 1.955 :

Rien.

 

12 décembre 1.955 :

Embuscade près de Guelma, un convoi militaire est détruit, 22 morts dont 2 capitaines, 8 européens et 12 soldats musulmans.

Bombes FLN à Alger dans deux cinémas de la casbah Donyasand et Olympia, 14 blessés, il s'agit pour Yacef Saadi de renforcer ses interdictions (fumer, boire de l'alcool, s'habiller à l'européenne, et dans ce cas écouter et voir les programmes radios et les films de la colonisation). ça n'empeche pas la propagande FLN, suivie comme toujours par les intellectuels français de proclamer que la premiére bombe est du 10 Août 1956 et qu'elle a été posée par les fachistes.

 

13 décembre 1.955 :

Rien.

 

14 décembre 1.955 :

Rien.

 

15 décembre 1.955 :

 A Constantine, un jeune normalien assassiné.

A Tizi-Renif, un géomètre.

A Lambéze, le frère du curé est retrouvé torturé et égorgé dans la montagne.

A Alger, des terroristes ouvrent le feu sur les clients d'un café proche de l'école normale d'instituteurs où ces derniers ont coutume de se rendre. Trois sont tués.

A Sidi bel abbés, un rebelle pénètre chez un cheminot musulman, en son absence, il viole puis égorge sa femme et sa fille.

 

16 décembre 1.955 :

RAS

 

17 décembre 1.955 :

RAS

 

18 décembre 1.955 :

Embuscade sur une route près de Bône, cinq morts.

Attaque sans succès de l'hôpital de Constantine, soit pour récupérer des médicaments soit pour camoufler le vol de médicaments pratiqué par un sympathisant.

 

19 décembre 1.955 :

Dans la nuit du 18 au 19.12.1955, au lieu-dit Tarzouit (douar Madala, c.m. Bougie) trois notables musulmans étaient assassinés par un groupe de l'A.L.N. composé de 8 soldats aux ordres de Si Arezki: Bahdache Smail ben Tahar, Haffaf Belkacem ben Ali et Boudrahen Rabah ben Ahmed. Le premier fut tué par coups de feu, les deux autres par coups de hache et leurs corps horriblement mutilés furent pendus à un olivier du village.

 

20 décembre 1.955 :

 Une bande armée sévit dans la région de Bône, les habitants des fermes isolées les abandonnent, l'inquiétude de la population est grande.

 

21 décembre 1.955 :

Violents engagements dans le Constantinois.

 

22 décembre 1.955 :

Mission d'étude envoyé par le gouvernement en algérie.

 

23 décembre 1.955 :

RAS

 

24 décembre 1.955 :

Dans son message de Noël, le pape Pie XII condamne le communisme et le colonialisme.

 Un garde forestier, sa femme et ses trois enfants sauvagement assassinés près de Sétif. On déplore les mignardises habituelles à connotation sexuelles, viol, éventration des femmes et des filles, sexe coupé du vivant des garçons.

 

25 Décembre 1.955:

un autocar est brûlé au douar Ouled Chelih.

 

26 Décembre 1.955:

Rien.

 

27 Décembre 1.955:

Un attentat contre la résidence du gouverneur général Soustelle échoue.

 

28 Décembre 1.955:

Renforts de la marine en algérie.

 

29 Décembre 1.955:

Vu les dates festives, la "mission gouvernementale de liaison et d'information" nommée par le gouvernement pour juger des plaintes en torture émises par les terroristes réalise l'exploit (que tout Alger admire) de boucler ses travaux en 24 heures.

 

30 Décembre 1.955:

Publication de la synthése mensuelle du colonel Schoen, extraits:

Gravité de la situation

Du point de vue militaire, malgré certains succès locaux de notre côté et malgré les pertes que nous avons causées à l'adversaire, la situation s'est sensiblement aggravée depuis trois mois. L'état de choses dans l'Ouest Oranais est angoissant. Dans le Nord Constantinois, certains indices laissent présager une action d'ensemble de l'adversaire, peut-être analogue à celle du 20 août 1955.

D'un peu partout, on signale que les travailleurs en France seraient rappelés par "L'Armée de Libération" pour participer prochainement à une offensive de printemps.

Les chiffres semblent rassurants: les retours ont été moins nombreux en janvier qu'au cours des années précédentes. Mais les chiffres peuvent dissimuler la réalité; il se peut que la même raison (perspective d'une offensive de printemps), qui fait revenir les "durs" décidés à prendre les armes, maintienne en France les "mous" qui veulent rester en dehors de la bagarre, ou même décide au départ ceux qui songent avant tout à leur sécurité. Quelques-uns prononcent pour cette offensive la date du 28 février, premier jour du printemps de l'année agricole arabe. Cette date semble a priori trop rapprochée, étant données les conditions atmosphériques. Il faudrait plutôt s'attendre à quelque chose en mars ou avril. Le bruit court que les trois grands chefs du FLN seraient actuellement en Algérie (Ben Bella dans l'Aurès, Boudiaf en Oranie, Mahsas en Oranie). Il s'agit de simples rumeurs, mais qui montrent qu'on s'attend, dans les milieux musulmans, à une prochaine offensive des rebelles.

Le terrorisme a sensiblement doublé depuis six mois.

Quant à la situation politique, elle est catastrophique: aucun Musulman n'ose plus se prononcer ouvertement en notre faveur.

Une solution à la tunisienne ou à la marocaine semble difficile à envisager. Nous n'avons pas ici de Sultan sur qui nous appuyer. Nous n'avons pas en face de nous de parti organisé comme l'Istiklal avec lequel nous puissions négocier, mais un mouvement prolétarien divisé en factions rivales et dont nous connaissons mal les chefs. Enfin, si nous songions à reconnaître un Etat algérien totalement ou partiellement indépendant, la présence ici d'un million d'Européens, dont de nombreux "petits blancs" poserait, pour leur protection ou leur repli, des problèmes beaucoup plus ardus que les 400.000 Européens du Maroc, pour la plupart riches ou aisés.

Pour conclure, notre organisation serait à repenser entièrement. Le formalisme, la lourdeur de nos Services, le manque de spécialistes à tous les échelons, l'inadaptation de nos lois, le manque de liaison entre autorités civiles, militaires, juridiques, rend notre système lent et inefficace à un point qu'il est difficile d'imaginer. Nous nous trouvons dans la situation tragique de voyageurs qui, surpris en auto dans un passage dangereux, et soumis au feu de l'ennemi, devraient pouvoir accélérer pour s'en sortir rapidement, mais découvrent au même moment que leur moteur bafouille et que de nombreuses pièces seraient à y remplacer.

Ce n'est pas à dire que tout soit perdu. Des facteurs favorables subsistent. Nos troupes, là où elles ont pu être maintenues un certain temps, commencent à s'adapter. Dans certaines régions, les officiers des Affaires Indigènes ou des Affaires Algériennes commencent à obtenir quelques résultats. La majorité de la population est lasse et ne demanderait qu'à revenir à nous si elle nous sentait forts et décidés. Saurons-nous très vite consentir l'effort militaire, financier et moral nécessaire en renonçant enfin aux méthodes qui nous ont conduit où nous en sommes? Tout est là.

 

Recherche des solutions

Beaucoup de gens cherchent à nous enfermer dans le dilemme: solution de force ou négociations. Examinons successivement ces deux orientations.

 

Recherche d'une solution de force

Il nous faudrait, très vite, des effectifs beaucoup plus nombreux (400.000 hommes au moins, nous serions plutôt tentés de dire 500.000), des troupes plus rustiques, un commandement plus homogène ( La superposition des autorités civiles et militaires est source de fâcheuses lenteurs et complications. Par exemple, la rive gauche de la Soummam, qui fait partie du département de Constantine, était, à un moment donné, rattachée militairement à Tizi-Ouzou. La chaîne hiérarchique était la suivante : Gouvernement Général - Préfet de Constantine - Préfet chef de l'arrondissement de Tizj-Ouzou - Général commandant la division opérationnelle à Tizi-Ouzou - chefs d'unités.) avec aussi l'état de siège (qui permettrait de légaliser les internements et de censurer la presse) et même, si possible, des cours martiales (à réintroduire dans notre code).

Il nous faudrait renoncer à certaines méthodes administratives inadéquates, à certaines règles juridiques. Nous respectons (dans une large mesure) nos lois, alors que nos adversaires n'ont aucun scrupule de ce genre. C'est pour nous un handicap énorme. N'est-il pas invraisemblable, par exemple, que notre presse apporte chaque jour (inconsciemment le plus souvent) son appui à nos adversaires, au moins par la publicité qu'elle leur fait? Par l'étendue des zones contaminées, par l'importance des effectifs mis en jeu de notre côté, par l'acharnement de nos adversaires, il s'agit bel et bien d'une guerre. La poursuite d'une guerre est incompatible avec le fonctionnement normal des institutions démocratiques. 11- faudrait ouvrir les yeux devant cette réalité.

Pas question pour cela de répression aveugle: il est permis de penser au contraire que des troupes surabondantes seraient moins nerveuses, qu'un commandement plus efficace serait mieux capable de prévenir les erreurs ou les excès des exécutants, que l'existence de cours martiales entraînerait moins d'exécutions sommaires.

 

Négociations ?

Il est à craindre que cette voie soit "à sens unique" et que nos derniers amis, quand ils sauront que nous négocions, ne se découragent et ne s'orientent, s'il en est encore temps pour eux, vers nos adversaires. Il paraît difficile de négocier avec les élus actuels: les pouvoirs des députés algériens sont périmés; la plupart des délégués se sont ralliés au "groupe des 61" qui a refusé d'examiner le "Plan Soustelle"; certains ont démissionné (31 délégués seulement du 2ème collège (sur 60) étaient présents, le 22 février (1956), au discours du ministre résidant devant l'Assemblée Algérienne).

D'éventuelles élections, dans le climat actuel, sont impossibles à concevoir: il faudrait un courage surhumain aux modérés pour se présenter car ils risqueraient d'être abattus.

Si l'on songeait à négocier avec les rebelles (FLN ou MNA), il serait prudent en tout cas, pour commencer, de ne tâter le terrain qu'avec le maximum de secret, par des personnes interposées que l'on pourrait désavouer. Au surplus, serait-on même décidé à transiger qu'il faudrait néanmoins renforcer au maximum notre dispositif militaire, pour négocier, dans toute la mesure du possible "du fort au faible".

 

Combinaison de l'action Politique et de l'action militaire

C'était la formule réaliste de Lyautey et ce doit être la nôtre. Il convient donc, à notre avis, que "la France se batte en Algérie" (comme l'a dit M. Guy Mollet), avec une volonté et des moyens largement accrus, mais que, simultanément, nous menions une action politique:

- auprès de nos amis hésitants, par des contacts incessants et un soutien plus large; -

- auprès des nationalistes modérés, par des échanges de vue et des réformes;

- auprès des rebelles, au moyen de sondages discrets par personnes interposées;

- auprès de tous par une véritable action psychologique, qui devrait commencer par la diffusion du recueil illustré de nos "Directives Politiques" (cela réduirait à néant bien des légendes sur notre prétendu machiavélisme) et continuer par la création d'une presse d'union franco-musulmane (dans les deux langues);

- auprès de la masse, par des mesures efficaces pour améliorer son sort, et en premier lieu par une lutte active contre le chômage (qui est la plus grave plaie de ce pays).

 

Il serait vain d'attendre un appui efficace des modérés (dont la plupart ont montré leur lâcheté), des marabouts (inorganisés), etc.. Tous ces personnages sont dépassés.

Des ulémas, et de l'U.D.M.A., nous ne pouvons espérer, dans les meilleures conditions, et par de larges réformes, qu'une hostilité atténuée et, en cas d'éventuelles négociations, leurs "bons offices" comme tiers modérateurs.

Alors, que reste-t-il? Il reste toute la jeunesse (54% de la population de ce pays a moins de 20 ans) qui, dans sa majeure_partie, si elle penche vers la rébellion, n'y a néanmoins pas encore adhéré, et pourrait sans doute être ramenée à nous si nous lui "rendions l'espérance" selon la belle parole de M. Lacoste.

Les jeunes sans emploi (18 à 25 ans) sont des dizaines de mille. Ce sont eux qui constituent le réservoir de l'armée rebelle: Il faudrait les utiliser à des travaux faciles en douars (pistes, points d'eau, salles de visites, écoles rustiques, etc.) et, simultanément, leur faire de "l'éducation de base". Il y aurait là une sorte de "Service du travail" à organiser, ou des "Unités de pionniers".

Par cette formule ou par toute autre à déterminer (plusieurs pourraient d'ailleurs être mises en oeuvre concurremment), il est en tout cas nécessaire de prendre en mains la jeunesse, car c'est en elle qu'est l'avenir. Nos adversaires l'ont compris. De nombreuses bonnes volontés se trouveront certainement, tant en Algérie qu'en France, dans l'armée et chez les civils, pour participer à cette oeuvre de salut. De jeunes métropolitains du contingent, une fois formés militairement en France, et sélectionnés, pourraient participer à l'encadrement des jeunes musulmans, ce qui se rencontrerait heureusement avec l'idée récemment lancée par M. Max Lejeune de faire passer douze mois en Algérie à tout le contingent métropolitain.

fin de citation.

 

 

31 Décembre 1.955:

 347 tués, 1374 blessés chez nous, 2820 tués, 1814 rebelles prisonniers.

68 condamnés à mort, une seule exécution.

Les services de renseignements estiment à 8000 hommes, armés d'armes de guerre, la force de l'A.L.N. sur le territoire algérien.

4500 musulmans sont assassinés du 1er novembre 1954 au 1er février 1956, 2500 ont disparu qui ont sans doute subi le même sort, sans compter ceux pour lesquels les familles terrorisées se gardent bien de porter plainte. La population musulmane du bled sait que la suspicion pèse sur tous les hommes et sur toutes les femmes de tout âge s'adressant aux autorités légales pour quelque motif que ce soit. Il n'existe à l'époque ni autodéfense, ni harkas, ni groupes mobiles de sécurité qui puissent justifier d'une accusation systématique de collaboration avec les Français. Il s'agit tout simplement de dissuader par la terreur la population musulmane de toutes relations avec les autorités légales. Les gardes forestiers, premiers objectifs des rebelles, les instituteurs du bled, se replient sur les centres.